La maison Hanriot
La maison Hanriot, créée en 1913, se fit connaître entre 1916 et 1918 par ses monoplaces de chasse HD 1, maniables, sûrs et performants.
Mais, une dizaine d'années plus tard, cette entreprise était devenue la tête de Turc du Service Technique de l'Aéronautique.
Mais, une dizaine d'années plus tard, cette entreprise était devenue la tête de Turc du Service Technique de l'Aéronautique.
Certes, comme la plupart des autres constructeurs, il lui était arrivé de produire des avions très moyens, en particulier pendant les années 20.
Mais, par la suite, elle avait depuis des avions remarquables comme les Hanriot de course en bois et toile H 41 et H 42, puis les derniers racers H 130 et H 131 qui avaient des ailes elliptiques et dont la structure était essentiellement métallique.
Mais, par la suite, elle avait depuis des avions remarquables comme les Hanriot de course en bois et toile H 41 et H 42, puis les derniers racers H 130 et H 131 qui avaient des ailes elliptiques et dont la structure était essentiellement métallique.
Tous ces avions étaient à la fois très rapides et très maniables.
Hanriot LH 131 (1ère version) - La seconde version avait un train escamotable et un moteur Lorraine de 470 Cv. Charge alaire de moins de 100 kg/m². |
En particulier, avec un moteur de 470 Cv seulement, le LH 131 de 1933 avait des performances très supérieures à celles des chasseurs en essais (430 km/h au niveau de la mer au lieu de 330 km/h pour le Dewoitine 510 à la même altitude).
Avec un compresseur, il eut passé les 500 km/h en altitude !
Proposé pour la Chasse, il n'intéressa personne puisqu'il n'entrait dans aucun programme, et c'est évidemment bien dommage.
Largement compétitif avec le Polikarpov I 16, il était probablement un peu plus manœuvrant (charge alaire de 96 kg/m²) et plus stable.
Largement compétitif avec le Polikarpov I 16, il était probablement un peu plus manœuvrant (charge alaire de 96 kg/m²) et plus stable.
Le Hanriot 220 {Source : Les Ailes, #860, 9 Décembre 1937}
Pour le programme de 1934 des triplaces bimoteurs de Chasse (comme le Potez 63), l'ingénieur Louis Montlaur dessina un avion qui sortait manifestement des sentiers battus.
Il s'agissait d'abord du plus petit chasseur bimoteur possible (à l'époque, depuis le Cricri de Michel Colomban porte fièrement ce titre).
L'idée était d'obtenir à la fois la plus faible traînée et la plus forte agilité.
Initialement pensé pour employer deux moteur Renault de 450 Cv, cet avion, de construction entièrement métallique, avait un fuselage long de 8.24 m, soit juste 7 cm de plus qu'un Morane 405 monoplace, qui, lui-même, n'était pas un avion particulièrement long !
La section elliptique du fuselage (0.90 m x 1.57 m) dépassait à peine 1 m² de surface frontale.
La voilure avait une envergure de 12.80 m et une surface de 21.16 m² (1 m² de moins que les 22.48 m² du Spitfire !).
Cependant, les Gnome et Rhône 14 Mars en étoile de 650 Cv parurent plus aptes à fournir de meilleures performances.
De 2 210 kg à vide, la masse de cet avion montait, au décollage, de 3160 kg à 3 390 kg suivant les missions.
La charge alaire variait donc entre 149 kg/m² et 161 kg/m², valeurs qui paraissaient très importantes à l'époque.
L'ingénieur Rivière avait cependant conçu un dispositif qui additionnait aux ailerons des volets d'intrados (et non des volets de courbure comme je l'avais écrit précédemment).
Pendant un combat, ces volets d'intrados introduisaient un freinage unilatéral intense sans perturber le rôle normal de gauchissement des ailerons pour réaliser les virages.
L'ingénieur Rivière avait cependant conçu un dispositif qui additionnait aux ailerons des volets d'intrados (et non des volets de courbure comme je l'avais écrit précédemment).
