dimanche 16 décembre 2012

Arsenal VB 10 : Sept ans trop tard ! (Modifié le 02 / 07 / 2023 ***)





Document personnel de l'auteur - Vision artistique du VB 10 publiée dans le journal L'Air (05-11-1947)
Un aspect plutôt impressionnant !




Le VB 10 était un chasseur bimoteur en cours de construction au début de la guerre. 

Cet authentique bimoteur ne ressemblait absolument pas aux autres tels qu'on les concevait à la fin des années 30 : Il pouvait vraiment passer pour un monomoteur de Chasse.




Arsenal VB 10 de série - photo récupérée sur le site Aviafrance où se trouve sa fiche technique - 
On voit ici l'alignement presque parfait - donc catastrophique - de tous les contributeurs du maître couple (radiateur, cockpit, voilure) !



Mis au point rapidement, il aurait vraiment pu être un très grand succès. Lorsqu'il fut construit en série, dix ans après, c'était évidemment bien trop tard.

C'est donc une histoire compliquée.

(Mes sources sont : Un article sur le VB 10 de A. Marchand et M. Bénichou, Fana de l'Aviation n° 246 de 1990, le Docavia 28 : les avions de combat Français, 1944 à 1960, volume 1, le Docavia 34 : les avions Latécoère)




Comment détruire une industrie vitale pour la Nation


Cet avion avait été pensé en 1936-37 pour "pallier le manque de puissance des moteurs Français".

Les lamentations sur le problème de la puissance des moteurs Français étaient (et sont toujours) une préoccupation récurrente des médias et des utilisateurs Français depuis les années qui ont suivi la fin de la Première Guerre Mondiale (et, bien sûr, c'est encore repris depuis 50 ans par la presse automobile... pour rouler à 130 km/h tout en augmentant toujours notre facture pétrolière).

Pourtant, avant et pendant toute la Grande Guerre, les seuls moteurs puissants et fiables étaient Français qui tenaient largement le haut du pavé.

Bien sûr, ces moteurs : Clerget, Delahaye, Gnome et Rhône, Hispano-Suiza, Lorraine, Peugeot, Renault, Salmson, etc, étaient produits par des bureaux d'études de très haut niveau qui appartenaient à des entreprises qui investissaient intelligemment.


Alors, pensez-vous,  pas de problèmes, puisque nous avions les meilleurs cartes en mains ?

Oui, sauf que nos politiques de cette période n'étaient plus les grandes âmes qui avaient réussi à tenir le pays contre vents et marées, mais juste des démagogues, à une ou deux exception près.

Après 4 années de guerre, la France était exsangue et les destructions menées systématiquement, lors de leur repli, par les armées Allemandes dans le Nord occupé, l'avaient ruinée.

Dans le même temps, les incessantes demandes de remboursement des prêts consentis par les USA n'arrangeaient en rien nos affaires.


Il fallait trouver de l'argent.

Naturellement, les politiciens - en cette lointaine époque des années 20 -  n'imaginaient pas une seconde réduire leurs dépenses, pas plus qu'ils ne cherchaient à développer davantage la conquête des marchés internationaux.

La voie fiscale était bien plus tentante, et il y avait une victime expiatoire à taxer aussitôt : De très vilaines entreprises qui, ayant gagné de l'argent en sauvant la Patrie de sa fin préméditée par Guillaume II, furent aussitôt livrées à la vindicte publique par voie de presse sous la dénomination commode de "marchands de canons".

Il n'est pas impossible que ce type de slogan ait été suggéré à des pacifistes sincères (mais naïfs) par des agents Allemands de l'Abwehr infiltrés dès après le traité de Versailles.

Evidemment, ce genre de comportement ne peut se voir qu'en France.

A l'étranger, des entreprises comme Boeing, Fiat, Ford, General Motors, Lockheed, Mercedes, MIG, Mitsubishi, Porsche et Rolls-Royce ont été, ou sont encore, des "marchands de canons" !

Leurs pays en sont fiers et ils ont bien raison.

Car cela tient les emplois et l'indépendance nationale.


Un politicien ne peut pas créer un moteur puissant d'un simple claquement de doigt ! Dommage...


Certaines des entreprises Françaises victimes de cette politique en sont mortes, car ces taxations interdisaient les investissements productifs dont elles avaient un urgent besoin.

