vendredi 22 novembre 2013

La défense des citoyens contre une attaque aérienne est-elle politiquement incorrecte ? (révisé 17 / 12 / 2017)

L'attaque du WTC


J'étais sur mon ordinateur de travail, à la Faculté des Sciences d'Orsay, près de Paris, le 11 Septembre 2001 en début d'après-midi, lorsqu'un coup de téléphone venu des USA m'apprit l'attaque contre la première tour du World Trade Center. 

Dès que j'eus compris (à peu près) de quoi il s'agissait, je me suis posé beaucoup de questions, et en particulier celle-ci :
  • Les USA étant la première puissance militaire de la planète, 
  • Etant riches des techniques radar et informatiques les plus sophistiquées au Monde, 
  • Leur Garde Nationale étant dotée d'avions de chasse parfaitement efficaces, 
comment avaient-ils pu se faire attaquer par de simples avions civils (détournés) dont la maniabilité n'est certainement pas la qualité première ?

Bien évidemment, les responsables n'avaient pas imaginé l'impensable, à savoir que des fanatiques assoiffés de sang - issus en plus d'un pays qui se prétendait allié - iraient jeter des avions civils remplis d'innocents sur une tour elle-même remplie d'innocents. 

Le dictateur soviétique Andropov, confronté en 1983 à l'irruption d'un Boeing 747 de la Korean Air Line dans l'espace soviétique avait fait aussitôt abattre l'appareil (269 morts).
A l'époque, j'ai été fortement scandalisé par la réponse d'Andropov.

Là, je me disais que, peut-êtr,e une réponse un peu moins radicale eut été appropriée. 

En tout cas, le 11 Septembre 2001, mon opinion a changé définitivement :
Cette réponse d'Andropov eut été parfaitement pertinente, aux USA car elle aurait réduit très significativement le nombre de morts.

Et la transformation éventuelle d'un avion de transport en missile de croisière aux mains de fanatiques justifie pleinement cette réponse (horrible, certes).

Aucune réponse ne m'a satisfait depuis.


Un drone-cible "Perdrix" attaque son chasseur

Il se trouve qu'un accident qui vient d'affecter l'US Navy (voir la source sur information dissemination) relance mes interrogations de simple citoyen. 

Un simple engin cible BQM 74 a percé la paroi bâbord de la superstructure du croiseur USS Chancellorsville, brûlant légèrement deux marins.





Le trou dû au drone devenu kamikaze (sur le site précité) est bien suffisant pour faire de gros dégâts Que se serait-il passé si une vraie charge explosive avait été en place ?


L'auteur de l'article ne se satisfait pas du communiqué de l'US Navy et souligne que ce croiseur est un croiseur Aegis, c'est à dire un système anti-aérien parmi les plus complets qui soient.

Toujours d'après l'auteur, le principal problème serait que l'US Navy aurait omis de dire que :
  1. l'équipage du croiseur avait compris que l'engin cible s'était brusquement placé sur un cap de collision,
  2. il avait été dans l'incapacité d'abattre ce drone-kamikaze, bien que, à ce qu'il semble, des tirs auraient été déclenchés.


Comment éviter la surprise ?

Le problème fut, semble-t-il, lié à un très faible préavis d'engagement, de l'ordre de 10 secondes.

Le 11 Septembre 2001, la seule chose qui m'ait donné une idée du temps de réaction minimal possible est ce reportage de deux reporters Français de télévision qui étaient en train de filmer une caserne de pompier et qui, entendant un avion passer au dessus d'eux, sur une trajectoire inhabituelle, se sont mis à filmer l'avion. 

Ils avaient eu une dizaine de seconde d'action positive pour nous montrer la fin de vie des passagers...

Dix secondes pour réagir est donc un temps bien court.

Donc, on se trouve devant un problème apparemment simple pour ceux qui veulent nous faire du mal : 
  • Venir à  proximité de leur objectif de manière apparemment pacifique pour déchaîner leur violence trop tard pour que notre capacité de réaction soit efficace.