Pendant un combat, ces volets d'intrados introduisaient un freinage unilatéral intense sans perturber le rôle normal de gauchissement des ailerons pour réaliser les virages.
Ces authentiques volets de combat favorisaient un tir en déflexion contre un avion en virage.
Pour réduire la traînée, l'épaisseur relative des ailes ne dépassait pas 12 %.
Pour réduire la traînée, l'épaisseur relative des ailes ne dépassait pas 12 %.
Mais, pour éviter un alourdissement de la structure, quatre mâts furent insérés entre les moteurs et le fuselage.
Le premier vol eut lieu le 21 Septembre 1937.
Les essais préliminaires démontrèrent de brillantes performances, lui conférant le titre de chasseur Français - de loin - le plus rapide :
{Un peu plus tard, après quelques modifications, la vitesse de pointe passa à 520 km/h.}- vitesse de pointe : 515 km/h à 5 000 m
- vitesse minimale, pleins volets, à la masse de 3 000 kg : 130 km/h
- temps de montée à 8 000 m : 13' 40" (comme un Bf 109 E)
- Plafond sur un seul moteur : 6 950 m (soit 7 000 m)
- Au décollage, il franchissait l'obstacle de 8 m à 330 m du point départ.
- A l'atterrissage, après avoir passé le même obstacle, il s'arrêtait en 450 m.
L'autonomie était de 850 km à 485 km/h de vitesse de croisière, ce qui suggérait une autonomie bien supérieure à 1 000 km avec une vitesse un peu plus économique.
Néanmoins l'appareil déplaisait au CEMA :
- D'abord, sa stabilité de route n'était pas parfaite dans certaines conditions de vol, probablement à cause de l'interaction entre les mâts d'entretoises du fuselage et l'empennage.
- Dans le même esprit, il n'avait qu'une seule dérive.
- Ensuite (et surtout), par sa vitesse comme par son agilité, il concurrençait déjà très défavorablement le monoplace de chasse standard MS 405, soi-disant "meilleur chasseur du monde" :
- Il volait 25 km/h plus vite que le Nieuport 161 de 1936,
- 45 km/h plus vite que le Caudron 710,
- 65 km/h plus vite que le Morane 406,
- 75 km/h plus vite que le Bloch 150 M de 1937.
- Avec ses 1380 Cv, il soulignait cruellement la totale inadaptation à la Chasse du SE 100 de l'ingénieur P.E. Mercier, certes un peu plus rapide avec ses 2 150 Cv, mais dont la maniabilité en combat était dérisoire et dont l'aptitude à monter en altitude rappelait celle d'un bombardier chargé de 1 500 kg bombes, ce qui lui interdisait tout combat à l'énergie potentielle.
- Sa puissance, de 50% plus importante que ses 900 Cv initialement prévus pouvait expliquer les gros dégâts subis par le fuselage après un atterrissage forcé, le 17 Février 1938 (quoiqu'un atterrissage forcé soit rarement positif pour une cellule d'avion...).
- Enfin (ou, plus exactement, surtout), c'était un Hanriot, la marque qui disposait d'une école de pilotage concurrente de celle de Morane-Saulnier...
On mit en cause la taille des gouvernes, suivant une recette du STAé qui marchait souvent bien en pareil cas (mais qui, bizarrement, ne fut jamais appliquée au LéO 451 qui, lui, en avait un urgent besoin).
Très curieusement, personne ne vit l'incompatibilité entre la monstrueuse verrière - liée à la stupide exigence d'un triplace par le programme (!) - et la très faible longueur de l'appareil.
Une verrière tout aussi catastrophique fut d'ailleurs imposée au Potez 63-11, lui mangeant 25 km/h !
Le Hanriot (SNCAC) NC 600
Au lieu de l'appeler Hanriot 220, il fut rebaptisé du "joli" nom de SNCAC 600.
