dimanche 13 décembre 2020

Le Fairchild A 10 Warthog, Roi des Nettoyeurs (Enrichi le 02 II 2024 * ***)

 


La mission de soutien aérien rapproché (CAS = Close Air Support)

Toute forme de guerre moderne, y compris celles dites froides, passe par des périodes de batailles rangées. 

Depuis  l'intervention de la division aérienne du Général Français Marie-George Duval, en 1918, on sait qu'un soutien aérien puissant peut renverser le sort d'une bataille

Du fait de notre souvenir de  Mai 1940, nous savons aussi que tout soutien aérien peut être contrecarré par une puissante DCA

Ces deux vérités triviales ont été parfaitement illustrées au cours de notre Guerre d'Indochine (en particulier, pendant la désastreuse bataille de Dien Bien Phu).


L'option hélicoptère

Notre pays a préféré investir dans les hélicoptères pour assurer le nettoyage des champs de batailles.

Il faut souligner que ce choix impliquait des aéronefs lents dont le décollage et l'atterrissage était ponctuel, ce qui présente de nombreux avantages.

Par contre, l'emploi d'hélicoptères impliquait (et implique toujours) d'employer des pilotes particulièrement bien formés et très sérieusement entraînés.


On s'aperçut, un peu plus tard, que l'URSS avait parfaitement suivi ce même mouvement avec son puissant Mil 24, lorsque la Guerre d'Afghanistan commença en 1979, puis avec les Kamov Ka 50 et Ka 52 particulièrement manœuvrants.


Cette option fut aussi celle de l'US Army, avec les Bell UH 1 Iroquois et leurs dérivés plus agressifs AH 1 HueyCobras, largement employés au Vietnam.

Par contre, vers 1966, l'USAF avait choisi un hélicoptère de combat extraordinaire, le Lockheed AH 56 Cheyenne qui rénovait complètement les concepts habituellement associés à ce type d'appareil. 

Sa vitesse, un peu supérieure à 400 km/h, due en grande partie à son hélice propulsive arrière, changeait sa capacité d'intervention.
 


Lockheed AH 56 Cheyenne - 400 km/h, 1950 km d'autonomie, 6 000 m de plafond pratique...



Certes, cet engin explosait littéralement toutes les limites de performances admises jusque là, mais au bout de 10 années d'essais ininterrompus, le Cheyenne fut abandonné car personne n'avait jamais réussi à le mettre au point ! 

Il fut dit que le 7ème et dernier prototype semblait avoir réglé les dernières questions, mais après l'abandon du programme, bien sûr.

Cet aéronef, très cher à l'achat comme à l'entretien, était par définition inadapté au travail qui lui était promis parce que le constructeur Lockheed ne maîtrisait pas du tout les technologies qu'il prétendait mettre en œuvre.


Quelques hélicoptères employés au combat :


France

SE 3130 Alouette II : 900 kg à vide et 1 650 kg en charge ;  Puissance 530 Cv ; 

Vmax 185 km/h, croisière 170 km/h ; 

Plafond  3 200 m ; Taux de montée : 250 m/min ; Convoyage : 720 km. Produc. : 1 305. 

Sur les 56 accidents répertoriés, 25 ont eu lieu en Allemagne, ce qui montre à quel point la Guerre Froide fut coûteuse, même sans action de guerre réelle.


SE 316 Alouette III : 1 230 kg à vide et 2 200 kg en charge ;  

Puissance 800 Cv détarée à 550 Cv ; 

Vmax 210 km/h, croisière 185 km/h ; 

Plafond 3 200 m ; Taux de montée : 258 m/min ; Convoyage : 540 km. Produc. > 2 000.


AS 342 Gazelle : 1 200 kg à vide et 1 900 kg en charge ; Puissance 2 x 864 Cv ; 

Vmax 310 km/h, croisière 230 km/h ; 

Plafond 6 000 m ; Taux de montée : 540 m/min ; Convoyage : 670 km. Produc. > 1 775.

