dimanche 9 mai 2021

Le North American P 51, seul contre tous, mais victorieux ! (révisé le 13 / 01 / 2024 ** ***)

Le Chasseur P 51 Mustang, parfaitement conçu dès le Printemps 1940, était validé en 1941. 

Pourtant, il a fallu attendre 1944 pour que les grands décideurs de son pays comprennent enfin l'atout qu'il représentait pour les Alliés comme pour son pays.


La Chasse US au début de la Seconde Guerre Mondiale


En Septembre 1939, un seul chasseur américain, le Curtiss P 36, tangentait les 490 km/h. Il avait une excellente manoeuvrabilité et restait maniable à grande vitesse. 

Son concurrent principal, le Seversky P 35 atteignait à peine les 470 km.

Les écrits US de 2021 émettent l'idée que sa rapide mise à la retraite (fin 1941) venait du mauvais choix de son compresseur, qui n'avait qu'un seul étage. 
Une fois de plus, il s'agit d'un ridicule anachronisme Américain.

Certes, aux USA, on parlait bien alors de turbocompresseurs mais, à ce moment-là, aucun n'était fiable. 
Les compresseurs mécaniques à deux étages ne sortiront que vers la fin 1941 et ils ne seront pas encore au point. 

Une prospective orientée vers 1941 faisait apparaître 4 nouveaux monoplaces : Le Curtiss P 40, le Republic P 43, le Lockheed P 38 et le Bell P 39. 
Si ces 2 derniers avions étaient initialement équipés de turbocompresseurs, seul le P 38 sortit ainsi équipé, peut-être parce que sa structure de bimoteur réduisait les risques d'une panne de moteur totale.

Dans le même temps, aux USA, la mode était à l'augmentation de masse, à vide comme au décollage. 
La puissance industrielle de ce pays ne demandait qu'à fabriquer ce qui leur permettrait d'édicter au Monde toutes leurs lois et toutes leurs habitudes. 
Dès l'attaque de Pearl Harbor, des plans de fabrication en masse des chasseurs existants furent lancés (50 000 chasseurs par an).

Evidemment, personne ne se posait de question quant aux risques d'éventuelles confrontations de ces "choses" avec d'autres chasseurs : Que voulez-vous, les USA ont toujours été protégés par deux gigantesques océans. 

Autrement dit, ces "braves" avions ne pouvaient avoir aucun intérêt stratégique ce qui explique, d'ailleurs, qu'ils ne jouèrent que des rôles bien secondaires dans la IIème Guerre Mondiale...


Développement d'un outsider

La Grande Bretagne, intéressée par le P 40, demanda à North American Aviation (fleuron du conglomérat General Motors) de lui en fabriquer en série. 

Au lieu de celà, l'équipe Américaine proposa, en Avril 1940, de construire d'emblée un chasseur original et considérablement plus moderne, capable de voler à plus de :
Le tout avec une montée à 6 000 m en moins de 9 minutes : Les Spitfire Mk II et Mk V étaient déjà périmés. {Parenthèse : Un profil d'aile à écoulement laminaire permet de retarder le moment où les filets d'air courant à l'extrados de l'aile passent d'un écoulement laminaire (les filets sont tous parallèles) à un écoulement turbulent. Cette amélioration diminue très significativement la traînée.}

A partir d'un très gros travail de soufflerie, NAA décida d'utiliser le tout nouveau profil d'aile à écoulement laminaire NACA 45-100, conçu en collaboration avec le NACA, qui démontrait un excellent rendement.

D'un autre côté, le refroidissement des moteurs refroidis par liquide amenait alors la plupart des ingénieurs à s'arracher les cheveux. 

Les travaux de l'ingénieur Britannique FW Meredith furent parfaitement compris par les ingénieurs de North American Aviation, et les 2 radiateurs d'huile et d'eau purent à la fois refroidir efficacement le moteur, tout en engendrant une poussée résiduelle qui annulait leur traînée.



Schéma de refroidissement de l'eau (et de l'huile) : L'air froid entre dans le carénage du radiateur dont les parois divergent, donc l'air se refroidit encore plus. Il arrive dans le radiateur proprement dit, se charge de calories, il est donc très chaud en sortie du radiateur, ceci augmente son volume ce qui le pousse vers l'arrière, créant une poussée qui annule la traînée du radiateur et de son carénage



Le 9 Septembre 1940,  le prototype NA-73X sortait de son hall d'assemblage.

Le 26 Octobre de la même année, 149 jours après la signature de ce contrat, il effectuait son premier vol. 