Régénérée par ce brevet de civisme nationalisateur, l'image de l'avion allait rapidement s'améliorer.
NC 600 - Les moteurs et leur capots ne sont pas définitifs |
On supprima une place, la longueur passa à 8.80 m, l'arrière de la verrière fut nettement abaissé et s'intégra beaucoup mieux au fuselage, ce qui améliora encore la finesse du chasseur.
On intégra, évidemment, une bidérive largement dimensionnée et le bord d'attaque des ailes acquit une légère flèche.
Après moult petites modifications, les ingénieurs de chez Farman - membres de la même SNAC qui avaient sauvé leur très rapide bombardier NC 150 par un rehaussement de son empennage - suggérèrent (probablement) une modification similaire du NC 600 qui se révéla enfin au point.
La masse de l'avion avait évidemment augmenté : De 2 950 kg à vide, elle montait à 3 637 kg au décollage (+740 kg).
La charge alaire était passée à 171 kg/m².
Le carénage des moteurs était devenu particulièrement sophistiqué.
Un NC 600 de présérie tel que trouvé par les Allemands (sur ce site) |
La vitesse de pointe en altitude de ce minuscule bimoteur atteignait 542 km/h à 5 000 m et la montée à 8 000 m n'excédait pas 14 minutes.
Ce furent des éléments qui durent compter lorsque l'on s'est rendu compte de la difficulté qu'il y avait intercepter les incessantes reconnaissances Allemandes.
Ces reconnaissances, considérablement plus fréquentes que les nôtres, donnaient aux généraux Allemands l'état quotidien de notre dispositif, elles n'avaient donc rien d'anodin.
Dans les articles de la revue Flight de cette époque qui ont été consacrés aux avions militaires Français (et autres) vus dans divers salons aéronautiques entre 1938 et 1939, les auteurs insistaient fortement sur le fait que ce Hanriot était réservé à la Chasse, alors que ce n'était le cas ni pour le Potez 630, ni pour le Bréguet 690.
Cette insistance suggère que la maniabilité du chasseur Hanriot, issue évidemment de l'emploi des volets de combat Rivière, était réellement remarquable.
Cette qualité fut confirmé par les mêmes journalistes lorsqu'ils eurent assisté à la démonstration en vol du bimoteur d'entraînement Hanriot 232, dérivé direct du premier prototype Hanriot 220.
A leur arrivée à Bourges en Juin 1940, les soldats Allemands trouvèrent 6 exemplaires du NC 600 en cours de construction ou de finition.
Sur la photo ci-dessus que nous leur devons, on voit que les capotages laissaient une très mince ouverture à l'air de refroidissement.
Une énorme lacune de nos connaissances est particulièrement intéressante : Il n'existe pas, à ma connaissance, de rapport sur les qualités de vol de ce chasseur, comme si aucun pilote ne s'était jamais trouvé à ses commandes.
Cependant les soldats Allemands ont pris (au moins) une photographie d'un de ces chasseurs.
Une commande - en cachette du CEMA - en avait donc été passée...
J'ai toutes les raisons du monde de penser que cette commande reposait sur l'opinion favorable de Michel Détroyat, expert national auprès du commandant en chef de l'Armée de l'Air.
Ce que le Hanriot 220 / NC 600 aurait apporté concrètement
Sa silhouette était à peine plus importante que celle d'un chasseur monomoteur et ses performances n'étaient égalées, en 1940, que par celles de 3 monomoteurs : Le Messerschmitt Bf 109 E, le Spitfire Mk I et le Dewoitine 520.
Il était hors de portée des Messerschmitt 110 contemporains (520 km/h)
Avec la sortie du moteur Gnome et Rhône 14 M de 800 Cv, vers l’Été 1940 (grâce à l'essence à 100 d'octane), la vitesse de ce chasseur aurait été de l'ordre de 580 km/h, au prix d'une consommation un peu plus élevée.
Cela lui aurait apporté les performances du Whirlwind Britannique, avec de meilleures performances ascensionnelles.