76 pertes répertoriées, dont quelques unes pour fait de guerre, ce qui démontre à quel point cet hélicoptère, rapide et maniable, est apte au vol tactique. 



Gazelle (Monténégro) en vol d'entraînement.



Cet appareil est toujours considéré comme indispensable dans ses multiples rôles au moins jusqu'en 2030 !


EC 665 Tigre : 3 060 kg à vide et de 4 710 kg à 6 600 kg charge ;  

Puissance 2 1 485 Cv ; Vmax de 290 à 310 km/h, VNE 370 km/h, croisière 280 km/h ;

Plafond 4 000 m ; Taux de montée : 642 m/min ; Convoyage : 1 300 km.


Afrique du Sud

Denel AH-2 Rooivalk : 5 900 kg à vide et  8750 kg en charge ; Puissance 2 x 1 900 Cv ; 

Vmax 315 km/h, croisière 280 km/h ; 

Plafond 6 100 m ; Taux de montée : 670 m/min ; Convoyage : de 700 à 1 100 km.



URSS puis Russie

Mil Mi-24 : 6 500 kg à vide et 11 500 kg en charge ;  Puissance 2 2 200 Cv ; 

Vmax 346 km/h, croisière 260 km/h ; plafond 4 500 m ; 

Taux de montée : 900 m/min ; Convoyage  : 750 km. 


L'introduction de cet appareil dans la Guerre soviétique d'Afghanistan fut un très rude coup pour les talibans, forcés de travailler de nuit. 

L'appareil démontra sa capacité à résister aux fusils d'assaut jusqu'aux mitrailleuses de 12.7 mm.

La livraison de missiles Stinger par la CIA fut une réponse "pertinente" qui montre clairement, en outre, les choix politiques des USA. 

Si cela entraîna des pertes sensibles, cela amena les soviétiques à introduire des contre-mesures sur leurs machines. 

Sur les 1 500 exemplaires de Mil 24 de l'Armée de l'Air soviétique, 74 furent détruits en Afghanistan, dont 29 le furent par des missiles individuels US (Stinger et Redeye). 


Mil 24 - Un excellent appareil à usage multiple 

Mais, vu la solidité de l'engin russe, il est très possible que des dizaines d'autres aient pu rentrer à leur base en étant très endommagés. 

On trouve aussi un "chiffre" de 333 pertes qui paraît un tantinet exagéré, surtout comparé à celui des AH-1 Huey-Cobra.


Ka 50 : 7 800 kg à vide et 9 800 kg en charge ; Vmax 310 km/h, croisière 275 km/h ; 

plafond 5 500 m ; Taux de montée : 600 m/min ; Convoyage  : 450 / 1 200 km.


USA


Les 1 110 Bell AH 1 Huey Cobra de l'US Army, en 6 années de guerre du Vietnam (1967-1973), avaient connu environ 300 pertes.


Mais les choses changent : L'hélicoptère de combat de référence, dans cette partie du monde d'où j'écris, est le Boeing (ex-Bell) AH 64 Apache  5 160 kg à vide et de 8 000 kg à 10 400 kg en charge ;  

Puissance 2 x 1 900 Cv ; Vmax de 290 à 310 km/h, VNE 365 km/h, croisière 280 km/h ; 

Plafond 4 000 m ; Taux de montée : 642 m/min ; Convoyage : 1 300 km.

En 1991, au Koweit, 277 hélicoptères AH 64 Apache détruisirent 500 chars, ce qui était un excellent bilan. Cependant, l'Irak n'avait jamais pensé à être attaqué par cela.

Au niveau des pertes en opération, le bilan est complexe, parce que si le nombre d'appareils abattus est peu important, le nombre d'appareils nécessitant de fortes réparations après opération est très élevé (et le prix des réparation ne cesse d'augmenter.).. 

