mardi 25 février 2014

Le Bombardement en Piqué, solution décriée... mais tellement efficace ! (Révisé le 14 / 09 / 2020)



Les pistes d'amélioration du bombardement aérien entre les deux Guerres Mondiales


Après la fin de la Grande Guerre, ceux qui avaient eu l'expérience de conduire des bombardements par avion - et dans quelque nation que ce soit - en connaissaient déjà l'immense puissance. 

Conscients que la nouvelle carte de l'Europe, issue du Traité de Versailles de 1919, introduisait de nouveaux risques de guerre, ils voulurent rendre cette arme bien plus efficace.

  • Augmenter la capacité de destruction. Cela exigeait l'augmentation du tonnage de bombes transporté et, en même temps, l'augmentation de la masse individuelle des dites bombes.
  • Réduire le nombre d'objectifs inaccessibles. Pour cela, il fallait augmenter le rayon d'action des bombardiers. Cette exigence pouvait sembler entrer en concurrence avec la précédente. Elle s'était traduite par trois démarches simultanées
      • L'augmentation de la puissance des avions, en particulier en multipliant le nombre de leurs moteurs (ce qui permettait de porter plus de carburant). 
      • L'extension et la restructuration de la surface des ailes pour en diminuer la charge et la traînée. 
      • L'amélioration du profilage des avions.
  • Réduire la vulnérabilité des avions aux tirs ennemis. Plusieurs méthodes avaient déjà été trouvées pendant la guerre :
      • Le blindage du pilote. Mais l'avion devenait vite très lourd par rapport à sa puissance et à la résistance de sa cellule. Du coup, il devenait difficile à manœuvrer. 
      • Le vol à plus haute altitude que le plafond pratique de la DCA ennemie. Mais cela augmentait mécaniquement la dispersion des bombes au sol puisqu'elles subissaient un ensemble de perturbations aérodynamiques qui les étalaient à la fois sur l'axe bâbord / tribord et, surtout, sur l'axe de la route suivie au moment du lâcher.
      • L'escorte par des chasseurs. Cette mesure n'était jamais d'une efficacité totale, mais elle réduisait les pertes et renforçait le moral des équipages de bombardiers. (Et encore fallait-il savoir comment escorter !)
      • Le bombardement de nuit, au risque d'une bien moindre efficacité.
      • La multiplication des moteurs, pour améliorer les chances de retour à la maison (et déjà citée au paragraphe précédent pour permettre d'emmener plus de carburant).

Le bombardier Américain Boeing B 29 constitua une excellente synthèse de ces concepts.



L'anti-bombardement en piqué : Celui de ces quatre Boeing B 29 sur ce site.
Un pareil (et gigantesque) nuage de bombes crée beaucoup de désastres et très peu de retombées stratégiques.
 


Mais il suffit de jeter un coup d’œil à la photo ci-dessus pour comprendre qu'il restait un léger problème.

Donc, la dernière direction à examiner était :

  • Améliorer la précision des impacts sur les objectifs visés.
    • Pour poser le problème, voyons ce qui s'est passé pendant la Seconde Guerre Mondiale, où les Alliés Anglo-Saxons ont utilisé principalement la méthode du tapis de bombes. 
    • Pour avoir une idée du "rendement" de ce système, il faut savoir que 2 700 000 tonnes de bombes furent lâchées sur l'Europe
    • Cela fut réalisé au prix de 40 000 bombardiers abattus ou irréparables
    • Dans le même temps 7 500 000 Allemands devinrent des sans-abris et 1 080 000 victimes civiles furent atteintes dont 305 000 tués. 
    • La photo ci-dessous démontre que le tapis de bombes n'a jamais permis de détruire un objectif "dur". 
    • C'est essentiellement une méthode de terreur, donc elle a un but politique.




Dispersion des impacts lors de l'arrivée d'un tapis de bombes lancés par des B 17 sur Paris en 1943 - 
Malgré la remarquable proximité des bombes en train de tomber (en bas de l'image), cette méthode ne permet pas la destruction de cibles ponctuelles durcies



De nos jours, entre imagerie radar et guidages lasers, la précision des impacts est devenue remarquable puisque elle est de l'ordre du mètre : On peut donc bombarder un 4x4 sans (trop) abîmer ce qui est autour.

Mais, dans les années 1930, le radar balbutiait tout juste et le laser n'existait pas du tout. 

Il fallait bien trouver autre chose. 