Vous allez me dire que Napoléon, puis Clausewitz, ont parfaitement théorisé cela, car c'est cela, la surprise.

Mais cela signifie aussi que nos systèmes sont trop lents, malgré l'usage d'ordinateurs hypersophistiqués.

Tout le monde s'est moqué, avec raison, de nos services d'alerte aérienne en Mai-Juin 1940


On parle beaucoup de guerre asymétrique.

Mais nos ennemis actuels connaissent nos faiblesses et en profitent largement, du coup, la surprise est asymétrique en leur faveur.


Mais je me demande si nous ne perdons pas beaucoup de temps dans des systèmes trop complexes qui nous empêchent d'agir au bon moment. 

Pourquoi ? Parce que nous avons peur des bavures (et nous avons peut-être raison !). 

Bien sûr, je n'ai pas la solution. 

Je ne crois d'ailleurs pas à l'existence de solution définitive.

Mais il me semble qu'on devrait s'en préoccuper. 



vendredi 15 novembre 2013

Les premières traversées de l'Atlantique Nord : Maturité, talents et courage ! (Révisé le 12 / 12 / 2023)


Traverser un océan : Un problème de maturité des techniques et des hommes 



La traversée de l'Atlantique Nord a focalisé longtemps les passions (et il est bien possible que cela continue de nos jours). 


C'était d'ailleurs déjà le cas pendant la période où seuls les bateaux pouvaient l'effectuer, le fameux Blue Riband (ruban bleu) récompensant le navire commercial le plus rapide sur ce trajet depuis 1835.


Bien évidemment, après la traversée de la Manche par Louis Blériot en 1909, l'étape qui venait immédiatement à l'esprit des Britanniques était forcément la traversée de l'Atlantique, alors que pour nous, Français, la traversée de la Méditerranée était prioritaire

Roland Garros, en réussissant cette traversée de presque 800 km en moins de 8 heures, avait montré la suprématie de notre technologie aéronautique sur toutes les autres.

Cependant, si un moteur de 1913 pouvait voler une douzaine d'heures d'affilée, il ne pouvait en aucun cas voler pendant le temps nécessaire pour franchir plus de 6 000 km.


Les exigences militaires implacables de la Grande Guerre amenèrent une amélioration simultanée et très spectaculaire de la puissance et de la fiabilité des moteurs comme de la robustesse et de l'aérodynamique des cellules destinées à en être équipées. 

La pratique des convois de navires de transports pour réduire le danger des U-Boot avait, par ailleurs, permis de collationner de nombreuses observations météorologiques qui amélioraient les connaissances sur les conditions aérologiques de toute la zone Nord Atlantique.


Cela signifiait que les aviateurs libérés de leurs activités militaires pouvaient plus facilement ouvrir la route aux traversées de l'Atlantique. 

Il y avait deux trajets préférés : Celui de l'Atlantique Nord, qui devait ouvrir essentiellement la porte des liaisons USA - Europe, et celui de l'Atlantique Sud, qui ouvrait la route vers l'Amérique du Sud. 

Ici, je ne traiterai que du premier de ces deux cas (l'autre étant peut être pour plus tard).



Les contraintes 


Quand on parle de ces traversées, on a tendance à aller voir une mappemonde. 

Dans ce cas, on va trouver que la distance entre les terres sont bien plus importantes au Nord (de l'ordre de 6 000 km) qu'au Sud (presque moitié moindre).

Mais les choses ne sont pas aussi simples. 

Le passage entre Saint- Louis du Sénégal et Natal au Brésil (le trajet le plus court) amène à voler presque obligatoirement dans le front météorologique intertropical qui recouvre en permanence l'équateur d'une masse de cumulonimbus (puissants nuages d'orage) qui montent aussi haut que les derniers records d'altitude de l'entre deux guerre (15 000 m).

En conséquence, il fallait soit passer en-dessous (en rase vagues) soit faire un détour...


L'asymétrie des vents suivant le sens du voyage


La traversée de l'Atlantique Nord possède un autre particularité : Elle est (très) asymétrique.