L'attaque de la division Medina de la Garde Républicaine Irakienne par 33 AH 64 le 24 Mars 2003 fut une bonne illustration de ce fait. 30 furent endommagés sévèrement dont deux ne furent pas réparés et 1 fut abattu. Mais 29 purent rentrer à leur base

De 2003 à 2010, seulement 27 Apache furent perdus : Toute la différence avec le Huey Cobra.


L'option avion


Cependant, vers 1966, les chefs de l'USAF décidèrent d'explorer la voie d'un avion totalement dédié à au nettoyage des champs de bataille. 

Le chef d'état-major de l'USAF, John P. McConnell, exigea de disposer d'un avion à prix réduit et spécialisé dans les missions CAS.  

En 1969, le Secrétaire à l'Air Force avait choisi M. Pierre Sprey (membre de la fameuse fighter-maffia) pour définir le cahier des charges précis du projet Attak Experimental (A-X).

P. Sprey commença par discuter avec des pilotes de Skyraider ayant survécu à la guerre du Vietnam. 

D'un autre côté, il exigea que les membres de son équipe aient tous lu les mémoires de guerre d'Hans-Ulrich Rudel (palmarès : 519 chars, 800 véhicules divers et 150 canons détruits, 3 navires de combats coulés, 42 chasseurs abattus ainsi que sept Il 2 Chtourmovik). Ajoutons qu'il avait lui-même été descendu 30 fois !

L'idée de base était de fabriquer un avion réunissant les meilleurs concepts des meilleurs avions de champ de bataille dans une structure de prix abordable


Le Fairchild A 10 fut choisi après sa confrontation en vol face à son concurrent Northrop YA9, en Janvier 1973. 

Officiellement nommé Thunderbolt II, en hommage au Republic P 47, ses pilotes lui ont donné le nom de Warthog, le Phacochère Africain, probablement parce que les défenses de ce sanglier sont très impressionnantes, autant que le canon du A 10. 

Ce "sanglier" réalisa son premier vol le 10 Mai 1972


 A10 Warthog en patrouille - A cette altitude (environ 1 000 ft AGL), la DCA détruirait facilement des chasseurs purs mais la qualité de sa visibilité sur le champ de bataille facilite vraiment la recherche des points à détruire, du moins lorsque vous pilotez cet avion-là !



Ce monoplace, long de 16.26 m, a une masse de 11 320 kg à vide, de 13 780 kg au décollage et de 19 100 kg en  mission anti-chars (maxi : 22 700 kg).

L'envergure est de 17.53 m et la surface alaire totalise 47 m².

Il peut emmener 5 000 kg de carburant en vol.

Les 2 moteurs sont des General Electric TF34-GE-100A de 4 000 kg de poussée.

La vitesse de pointe atteint 706 km/h.

La vitesse de croisière est de 560 km/h, assurant un rayon d'action d'environ 450 km pour arriver sur zone, 1 heure et 50 minutes de patrouille à 1 500 m dont 10 minutes de combat.

En convoyage, le A 10 peut parcourir 4 150 km face à un vent de face de 90 km/h.

La position des réacteurs, alimentés par le flux d'air passé sur l'extrados des ailes, évite que les réacteurs n'absorbent des pierres ou du sable. 

Bénéfice supplémentaire (non négligeable), cela réduit aussi la signature radar en vue de face.

D'un autre côté, les 2 dérives réduisent la signature infra-rouge des réacteurs face à tout poste de tir situé sur le côté.

Le canon Gatling GAU-8/A Avenger est un arme automatique d'une longueur supérieure à 6 mètres et d'une masse totale de plus de 1 800 kg (presque comparable avec la masse du 75 mm du Henschel 129 B3 !).



Un Warthog en train de tirer au canon 


Les 540 kg de blindage en alliage de titane permettent au Warthog de résister aux canons de DCA de 23 mm même lorsqu'il patrouille à 1 000 ft AGL...

La production fut lancée en Février 1976. Elle se poursuivit pendant 8 ans et permit de sortir 715 appareils.

Les états-majors US prévoyaient 7% de pertes en 100 opérations.

Ces avions furent engagés dans les Caraïbes sans que leurs actions aient marqué ma mémoire.