Ses 2 canons HS 404 lui conféraient un punch considérable (on évoque aussi un canon dorsal... mais l'avion me paraît vraiment trop menu pour avoir employé ce type d'arme contre des chasseurs).
Il aurait sans aucun doute constitué un excellent escorteur pour nos bombardiers.
Il eut constitué surtout une excellente arme de harcèlement pour attaquer la Luftwaffe à l'intérieur de ses lignes dès le petit matin, après un trajet rapide sur 100 ou 200 km en fin de nuit.
Cela aurait obligé Göring à conserver plus de Bf 109 à l'arrière, donc à faire escorter ses bombardiers dès leur mise en l'air.
Du coup, le nombre de bombardiers disponibles pour attaquer nos points sensibles eut été amoindri, ou alors, certaines missions auraient dû être engagées sans escorte, facilitant d'autant le travail de la Chasse Française.
Hypothèse B - Une toute autre évolution eut été possible dès la présentation du Hanriot 220-01 avec sa motorisation initiale par des moteurs Renault V 12 R 01 puis R 03.
Certes, ceux-ci, avec leurs 450 Cv en 1938, étaient moins puissants que les Gnome et Rhône 14 Mars en étoile de 650 Cv chacun.
Cependant, ils présentaient un maître-couple encore plus réduit et une forme particulièrement fine.
En réduisant l'équipage au seul pilote, donc en affinant le fuselage, on pouvait garder l'empennage initial (mais probablement en le surélevant).
Cela permettait de gagner de l'ordre d'une tonne sur la masse au décollage et, donc, de réduire un peu la surface des ailes.
De cette manière, on conservait l'essentiel des performances et l'avion pouvait entrer en service bien plus rapidement.
Dans un tel cas, il eut constitué un atout remarquable.
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RépondreSupprimerBonjour.
RépondreSupprimerLe Docavia sur les B4 parle d'un G&R 14S de 900cv qui devait sortir en remplacement des 14M, qu'en est-il? Si cela est exact quel atout pour cet avion ainsi que pour les Bloch 700, Roussel 30 et la serie des breguet 690!
Bonjour,
RépondreSupprimerCe moteur de 900 Cv a bien fini par sortir un bout de temps après la guerre.
Il employait de l'essence à 100 d'octane.
Sous le nom de 14 X, il fut monté sur le Morane 579 d'entraînement auquel il conférait de bonnes performances (mais l'avion était assez lourd). Malheureusement, cet avion ne fut pas construit en série.
Il eut permis au Potez 670 / 671 une vitesse de 546 km/h.
Pour le Roussel, il lui aurait peut-être permis de tangenter les 570 km/h.
Pour le Bloch 700, comme pour le Hanriot, avec 900 Cv et non plus 800, la vitesse aurait passé les 590 km/h, la vitesse des Spitfire V de 1941 et des MC 202 Folgore Italiens.
Cependant, la consommation aurait augmenté et, en conséquence, l'autonomie aurait été amoindrie significativement.
Bonne soirée
Bonjour,
RépondreSupprimerBonjour,
Le 14X ne semble pas avoir été homologué après-guerre à plus de 820 cv. C'est, semble t'il la puissance attendue du 14S encore en développement en 1940, pour une série attendue en 1941.
S'agissant des H220-NC600, la suppression des haubans aurait-elle exigé des renforcements structurels trop couteux en termes de poids?
Bonjour Pierre,
RépondreSupprimerMa source, sur le GR 14 X à 900 Cv, est le numéro de l'Album du Fana de l'Aviation où se trouvait la description du Vanneau ainsi gréé.
C'est, à vue de nez, entre les numéro 105 et 115.
J'avais été satisfait de l'augmentation de puissance entre 1940 (690 Cv) et 1950 (900 Cv), d'autant plus que ce moteur était présenté comme particulièrement réussi.
Votre question sur la masse de renforts nécessaire pour compenser la disparition des mâts de haubanage est très intéressante.