Les élus de l'époque, il y a 90 ans, n'avaient aucune idée de ce qu'était le temps de développement d'un moteur (plusieurs années étaient déjà nécessaires).


Une parfaite illustration fut donnée par la Coupe Schneider, LA course de vitesse pour hydravions.
Un immense prestige y étant attaché, les pays technologiquement les plus développés y participèrent (France, Italie, Grande-Bretagne et USA).

Si la France pouvait gagner lors du redémarrage, puisque ses avions détenaient tous les records mondiaux de vitesse, le manque de financement ne permit pas de s'y maintenir. Puis, le prestige en devenant chaque année plus évident, nous décidâmes - très tardivement - de participer à la compétition.

Détail significatif, entre temps, les moteurs de course étaient passés de 400 ou 500 Cv en 1924 à plus de 1400 Cv en 1928.

A cette dernière date, un chasseur de 500 Cv était un avion très puissant.

Donc un ministre passa commande de moteurs d'une puissance un peu supérieure à  ceux des derniers vainqueurs juste un an (voire moins) avant la course. Il en fit de même pour les avions auquel ce moteur était destiné.

Le moteur Hispano-Suiza 18 cylindres en W, dont la construction avait été lancée pour l'épreuve de 1929 ne fut, bien sûr, pas prêt à temps.

Nous recommençâmes exactement de la même façon pour 1931.

Les moteurs Renault et Lorraine Radium de 2 200 à 3 000 Cv, mis en chantier juste quelques mois avant, n'étaient évidemment pas du tout en situation de concourir.

De toute façon, aucun des avions qui leur étaient promis n'était au point, car personne n'avait eu l'idée de les mettre au point aérodynamiquement avant.

En 1931, l'Hispano 18 W donnait environ 1 600 Cv, deux ans trop tard, une puissance insuffisante pour gagner mais permettant un classement non ridicule (voire même, obligeant les Britanniques à forcer un peu sur leurs mécaniques, ce qui aurait pu, avec beaucoup de chance, les amener à casser).

Le meilleur des avions restants, le Bernard HV 120, probablement construit au rabais, volant dans les conditions de la course à une vitesse de l'ordre de 530 km/h - vitesse effarante à l'époque - à moins de 100 m d'altitude, percuta la surface de l'eau après la perte d'un élément de structure en tuant son pilote Georges Bougault.

Tout cela montrait bien le temps nécessaire à la mise au point d'un moteur de haute puissance !


Les moteurs ne poussent pas assez, j'en accouple deux !


Rolls-Royce avait sorti en 1935-36 (à grand frais et après avoir connu moult problèmes de fiabilité qui ne furent réglés que peu avant la guerre) son Merlin de 1 030 Cv (sa plus grande réussite).

Dans le même temps, le motoriste Français Hispano-Suiza, occupé par ses moteurs en étoile, avait un peu négligé ses moteurs 12Y dont la puissance qui ne dépassait donc pas encore 900 Cv .

Pour sortir radicalement du problème, l'ingénieur qui dirigeait l'Arsenal de l'Aéronautique, Michel Vernisse avait conçu une transmission à joints homocinétiques (dérivés sophistiqués du fameux cardan) pour coupler 2 moteurs en tandem.

Il est parfaitement évident qu'il avait été nettement inspiré par le montage du moteur Fiat AS 6 de 3 000 Cv qui avait permis à l'hydravion Italien Macchi-Castoldi MC 72 de porter le record de vitesse mondial à 709 km/h.



Moteur Fiat AS 6 de 3100 Cv


La solution Italienne était plus légère mais offrait moins de souplesse dans la distribution des masses de l'avion.

Au départ, Vernisse voulait motoriser un quadrimoteur dont la traînée aurait été alors réduite à celle d'un bimoteur.



Les ébauches


L'ingénieur Jean Galtier, ancien de la Société des Avions Bernard, était prêt à tenter la réalisation d'un monoplace de chasse bimoteur à un seul fuselage en utilisant cette formule.

L'idée était révolutionnaire, puisque, je l'ai dit précédemment, les bimoteurs classiques présentaient toujours 3 fuselages (celui de l'équipage, plus ceux des fuseaux moteurs).