Par contre, leur intervention dans la Guerre du Golfe en 1991 a constitué une claque informationnelle pour le monde entier.

En quelques jours, 174 Warthog détruisirent 900 chars, 2 000 véhicules militaires et 1 200 canons. 

Dans le même temps, je l'ai dit plus haut, 277 hélicoptères AH 64 Apache avaient détruit 500 chars (seulement). 

En 8 100 sorties, seulement 7 Warthog furent perdus, dont 4 par impact direct de missiles sol-air, soit 0.086 % de pertes, 100 fois moins que ce qui était attendu !

Il fut (ou est) également employé en Afghanistan, en Iraq et dans l'essentiel des conflits contre les djihadistes du Moyen Orient, au moins jusqu'en 2017.

La sénatrice US Martha McSally, ex-colonel de l'USAF où elle avait commandé une escadrille de A 10 Warthog, décrivait ainsi ce qu'elle ressentait en tant que pilote à son bord: 

"C'est un avion très étonnant à piloter et tirer avec son canon est génial."

"Ce canon de 30 mm est stupéfiant. Lorsque vous tirez, tout l'avion tremble, au point que, la première fois que vous vivez cette expérience, vous pensez même que l'avion va casser."

Le son de ce canon, "BRRRRRRT", sonne aux oreilles d'un fantassin US comme l'annonce de son sauvetage et de son retour à la sécurité.

En pratique, ce fameux canon est réellement plus précis que les plus récentes armes à GPS ou à guidage laser, qui peuvent coûter jusqu'à 1 million de dollars chacune.

"Le A-10 peut patrouiller 90 minutes au dessus du champ de bataille, tandis que le F-35A ne peut rester que 25 minutes."

"Le A-10 tire plus de 1 170 obus alors que le F-35A n'a plus de munition après en avoir  tiré que 180.

Son canon, sur cet avion, est tellement précis qu'il minimise les dégâts collatéraux et les tirs fratricides."

"Le A-10 peut voler même après avoir perdu ses organes essentiels alors que le F-35A ne pourra pas survivre à un seul coup direct."(source


Partout où cet avion a été employé pour le soutien d'infanterie, le A 10 a été l'avion préféré des fantassins, au point que 80% de leurs demandes d'appui aérien exigeaient l'engagement d'un Warthog

C'est bien le seul avion US dont je regrette qu'il ne figure pas aussi dans notre Armée de l'Air...


L'âge de la retraite ?


Curieusement, les généraux de l'US Army n'ont aucune reconnaissance pour ces avions qui assurent leur supériorité militaire. 

Ils semblent obéir à un code très discret qui favoriserait surtout la fabrication de nouveaux avions qui intégreraient de nouvelles technologies très coûteuses.

Ainsi, depuis une douzaine d'années, la firme Lockheed-Martin a proposé que son "merveilleux" F 35 JSF (déjà vieux de 20 ans) joue le rôle du Warthog"vieux" de 44 ans

Lockheed fit valoir un argument inattendu pour le nettoyage du champ de bataille : La furtivité de son F 35 serait capable de lui assurer d'entrer en premier dans tout champ de bataille, y compris au moment où des chasseurs ennemis y exerceraient leur supériorité aérienne. 

Quelle belle affirmation ! 

A l'heure où j'écris ces lignes, il n'existe pourtant aucun avion invisible : 

  • La furtivité nocturne dépend de la couleur du revêtement et de la faiblesse des émissions IR. 
  • La furtivité acoustique dépend de l'emploi de moteurs discrets et, dans le cas du F 35, elle est très loin d'être acquise.
  • La furtivité revendiquée par Lockheed-Martin concerne uniquement les radars, (et encore cela dépend des longueurs d'ondes concernées qui sont, en principe, celles qui donnent l'image la plus fine à grande distance).

La cape d'invisibilité d'Harry Potter n'est pas encore présente aux USA (ni ailleurs).

