vendredi 16 juin 2017

Le Westland Lysander, légendaire avion issu d'un concept raté (Révisé le 05 / 01 / 2022)



Concept initial


Le Lysander est, probablement, l'avion le mieux connu des professeurs d'Histoire Français, du moins de ceux d'entre eux qui ont eut la possibilité de parler à leurs élève de la Résistance Française et de l'infiltration ou de l'exfiltration des agents de la France Libre.

Cet avion avait été conçu comme avion de "coopération", mot cachant beaucoup de choses. 

En gros, je traduis librement cela en disant qu'il s'agissait d'un balcon volant pouvant larguer des bombes anti-personnel sur des gens dépourvu du sens de la coopération pour les ramener à de meilleurs sentiments (en clair, un avion adapté à la guerre asymétrique, celle qui oppose des guerriers bardés de technologies à d'autres, moins efficaces sur ce plan).

Le cahier des charges fourni en 1934 à la maison Westland avait été, à l'évidence, d'une clarté si aveuglante que l'ingénieur Teddy Petter, responsable de l'étude, se sentit obligé de commencer son travail en interrogeant de nombreux pilotes spécialisés dans ce travail.

Ces aviateurs privilégièrent 3 critères : 
  • Grande visibilité, 
  • Excellente maniabilité,
  • Capacité de se poser pratiquement partout. 
L'hebdomadaire Les Ailes, dans sa livraison du 30 Juin 1938, insistait : "La valeur de cet avion est due à sa remarquable possibilité de pouvoir voler lentement
Pour l'accomplissement des missions en liaison avec les forces de terre, pour le réglage des tirs de l'artillerie ou l'observation du champ de bataille,(...)
car l'équipage pourra ainsi se maintenir pendant un temps plus long à hauteur des objectifs et, éventuellement, utiliser plus facilement les terrains de secours ou non préparés qu'il rencontrera dans la zone des opérations." 

L'avion devait aussi pouvoir transporter deux hommes, 250 kg de bombes et 4 mitrailleuses d'auto défense (2 tirant vers l'avant et 2 tirants vers l'arrière). 

Le schéma opérationnel lui accordait de voler jusqu'à 14 km à l'intérieur des lignes ennemies.

Le Westland Lysander


Cet avion était un assemblage apparemment banal de tubes métalliques entoilés animé par un moteur Bristol Mercury XII de 890 Cv. 

{J'ai écrit apparemment parce que les tubes employés étaient en aluminium extrudé, technique toute nouvelle alors, qui augmente la résistance aux efforts pour une même masse de métal.}

L'aérodynamisme était soignée, avec une forme générale assez lisse, malgré la hauteur exagérée du pare-brise avant, destinée à donner au pilote une vision parfaite. 

Le train d'atterrissage, fixe, très soigneusement caréné, pouvait porter, outre une mitrailleuse au dessus de chaque phare, deux mini-ailes permettant d'y placer une dizaine de bombes antipersonnel de 10 kg en préfigurant, en miniature, les ailes additionnelles du Mil 24 Hind.

Soulignons cependant que la disposition des volumes de cet avion lui donnait une silhouette particulièrement haute (la tête du pilote étant à 4 m au-dessus des roues), visible de loin.


Chacune des deux ailes haubanées avait son bord d'attaque brisé à peu près à mi-longueur, permettant une bonne visibilité vers le haut et sur les côtés et transformant la géométrie de ce bord d'attaque en authentique une flèche inverse !


La longueur du  Lysander était de 9.15 m. 

La masse était de 1840 kg à vide et de 2680 kg au décollage.

L'aile haute, de 15.25 m d'envergure, avait une surface de 24.20 m² :  La charge alaire atteignait donc à peine 111 kg / m², gage d'une excellente maniabilité.

Suivant son confrère Britannique Flight, en Juin 1938, Les Ailes publiaient les performances suivantes (Lysander Mk I) :

Altitudes / Vitesses :
  •        0 m --- 332 km/h
  • 1 500 m --- 354 km/h
  • 3 000 m --- 369 km/h
  • 4 500 m --- 358 km/h
  • 6 000 m --- 341 km/h
{Les données actuelles (Wikipédia) se contentent d'indiquer une vitesse maximale de 341 km/h.}

La vitesse de croisière était donnée pour 240 km/h, lui permettant une autonomie de 965 km.

L'atterrissage se faisait à 90 km/h. 

Le roulement au décollage demandait seulement 150 m (le passage d'un obstacle de 15 m demandant juste 210 m, soit 60 m de plus, par vent nul). 