L'avion avait de l'ordre de 9.8 m de long, sa voilure avait une envergure de 11.28 m qui lui conférait une surface de 21.83 m²

Vu sa masse au décollage de 3 680 kg, cela donnait une charge alaire proche de 170 kg/m².
 



Prototype XP 51, s.n. 41-039, le 29 XII 1941 : 4 prises d'air dispersées et un état de surface perfectible.



On trouve les premiers commentaires dans le rapport de la base d'Eglin Field (Floride) en date du 30 XII 1942 et qui résume les conclusions des tests tactiques effectués entre le 7 Août et le 1er XI 1942 à partir de 3 avions différents équipés du moteur Allison 1710-39.

Dès le paragraphe 3, Conclusions, la phrase d exprime que "le pilote de ce chasseur se sent totalement chez lui dès le premier décollage, à cause de l'excellence des commandes, de la simplicité du poste de pilotage et de ses excellentes qualités de vol".

Il y est déjà considéré comme le meilleur chasseur de basse altitude de l'arsenal US.

Le paragraphe 4, Recommendations, demande cependant un moteur permettant de combattre entre 7 500 et 9 000 m, des points d'ancrage pour des réservoirs externes, un collimateur N 7 (pour pouvoir changer l'ampoule en vol), une amélioration des freins et des ailerons, etc. 

Les vitesses mesurées furent :
  • 1 500 m  552 km/h
  • 3 000 m  594 km/h
  • 4 500 m  620 km/h
  • 6 100 m  600 km/h
  • 7 600 m  574 km/h
Les temps de montée étaient :
  • 1 500 m  en      2' 10"
  • 3 000 m   -        4'   7"
  • 4 500 m   -        6' 34"
  • 6 100 m   -        9' 54"
  • 7 600 m   -      15' 20"
La vitesse de montée recommandée du Mustang était de l'ordre de 320 km/h, ce qui était rapide et qui réduisait les temps de poursuite en cas d'interception d'hostiles.

On voit que le nouveau chasseur répondait très largement aux promesses de ses concepteurs.


A titre de comparaison, le P 40 E, qui volait au même moment (1942) avec le même moteur dans les rangs Alliés, avait une vitesse de pointe de 538 km/h (En. Wikipedia, Mai 2021).
Il montait à 6 100 m en 11' 50" et à 7 600 m en 19' 25". Son autonomie atteignait les 1 150 km.

Le Mustang tournait à peu près aussi serré que le P 40, mais son autonomie était bien supérieure. Avec les seuls réservoirs internes, elle pouvait atteindre 1 450 km à 425 km/h en convoyage (sans réserve prévues) et 870 km si on prévoyait 20 minute de combat sur le chemin. C'était nettement plus que son concurrent.


La remise en service après un vol de combat ne demandait que cinq (5) minutes à condition de disposer de 4 armuriers, 2 mécaniciens et 1 spécialiste radio. 
{Voilà qui laisse rêveur ceux qui se rappellent de la durée des ravitaillements observés sur nos MS 406 sur le front.}

L'excellente stabilité du P 51 permettait de voler facilement en IFR (vol aux instruments). Cependant, la circulation sur un terrain après un atterrissage de nuit était plutôt délicate.


Les seuls vraies critiques portaient sur les insuffisances du moteur Allison (puissance, compresseur et carburation) qui limitaient le plafond de combat réel à 6 000 m, du fait que le moteur perdait rapidement sa puissance au dessus de 5 500 m (18 000 ft)." Ce plafond limité est le problème le plus sérieux de cet avion et tous les efforts doivent être consentis pour augmenter la puissance de ce moteur de même que son altitude de rétablissement".  

On aurait pu s'attendre à une commande instantanée par l'USAF... Que nenni ! Les lobbies de la concurrence veillaient (heureusement, ils finirent par le payer très cher, sauf Lockheed...).


Les successeurs à moteur Allison pourront être un peu plus rapides (de 630 à 650 km/h), grâce à des améliorations aérodynamiques.

Cependant, la faible fiabilité de toute la gamme des moteurs Allison s'étala sur toute leur vie opérationnelle et empêcha le P 51 d'avoir la magnifique fin de carrière opérationnelle qu'il méritait.


Enfin opérationnel


Je laisse de côté le A 36 Invader (ou Appache) qui fut un bombardier en piqué remarquable, mais qui fut utilisé sans la moindre prudence et qui connut en conséquence de nombreuses pertes.