Une confrontation en vol entre A 10 et F 35 a été exigée vers 2018. 

Cette offensive du F 35 dans le domaine des missions d'appui au sol a été menée en tentant, aussi souvent que possible, d'éliminer les pilotes de l'Air Force ayant déjà réalisé des missions CAS, ce qui n'est pas une procédure honnête.

Il semble que la confrontation ait bien eu lieu mais que les conditions n'en étaient pas équitables, en ce sens que, comme d'habitude avec le F 35, on avait limité les capacités réelles du Warthog en :

  • limitant le temps de patrouille, 
  • diminuant le nombre d'obus de 30 mm susceptibles d'être tirés, 
  • réduisant le nombre de projectiles guidés par laser).
Dans le même temps, on avait favorisé au maximum les atouts (éventuels) du F 35.

Certes, le Warthog est entré en service opérationnel au moment où les actuels pontes du Pentagone finissaient probablement leurs dernières Pampers.

Par ailleurs, l'habitude de Lockheed de raconter des contes de fées à ses clients perdure depuis plus de 80 ans. 

  • Le P 38 fut un médiocre chasseur qui connut de graves ennuis contre le Japon et contre le Reich Hitlérien.
  • le F 104 Starfighter est un chasseur totalement loupé (encore plus que le Morane 406 !), présenté dans les revues de 1956-57 comme bénéficiant d'une stabilité électronique. 
    • C'était peut être ce qu'avait imaginé les ingénieurs, mais les premiers avions à stabilité "informatique" ne sont sortis qu'en 1975 ! Le bilan fut catastrophique pour les forces armées qui avaient choisi d'acheter cette... "chose"
    • Pour aider l'Inspecteur Général des Armées Néerlandaises, le prince Bernardt de Lippe, époux de la reine Juliana des Pays Bas, à choisir ce chasseur dont environ 30% terminèrent leur carrière dans des crashs souvent mortels.                Lockheed lui versa 1 200 000 $ en 1975 (scandale Lockheed) !
  • Le F 35 a demandé près de 20 ans pour être accepté dans un état opérationnel qui laisse beaucoup d'observateurs sceptiques quant à sa capacité de combat. 
    • Le fait que toutes les confrontations aient été biaisées volontairement en faveur du F 35 ne plaide pas pour sa réelle valeur face au A 10, lui-même largement validé en combat réel. "What the force has done instead, according to POGO (= cour des comptes), is launch a series of close-air support tests intentionally designed to favor the new multi-mission fighter over the battle-proven A-10".
    • Par ailleurs, ces tests cachent les faiblesses du F 35, d'après le POGO. 
      • La charge de bombes fut réduite lors d'un test pour améliorer la capacité de manœuvre de cet avion à basse altitude. 
      • En outre, fixer le  plafond opérationnel à 3 000 m faisait semblant d'ignorer que les missions CAS sont le plus souvent menées à des altitudes au plus égales à 300 m AGL, là où l'A 10 excelle.
      • De même, le choix de cibles particulièrement visibles les rendait plus facile à identifier pour le F 35 dont la visibilité depuis le cockpit est inférieure à celle du A 10. "The tests also hid the F-35′s weaknesses, according to POGO. Bomb loads were reduced in one test to improve the plane’s maneuverabilty at lower altitudes; the operating ceiling of 10,000 feet ignored that fact that close-air support missions are often carried out at an altitude of 1,000 feet or less, where the A-10 excels; and the high-visibility targets made them easier to hit for the F-35, “where visibility from the cockpit is inferior to the A-10′s,” POGO wrote."


Perspective future du soutien d'Infanterie

Cela n'empêche pas que les Warthog arriveront un jour à la fin de la vie de leurs cellule (comme ce fut le cas de nos Mirage IV). 

De nouvelles voilures, fabriquées par Boeing, peuvent les prolonger plusieurs années. 


Il est certainement possible de sortir un avion encore plus efficace pour ce travail hyper important, en partant des mêmes concepts.