L'avion qui part d'Amérique est poussé par un vent moyen Ouest-Est significatif, disons jusqu'à 70 km/h à basse altitude (bien plus vite encore à haute altitude avec les Jetstream). 

En décollant d'Europe, ce même vent vient freiner toute progression.

Il va de soi que cette influence du vent est particulièrement importante lorsque les vitesses propres des avions employés sont faibles. 

Ainsi, un avion volant d'Ouest en Est à 150 km/h et poussé par un vent de 50 km/h survolera ses 6 000 km à 200 km/h de vitesse-sol en une trentaine d'heures alors que sa vitesse normale lui aurait imposé de voler 40 heures.

Dans le cas du vol Europe-Amérique, le même avion, freiné par le même vent de face de 50 km/h survolera les mêmes 6 000 km à 100 km/h, donc en 60 heures.


La traversée d'Est en Ouest est donc un peu comme l'ascension de la face Nord d'un sommet Alpin.



Les longueurs de trajet 


A lire la liste des traversées de l'Atlantique, on ne peut qu'être frappé par la diversité des distances annoncées :
  • Dublin / Labrador --------------------------------- 3 330 km
  • Terre-Neuve / Irlande ---------------------------- 3 630 km
  • Berlin / New-York --------------------------------- 6 380 km
  • New-York / Paris ---------------------------------- 6 070 km

Cette hétérogénéité des distances parcourues vient des différences de calcul de navigation. 

En admettant que vous pilotiez en gardant le cap de votre compas (boussole) strictement constant pour atteindre New-York depuis Paris, vous parcourrez une distance de 6 070 km. 
Vous avez utilisé la loxodromie

Mais la distance minimale entre ces deux métropoles est plus faible avec 5 840 km. Pour minimiser cette distance, il faut utiliser l'orthodromie.



Orthodromie (rouge) et Loxodromie (bleue) sur Wikipedia


En pratique, comme l'orthodromie amène à suivre une trajectoire montant vers le Nord, elle peut amener à favoriser des phénomènes météorologiques très désagréables. 

Dans ce cas, on sera amené à mélanger les deux méthodes de navigation. 

Néanmoins, on voit parfaitement que les distances se regroupent en deux ensembles, le premier étant celui des distances courtes (Terre-Neuve - Irlande) le second concernant les distances réellement intercontinentales.

Il va de soi que les qualités tant techniques que morales des équipages et des avions doivent être appréciées en fonction des trajets.

On ne peut pas négliger les 3 000 km supplémentaires des plus longs trajets qui étaient (et restent) forcément les plus délicats à réussir. 

Les traversées


A - Un première traversée de l'Atlantique Nord a été réalisée par Albert Read en Mai 1919.



La traversée d'Albert Read et la disposition des navires de l'US Navy pour porter secours à ceux de ses avions qui auraient eu des problèmes (sur Wikipedia En)



L'US Navy, fortement poussée par le secrétaire d'Etat à la Marine (et futur président) Franklin D Roosevelt, avait choisi d'employer des bateaux volants - la désignation hydravions à coque me paraît bien moins claire - parfaitement adaptés pour survivre sur l'eau en cas de panne mécanique. 

Ces avions étaient de grands trimoteurs Curtiss totalisant 1 200 Cv : Longs de 20.78 m, ils avaient une masse de 7,260 kg à vide et de 12,700 kg au décollage. 

Leur voilure avait une envergure de 38 m pour une surface alaire de 227 m².
Ceci leur assurait une charge alaire de 56 kg/m².

La propulsion était assurée par 4 moteur Liberty de 400 Cv chacun.

La vitesse de pointe en était de 155 km/h (le Wikipedia en langue Anglaise donne 137 km/h) et la vitesse de décrochage était de 100 km/h.

L'endurance frisait les 15 heures de vol et le plafond pratique tangentait les 1400 m.
Il fallait 10 minutes pour monter à 600 m !

Cela signifie que la vitesse de croisière - par définition intermédiaire entre les deux précédentes - devait être respectée avec beaucoup de précision !