En cas de suppression des haubans, je pense qu'il faut tenir compte de 2 facteurs au moins :
a) la minceur de la voilure (12%), plus mince que celle du Spitfire que les sources modernes annoncent entre 12.5 et 13%, aurait exigé une voilure plus épaisse (14 à 15 %) à masse presque conservée (vitesse nettement réduite).
b) L'autre solution aurait été un renforcement de la structure des ailes et de leur raccordement au fuselage. Cela aurait abouti à une masse plus élevée qui aurait obérée la capacité de manœuvre de cet avion.
Il eut peut-être été possible de mélanger les deux...
Bonjour Drix,
RépondreSupprimerPour information, j'ai récemment écrit une petite étude sur les derniers moteurs de Gnome et Rhône, qui vient d'être mise en ligne sur le site Aérostories :
http://www.aerostories.org/LeMag/AB-Derniers-Gnome-Rhone.pdf
On y trouve un certain nombre de détails très inédits sur les dernières productions du motoriste entre 1937 et 1940 - dont le 14S "S comme escamoté". Le 14 X d'après-guerre, que développa tardivement la SNECMA, ne reprenait pas toutes les caractéristiques de ce moteur.
Bien amicalement,
Il n'y a pas à dire, vous venez d'écrire une somme absolument remarquable. Je vous en remercie au nom de tous ceux qui veulent comprendre.
RépondreSupprimerVous nous donnez les clefs d'identification : C'est génial.
Mais je constate que les progrès ont été constants.
Je rajouterai que nous avons énormément adulé les P&W 1830, parfaitement au point en 39-40, ce qui collait avec une conception de 1929 et une production dès 1932.
Lorsque nous reçûmes les Curtiss H 75 type IV avec un Wright de 1 200 Cv, il ne donna que des ennuis. De même, les Bf 109 E avaient pas mal de problèmes (mais ce moteur était tout récent).
Merci Drix pour ce compliment qui me touche particulièrement.
RépondreSupprimerLes progrès ont en effet été constants, trop tardifs sans nul doute, mais bien réels : c'est un des dégâts collatéraux de la défaite de 1940 d'avoir totalement occulté tous les efforts réalisés depuis deux ans, sous la houlette de Guy La Chambre, pour rattraper le retard pris dans les domaines des cellules et moteurs depuis le milieu des années 30. Songer par exemple - je n'irai pas plus loin car ce n'est pas tout à fait le sujet - qu'arriver à construire plus de 500 LeO 451 avant le 25 juin 1940 est un véritable exploit, vu l'extraordinaire complexité de l'appareil.
Et à l'armistice, la production de la petite merveille qu'était son concurrent l'Amiot 350 était en train de monter en flêche dans les usines (privées) que son constructeur avait réussi à remettre sur pied après le tsunami Cot.
Pour ce qui est des "moteurs américains", en effet les Pratt jouissaient d'une réputation flatteuse, renforcée par la comparaison avec les produits nationaux - que ce soient les lamentables moteurs à air d'Hispano-Suiza ou, dans une moindre mesure, ceux de Gnome & Rhône - mais aussi avec les Wright, dont la qualité resta toujours en deçà.
En fait, on touche là aux conséquences de la "communication" sur la vision et la fortune critique des produits industriels. Communication qui incluait bien entendu les records et exploits divers.
Au cas de Wright, tout le monde connaissait leur vedette, le Whirlwind, qui avait tiré sans faillir pendant 33 heures l'avion de Lindbergh. Mais peu de gens savaient que les concepteurs de ce moteur, Frederick Rentschler et Georges Mead, avaient déjà quitté Wright en considérant que le "board" de la firme n'était constitué que de banquiers frileux dépourvus de vision stratégique.
Et Rentschler et Mead sont les fondateurs de Pratt et Whitney !