On est donc parti des simples évidences :
  • L'augmentation de la précision d'impact exige à la fois une bonne connaissance de l'objectif et une visée de la plus haute précision possible.
  • Elle dépend, donc, de la précision du viseur de bombardement
  • Une altitude de bombardement plus basse, compatible avec la sécurité de l'avion par rapport aux éclats des bombes qu'il a lancé lui-même, améliore également la précision des impacts.
  • Par contre, elle apparaît totalement contradictoire avec la sécurité de l'avion par rapport à la DCA.


Le bombardement en piqué : Une précision "parfaite"


Par bombardement en piqué, j'entends un bombardement impliquant une très rapide diminution d'altitude et se terminant par un lâcher de bombe juste avant le point d'altitude minimal -

Cette technique avait déjà été tentée spontanément par certains pilotes de tous les belligérants lors des 2 dernières années de la Grande Guerre.

Pendant l'Entre-Deux-Guerres, elle s'était perfectionné fortement en Allemagne, notamment sous l'influence de Junkers (Ju K 47) et d'Ernst Udet.

Grâce à ce dernier, le progrès de la précision fut spectaculaire pour des pilotes très entraînés, tous les impacts étant contenus dans un cercle de 50 m de rayon.

Les meilleurs pilotes Allemands atteignaient même une précision décamétrique (10 m), inégalée jusque là par l'artillerie lourde comme par le bombardement aérien horizontal.

La raison en est simple : Lors d'un bombardement en vol horizontal, la bombe, une fois lancée, se meut à la vitesse de l'avion lanceur. 

Deux forces importantes s'exercent alors sur elle : 
  • Le vecteur traînée qui s'oppose à son vecteur de déplacement d'un angle de 180°
  • Le vecteur poids (attraction terrestre) qui tend à l'attirer vers le centre de la planète. 
Ces deux forces sont, au départ, strictement perpendiculaires. 

Lorsque la bombe arrive au voisinage du sol, son vecteur (résultant) de déplacement est devenu presque vertical, ce qui signifie que la quasi totalité de la vitesse du lanceur a été éliminée. 

Mais le temps de cette élimination est long et de nombreux facteurs peuvent avoir altéré la trajectoire prévue.


Une bombe lancée en piqué vertical, par contre, part avec une vitesse orientée exactement comme l'attraction terrestre et une traînée en sens inverse.

La durée du trajet de la bombe est obligatoirement très réduite (moins d'une poignée de secondes), donc les éventuels facteurs perturbateurs pour la trajectoire disparaissent.

Néanmoins, il faut noter que les effets-moteurs vont changer sur un monomoteur à hélice : Sur un avion mis en très (très !) léger piqué et correctement trimé en direction, on voit le capot glisser latéralement avec une cadence bien perceptible qui change le repère pris au départ si on ne contre pas cette tendance au pied



Les étapes successives de l'action

Au départ de l'action, un bombardier en piqué volait haut, en principe hors de portée de la DCA, pour bien repérer sa cible. 

Si, dans les expériences initiales, l'angle de piqué par rapport à l'horizontale était relativement "faible" - 45° - à force d'entraînement et d'expériences, on en était arrivé à 90° au sein de la Luftwaffe comme dans certaines autres forces aériennes. 
  • Ensuite, le piqué lui permettait de se rapprocher rapidement et de manière stable de sa cible, puisque, la vitesse du lanceur augmentant, les influences de la gravitation et des imperfections aérodynamiques de la bombe devenaient négligeables.
  • Pendant la descente, le pilote devait éviter (en trimant sa profondeur) que l'avion ne lève son nez, ce qui aurait amené l'objectif à passer sous le nez de l'avion.
  • L'avion pouvait alors larguer sa bombe avec une précision inédite. Un dispositif mécanique (fourche) permettait à cet instant à la bombe de passer en dehors de la zone balayée par l'hélice (cas d'un monomoteur).
  • Le viseur d'un chasseur donnait une précision suffisante, c'était donc au pilote de larguer la ou les bombes.
  • Juste après le largage de la bombe (voire même un micro-moment avant), la manœuvre se poursuivait par une ressource, c'est à dire une trajectoire en quart ou en demi cercle selon la volonté du pilote et créée par une traction sur la profondeur. Elle permettait non seulement d'arrêter le piqué mais aussi de remonter à une altitude de sécurité par rapport à la DCA ennemie. 
  • Le point le plus bas de la trajectoire était atteint pendant la ressource (classiquement, entre 600 et 400 m AGL).
  • Bien sûr, une telle ressource était pénible pour l'équipage, puisque le facteur de charge pouvait excéder les 4 à 6 g (intenables pour un bombardier classique)
  • Bien évidement, la ressource était rarement réalisée dans l'axe du piqué, pour éviter une trop grande facilité d'anticipation de la trajectoire pour les servants de la DCA adverse.