Document personnel de l'auteur - Curtiss NC-4  d'Albert Read : Déjà une belle grosse bête !











                                                                                  
Pour multiplier leurs chances de succès, la traversée de l'Atlantique devait se faire à trois avions et par étapes successives.

Evidemment, le trajet ne partait pas d'une métropole économique mais de la Baie des Trépassés à Terre Neuve.

Avec ses moyens parfaitement pharaoniques, mais, surtout, avec beaucoup d'intelligence, l'US Navy avait disposé 25 destroyers le long du trajet océanique le plus difficile, long de 1920 km, soit un navire tous les 80 km (= 50 miles). 

De la sorte, le risque qu'un de ses équipages se perde était réduit minimum. Cependant, le survol océanique le plus long n'atteignait que les Açores et non l'Europe. 

Les bateaux volants US devaient ensuite gagner Lisbonne puis remonter sur Plymouth.


Seul le Navy-Curtiss NC 4 arriva aux Açores, ayant parcouru son trajet aérien en un peu plus de 15 heures, donc à presque 127 km/h de moyenne. Vu ce que j'ai dit précédemment sur le respect très précis de la vitesse de croisière, on constate à quel point le pilote Read avait démontré son immense talent.

Read répara son hydravion, attendit ses collègues NC-1 et NC-3 qui avaient abandonné, et prit 2 jours complets de repos avant de repartir pour Londres. 

Lorsqu'il y arriva, sa "traversée" complète, arrêts compris, avait duré au total 23 jours, soit 8 de plus que le paquebot à voile Columbia qui avait établi le Blue Ribband en 1835, à un peu plus de 8 noeuds de moyenne ! On ne peut donc en aucun cas parler de record.

L'exploit sportif et technique de Read et de ses compagnons doit cependant être salué, car même s'il était parfaitement et nationalement préparé, il était très difficile et très risqué à cette époque.

Cependant, il ne peut,
 en aucun cas, être considéré comme une traversée.  

On ne peut même pas dire qu'il laissait un enseignement pour les autres puisque ceux qui suivirent peu de temps après devaient agir très différemment  (tout le monde ne dispose pas de dizaines de destroyers pour baliser son trajet...).



B - Quelques semaines plus tard, un bombardier Britannique Vickers Vimy piloté par MM Alcock et Brown secoua les esprits en effectuant la véritable toute première traversée de l'Atlantique Nord (et en un seul vol). 

L'avion avait une vitesse maximale de 160 km/h pour une puissance totale de 720 Cv et avait une charge utile disponible de plus d'une tonne qu'il était facile de transformer en carburant.

Ce vol est bien plus significatif que le précédent puisqu'il relie bien d'un coup d'ailes une île du Nouveau Monde à une île appartenant à l'Europe. 




Document personnel de l'auteur - Le Vickers Vimy d'Alcock et Brown



En plus, le Vickers Vimy, après avoir décollé de la terre, avait atterri sur la terre (même si l'atterrissage avait été plutôt raté).

La technologie Britannique l'avait, à l'évidence, largement emporté sur celle de l'US Navy.

Cependant, le compte n'y était quand même pas encore, parce que la distance parcourue était la moitié de celle qui comptait dans l'esprit de tous les gens, c'est à dire celle séparant deux cités importantes, avec toutes les contraintes supplémentaires que cela entraînait.




C - En 1927 eut lieu la fameuse, mais fatale, tentative de Nungesser et Coli


Ce qui frappe, par comparaison avec les tentatives Américaines, c'est, au niveau des décideurs politique Français, la lenteur de réaction, l'improvisation et l'absence d'imagination sur le sujet.

(Les informations techniques sur le PL 8 viennent du livre d'Arnaud Prudhomme : Pierre Levasseur et ses avions.) 

Nungesser et Coli utilisaient un Pierre Levasseur PL 8, dérivé du bombardier PL 4 de notre Aéronavale embarqué sur le Béarn. 