Dans les années 1970, les pilotes et ingénieurs du CEMA, qui avaient cotoyé tous les avions dont nous parlons, rappelaient que les moteurs à air Hispano-Suiza n'étaient que "de mauvaises copies des moteurs Wright, qui n'étaient pas, et de loin, les meilleurs aux USA", raillant au passage la réputation très surfaite des produits à refroidissement liquide du motoriste de Bois-Colombes, qui aurait été uniquement liée "au bel émail noir de leurs cylindres".
Et pour finir d'enfoncer le clou, Jacques Lecarme, interviewé à la même époque par la télévision, affirmait "en 1940, nous n'avons pas eu de bons moteurs. Les moins mauvais étaient les Gnome & Rhône".
La messe est dite !
Je me permettrai de rompre une lance en faveur d'Hispano-Suiza.
RépondreSupprimerMr. Lecarme, de mon point de vue, est considérablement plus compétent que Bonte et Du Merle.
Cependant, il fait partie des gens qui ne veulent pas remettre en cause les choix techniques de ses condisciples de l'X.
Le moteur 12 Y est le moteur qui permit à nos escadrilles de Dewoitine de rallier le Liban et la Syrie en 1941, une année après avoir traversé la Méditerranée. Je n'imagine aucun Spitfire Mk I ni aucun Bf 109 E capable de migration aérienne de ce niveau, même avec des réservoirs supplémentaires.
Les fragilités de ce moteur sont uniquement dues à l'installation totalement "inappropriée" du monstrueux système de refroidissement du Morane 406.
Le radiateur est gigantesque, mais il n'est pas alimenté correctement et la sortie de l'air chaud bute immédiatement sur un obstacle incompréhensible.
Pendant ses essais, le MS 405 grilla littéralement - au moins - 5 moteurs.
Les Nieuport 161 semblent ne pas avoir autant souffert
On trouva des astuces pour aider le D 520, plus puissant, mais qui avait une vitesse de croisière de combat exigée à 90% de la puissance maxi. Ces D 520 tiendront en AFN (où il fait bien plus chaud qu'en France (j'y ai vécu 10 années) jusqu'au 8 Mai 1945, avec un rythme de travail élevé à partir de Janvier 1943.
Les 12 Y ont aussi fonctionné sur des hydravions de patrouille anti-sous-marins.
Oui bien sûr, il ne faut pas oublier non plus que Lecarme était spécialiste des formules lapidaires, capables de résumer en quelques mots les grandes lignes d'une situation.
SupprimerDonc il est indispensable de nuancer.... Incontestablement les 12 Y ont "fait le job" car ils n'étaient pas dépourvus de qualités, loin de là. Tout comme on ne peut guère approuver l'installation moteur déplorable dont ils furent victimes sur les MS 406 (à ce propos, je parie que peu de gens savent que l'étrange "goître" dont est affublé le chasseur est en fait son réservoir d'huile, placé sous le moteur afin de se trouver en contact direct avec l'air et refroidir le lubrifiant... une aberration de plus, car par temps froid il ne faut surtout pas refroidir TOUTE l'huile pour faciliter sa montée en température !).
En fait, quelle que soit la valeur du 12Y, incontestable à une certaine date, le vrai problème est sa courbe de développement : dans les années 1920, Marc Birkigt ne cesse d'améliorer ses concepts, avec l'arrivée des chemises humides, de leur nitruration, des paliers refroidis, du réducteur déporté ressuscitant l'idée du moteur-canon de la Grande Guerre, enfin de compresseurs intégrés, sans oublier cent autres modifications de détail. Résultat, en octobre 1932 le 12Y est homologué à 760 ch, en gros le triple des moteurs de 1918...
Et puis après, plus rien, ou presque.
Huit ans plus tard, aux commandes de leurs D.520, les pilotes n'auront que 200 ch de plus, dont (en gros) la moitié provient de l'amélioration de qualité de l'essence permettant un taux de compression supérieur, et le reste de l'apport significatif d'un nouveau compresseur, conçu d'ailleurs par des ingénieurs étrangers à la firme.