Le premier P 51 A, nommé Mustang I, fut engagé par la RAF dès le 10 Mai 1942. Il fut employé essentiellement pour des missions de reconnaissance tactique ou de strafing.

Ainsi, pendant les 18 premiers mois de sa vie opérationnelle aux mains des Britanniques, il détruisit 200 locomotives, 200 péniches fluviales, de nombreux avions Allemands parqués au sol au prix de huit (8) des leurs...

Evidemment, les pilotes Britanniques se plaignirent des mêmes défauts de plafond que les essayeurs US avaient déjà détectés. 

L'information arriva chez Rolls-Royce qui loua 5 cellules de P 51 pour les remotoriser avec des moteurs Merlin de la série 60.


Merlin, l'enchanteur de chasseurs US

 
D'emblée, cette "greffe" se révéla un extraordinaire succès. Le nouveau chasseur, le P 51 B, devenait le roi des altitudes élevées

A la masse de 3827 kg au décollage, et avec le premier étage du compresseur, il atteignait :
  • 585 km/h à   1 500 m,
  • 634 km/h à   3 000 m,
  • 684 km/h à   5 100 m, 
  • 679 km/h à   7 000 m. 
Avec le second étage du compresseur, il atteignait :
  • 710 km/h à   9 100 m,
  • 677 km/h à 10 700 m,
  • 648 km/h à 11 500 m.
Ces vitesses étaient d'autant plus impressionnantes que les derniers Spitfire XI et XIII, avec le même moteur Merlin 60 ne dépassaient pas les 670 km/h à 7 300 m !

  •   1 500 m en   1' 24"
  •   3 000 m en   2' 48"
  •   4 000 m en   3' 42" 
  •   5 300 m en   5' 10"
  •   6 000 m en   5' 54"
  •   8 000 m en   7' 42"
  •   9 000 m en   9' 48"
  • 11 500 m en 12' 18"
  • 12 000 m en 18' 36". 

Même le Spitfire à moteur R-R Griffon ne parvenait pas à égaler cet avion pourtant bien moins puissant.

La forme "définitive" du Mustang fut le P 51 D, tout simplement parce que ce fut la dernière de la Seconde  Guerre Mondiale.
{D'autres versions ont existé après 1945. Malheureusement, la cupidité de Rolls-Royce comme celle de Général Motors ont stupidement bloqué leur fabrication en série.}

Dans cette version, le poste de pilotage, couvert par une verrière à vision totale sur 360°, permettait au pilote de savoir enfin si ses arrières étaient menacés ou pas, comme sur le Nieuport 161 de 1936 ou sur le Mitsubishi A6M2 de 1941.

L'hélice transmettant l'énergie motrice était une Hamilton Standard de 3.33 m de diamètre dont le pas pouvait varier de 23 à 65°, soit une excursion angulaire de 42°, considérablement supérieure aux 35° de la Rotol équipant les Spitfire de la Bataille d'Angleterre.

Le blindage d'acier à l'arrière de la tête du pilote était de 11 mm et diminuait jusqu'à un peu moins de 8 mm au niveau de ses reins. La cloison pare-feu comptait un peu plus de 6 mm (niveau proche des blindages montés sur nos chasseurs de 1940).

Le pare-brise blindé - en Triplex - était épais de 3.8 cm (donc un peu inférieur aux 4 cm de nos Bloch 155 et 157).






Le superbe P 51 D, Miss Helen démontrant l'excellence de son fini de surface, tellement parfait que l'on pourrait croire que les volets ne sont pas des volets de courbure ! Le raccord Karman est réduit à sa plus simple expression, comme il se doit vue la planéité verticale de la paroi sur laquelle il s'insère.



Pour le vol, les instructions étaient précises :
  • Aucune figure acrobatique avec des réservoirs largables accrochés sous les ailes.
  • Les figures inversées ne devaient pas durer plus de 10 secondes (lubrification).
  • Moteur coupé, les vrilles étaient permises si l'altitude initiale dépassait 3 600 m
  • Moteur tournant, vrilles ou tonneaux déclenchés étaient interdits.
  • La VNE était de 813 km/h (toutes les vitesses données sont des IAS).
  • Avec 10° de volets, cette vitesse ne devait pas dépasser 643 km/h
  • avec 20 ° .......................................................................... 442 km/h
  • avec 30 ° .......................................................................... 362 km/h
  • avec 40 ° .......................................................................... 290 km/h
  • avec 50 ° .......................................................................... 265 km/h
  • Lors d'une glissade, il était conseillé de garder le badin au-dessus de 177 km/h.
  • Il était interdit de baisser le train au-dessus de 274 km/h.