En 1940, les pilotes Allemands partaient de relativement haut (de 3 000 à 4 000 m au moins), commençaient leur piqué après mise sur le dos de leur Stuka, ce qui leur faisait réaliser leurs ressources plus ou moins face à leurs lignes, permettant à l'équipage d'effectuer un retour très rapide à la sécurité. 

Un ensemble de systèmes astucieux automatisaient la plupart de ces actions, ce qui assurait l'extrême précision du résultat.

Quant à la DCA elle-même, le bombardier en piqué lui posait de gros problèmes :
  • Ses canons de moyen calibre - ceux qui tiraient jusqu'à 10 000 m d'altitude - étaient, pour la plupart, difficiles à recharger à une incidence supérieure à 80°
  • La trajectoire future de l'avion n'était pas facile à définir avec des systèmes de télémètres stéréoscopiques dans lesquels le bombardier apparaissait pendant tout le début de son piqué comme un disque (fuselage) doté de diverses excroissances linéaires (ailes, dérive, plan fixe, voire train d'atterrissage, le cas échéant). 
  • Un avion qui pique au dessus d'une troupe donne à chaque soldat l'impression d'être sa cible (JM Accart, On s'est battu dans le ciel). C'est ce qui explique la terreur des troupes sujettes à un tel bombardement (et l'ajout de sirènes n'arrangeait rien !).

L'avion de bombardement en piqué de 1939 partageait les caractéristiques essentielles de l'avion de Chasse : Maniabilité, très grande résistance aux facteurs de charge et, aussi, bonne capacité ascensionnelle. 

Tout cela amenait à le construire suivant les normes employées pour les avions de Chasse.

La fiabilisation des moteurs et des cellules aéronautiques comme l'amélioration du comportement des avions aux grandes vitesses permettait enfin de rendre cette technique de bombardement accessible à un relativement grand nombre de pilotes. 


Quant à la puissance motrice de l'avion, tout dépendait de la charge maximale de bombe à larguer. 

Pour simplifier, si on acceptait de se contenter de bombes de 250 kg, un monomoteur de 700 à 850 Cv suffisait, par contre, si on voulait 500 kg, il fallait passer les 1 000 Cv.

Par contre, au début de la guerre, si on voulait 1 000 kg, il fallait passer au bimoteur. 

Ceci entraîna la commande du Junkers 88 en Allemagne, et explique sa très longue mise au point. 

Vous pouvez m'objecter que Rudel, le maître absolu du Stuka, avait coulé le cuirassé soviétique Marat avec une bombe de 1 000 kg sous le ventre de son Junkers 87.
    • Mais il s'agit d'un cas très atypique, car, en dehors de l'immense talent de Rudel, il est lié à la maîtrise de l'air radicale exercée par la Luftwaffe en Russie pendant les 6 derniers mois de 1941. 
    • Ensuite, son avion n'avait sûrement pas décollé très loin de sa cible, il n'avait donc pas eu à emmener l'essence nécessaire pour parcourir 500 km à l'aller puis autant au retour. 
    • Enfin, je n'imagine pas une seule seconde que la Luftwaffe aurait pu couler aussi facilement le Richelieu, l'Iowa et encore moins le Yamatodont les ponts blindés étaient plus de 3 à 4 fois plus épais.



Le bombardement en piqué dans la Royal Navy 


Toutes les grandes marines de guerre travaillèrent cette question pendant l'Entre-Deux-Guerre.

La RAF avait refusé le bombardement en piqué dès la fin de la Grande Guerre, il fut tardivement raconté que c'était en raison de l'extrême rapidité que ce type de bombardement conférerait aux avions qui l'exécuterait. 

Cette critique n'était pas dénuée de sens, mais elle occultait la possibilité de créer des freins aérodynamiques et d'engager le piqué de très haut. 

Par contre, elle priva la RAF de la capacité de frappe de précision pendant la Bataille de France et celle de Dunkerque.

