vendredi 9 septembre 2016

Hanriot 220 (= NC 600) : Le très difficile chemin vers les solutions innovantes (Modifié le 02 / 09 / 2023 ***)



La maison Hanriot


La maison Hanriot, créée en 1913, se fit connaître entre 1916 et 1918 par ses monoplaces de chasse HD 1 qui étaient maniables, sûrs et performants.

Mais, une dizaine d'années plus tard, cette entreprise était devenue la tête de Turc du Service Technique de l'Aéronautique. 

Certes, comme la plupart des autres constructeurs, il lui était arrivé de produire des avions très moyens, en particulier pendant les années 20.

Mais, par la suite, elle avait depuis des avions remarquables comme les Hanriot de course en bois et toile H 41 et H 42, puis les derniers racers H 130 et H 131 qui avaient des ailes elliptiques et dont la structure était essentiellement métallique.

Tous ces avions étaient à la fois très rapides et très maniables.



Hanriot LH 131 (1ère version) -  La seconde version avait un train escamotable et un moteur Lorraine de 470 Cv. Charge alaire de moins de 100 kg/m².


En 1933 et avec un moteur de 470 Cv seulement, le LH 131 avait des performances très supérieures à celles des chasseurs en essais (430 km/h au niveau de la mer au lieu de 330 km/h pour le Dewoitine 510 à la même altitude). 
Avec un compresseur, il eut passé les  500 km/h en altitude ! 

Proposé pour la Chasse, il n'intéressa personne puisqu'il n'entrait dans aucun programme, et c'est évidemment bien dommage. 

Largement compétitif avec le Polikarpov I 16, il était probablement un peu plus manœuvrant (charge alaire de 96 kg/m²) et plus stable.




Le Hanriot 220           {Source : Les Ailes, #860, 9 Décembre 1937}

Pour le programme de 1934 des triplaces bimoteurs de Chasse (comme le Potez 63), l'ingénieur Louis Montlaur dessina un avion qui sortait manifestement des sentiers battus.

Il s'agissait d'abord (à l'époque) du plus petit chasseur bimoteur possible

L'idée était d'obtenir à la fois la plus faible traînée et la plus forte agilité.


Initialement pensé pour employer deux moteur Renault de 450 Cv, cet avion, de construction entièrement métallique, avait un fuselage long de 8.24 m, soit juste 7 cm de plus qu'un Morane 405 monoplace, qui,
 lui-même, n'était pas un avion particulièrement long ! 

La section elliptique du fuselage (0.90 m x 1.57 m) dépassait à peine 1 m² de surface frontale.

La voilure avait une envergure de 12.80 m et une surface de 21.16 m² de surface (1 m² de moins que les 22.48 m² du Spitfire !).

Cependant, les Gnome et Rhône 14 Mars en étoile de 650 Cv parurent plus aptes à fournir de meilleures performances.

De 2 210 kg à vide, la masse de cet avion variait de 3160 kg à 3 390 kg au décollage, suivant les missions.

La charge alaire variait donc entre 149 kg/m² et 161 kg/m², valeurs qui paraissaient très importantes à l'époque.

L'ingénieur Rivière avait cependant conçu un dispositif  qui additionnait aux ailerons des volets d'intrados (et non des volets de courbure comme je l'avais écrit précédemment).

Pendant un combat, ces volets d'intrados introduisaient un freinage unilatéral intense sans perturber le rôle normal de gauchissement des ailerons pour réaliser les virages. 

Ces authentiques volets de combat favorisaient un tir en déflexion contre un avion en virage. 

Pour réduire la traînée, l'épaisseur relative des ailes ne dépassait pas 12 %. 
Mais, pour éviter un alourdissement de la structure, quatre mâts furent insérés entre les moteurs et le fuselage.


Le premier vol eut lieu le 21 Septembre 1937.

Les  essais préliminaires démontrèrent de brillantes performances, lui conférant le titre de chasseur Français - de loin - le plus rapide :
  • vitesse de pointe :                                                             515 km/h à 5 000 m 
  • vitesse minimale, pleins volets, à la masse de 3 000 kg : 130 km/h
  • temps de montée à 8 000 m :                                            13' 40"
  • Plafond sur un seul moteur :                                              6 950 m
  • Au décollage, il franchissait l'obstacle de 8 m à 330 m du point départ.
  • A l'atterrissage, après avoir passé le même obstacle, il s'arrêtait en 450 m.
Un peu plus tard, après quelques modifications, la vitesse de pointe passa à 520 km/h.