Nungesser en finale d'atterrissage sur son Oiseau-Blanc




L'as Charles Nungesser (sur le même site)


Affiné par rapport au PL 4, le PL 8 volait en pointe à 185 km/h avec son train d'atterrissage en place, ce qui était un net progrès.

Ce train était conçu pour être largué après le décollage, permettant alors de gagner 20 km/h de vitesse et de l'altitude.

L'avion, de structure mixte, disposait d'un fond de coque "marin" (une véritable coque de barque en bois, donc très lourde) destiné à lui permettre un amerrissage en fin de vol, l'hélice étant bloquée en position horizontale.




L'Oiseau-Blanc 


L'équipage était disposé côte à côte, ce qui favorisait les échanges d'information mais pas du tout l'aérodynamisme...

Curieusement, les essais à pleine charge furent réalisés par le pilote d'essai de Levasseur et non par Nungesser.

Plus étonnant pour quelqu'un qui devait piloter dans les 40 heures d'affilée, ce dernier ignorait tout du vol aux instruments, mais on peut imaginer que son immense expérience et sa non moins immense habileté lui permettait d'y pallier.


L'équipage Français s'envola le 8 Mai 1927 et son trajet fut suivi jusque
 sur la côte Atlantique de l'Irlande.





Trajet vérifié de l'Oiseau Blanc, parfaitement conforme à la navigation orthodromique prévue (sur Wikipedia)




On recherche toujours la trace de son crash (voir ce blog très passionnant de Bernard Decré, qui l'imagine à Saint-Pierre et Miquelon ou à Terre-Neuve, et qui a démontré que l'Oiseau Blanc  et son équipage ont bien réussi ensemble la traversée de l'Atlantique Nord).




D - Lorsque Lindberg a, le premier, traversé l'Atlantique Nord de New-York à Paris, il a réalisé un authentique exploit, justement parce qu'il a pour la première fois relié deux métropoles de deux continents distants.

Il avait fait construire son avion très soigneusement, en suggérant d'importantes modifications. 

Il avait voulu l'équipement complet de vol aux instruments auquel il était déjà habitué



Le Ryan NYP - recopié par moi à partir de ce site -



Son avion Ryan NYP (pour New York - Paris) était un strict monoplace, de moins de 1000 kg à vide (2330 kg au décollage), qui présentait une finesse supérieure à celle de tous ses concurrents. 

Ses gros réservoirs étaient parfaitement placés pour éviter les problèmes de centrage. 

Mais son absence de vision vers l'avant signait parfaitement une route encore vide d'usagers !




Structure du Ryan NYP de Lindbergh - les énormes réservoirs sont très visibles


Sa voilure de 30 m² lui assurait une charge alaire de 78 kg/m² au décollage.

Sa vitesse de pointe était de 215 km/h et sa vitesse de croisière pouvait varier entre 160 et 180 km/h.

Il lui fallut plus de 1150 m pour quitter le sol.


Sa traversée était donc un exploit parfaitement préparé par un pilote professionnel qui s'était méticuleusement entraîné pour maîtriser de tous les aspects de son vol.


Pourtant, il ne s'était agit que de la traversée d'Ouest en Est, de loin la plus facile des deux. 

Si on lui avait demandé de faire la traversée dans le sens inverse, son avion en aurait été totalement incapable. 

En effet, il aurait été confronté à un vent de face de 60 km/h en moyenne, ce qui aurait représenté l'équivalent de 1900 km supplémentaires. 

D'ailleurs, le Président Coolidge lui avait envoyé le croiseur de 7000 tonnes Memphis pour ramener le ramener avec son Spirit of Saint Louis aux USA.



Il a subsisté, dans tous nos écrits, l'idée que la technologie Américaine avait complètement et définitivement surclassé la technologie Française (c'est en tout cas ce qu'écrivaient, dans les années 50, l'Histoire de l'Aviation du Général René Chambe, puis, en 1974, le Docavia #3 de Louis Bonte). 

Il est tout à fait normal que ce point de vue ait été celui des Américains qui avaient merveilleusement mis en œuvre les moyens de cette réussite.