Il fallait 300 m pour atterrir après le passage d'un obstacle de 15 m, le roulement demandant 180 m. (Source : Flight, 9 Juin 1938, p. 576)

Les temps de montée étaient de :
  • 1 500 m ---      3' 01"
  • 3 000 m ---      6' 08"
  • 4 500 m ---     11' 24"
  • 6 000 m ---    19' 05"
Ces temps "médiocres" s'expliquent par un décollage à pleine charge.

Le plafond pratique valait 7 900 m.


L'épreuve du feu

A son entrée en fonction, en Juin 1938, il fut cantonné à l'observation d'artillerie et au largage de messages lestés (forcément manuscrits) sur les PC opérationnels.

A l'entrée en guerre, 4 escadrilles mettant en œuvre des Lysanders II de la RAF furent envoyés dans le Nord de la France. 

L'un d'entre eux eut même la chance insigne d'abattre un Heinkel 111 en Novembre 1939 (source Wikipedia en Italien, le 12 06 2017) !


Mais, lors de la Campagne de France de Mai-Juin 1940, employé comme bombardier léger et avion d'observation, donc à basse vitesse et faible altitude, il fut évidemment accueilli par la Flak et par les Messerschmitt 109 E.

Volant trop bas et trop lentement, ils subirent de lourdes pertes.

Sur les 174 Lysander envoyés en France à ce moment-là, 118 furent abattus, soit un taux de pertes de 68% des élément engagés.


Pendant ce temps, d'autres Lysander étaient envoyée en Egypte et dans divers pays de l'Empire Britannique.



D'autres furent construits sous licence au Canada où 2 escadrilles de Chasse en furent équipés, ce qui ne laisse pas de surprendre, sauf lorsque l'on s'aperçoit qu'ils étaient stationnés sur la côte Ouest en Juillet 1940 (plus d'une année avant Pearl Harbor).

Cependant, il joua un rôle obscure mais très utile pendant la Bataille d'Angleterre où ses capacités pour l'observation et le vol lent permirent de repérer des pilotes abattus en mer et de leur lancer un dinghy.

Quatorze escadrilles de Lysander jouèrent ce rôle pendant cette bataille, ce qui n'a rien de négligeable.


Un vrai grand succès


Mais le rôle qui fut le plus osé fut le transport de personnel - sous le commandement du SOE (Special Operations Executive) - entre le territoire Britannique et le sol de la France occupée par les Allemands, soit pour y introduire des agents de la Résistance, soit pour y introduire des agents de l'Intelligence Service.

Il fallait donc obligatoirement voler de nuit avec un compas (boussole) et une montre comme instruments principaux.

Le trajet commençait évidemment au dessus de la Manche, mais certainement pas dans le Pas de Calais, trop bien surveillé.

Il se poursuivait au dessus du sol Français en évitant au maximum les agglomérations pour réduire le risque de repérage au son.


Pour se poser au bon endroit, le pilote devait être un navigateur hors pair et, une fois tout près de sa destination, il devait repérer une structure de 4 ou 5 feux.

Dans les meilleurs cas - pour lui - le passager, doté d'une combinaison spéciale (que j'imagine très bien rembourrée) pouvait descendre en roulé-boulé sans que l'avion ne s'arrête complètement, ce qui permettait à ce dernier de redécoller dans la foulée.

Les risques étaient élevés, mais, à la guerre, le risque est un compagnon de tous les instants. 




Westland Lysander III   en configuration de liaison avec la Résistance en France occupée


Cent-un "passagers" partirent d'Angleterre pour agir en France ! 

128 vinrent de France (ou retournèrent en Grande-Bretagne) par la même "compagnie aérienne". 

Parfois, du matériel radio ou des armes étaient déposés en même temps, mais des transferts constitués uniquement de matériel existèrent aussi.

Le dernier atterrissage de Jean Moulin en France le fut sans doute au moyen d'un Lysander.


Malgré les risques gigantesques, il n'y eut que 2 Lysanders à avoir été abattus pendant ce genre de mission.

Rien que cela montre que les Français ne dénonçaient pas.



Fin de carrière


Cet avion fut construit à presque 1 800 exemplaires.

Il vola un peu partout dans le monde.

Mais son dernier emploi fut pour l'épandage agricole, à 2 ou 3 m du sol, rôle où il fut parfait, vu sa visibilité et ses qualités de vol.

Il ne dépendait ni de ses pilotes ni des dirigeants des entreprises qui l'employèrent que les insecticides employés aient eu une rémanence bien trop longue.