La Royal Navy ne voyait pas les choses ainsi, cependant, dans le début des années 30, elle se satisfaisait de ses chasseurs biplans Fairey Flycatcher - encore moins rapides que les Wibault 7 (!) - pour réaliser ce type de bombardement.





Fairey Flycatcher - Un bel effort de multiplication des traînées... En arrière plan, le porte-avion Eagle.



Il faut reconnaître que les Britanniques furent de fervents adeptes des biplans jusqu'à la fin de 1935. 

Ils voyaient dans leur structure un gage de robustesse, à la fois face aux atterrissages hasardeux (le plan supérieur protégeant le pilote lors d'un capotage) et face aux piqués plein gaz (la solidarité entre les ailes interdisant aux ailerons de faseiller). 

En outre, la maniabilité des biplans était inégalée et ils ne coûtaient vraiment pas cher. 

Et sur tous ces divers plans, les Britanniques n'avaient absolument pas tort.

Par contre, lorsque, un peu partout dans le Monde,  la barre symbolique des 200 mph (320 km/hfut franchie, les biplans n'étaient plus aussi agréables : Ils avaient tendance à vibrer, ce qui rendait n'importe quelle visée aléatoire.


Dans le même temps, leurs Alliés comme leurs concurrents Européens et Américains se lançaient chaque jour davantage dans l'aventure du monoplan cantilever.

Par essence, c'était un engin dépourvu de haubans, voire même de mâts de soutènement et donc manifestement dangereux et choquant

Certes, des avions Britanniques de record et de course avaient eux aussi sacrifié à cette mode insensée et ils y avaient même donné des résultats excellents (Supermarine S5 et S6, De Haviland Comet), écrasant souvent leurs concurrents étrangers.


Il fallut donc bien que la Royal Navy se lance à son tour dans cette aventure, d'autant plus que la Marine Française - toujours considérée avec méfiance par ceux qui se pensaient  des descendants de Nelson - venait de commander un hydravion monoplan torpilleur solide et très manœuvrant, le Latécoère 298, qui volait vraiment à 300 km/h. 


Difficile d'imaginer que les Hawker Nimrod, ces "si merveilleux" chasseurs embarqués sur les porte-avions de Sa Gracieuse Majesté, aient été capables de contrer de tels hydravions avec leurs 310 km/h annoncés en vitesse de pointe. 

D'autant plus que, je me permets, très respectueusement, de le souligner, ces appareils, très ressemblants au Hawker Fury I (330 km/h), pesaient 20% de plus, avaient 20% de surface alaire en plus et leur moteur développait 20% de puissance en moins. 

Ils auraient donc eu bien du mal à dépasser 280 km/h !



D'un autre côté, on parlait de plus en plus de bombardement en piqué et les marins Britanniques, partant de l'idée parfaitement juste qu'un chasseur pouvait facilement devenir un bombardier en piqué efficace, décidèrent de commander un chasseur-bombardier qui serait apte aux deux tâches.

L'avion choisi fut le Blackburn Skua (nommé d'après un oiseau), un monoplan biplace avec un moteur radial de 815 Cv en puissance maximale continue et 905 Cv pendant 5'. 






Document personnel de l'auteur - Blackburn Skua -  Un bon avion, facile à piloter.
 La visibilité "balcon" et l'épaississement du fuselage après le moteur et au niveau de la voilure en ont tué l'aérodynamisme



Avec une masse de 2 500 kg à vide et de 3 700 kg au décollage, il pouvait emporter, au maximum, une bombe de 230 kg à 600 km de son point de départ et revenir.

La voilure avait une surface de 29.5 m². La charge alaire était faible (126 kg/m²).

La vitesse de pointe était de 360 km/h à 3 000 m et la croisière se faisait à 270 km/h. 

Le plafond était de 6 100 m, atteint en 43'.


Cet appareil disposait d'une remarquable visibilité et sa structure intégralement métallique lui assurait de conserver ses performances au fil du temps.
Ses pilotes, après la guerre, se souvenaient parfaitement de la grande qualité de ses freins de piqués dont ils furent vraiment très satisfaits

Ils soulignaient aussi la facilité avec laquelle ils pouvaient suivre les changements de direction de leurs cibles.

N'étant pas très performant et manquant d’agilitéil ne convenait évidemment pas pour combattre une aviation de chasse terrestre déjà alertée : Sa masse sans bombe était trop forte d'une tonne, impliquant donc trop d’inertie.