Pourtant, cela n'a pas beaucoup de sens car la seule traversée qui soit représentative de toutes les difficultés de l'exercice est indiscutablement celle partant d'une métropole d'Europe continentale vers les USA. 



D' - Une nouvelle tentative sur le trajet Est-Ouest avait été tentée par un équipage Germano-Irlandais sur un Junkers 31, qui, s'il réussit bien à traverser l'Océan Atlantique à partir de l'Irlande, avait atteint seulement le Labrador à la suite d'une navigation écourtée (ils visaient New York). 


Mais, de toute façon, ils avaient choisi la route orthodromique minimale.



D" - Une tentative plus audacieuse avait été lancée par un équipage Polonais (Major Ludwik Idzikowski, pilote, et Capitaine Kazimierz Kubala, navigateur) aux commandes d'un Amiot 123. 


Ces deux Polonais avaient en réalité choisi d'employer le même excellent bombardier Amiot 122 que le Lieutenant de Vaisseau Paul Teste avait choisi d'employer pour la même traversée au début de l'année 1925. 




Document original de l'auteur - Bombardier Amiot 122 : Un gros monomoteur, solide et correctement profilé


Pour la nouvelle tentative, Idzikowski et Kubala disposaient d'un avion plus puissant et doté de réservoirs bien plus importants.  



Amiot 123 de raid d'Idzikowski et Kubala - sur Wikipedia en.



Ils partirent du Bourget le 3 Août 1928 en direction de New York. 

Après avoir volé 3 200 km, ils constatèrent que leur moteur perdait de l'huile et firent demi-tour. 

Leur fatigue avait entraîné un léger manque de lucidité, puisqu'ils avaient déjà largement dépassé le point de non retour !

Ils se posèrent en mer à 70 km de Porto, près d'un cargo Allemand qui les récupéra ainsi que leur avion. 

Ils avaient volé largement plus que la distance Paris - New-York, ce qui engendra quelque acrimonie passagère entre eux.

Ils recommencèrent l'année suivante mais entendirent des irrégularités de fonctionnement dans leur moteur qui les poussèrent à se dérouter vers les Açores.

Pendant l'atterrissage, le train heurta un mur de pierres sèches et l'avion se retourna, assommant le pilote. 

Les sauveteurs étant venu avec des torches, l'avion, qui portait encore beaucoup d'essence, s'enflamma. 

Seul le navigateur fut sauvé.

Ces deux échecs, qui n'auraient pas dû en être (car, avec plus de lucidité, ils eussent certainement pu atteindre New-York dès leur première tentative de 1928), me font profondément regretter la tentative de Teste et Amanrich sur un Amiot de même type qui échouèrent, le 13 Juin 1925, uniquement parce que le train de leur avion heurta un arbre peu après leur décollage. 

L'avion en tout cas avait été très bien choisi.



E - Justement, le premier vol dans le sens Est-Ouest en même temps que sur la distance la plus longue (de Paris à New-York) fut celui de Costes et Bellonte sur le Bréguet 19 GR Point d'interrogation au début de Septembre 1930.

Le Bréguet 19, conçu au début des années 20, et dont la vie opérationnelle avait commencé en 1924, fut le grand succès de l'ingénieur Vuillerme. 




Le Bréguet 19 GR de la traversée de l'Atlantique



Construit à environ 2 000 exemplaires, il fut équipé de nombreux moteurs différents et vendu à une quinzaine de pays indépendamment de la France.

Louis Bonte (Histoire des essais en vol, Docavia 3) reprochait à cet avion une structure trop souple, mais sa durée d'activité opérationnelle fut très longue pour un avion conçu en 1922. 

Il servit pourtant efficacement dans de nombreuses opérations militaires en temps que bombardier avec 400 kg de bombes. 

(Il est significatif que, sur les 222 bombardiers Br 19 achetés ou construits par l'Espagne, et qui se répartirent entre les deux camps de la Guerre Civile, le total des pertes ait été seulement de 38 avions à la fin de 1937, après plus de 17 mois de conflit, ce qui ne représentait que 17 % de l'effectif initial.