Dans le même laps de temps, le Pratt & Whitney Twin Wasp (R-1830), sorti en 1932, passe de 750 ch à 1.200. Quant au fameux Merlin, il arrive plus tard (1935) avec la même puissance que le 12Y. Lors de la bataille d'Angleterre, il donne 1.240 ch.
Ainsi, à l'incontestable dynamisme de la firme a succédé une période de léthargie si ce n'est de doute. Il est clair que, comme pour nombre d'avionneurs et motoristes français, "il s'est passé quelques chose" entre 1934 et 1937...
Au cas particulier d'Hispano, je vois au moins deux faits significatifs : l'un interne, c'est l'échec des moteurs à air, étrangers à la culture de l'entreprise et qui sont un bide technique et commercial. Echec d'autant plus cruel que les Services Officiels, prêts à faire n'importe quoi pour porter atteinte au monopole de Gnome & Rhône, ont imposé sur tous les nouveaux avions ces moteurs ayant à peine tourné au banc. Echec mais probable vampirisation significative des moyens d'étude et réalisation.
L'autre est externe : c'est la tentative de nationalisation de la firme, financièrement inabordable par l'Etat et contournée via un montage juridique tordu, dont la principale conséquence est de détourner Marc Birkigt de ses "jouets" - ses moteurs. Résultat immédiat : qualité et production stagnent pendant trois nouvelles années. La firme ne dort pas totalement, elle réussit à se doter notamment d'une soufflerie modèle qui permettra de grandes avancées sur la question du refroidissement des moteurs - son apport fut irremplaçable pour le D.520 !
Mais il est clair - et ceci explique sans nul doute les saillies de Bonte and C° ou de Lecarme - qu'en 1938/1940 les moteurs Hispano vivent plus sur la renommée des exploits passés que sur leurs performances actuelles.
Le mystère est bien entendu de comprendre pourquoi cet état de fait, connu des initiés - voir les billets de Peyronnet de Torrès - n'a pas provoqué de réaction des Services Officiels et pourquoi l'Etat n'a rien fait pour stimuler qualité et quantités. Visiblement, les thuriféraires dogmatiques de la nationalisation pensaient que l'opération, d'un coup de baguette magique, arrangerait tout....
Je sais que le 12 Y 51 bénéficiait d'un système Sarrazin pour limiter les problèmes liés aux régimes élevés.
RépondreSupprimerPar ailleurs, ce système a été adjoint au moteur 14 AB.
En 41-42, il a été copié effrontément par P&W. En 1943 / 1944, un juge US a rejeté la plainte de Sarrazin parce que, selon lui, la France faisait partie de l'Axe...
Ah oui... j'ignorais l'anecdote de la plainte de Sarrazin. Par contre je connais bien ses brevets, ainsi que ceux de Salomon, déposés dans les années 30 puis "redécouverts" par l'ingénieur Roland Chilton qui était attaché à Wright.... Lequel fit breveter sans sourciller par l'US Patents Office des dispositions qui étaient protégées !
RépondreSupprimerPar contre Bristol utilisait les amortisseurs à masses sphériques en les appelant correctement "Salomon dampers". J'ai rappelé succinctement ceci dans mon article, note 109.
J'aimerai republier tout ce que vous m'avez apporté dans l'ensemble de vos couriers de cet échange sous votre signature, évidemment, dans un article à part, pour que cela fasse un tout cohérent. Bien évidemment, votre article initial serait seulement vu sous forme de lien.
RépondreSupprimerEh bien, pourquoi pas ? Mais il faudrait juste une relecture pour filtrer les éventuelles coquilles.
RépondreSupprimerEn revanche j'ai vu récemment que l'article sur le compresseur Szydlowski a été un peu mutilé par le temps. Il faudrait que je revoie entièrement les illustrations et que j'amplifie le texte...
A poursuivre éventuellement sur Gmail.
Bien cordialement,
Je suis d'accord pour passer sur Gmail, mais je n'ai plus votre adresse !
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