D'autre part, sa puissance était trop faible et on peut se demander pourquoi on ne monta pas le Bristol Hercules de 1300 / 1400 Cv sur sa robuste cellule, ce qui leur aurait permis de voler à près de 440 km/h.

Mais j'ai déjà dit que le combat aérien entre chasseurs n'était pas vraiment à l'ordre du jour. 


L'essentiel des surfaces maritimes terrestres étaient bien trop éloignées des côtes pour les chasseurs terrestres créés par les ingénieurs Européens. 

De plus, à cette époque, l'Empire Britannique possédait une foule de bases dispersées sur tous les continents comme sur nombre d'îles, et il était tout à fait imaginable que des Hurricane y soient basés partout en cas de conflit (ce qui fut le cas dès la fin de 1940). 

La différence de performances entre les chasseurs terrestres et les chasseurs embarqués disparut uniquement lorsque la Marine Impériale Japonaise décida que ses chasseurs embarqués devaient pouvoir éliminer leurs opposants terrestres (ce qui reste la norme dans toutes les marines du Monde
 jusqu'à nos jours (sauf celles qui emploient des Lockheed-Martin F 35 ;-p).


Les Skua tinrent tout à fait honorablement leur rang dans la campagne de Norvège au début du Printemps 1940, allant jusqu'à couler définitivement le croiseur Allemand de 7 700 tonnes Königsberg, avec des bombes de seulement 45 kg (un authentique exploit !). 
{ceci est la version de Février 2014 - actuellement, on évoque 3 bombes de 232 kg}

Dans la revue La Science et la Vie (publiée dans la France de Vichy - sous contrôle Allemand et Italien) n°282 de Février 1941, en page 82 très précisément, on trouve une information qui a totalement disparue depuis, mais que je vous livre telle quelle parce que je la pense en tout cas tactiquement intéressante.

Cela concerne la soirée du 11 Novembre 1940, lorsque l'escadre Britannique de l'amiral Cunningham attaqua les cuirassé Italiens mouillés en rade de Tarente par une nuit de pleine lune : Les premiers avions Britanniques arrivés sur les lieux auraient été des Skuas armés de leur charge de bombe maximale qu'ils auraient livrés à leurs destinataires. 
Une fois délestés de leur charge, ils auraient assumé leur rôle de chasseurs pour protéger l'arrivée et le départ des Swordfish.

Au matin suivant, trois cuirassés Italiens reposaient sur le fond de la rade, au moins pour un temps non négligeable ; les Britanniques n'avaient perdu que 2 avions... 


Ce fut une opération absolument remarquable.

Les Skua furent retirés en 1941, sans que l'on ait cherché à les améliorer mais, également, sans qu'ils aient réellement été mis en échec. 



Le Junkers Stuka et la critique Britannique sur TOUS les bombardiers en piqué


Le Junkers 87 Stuka est le plus célèbre de tous les bombardiers en piqué, et il en est parfaitement digne.

Dans sa version B1 de Mai 1940, c'était un monomoteur animé par un moteur Jumo 211 de 1 000 Cv au décollage. 






Junkers 87 B Stuka - Excellente visibilité, bonne maniabilité, excellente précision !



Le fuselage avait 11 m de long.

La voilure, en W aplati pour dégager l'hélice vers le haut sans avoir un train trop haut, avait 13.5 m d'envergure et une surface totale de 31.9 m².

La masse à vide était de 2 750 kg et la masse au décollage - avec 500 kg de bombes - atteignait 4 250 kg.

La charge alaire était donc de 133 kg/m² à pleine charge et inférieure à 117 m², bombe larguée.

La vitesse de pointe était de 390 km/h et le plafond de 8 100 m.

Avec 500 kg de bombes, l'avion avait un rayon d'action de combat de 500 km. 

Adolphe Galland lui reconnaissait une vitesse de croisière de l'ordre de 250 km/h. 

Il était donc vulnérable non seulement aux Dewoitine 520, Curtiss H 75, Bloch 152 et Morane 406, mais aussi aux Dewoitine 500 et aux Spad 510.





Des pertes ? Peut-être, mais surtout infligées aux Alliées !


La critique Britannique de cet avion, recopiée servilement par tous depuis 70 ans, reprend ce qu’écrivait William Green sur le Stuka dans son livre Famous Bombers of WW II.