Passer à un seul fuselage, c'était avoir une traînée équivalente à celle d'un monomoteur monoplace de chasse avec une puissance double, ce qui devait aboutir, théoriquement, à augmenter la vitesse possible de 20 à 26 % suivant la qualité de la réalisation.

Donc, modifier de cette manière un avion déjà apte à 500 km/h avec un seul moteur devait lui assurer une vitesse de plus de 610 km/h en lui accouplant un moteur identique.


Galtier avait travaillé avec Louis Béchereau (créateur des SPAD de Guynemer et de Fonck) à la conception d'un très joli monoplace en bois, le Bernard 20 de chasse qui passait, sans compresseur, les 320 km/h à la fin des années 20 avec 400 Cv seulement.

Depuis, il avait malheureusement gardé la religion du bois, qu'il gardera jusqu'en 1948.

{Sources : Les Ailes, du 6 octobre 1938}

En Janvier 1937, il proposa donc à l'ingénieur-général Vernisse de créer 2 avions en bois :

  • Le  bimoteur de chasse VG 10 qui aurait utilisé 2 moteurs Hispano 12 Y de 860 Cv.
  • Le monomoteur VG 30 (Vernisse-Galtier 30) qui servirait de maquette aérodynamique au premier.

Le bimoteur aurait donné un chasseur de 1720 Cv et une surface alaire de 26 m², pour une masse prévue de 3400 kg. La vitesse estimée était de 650 km/h.

D'après ce que l'on peut en lire, la structure choisie était l'exacte préfiguration du VB 10-01 et plaçait le pilote entre les 2 moteurs.



Le VG 30, quant à lui, fut construit et atteignit 485 km/h sans avoir tiré entièrement partie de sa formule, mais il donna naissance au VG 33 qui fut une réussite (si le VG 30 avait prit la forme exacte de ce dernier, il aurait nettement passé les 500 km/h).

Le VG 10, lui, ne fut pas construit pour je ne sais quelle raison, mais c'est bien dommage car il lui aurait été possible d'atteindre entre 620 et 650 km/h.


On avait sans doute voulu un avion plus puissant, plus armé, donc plus lourd, en suivant toujours la même illusion du Géant Invincible que j'ai dénoncé dans le cas du SE 100.

Puis on abandonna la structure en bois au profit d'une structure en métal.

L'ingénieur Badie (le B du VB 10) justifia ce choix en affirmant que  le bois eut été impropre à tenir les efforts subis par un avion de ce genre.

Pour ceux qui croiraient ce genre de billevesées, je les renvoie aux pages Wikipedia concernant le bimoteur De Havilland Mosquito, ils seront édifiés. 

Le bois peut beaucoup, à la seule condition que la qualité des colles soit irréprochable. Je rappelle aussi que le Hughes H-4 Hercules (ou Spruce Goose) de 180 tonnes au décollage en 1947 était en bois et qu'il était mû par 8 moteurs de 4 000 Cv ! 

Des efforts légèrement supérieurs à ceux du VB 10, Mr Badie !


Il fallait, dans la pratique du "pourquoi faire simple lorsque l'on peut faire compliqué", employer le nouveau prototype de moteur Hispano-Suiza 12 Z, qui commençait tout juste à tourner au banc, ce qui allait avoir des conséquences très négatives (on retrouve ici la même idée stupide qui avait déjà causé les énormes problèmes des bombardiers B4).

Personne ne semblait comprendre qu'il fallait avant tout expérimenter avec des moteurs parfaitement connus pour voir tous les pièges associés à l'accouplement des moteurs (à toutes fins utiles, je rappelle qu'en cette lointaine époque les ordinateurs n'existaient pas et que le formidable logiciel Catia n'était même pas dans les limbes).

Au passage, Galtier fut laissé de côté pour décliner ses monomoteurs en bois. Peut-être était-ce le vrai but du passage au tout métal...



Le VB 10 réel


La réalisation du VB 10 fut lancée, semble-t-il, pendant l'année 1939, ralentie par nombre d'hésitations et autres questions métaphysiques.

Le rythme de travail ne devait pas non plus être affolant.

Une commande substantielle fut pourtant passée peu avant notre défaite.

Plusieurs dizaines d'heures d'essais au banc montrèrent que la transmission Vernisse se comportait sans problème.