Un chapitre était consacré au Régime d'Urgence de Guerre (War Emergency Rating), disponible pour un emploi de seulement 5 minutes. 
Le cumul des temps de WER s'arrêtait lorsqu'il atteignait 5 heures pleines et le moteur partait alors en révision complète.

On avait le droit de s'en servir seulement au combat et lorsque l'on utilisait l'essence à 150 d'octane (dopée au dibromoéthane) avec des bougies adaptées. 




Plein d'essence au 150 d'octane, ce P 51 D va partir en mission - Scène récupérée par moi 




Le 25 Juillet 1944, l'USAF établit une comparaison entre ses chasseurs

                     masse      VNE(km/h)     rayon d'un 360° (4 g)      tx de roulis     taux de montée inst.
  • P-38 J (6 810 kg)      676                 255 m  (?)                      39°/s                    15 m/s     
  • P-47    (5 902 kg)      804                 301 m                             63°/s                     11 m/s                   
  • P-51 B (4090 kg)      813                 269 m                             78°/s                     15.2 m/s                 
  • P-80 A (4540 kg)      933                 356 m                               ?                          29.4 m/s        

Je suis plus que sceptique sur le rayon de virage attribué ici au P 38, vu que ces pauvres avions ne pouvaient même pas suivre les vieux D 520 Bulgares à la fin de 1943... 

Le taux de roulis du P 38 retenu dans ces données est celui obtenu sans servo-commandes, vu qu'elles n'entrèrent en fonction qu'en 1945, bien trop tard. 

Cependant, alors que tous les autres avions employaient une force (déjà très élevée) de 23 kg (50 lbs), le Lightning demandait, lui, une force supérieure à 36 kg (80 lbs), ce qui compliquait sérieusement la conclusion tactique en combat, sauf si le pilote du P 38 était un haltérophile de bon niveau.




Reprise personnelle de ce diagramme (issu d'un article de "The Aeroplane" du 21 Juin 1946) qui montre les virages des différents chasseurs "majeurs" entre 1940 et 1945 (sauf les chasseurs Russes). 
Le Mustang P 51 B est placé derrière les Spitfire IX, XIV et XVI. Tous les chasseurs Allemands sont à la dernière place. Aucun avion soviétique, Italien, Japonais ou Français n'a été invité
!



Les taux de virage et de roulis avaient été mesurés à 3 000 m (ou, plus exactement, à 10 000 ft). 

Ce n'était malheureusement pas représentatif des conditions existant dans la guerre contre l'Allemagne nazie, où l'on volait entre 6 000 et 11 000 m.

La vitesse ascensionnelle instantanée fut obtenue à la même altitude.

Le P-47 était nettement moins performant que le P-51.

Le P-80 A, par contre, était un cas différent : Il était le premier chasseur à réaction US. 

{En 1950, il présenta un bilan très médiocre dans la guerre de Corée, étoffant par contre largement le palmarès des pilotes soviétiques
Le P 80 y connut 368 pertes pour 17 victoires (?). 
Pour la classification des pertes, l'USAF dit qu'il y a 277 pertes en combat, en attribue 113 à la DCA communiste, 14 à la Chasse ennemie, 54 à des causes inconnues et 96 à d'autres causes, que j'imagine très probablement d'origine surnaturelle ;-)) 

Les soviétiques attribuèrent une bien plus grande quantité de victoires aux MIG 15, ce qui paraît plus que raisonnable, vu que les vitesses atteintes par le P 80 rendaient bien difficile sa destruction par la DCA.
Reconnaissons toutefois qu'entre 1944 et 1950 les avions à réaction avaient follement progressé et que le MIG 15 fut très redouté bien après 1960 !}


Par contre, les qualités du Mustang pour le vol acrobatique étaient exceptionnelles, reflet fidèle de sa facilité de pilotage.


La hargne des concurrents


Lorsque l'on consulte les opinions de divers pilotes d'essais Anglo-Saxons (en particulier Américains) sur le P 51 Mustang, il est intéressant de découvrir l'acharnement à dénigrer ses qualités de maniabilité, de vitesse, etc

Ainsi, la comparaison entre le F4U-1 Corsair et le P 51 faite à Patuxent River en Janvier 1944 donne l'impression que le Mustang est sans intérêt pour l'US Navy

En résumé, "le Mustang n'est plus rapide que seulement au-dessus de 24 000 ft (7 300 m), il va moins loin que le Corsair, il est inconfortable, il a une puissance de feu trop faible, il est moins manœuvrant et il n'est pas adapté pour l'appontage". 