Il servit aussi aux Grecs contre les Italiens en 1940, ce qui, pour moi, démontre l'excellente qualité de sa conception !)


C'était un avion de structure métallique, de forme bien plus aérodynamique que le Bréguet XIV auquel il succédait.

La version la plus rapide était la version GR de Grands Raids, avec 245 km/h (25 km/h plus vite que la vitesse de pointe des chasseurs Wibault 72 embarqués sur le porte-avions Béarn).

Dieudonné Costes était un pilote de Chasse de la Grande Guerre, as aux 8 victoires dont 6 homologuées. 


Louis Bonte, pourtant exceptionnellement avare de compliments, disait de lui que ses avis étaient sûrs et qu'il ne trompaient jamais ses interlocuteurs.

Après un moment passé à l'Aéropostale puis à Air Union, il était devenu pilote d'essai en 1925 chez Bréguet où il s'était rapidement habitué aux vols de longue durée.

Ayant compris l'immense potentiel du Bréguet 19, il eut un grand rôle dans son évolution vers les grands raids. 

Maurice Bellontes, initialement mécanicien, puis ingénieur-mécanicien, avait fait la dernière année de guerre comme mitrailleur, puis il avait appris à piloter et était devenu navigateur.
 
L'équipe Costes - Bellonte se créa en 1929 pour un vol Paris-New York qu'ils durent malheureusement interrompre après 17 heures de vol à cause du mauvais temps. 

Ils en profitèrent peu après pour battre le record de distance en ligne droite en se posant dans l'Ouest de la Chine, à 7900 km de Paris. 

Leur Point d'Interrogation (nommé ainsi pour symboliser le secret de la destination du prochain vol - ou du sponsor -) avait donc largement la traversée de Paris à New-York dans ses ailes.

Le 1er Septembre 1930, Costes et Bellontes décollèrent du Bourget.

Un peu plus de trente sept heures plus tard, ils se posaient à New York devant une grande foule enthousiaste et furent félicité par Charles Lindbergh. 

Les journaux Français poussèrent des cocoricos, et c'était très largement mérité. 

La preuve en est que le numéro de Novembre 1930 de Popular Science Monthly concluait ainsi l'article où le vol de Lindbergh  était comparé à celui de Costes et Bellonte :
"Les Americains ne doivent pas craindre d'affaiblir Lindbergh en reconnaissant la supériorité incontestable de l'exploit des deux Français. 

C'est simplement le signe du progrès gigantesque que l'aviation a réalisé depuis que Lindbergh, tout seul, en avait ouvert la voie."

Certes, dans ce texte, on décèle facilement un fond de nostalgie, mais aussi et surtout une indéniable sportivité.

Ce vol clôt définitivement les vols des pionniers qui définirent vraiment l'ensemble des problèmes à résoudre pour que cette traversée devienne accessible aux vols de routine.



Il y a cependant quelques dates supplémentaires à noter : Elles concernent uniquement des vols d'avions de transport de passagers.

Le 10 Août 1938, le prototype du Focke-Wulf 200 Condor de transport piloté par Alfred Henke effectua le premier vol transatlantique entre Berlin et New-York en 25 heures et repartit 3 jours plus tard pour Berlin qu'il atteignit en un peu moins de 20 heures.

Un service régulier devait suivre mais Hitler en décida autrement, il préférait tellement la guerre...


Le premier vol transatlantique d'un avion à réaction de transport fut celui d'un De Havilland Comet IV de la BOAC le 4 octobre 1958 (dans le sens Est-Ouest, il lui fallait un ravitaillement à Gander).


Le premier vol de transport transatlantique supersonique fut effectué en 3 h 30 par un Sud-Aviation-BAC Concorde, le 24 Mai 1976...




Concorde sur Wikipedia - Une ligne et un son inoubliables.


Le dernier vol du Concorde fut réalisé de 26 Novembre 2003...