Après la défaite, l'Arsenal passa de Villacoublay - zone occupée - à Villeurbanne - zone dite "libre" - mais le souci de l'ingénieur Vernisse fut de garder le maximum de personnes autour de lui pour éviter la dispersion du bureau d'étude puis, après Novembre 1942, la déportation en Allemagne (STO). 

Beaucoup d'études furent donc réalisées sans véritable but pratique.


Un banc d'essai pour les moteurs fut cependant réalisé par Latécoère à partir d'une cellule de Laté 299 - devenu Laté 299 A - dont les dimensions étaient comparables.

L'engin fut construit en 1942, suivant un plan différent de celui du VB 10, puisque pilote et mécanicien étaient situés en arrière du groupement des 2 moteurs. 

L'avion a fait quelques lignes droites et vola probablement un peu - suivant la lecture que l'on fait des propos de l'ingénieur Pichon - avant d'être mis en pylône !
Mais l'avion fut détruit dans un bombardement.

Les valeurs de vitesse attendues (avec des moteurs HS 12Y31) étaient de l'ordre de 470 km/h à 4 000 m avec également de vraiment bonnes performances ascensionnelles.

Il faut dire que la masse de ce démonstrateur ne dépassait pas 5 tonnes au décollage (ce qui souligne, au passage, la remarquable compétence de l'ingénieur Moine de chez Latécoère).


A la Libération, l'Arsenal reprit sa place normale mais la production industrielle était devenue comateuse, les Allemands avaient vidé systématiquement nos usines des machines-outils achetées à grand frais aux USA de 1938 à 1940 et nos Alliés avaient systématiquement bombardé toutes nos usines...

Donc les équipements n'arrivaient qu'au compte-goutte et ils étaient souvent défectueux.

Tous les bureaux d'études restés en friche devaient se remettre au travail et il leur fallu plusieurs années avant de réussir le premier avion de chasse digne de ce nom, le Dassault 450 Ouragan.


Toujours est-il que le VB 10-01 vola pour la première fois le 7 Juillet 1945, ce qui était - quand même - un petit miracle.




Document original de l'auteur - Architecture motrice du VB 10 - l'hélice avant est mue par
le moteur arrière via la transmission Vernisse (en bleu); le pilote est entre les 2 moteurs..
.


L'avion se révéla stable et il volait à 490 km/h au niveau de la mer, ce qui présageait d'environ 600 km/h en altitude. Comme les moteurs n'avaient pas atteint leur puissance maximale, on pensait pouvoir tabler sur environ 700 km/h lorsque l'avion serait opérationnel.

La réalité fut moins brillante.


Bien sûr, on avait voulu garantir au VB 10 "la puissance de feu d'un croiseur et des flingues de concours" comme l'eut dit le regretté Michel Audiard : 4 canons de 20 mm + 6 mitrailleuses de 12.7 mm, rien que cela !

Ensuite, il fallait un accès à la mécanique très aisé. Donc, on avait ménagé de grandes trappes de visite qui, ne participant pas à la rigidité de la structure, imposaient des renforts, donc un alourdissement de l'avion.

Le revêtement faisait appel à des plaques de tôles rigidifiées par de la tôle ondulée fine : Je n'ai pas l'impression que le bilan de masses s'en soit bien porté.

L'avion de série pesait donc 6 200 kg à vide - une tonne de plus que le démonstrateur de Latécoère au décollage ! - et jusqu'à 8 000 kg au décollage (le poids d'un Amiot 354 !).

Personne ne donne la masse de la transmission Vernisse. Je doute qu'elle ait été légère.


Résultat de cette obésité, l'avion de série gagnait peu de vitesse sur le prototype, il était lourd en profondeur et aux ailerons, demandant au pilote la force d'un véritable haltérophile.

Il décrochait brutalement à 140 km/h tout réduit et à 115 km/h plein gaz (ce sont, malgré tout, des vitesses remarquablement faibles pour un avion de cette masse).

Une vitesse en piqué (in dive) de 883 km/h fut obtenue en altitude {732 km/h au Badin (IAS)}.

La vitesse ascensionnelle était très médiocre, de l'ordre de 10 m/s, soit celle du Morane 406 !