La différence de maniabilité m'étonne beaucoup parce que la charge alaire du P 51 D est de l'ordre de 190 kg/m² alors que celle du F4U-1 est de 230 kg/ m², soit un excès de l'ordre de 20%.

La visibilité du Mustang était très critiquée parce que le siège était trop bas et que l'on voyait mal vers l'arrière. La verrière du P 51 D aurait probablement réussi à faire sauter cette critique. 
Par contre, le nez du Mustang était fin (limité par un moteur de moins de 0.80 m de largeur) tandis que le nez du Corsair contenait un moteur P&W R 2800 de 1,35 m de diamètre !

Peu importe, ce comportement semble d'abord dû à une forme de loyauté envers l'avion de chasse construit par la firme qui les employait, et d'autre part, à leur volonté d'affirmer leur supériorité de pilotes.


L'avion d'escorte idéal 


Initialement, l'USAF devait envoyer ses bombardiers pratiquement sans escorte {doctrine : the bombers will always get through (phrase du 1er Britannique Stanley Baldwin) Les bombardiers réussiront toujours à passer}. 

Le 1er raid sur Schweinfürt, le 17 VIII 1943 démontra la stupidité de la-dite doctrine pendant l'heure passée sans escorte entre le franchissement de la frontière Belge avant l'arrivée sur l'objectif et le second franchissement de cette même frontière au retour

Cette énorme bévue entraîna la perte définitive de 60 avions et plusieurs dizaines d'autres furent endommagés. 

Un critère simple existe pour taire ces vaines criailleries, celui des accidents aux USA (donc bien loin de tout combat aérien) entre 1942 à 1945 

J'y ai ajouté le taux d'accidents pour 100 000 heures de vol ainsi que le nombre total d'avions construits (en espérant qu'il soit exact dans Wikipédia).
  • P 40 :  3 569 accidents - 188/100 000 hdv  - 13 738
  • P 38 :  1 403 accidents - 139/100 000 hdv  - 10 037
  • P 47  : 3 049 accidents - 127/100 000 hdv  - 15 660
  • P 51  :    824 accidents - 105/100 000 hdv  - 15 586
A l'évidence, le P 51 était bien plus facile à prendre en main, et donc à piloter, que tous les autres chasseurs de l'USAF.


La destruction de la Luftwaffe, pas décisif vers la victoire de 1945

La première mission d'escorte sérieuse par des P 51 B fut réalisée le 13 Décembre 1943 entre l'Angleterre et le port de Kiel, sur la Baltique (environ 1600 km aller et retour).   

415 Boeing B 17 et 113 Douglas B24 décollèrent escortés par 322 P 47, 41 P 51 et 31 P 38.

36 bombardiers B 17 furent endommagés, comme le furent 4 B 24, dont 10 équipages furent portés disparus (?).

Il n'existe pas de perte sèche ce jour-là chez les bombardiers stratégiques. 



En Mars 1944 (même source), les pertes de bombardiers étaient réduite de 60% et le nombre d'avions endommagés avait diminué de 16%.

Cela explique que les P 51 aient reçu, à la longue, le surnom de "little friends".

Pour toute la VIIIth Air Force en Europe (ETO), les pertes se montèrent à plus de 10 000 avions, dont 6 866 bombardiers lourds : 

           Avions                       Pertes 
         B-17                    4 754                                        
         B-24                    2 112
                                     
         P-47                     1 043

         P-38                        451               
         P-51                     2 201


Le gros des pertes de bombardiers fut le résultats des bombardements sans escorte ou avec une escorte de P 38, le tout pratiqué essentiellement en 1943.


L'importance de l'escorte de bout en bout

Lorsque le général Doolittle devint patron de la 8th Air Force, il exigea que les P 38 et les P 47 cèdent leur place aux P 51 B puis aux P 51 D.

Certes, vous avez vu que les pertes en Mustang n'étaient pas minces, mais elles signifiaient que leurs pilotes protégeaient magnifiquement leurs bombardiers.

Les pertes en P 51 traduisaient aussi la relative fragilité de ce chasseur face aux puissants canons des chasseurs Allemands, mais aussi leurs intenses participations aux attaques en strafing des aérodromes du Reich, attaques qui finirent par étouffer la Jagdwaffe.