L'autonomie était de 850 km à
 485 km/h de vitesse de croisière, ce qui suggérait une autonomie bien supérieure à 1 000 km à une vitesse un peu plus économique. 

Néanmoins l'appareil déplaisait au CEMA : 

  • D'abord,  sa stabilité de route n'était pas parfaite dans certaines conditions de vol, probablement à cause de l'interaction entre les mâts d'entretoises du fuselage et l'empennage.
  • Dans le même esprit, il n'avait qu'une seule dérive...
    • Ensuite, par sa vitesse comme par son agilité, il concurrençait très défavorablement le monoplace de chasse standard MS 405, soi-disant "meilleur chasseur du monde" : 
      • Il volait 25 km/h plus vite que le Nieuport 161 de 1936, 
      •             45 km/h plus vite que le Caudron 710, 
      •             65 km/h plus vite que le Morane 406,
      •             75 km/h plus vite que le Bloch 150 M.
    • Il soulignait cruellement la totale inadaptation à la Chasse du SE 100 de l'ingénieur P.E. Mercier, certes un peu plus rapide avec ses 2 150 Cv, mais dont la maniabilité en combat était dérisoire et dont l'aptitude à monter en altitude rappelait celle d'un bombardier chargé de 1 500 kg bombes, ce qui lui interdisait tout combat à l'énergie potentielle.
    • Conçu initialement pour une puissance de 900 Cv, le Hanriot 220 avait volé avec une puissance de 1 380 Cv. Cette surpuissance importante pouvait expliquer les gros dégâts subis par le fuselage après un atterrissage forcé, le 17 Février 1938 (quoiqu'un atterrissage forcé soit rarement positif pour une cellule d'avion).
    • Enfin (ou, plus exactement, surtout), c'était un Hanriot, la marque qui disposait d'une école de pilotage concurrente de celle de Morane-Saulnier... 

    On mit en cause la taille des gouvernes, suivant une recette du STAé qui marchait souvent bien en pareil cas (mais qui, bizarrement, ne fut jamais appliquée au LéO 451 qui, lui, en avait un urgent besoin).

    Très curieusement, personne ne vit l'incompatibilité entre la monstrueuse verrière - liée à la stupide exigence d'un triplace par le programme (!) - et la très faible longueur de l'appareil.
    Une verrière aussi catastrophique fut imposée au Potez 63-11, lui mangeant 25 km/h !  

    LHanriot (SNCAC) NC 600

      C'est alors que les décideurs de l'ex-société Hanriot prirent une décision "courageuse" et "essentielle".
      Au lieu de Hanriot 220, il fut rebaptisé du "joli" nom de SNCAC 600.

      Régénérée par ce brevet de civisme nationalisateur, l'image de l'avion allait rapidement s'améliorer.


      NC 600 - Les moteurs et leur capots ne sont pas définitifs


      On supprima une place, la longueur passa à 8.80 m, l'arrière de la verrière fut nettement abaissé et s'intégra beaucoup mieux au fuselage, ce qui améliora encore la finesse du chasseur.

      On intégra, évidemment, une bidérive largement dimensionnée et le bord d'attaque des ailes acquit une légère flèche.

      Après moult petites modifications, les ingénieurs de chez Farman - membres de la même SNAC qui avaient sauvé leur très rapide bombardier NC 150par un rehaussement de son empennage - suggérèrent (probablement) une modification similaire du NC 600 qui se révéla enfin au point.



      La masse de l'avion avait évidemment augmenté : De 2 950 kg à vide, elle montait à 3 637 kg au décollage
       (+740 kg)

      La charge alaire était passée à 171 kg/m².

      Le carénage des moteurs était devenu particulièrement sophistiqué.





      Un NC 600 de présérie tel que trouvé par les Allemands (sur ce site)


        La vitesse de pointe en altitude de ce minuscule bimoteur atteignait 542 km/h à 5 000 m et la montée à 8 000 m n'excédait pas 14 minutes. 

        Ce furent des éléments qui durent compter lorsque l'on s'est rendu compte de la difficulté qu'il y avait intercepter les incessantes reconnaissances Allemandes

        Ces reconnaissances, considérablement plus fréquentes que les nôtres, donnaient aux généraux Allemands l'état journalier de notre dispositif,  elles n'avaient donc rien d'anodin.


        Dans les articles de la revue Flight de cette époque qui ont été consacrés aux avions militaires Français (et autres) vus dans divers salons aéronautiques entre 1938 et 1939, les auteurs insistaient fortement sur le fait que ce Hanriot était réservé à la Chasse, alors que ce n'était le cas ni pour le Potez 630, ni pour le Bréguet 690. 