A 500 km/h au Badin, ce qui correspondait déjà à une forte vitesse, l'empennage souffrait de vibrations (flutter) qui auraient pu être évitées par une reprise complète de la conception des raccords Karman ou un déplacement vertical de l'empennage.

Ce qui est inquiétant, c'est que le produit phare de l'Arsenal, produit trois ans plus tard, le VG 90, connu deux accidents mortels pour cette même raison, qui entraînèrent la disparition de l'entreprise, dont le bureau d'étude se retrouva ensuite dans Nord-Aviation.

On découvrit aussi une direction trop efficace, potentiellement dangereuse en phase d'atterrissage.


D'autres problèmes également dangereux apparurent peu à peu pendant les essais : Les moteurs chauffaient et, surtout, ils interagissaient l'un sur l'autre, créant des phénomènes de battements extrêmement désagréables, liés probablement au couplage des fréquences d'admission d'air dans les compresseurs.

Pour réduire les battements, il eut probablement fallu récupérer l'air nécessaire au moteur arrière par une prise d'air située au bord d'attaque d'une des ailes en dehors du cercle balayé par les hélices.

Plusieurs dizaines d'exemplaires de VB 10 furent quand même construits mais ils n'entrèrent jamais en service après plusieurs accidents dont le dernier avait entraîné la mort d'un pilote d'essai.


Israël, qui débutait la constitution de son armée de l'air, se montra intéressé par le VB 10, mais en fut peut être dissuadé. 

Pourtant, l'avion aurait pu être mis au point.

A l'époque, Israël était en bon terme avec l'URSS et aurait probablement pu obtenir des moteurs Klimov PF 105 beaucoup moins lourds, bien au point et de performances comparables.

L'avion aurait été bien meilleur avec juste 2 canons de 20 mm et 2 mitrailleuses de 12.7 mm.


Tout chasseur est un compromis

Vouloir tout choisir en même temps conduit invariablement à l'échec.

En réalité, cet avion avait été vu bien trop grand par l'ingénieur Vernisse et ses camarades.

Ils voulaient la puissance de feu, l'autonomie, la maniabilité. Ils n'ont gardé que la puissance de feu.

Le VG 10 de 3 400 kg à vide était sûrement la meilleur solution réalisable à condition de conserver les Hispano 12X. 

Il fallait garder une surface alaire comparable à celle de l'Hanriot NC 600, soit 22 m².


Le bilan de masse a dû commencer à devenir ingérable lorsqu'il fut question de les remplacer par des 12Y, plus puissants et plus lourds de 100 kg environ, et qu'en plus on a probablement voulu un armement plus foudroyant.

Devenu VB 10, Vernisse et Badie avaient augmenté inconsidérément la surface alaire jusqu'à 35.5 m², valeur de 3 m² supérieure à celle du Potez 631 !

Le Bréguet 697 de 5 tonnes au décollage était porté par une voilure de 28 m² !

Cette immense voilure impliquait obligatoirement une traînée surnuméraire que rien n'imposait et aurait nécessité d'employer des servo-commandes qui devaient déjà exister chez René Leduc.



L'article de Marchand et Bénichou, dans le Fana en 1990, donne des informations très intéressantes.

Malheureusement, il ne replace pas le VB 10 dans le contexte pour lequel il avait été conçu : L'Armée de l'Air de 1940 - 1941.

Il montre que l'avion de 1948 n'était pas dans le coup, ce qui n'a rien d'étonnant. Mais qu'eut-il donné face aux avions Allemands de son époque réelle ?

Si on s'y replace, et une fois les problèmes de battements résolus, cet avion aurait certainement été bien plus approprié aux conditions de combats du moment. 

Il eut représenté une avancée comparable à celle du Dornier 335, mais 3 ans plus tôt.

Moins maniable que le Messerschmitt 109 F, il aurait eu un rayon d'action nettement supérieur et un armement plus puissant pour une vitesse comparable, voire un peu supérieure.

Il aurait donc pu jouer un rôle de projection à longue distance (qui fut l'apanage des Mosquito Britanniques).


Une utilisation intéressante du système moteur du VB 10 fut présentée au Salon de Bruxelles en 1939: Le quadrimoteur NC 110 de bombardement à long rayon d'action, qui ressemblait à un NC 150 affiné. 