Elle est fondée sur les pertes soi-disant insoutenables en Junkers 87 Stuka de la Luftwaffe pendant la Bataille d'Angleterre.

Vous la trouverez à peine modifiée - mais heureusement débarrassée des agaçantes critiques esthétiques de l'ami W. Green - dans l'article Wikipedia en langue Anglaise sur le Stuka.

A en croire les valeurs numériques disponibles, ces pertes en Stuka pendant la Bataille d'Angleterre ne sont pourtant pas particulièrement dramatiques : Elles se limitèrent à 71 avions détruits (sur ce site). 


Au début de la Campagne de France, les Allemands alignaient 300 Junkers 87. 

Comme il est hautement probable que Göring ait entièrement recomplété leurs effectifs à la fin Juin 1940, ces 71 avions perdus représentaient de 20 à 25% de pertes en un peu plus de 100 jours : Moins d'un avion perdu par jour en moyenne. 

Bien sûr, certains jours furent dramatiques pour les unités de Ju 87, mais c'est classique pendant toute guerre.

Les 40 000 quadrimoteurs Alliés perdus entre 1941 et 1945 représentent 10 000 avions par an, soit presque 30 avions par jour. Là, moi, j'ai mal.


Si, en plus, on met en regard les pertes en Stuka avec les pertes en tous genres que ces avions ont infligés aux Alliés, les choses deviennent bien moins simples pour la survie des opinions Britanniques... 

Ainsi, en quelques jours, pendant la seule Bataille de Dunkerque, nos alliés perdirent 29 de leur 40 destroyers (72% de pertes) et 89 navires marchands uniquement du fait de cet avion. 
C'est un sacré "rendement" !

Cela a représenté des milliers de morts et au moins autant de blessés. Ces pertes-là sont, vraiment, épouvantables !

Constatons aussi que ce bombardier terrestre avait donc eu une très puissante implication aéronavale.


Par ailleurs, les pertes en Hurricane furent presque 8 fois plus fortes (538) et je doute totalement que la RAF ait jamais eu 2 400 Hurricane en formation au début de la Bataille d'Angleterre.

Bien sûr, un Stuka isolé était une proie assez facile pour une paire de chasseurs modernes.


Mais, à un contre un, le chasseur ne devait pas louper son coup car le Stuka, une fois sa bombe lancée, était très maniable, bien défendu et solide.

Nombreux furent les pilotes de Chasse Britanniques qui racontèrent avoir été attaqués par des Ju 87 et avoir eu toutes les peines du monde à s'en tirer. 

Il est donc très probable que d'autres chasseurs en aient été victimes.

La virulence Britannique à l'égard du Junkers 87 est un relent de haine pure, à relier aux énormes pertes que la Royal Navy a subies de son fait

Cet avion eut un rôle tout aussi sanglant lors du conflit dans les Balkans puis en Libye, avec l'Afrika Korps. 


Mais je ne ferais jamais partie de ceux qui associe un avion ou ses pilotes avec la politique menée par les dirigeant du pays qui l'a employé. {Si nous, Français, allions par là, nous parlerions de l'infâme Hood qui avait coulé notre pauvre cuirassé Bretagne. Ce serait, de notre part, démontrer une rare stupidité.}

La vraie question est : Le Stuka fut-il efficace ? 

La réponse ne fait aucun doute et, Oui, il fut même particulièrement efficace
Au point de constituer un atout majeur pour les armées qu'il soutenait.




Document personnel de l'auteur - Attaque de Ju 87 Stuka sur un train : Une seule grosse bombe, un cratère de  6 m de diamètre, le train est, visiblement, en très mauvais état et la gare doit être presque entièrement reconstruite.


Ce rôle fut répété en Union Soviétique, et si les Ju 87 ne réussirent pas à dégager la VIème armée de von Paulus encerclée à Stalingrad, la faute en revient uniquement à ceux qui interdirent à cette armée de manœuvrer.

Cela ne concerne pas seulement Hitler, mais aussi les Maréchaux Allemands, en particulier les très arrogants von Manstein et Göring, qui lui assurèrent qu'ils étaient en mesure de "secourir" cette armée


Pendant la Bataille de Kursk, les Stuka furent capables, à eux seuls, de rompre l'encerclement de 2 armées Allemandes !  
C'est dire à quel point ils furent décisifs ! 



Par contre, les décideurs Allemands ne comprirent pas que toute volonté de créer un gros Stuka était un non sens

Le Junkers 88 y perdit l'essentiel de ses qualités de rapidité et le Heinkel 177 ne fut jamais au point !!!!