        Cette insistance suggère que la maniabilité du chasseur Hanriot, issue évidemment de l'emploi des volets de combat Rivière, était réellement remarquable.

        Cette qualité fut confirmé par les mêmes journalistes lorsqu'ils eurent assisté à la démonstration en vol du bimoteur d'entraînement Hanriot 232, dérivé direct du premier prototype Hanriot 220. 
        (Le NC 232  n'avait que 2 moteurs de 220 Cv Renault identiques à ceux qui étaient montés sur les Caudron Simoun et Goéland et volait à 335 km/h).


        A leur arrivée à Bourges en Juin 1940, les soldats Allemands trouvèrent 6 exemplaires du NC 600 en cours de construction ou de finition

        Sur la photo ci-dessus que nous leur devons, on voit que les capotages laissaient une très mince ouverture à l'air de refroidissement.

        Une énorme lacune de nos connaissances est particulièrement intéressante : Il n'existe pas, à ma connaissance, de rapport sur les qualités de vol de ce chasseur, comme si aucun pilote ne s'était jamais trouvé à ses commandes.

        Cependant les soldats Allemands ont pris (au moins) une photographie d'un de ces chasseurs.

        Une commande - en cachette du CEMA - en avait donc été passée... 

        J'ai toutes les raisons du monde de penser que cette commande reposait sur l'opinion favorable de Michel Détroyat, expert national auprès du commandant en chef de l'Armée de l'Air.


        Ce que le Hanriot 220 / NC 600 aurait apporté concrètement 

        Hypothèse A - Tel quel, le NC 600 avait d'excellentes performances combinées à une agilité qui lui conférait un avantage important sur les bimoteurs "de Chasse" contemporains, tous affublés d'un équipage pléthorique et de la capacité de pouvoir emporter des bombes.

        Sa silhouette était à peine plus importante que celle d'un chasseur monomoteur et ses performances n'étaient égalées, en 1940, que par celles de 3 monomoteurs : Le Messerschmitt Bf 109 E, le Spitfire Mk I et le Dewoitine 520. 

        Il était hors de portée des Messerschmitt 110 contemporains (520 km/h)

        Avec la sortie du moteur Gnome et Rhône 14 M de 800 Cv, vers l’Été 1940 (grâce à l'essence à 100 d'octane), la vitesse de ce chasseur aurait été de l'ordre de 580 km/h, au prix d'une consommation un peu plus élevée. 

        Cela lui aurait apporté les performances du Whirlwind Britannique, avec de meilleures performances ascensionnelles.

        Ses 2 canons HS 404 lui conféraient un punch considérable (on évoque aussi un canon dorsal... mais l'avion me paraît vraiment trop menu pour avoir employé ce type d'arme contre des chasseurs).

        Il aurait sans aucun doute constitué un excellent escorteur pour nos bombardiers.

        Il eut constitué surtout une excellente arme de harcèlement pour attaquer la Luftwaffe à l'intérieur de ses lignes dès le petit matin, après un trajet rapide sur 100 ou 200 km en fin de nuit. 

        Cela aurait obligé Göring à conserver plus de Bf 109 à l'arrière, donc à faire escorter ses bombardiers dès leur mise en l'air. 

        Du coup, le nombre de bombardiers disponibles pour attaquer nos points sensibles eut été amoindri, ou alors, certaines missions auraient dû être engagées sans escorte, facilitant d'autant le travail de la Chasse Française.



        Hypothèse B - Une toute autre évolution eut été possible dès la présentation du Hanriot 220-01 avec sa motorisation initiale par des moteurs Renault V 12  R 01 puis R 03. 

        Certes, ceux-ci, avec leurs 450 Cv en 1938, étaient moins puissants que les Gnome et Rhône 14 Mars en étoile de 650 Cv chacun. 

        Cependant, ils présentaient un maître-couple encore plus réduit et une forme particulièrement fine.

        En réduisant l'équipage au seul pilote, donc en affinant le fuselage, on pouvait garder l'empennage initial (mais probablement en le surélevant). 

        Cela permettait de gagner de l'ordre d'une tonne sur la masse au décollage et, donc, de réduire un peu la surface des ailes.

        De cette manière, on conservait l'essentiel des performances et l'avion pouvait entrer en service bien plus rapidement. Dans un tel cas, il eut constitué un atout remarquable.