Disposant d'une puissance double pour une traînée assez peu augmentée - avion plus allongé, fuseaux moteurs plus fins pour un maître couple peu augmenté - la vitesse de pointe aurait probablement dépassé les 700 km/h (le calcul donne presque 756 km/h, mais le rendement des hélices n'aurait sûrement pas suivi).

La vitesse croisière d'un tel engin (de l'ordre de 600 km/h) aurait rendu son interception bien difficile, même à la fin de la guerre !











7 commentaires:

  1. Bonjour,

    "Naturellement, les politiciens - en cette lointaine époque des années 20 - n'imaginaient pas une seconde réduire leurs dépenses, pas plus qu'ils ne cherchaient à développer davantage la conquête des marchés internationaux."

    J'ai l'impression que cette phrase est bien trop anachronique !
    Je ne suis pas un spécialiste de l'état des années 20 mais l'état providence n'étant pas encore inventé (après seconde guerre mondiale) il me semble que le "gras" sur lequel la IIIeme république aurait pu économiser était le budget militaire... ce n'était peut être pas non plus le bon moment.
    Quant à chercher des marchés extérieurs ce n'était pas le travail de l'état mais celui des industriels qui vivaient douillettement sur le marché intérieur.

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  2. Si je suis d'accord avec vous sur le fait que l'Etat Providence est postérieur à 1945, le "gras" était militaire (je pense aux fortunes dépensées en pure perte à la construction de Grosses Berthas), il était aussi autre (construction de la base de Mers-el-Kébir, expositions coloniale de 1931 puis internationale de 1937, prébendes multiples et variées).

    Je pense que l'état doit favoriser ses exportations en aidant ses chefs d'entreprise à comprendre le marché mondiale. Les Britanniques, les Allemands et les Italiens le faisaient remarquablement à cette époque. Pourquoi pas nous ?

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    1. Pour préciser ma pensée, je rappelle que la France a soutenu 2 guerres coloniales : la guerre du Rif au Maroc et celle de Syrie. Toutes les 2 terminées en 1925.
      Par ailleurs, la construction de la Marine par Georges Leygues (42% du budget militaire) a été ruineuse mais entièrement soutendu par le lobby colonial dénoncé sans relache par Clémenceau et très bien décrit par Marcel Pagnol dans sa pièce Topaze.

      Quant aux marchés extérieurs, Colbert l'avait bien fait...

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  3. Deux anecdotes en complément du préambule…

    La première concerne l’impôt sur les profits de guerre, qui fit des ravages dans la production aéronautique française.

    Gnome et Rhône se vit réclamer des sommes pharamineuses qui plombérent sa trésorerie au moment précis où sa production s’effondrait – d’où l’éviction des fondateurs en 1920 au profit du pool financier dirigé par le banquier Weiller. Mais d’après Mousseau, les sommes rappelées furent discrètement passées dans les frais d’exploitation, ce qui fit faire quelques économies…

    Blériot, quand à lui, était toujours en délicatesse avec le Trésor lors de son décès en 1936.

    Mais le pire se passa chez Clerget & Blin, qui avaient fabriqué durant la Grande Guerre les meilleurs moteurs rotatifs. En recevant « la note », Blin se suicida et Clerget n’eut d’autre alternative que de donner tout ce qu’il lui restait à l’Etat, pour qui il travailla jusqu’à la fin de ses jours – avec un certain succès, il est vrai, dans le domaine du Diesel…


    L’autre anecdote concerne la coupe Schneider, et montre que l’Angleterre faillit manquer la victoire…

    A la fin des années 20, la coupe se courait tous les deux ans, dans le pays qui avait remporté la victoire précédente (il fallait remporter la coupe trois années de suite pour être déclaré vainqueur définitif).

    En septembre 1927, l’Angleterre avait gagné et Reginald Mitchell, qui dirigeait le bureau d’études de Supermarine, pensa que le Napier Lion (850 ch) victorieux serait tout à fait insuffisant deux ans plus tard. Il s’en ouvrit à George Purvis Bulman, directeur de la section « moteurs » auprès du Secrétariat d’Etat à l’Air, et les pensées des deux ingénieurs se tournérent vers le Rolls-Royce Buzzard qui semblait avoir des capacités d’évolution très importantes.