Lorsque, enfin, les soviétiques réussirent à disposer de 3 000 chasseurs modernes, les pertes en Stuka purent enfin atteindre des valeurs dramatiques pour les escadres de bombardement en piqué dont les effectifs en hommes et en matériels n'avaient pas progressé.

Le problème Allemand n'était en aucun cas le Junkers 87, mais une dramatique pénurie en chasseurs et en pilotes de Chasse.



Maintenant, si on regarde un autre des avions d'assaut les plus mythiques de la période, l'Iliouchine 2 Sturmovik, on constate qu
'il a subi des pertes extrêmement sévères malgré ses qualités de vol, ses 700 kg de blindage et son formidable armement. 

Sur 36 000 avions construits, 10 000 ont été abattus en 4 ans, soit ~30 % de pertes. 

Les choses avaient même été bien pires au début de l'offensive Barbarossa, en 1941, lorsque le 4ème régiment d'assaut aérien soviétique perdit 55 de ses 65 Sturmovik en 21 jours (84 %), ce qui montre juste que personne, en URSS, ne savait attaquer la Wehrmacht parce que les meilleurs officiers avaient été liquidés pour des raisons politiciennes par Staline et aussi parce que la Flak avait été considérablement sous-évaluée




Des bombardiers en piqués pour la RAF ?


Il y eut 2 candidats à tenter le concours P4 / 34 lancé pour doter la RAF d'un bombardier de précision.

Le prototype Fairey P4 / 34 était un biplace dérivé du Fairey Battle, en plus fin, plus léger (2 900 kg à vide, près de 4 000 kg au décollage) et aussi puissant (Merlin III de 1030 Cv). 

Il était moyennement maniable mais reconnu très facile à piloter et doté d'une grande autonomie. 

Sa charge offensive normale était de 230 kg. Sa vitesse fut annoncée un peu partout à 455 km/h à 4 600 m d'altitude. 


Les Britanniques n'en voulurent pas, lui préférant le Hawker Henley, dérivé du Hurricane et prétendu plus maniable que le Fairey.


Ils demandèrent cependant à Fairey de dériver du  P4 / 34 un chasseur embarqué biplace, le Fulmar (Source : Wikipedia en langue Anglaise), dont je me refuse à dire qu'il fut une réussite....



La vérité finit toujours par sortir du puits

Mais un problème apparut rapidement dès le début des essais du Fulmar : Avec le même moteur Merlin III, le prototype du nouveau chasseur (légère transformation du second prototype du Fairey P4 / 34) fut incapable de dépasser 370 km/h. 

Certes, il avait une crosse d'appontage et 8 mitrailleuses de tir frontal  à la place d'une seule, mais, même si cela ajoutait déjà 250 kg de masse et une certaine perte de finesse à l'avion, cela ne suffisait pas à expliquer la perte de 85 km/h, d'autant plus que sa voilure avait été un peu réduite (même si, avec 32 m², elle restait encore bien grande). 

Cette vitesse de 455 km/h publiée pour le Fairey P 4 / 34 fait donc partie des mensonges d'Etat liés à la fois à la propagande de guerre et à un lobbying féroce.

Toujours est-il que le Fulmar fut livré fin 1940 avec un Merlin VIII de 1300 Cv qui lui était réservé et qui lui assurait une vitesse de 415 km/h (exactement ce que prédit le calcul en partant de 370 km/h pour 1030 Cv), encore bien loin des 455 km/h annoncés pour son frère aîné, qui correspondraient à l'usage d'un moteur de plus de 1550 Cv !!!. 

Rassurez-vous, ce mensonge n'était pas uniquement celui de Fairey mais aussi celui de Hawker.


Son concurrent victorieux Henley, annoncé alors comme apte à plus de 480 km/h, est donné maintenant  comme ayant une vitesse maximale de 435 Km/h avec sa remorque de cible (ce qui n'a aucun sens).  


Hawker Henley - Des ailes vraiment très épaisses (sûrement plus de 22% d'épaissseur relative !), un fuselage entoilé bien ventru et un radiateur proéminent pour emmener 2 bombes de 113 kg, puis pour tirer une cible et... griller des moteurs RR Merlin.


Il ne participa à aucune action opérationnelle (pour lesquelles il fut remplacé efficacement par le Hurricane).