Doolittle profita de sa position pour exiger que les P 51, en plus d'escorter prioritairement ses Forteresses Volantes, détruisent tout ce qui volait (ou pouvait voler)  sur l'Allemagne.

Le Mustang a donc été un avion terriblement stratégique

L'USAF n'a gagné son pari que parce que le général Jimmy Doolittle (ex-vainqueur de la Coupe Schneider, chef du Raid des B 25 sur Tokyo de 1942) a bousculé sa hiérarchie, ce que reconnut, un peu tard, le patron de l'USAF, le Général Henry "Hap" Arnold.

Ainsi, Doolittle a tué la Luftwaffe, démontrant la pertinence de De Gaulle lorsqu'il avait prédit dès son appel de Juin 1940 : "les mêmes moyens mécaniques qui ont causé notre pertes causeront la fin de l'Allemagne de Hitler". 
Merci à lui !

Un seul contre-exemple existe : Eric Hartmann, champion des pilotes de chasse toute catégorie, compte sept P 51 Mustang à  son palmarès, probablement abattus avec son Messerschmitt 109 K.


Les Mustang légers


Fin 1944, on créa une cellule de P 51 D allégée de 250 kg pour y placer un des dernières versions du Merlin, qui développait 2 200 Cv. 

Ainsi équipé, le P 51 H fut capable d'une vitesse de pointe de 785 km/h à 7 600 m. 



On en construisit 555 mais l'armistice empêcha de continuer leur fabrication.

Cependant, notons que l'US Navy trouva, cette fois, que ces Mustang étaient parfaitement adaptés à l'emploi sur ses porte-avions. Cependant, elle n'en acheta point...


La guerre de Corée


Lorsque la Guerre de Corée éclata à l'été 1950, les pilotes de l'USAF volaient sur des Lockheed P 80 Shootingstar

Pour renvoyer les troupes communistes chez elles, les pilotes US préférèrent récupérer leurs vieux P 51, bien plus manoeuvrants et mieux adaptés aux vols tactiques à très basse altitude.

Cependant, les plus de 62 000 sorties d'appuis tactique réalisées causèrent la perte de 351 Mustang P 51 D (soit une perte pour 177 sorties, ce qui n'est pas particulièrement énorme pour une guerre aussi intense).




Lancement de napalm pendant la Guerre de Corée -  Ce P 51 D semble voler à moins de 100 m AGL, ce qui est déjà un joli challenge..


Les Mustang s'envolèrent même de nuit pour des poursuites nocturnes de biplans soviétiques Po 2 !

De nombreux pays disposeront de P 51 B ou D et les garderont bien après la fin de la guerre de Corée.


La France en fut privée, sauf pour le groupe de reconnaissance II/33 (début de 1945).

Cette singularité permet de s'amuser à émettre des hypothèses.
  • L'une d'elle peut s'accorder avec la volonté US que la France ne se sur-arme pas
  • Une autre pourrait trouver son origine dans le refus Français d'acheter des armes étrangères au moment où notre gouvernement essayait de relancer la production d'avions Français
    • Cette dernière hypothèse serait cohérente avec le fait que notre pays refusa de fabriquer dans les usines de Nord-Aviation des Supermarine Spitful.
    • Elle serait aussi cohérente avec la volonté d'éliminer les derniers chasseurs à hélice SE 520 Z, VB 10, SE 580 / 582 et SO 8000.
    • A ce propos, il paraît étonnant que ces derniers avions semblent avoir conservé des profils d'ailes non-laminaires. 
On peut aussi s'étonner de ce refus qui déboucha pourtant en 1950 sur une frénésie d'achats d'avions US F6-F Hellcat, F8 F Bearcat, F4-F Corsair

Certes, ils étaient des avions embarqués, mais les avions terrestres à hélice comme le Spitful étaient plus rapides, probablement plus silencieux et consommaient nettement moins.


Conclusion


Pour tout observateur de bonne foi, le P 51 Mustang est un jalon remarquable de l'histoire de l'Aviation Mondiale.

Ses concepteurs ont concentré en lui les meilleures avancées aérodynamiques du moment, alors que les autres patinaient dans les avancées des années 20.

Sa conception apportait une grande capacité de projection qui lui permettait de faire le voyage Londres-Berlin et retour en y ajoutant un intermède très intense de chasse contre des adversaires ô combien dangereux.

Cet avion ne devait rien à F.D. Roosevelt, il a dû son existence à des ingénieurs excellents, originaux et tenaces.

Le débarquement du 6 Juin lui doit son existence !

Donc, notre libération aussi.

Merci