    Donc en Janvier 1928, Samuel Hoare, secrétaire d’Etat à l’Air, assisté de Bulman, convoqua dans son bureau le directeur général de Rolls Royce – un personnage assez falot, dont Bulman tait pudiquement le nom, et qui succédait au brillant co-fondateur de la firme Claude Johnson, mort en 1926.

    Hoare et Bulman expliquèrent à leur interlocuteur ce qu’ils attendaient de lui, mais plus leurs demandes étaient pressantes, plus le malheureux se tassait, et à la fin il exposa sur un ton plaintif que la course n’était pas dans l’esprit de sa maison, que la firme Rolls-Royce devait toute sa gloire au sérieux et à la qualité de sa production, qu’en aucun cas il pourrait être envisagé de s’engager dans une aventure aussi hasardeuse qu’une compétition, et que le Ministère de l’Air prenait de grandes responsabilités en faisant de telles propositions à une maison aussi honorablement connue que Rolls-Royce et en l’engageant dans une voie qui pouvait éventuellement mener à l’échec et ruiner la réputation du pays et de son industrie…

    Là-dessus, Bulman exaspéré laissa tomber : « Quel c …!!! ».

    Il y eu bien évidemment un long silence, rompu par Hoare qui hurla « Je vous ORDONNE de construire ce moteur. Mes services se mettront en rapport avec les vôtres pour les détails. Au revoir. »

    Quand les deux hommes furent seuls, Hoare se tourna vers Bulman en disant « Merci d’avoir résumé de façon si claire notre entretien… ».

    On sait la suite : la France pas plus prête en 1929 qu’en 1931, l’Italie ratant sa mise au point en 1929, les USA sortis de la course, l’Angleterre fut déclarée vainqueur en 1931.. et le profit technologique pour Supermarine comme pour Rolls-Royce fut immense !

    Cordialement,

    Alain Breton

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  4. Et pour traiter du VB10, une petite remarque, j'ai toujours été très étonné des nombreux clichés montrant l'avion couvert de salissures d'échappement sur le fuselage... Ces marques bien sales et bien grasses démontrent que les 12Z ne fonctionnaient pas très bien (mauvaise carburation, remontées d'huile, etc.).

    Essayer un prototype avec des moteurs qui ne sont pas au point, je crois que la France détient un record dans ce genre d'acrobatie !

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    1. Pour la période qui va de fin 1938 à Juin 1940, je me demanderais jusqu'au bout pourquoi on n'a pas utilisé l'Hispano 12Y51 qui volait sur un Morane 405, sur les protos de Morane 450, sur le D 550, puis, tardivement, sur le D 523. Il ne chauffait pas particulièrement.
      Mis sur le VB 10, il lui eut permis des essais plus détendus et plus précis.
      Le 12Z semble avoir été "jouable" sur l'Arsenal VG 39, même si la puissance développée ne semble pas y avoir vraiment atteint le 1200 Cv.

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  5. Bonsoir.

    Le 12Z n'était pas seulement la version 4 soupapes du 12Y, c'était aussi un moteur sur lequel le fils de Marc Birkigt, Louis, avait installé un système de "balayage différentiel" qui faisait souffler dans les cylindres un jet d'air pur, non carburé, pendant qu'un autre circuit admettait l'air carburé... La mise au point de tout ceci demandait sans doute du temps, elle ne fut jamais vraiment réalisée, d'autant que, par une surprenante incohérence, le motoriste allait rapidement adopter un système d'injection directe qui rendait l'idée de départ périmée...

    Quand au 12Y51, je n'ai pas sa date précise de sortie et d'homologation. Les toutes premières versions sortirent avec un compresseur Hispano, le montage du Planiol-Szydlowski fut plus tardif.

    De toutes façons, on en reste à ce curieux constat : au lendemain de la crise de Munich, les deux grands motoristes semblent pris au dépourvu, ils n'ont rien dans les cartons pour remplacer au pied levé leurs 14N et 12Y, sinon des moteurs expérimentaux non au point. Pour mémoire, les Anglais faisaient tourner depuis 1937 le Rolls-Royce Vulture (1750 ch) et début 1938 le Centaurus (1850 ch au début...).

    Cordialement,

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