Que d'aucuns aient pu croire que ce Henley, nettement moins fin que le Hurricane Mk I doté du même moteur et pesant une tonne de plus, ait pu voler à une vitesse très proche de celui-ci, démontre jusqu'où la crédulité peut s'élever.



Après le (très, très) pauvre Chance-Vought Vindicator, enfin le remarquable Douglas Dauntless


A la même époque, les USA fabriquaient le biplan Curtiss SBC Helldiver annoncé pour 377 km/h à 4 600 m d'altitude. 

Nous l'achetâmes, j'ai déjà dit à quel point la mission d'achat aux USA était "bizarre" (je suis dans un jour de grande mansuétude).

Seul Douglas réussit un excellent avion - issu du bureau d'étude Northrop - qui vola le 1er Mai 1940, le merveilleux SBD Dauntless. 

Nous l'achetâmes aussi, par pure chance, cette fois ! Malheureusement, notre pays signa l’armistice peu avant sa livraison.



SBD Dauntless -




L'avion était manœuvrant, pesait moins de 3 tonnes à vide et plus de 4 tonnes au décollage.

Long de 9.96 m, il avait une masse de 2 970 kg à vide et de 4 720 kg au décollage (4850 kg en surcharge).

La voilure, épaisse de 15% à l'emplanture et de 7% à l'apex, avait une envergure de 12.65 m et une surface de 30.19 m².

La charge alaire variait de 141 kg/m² à 160 kg/m² suivant la charge.

Le moteur, dans la version la plus courante, était un Curtiss 1820-60 donnant 1 200 Cv.

Les 980 litres d'essence du réservoir permettait une autonomie normale de 1800 km, donc presque 1 000 nmi. En convoyage (sans munitions), la distance passait à 2 500 km.


Les équipage l'apprécièrent énormément pour ses qualités de maniabilité, de tenu de piqué, de solidité et pour sa grande autonomie.

Son armement (2 mitrailleuses de 12.7 mm sur le capot moteur et 2 autres de petit calibre pour le mitrailleur arrière) et sa maniabilité le rendait redoutable pour ses ennemis.

Sa vitesse avoisinait les 400 km/h initialement et finit par les dépasser lorsqu'un moteur plus puissant fut employé.


Mais cet avion n'arriva en formation pour l'US MC qu'à l'extrême fin de l'année 1940.

Il joua un rôle décisif dans la guerre du Pacifique en coulant la majorité des porte-avions Japonais, dès la bataille de Midway, et une part très importante du trafic logistique des armées Nippones. 

Il fut remplacé en 1944 par le nouveau Curtiss Helldiver de 1 900 Cv, qui volait 70 km/h plus vite, mais ses anciens équipages regrettèrent le Dauntless, ayant perdu en maniabilité et en autonomie.

Il apparu dans notre Aéronavale en fin 1943 et participa à la lutte contre les Allemands en France et en Europe. 

Il y souffrit de la Flak mais, heureusement, l'ennemi pu se rendre compte de son efficacité.



Conclusion 


Le bombardement en piqué fut une très grande invention.

Ceux qui l'ont vilipendé sont ceux qui le craignaient le plus.

Il fut perfectionné par Ernst Udet à un point tel qu'il économisa beaucoup de victimes collatérales. 

Cela n'empêcha nullement les décideurs Allemands d'employer des Heinkel 111 pour lancer des tapis de bombes pour terroriser les populations, comme à Rotterdam en Mai 1940, alors que les Stuka avaient été spécifiquement demandés. 

Cela venait de la nature même du système "philosophique" nazi.

Le bombardement en piqué joua un rôle important contre toutes les cibles maritimes et contre les cibles durcies.

De nos jours, les munitions guidées par lasers ont rendu cette pratique obsolète, quoiqu'en fait, elles arrivent généralement en piqué, comme si elles avaient été lancées par un bombardier en piqué.

Quand on prend conscience du prix exorbitant de ces munitions, on se demande si l'on a forcément analysé jusqu'au bout ce qui permettait l'amélioration de sécurité du lanceur et l'augmentation de précision de l'impact.



NB 1 : Vous pouvez compléter cet article avec celui sur les bombardiers en piqué Français Loire-Nieuport 40, 41, 401, 411 et leurs descendants.

NB 2 : Le commentaire de Montaudran (à la suite de ce présent article) sur un bombardier en piqué moderne - Stuka 21 - me paraît particulièrement intéressant.