Cependant, les moteurs sont d'une technologie dépassée (donc bruyants et peu économes en carburant) et l'électronique du A 10 est devenue archaïque.

Des turbopropulseurs modernes devraient faire l'affaire.

A l'évidence, l'arme la plus pertinente du Warthog est son canon, de par sa précision extrême (gage d'une faible probabilité de dommages collatéraux) et sa puissance inouïe, le tout pour un coût bien plus faible que celui des bombes guidées laser ou GPS.

Il est donc évident que le successeur de cet avion doit disposer d'une arme de même nature.


Je doute que ce successeur puisse être un hélicoptère, parce que tout hélicoptère perd de sa valeur opérationnelle dès qu'il fait chaud

Cela se traduit par une capacité d'emport dégradée donc par moins d'armement (= moins d'efficacité) ou moins de carburant (moins d'autonomie).

La comparaison des résultats entre le A 10 Warthog (540 kg de blindage) et l'hélicoptère AH 64 (1 100 kg de blindagependant la première guerre d'Irak est parfaitement claire au point de vue des succès comme au point de vue des pertes. 


Une hypothèse à considérer serait de partir d'un Bell V 22 pour les missions CAS. 



Bell V 22 en vol horizontal.


Si cet appareil est actuellement un bon transport de forces spéciales, un amincissement et un affinement de sa coque, un renforcement du blindage et un armement semblable à celui de l'A 10 pourrait donner des résultats intéressants.

La disparition de son rôle de transport lui ferait gagner de la vitesse, une protection physique importante pourrait être installée, y compris des générateurs d'effets IEM qui ont des chances sérieuses de devenir une arme importante pour permettre aux appareils de lutter contre des drones autonomes et les avions "hyper-électronisés", dits de 5ème génération. 

Mais ses immenses hélices pourraient constituer une zone de vulnérabilité, en particulier en interdisant le super-rase-mottes (moins de 5 m AGL), vol tactique très employé, de nos jours, par les hélicoptères AS 342 Gazelle de notre ALAT.


D'ailleurs, si le Warthog vole bas, il ne pratique pas le rase-mottes intégral. 

Mais le rase-mottes implique de prévoir :

  • les sautes de vent (quelque soient leur sens), 
  • les variations d'altitude du sol (qui peuvent s'accompagner de turbulences diverses), 
et de maîtriser :
  • le rapport entre la vitesse de vol, 
  • le couple (angle / vitesse) du vent par rapport à l'avion et 
  • la distance métrique entre entre les obstacles courants.

Comparé au Potez 75, l'A 10 est 2.5 fois plus rapide dans l'ensemble du spectre, monte plus vite et bien plus haut.

Pour un pilote de Potez 75, avec sa croisière aux alentours de 240 km/h (soit 67 m/s), éviter un obstacle tous les 100 m était déjà une belle performance.

Le Warthog, avec près de 140 m/s, aurait eu beaucoup de mal à réaliser la même performance.


PS du 16/05/2022 : Devant les problèmes posés par la guerre en Ukraine, l'US Air Force re localise une dizaine de Warthog en Europe de l'Est.

 


mercredi 18 novembre 2020

Les "Avions Nettoyeurs", du Breda 65 au Potez 75 (Revisé le 06 Juillet 2023 ***)

L'Aviation a initialement été vue comme un outil d'agrément (voyages, promenades, prises de vue).
Son utilisation pour l'observation, puis pour la reconnaissance militaire en découla inévitablement. 

En 1914, elle avait suffisamment progressé pour permettre de bombarder les troupes ennemies.
Moins d'une année plus tard, on commençait à concevoir des avions de Chasse.

En 1918, le Général Duval lançait la 1ère division aérienne sur les troupes Allemandes en combinanttous ces types d'avions.

Seize ans plus tard, apparurent des avions conçus pour détruire les "points durs" du champ de bataille.
Les "points durs" en question étaient les fortifications légères, les chars, les batteries de canons, les "nids" de mitrailleuses, les convois motorisés, les trains et les concentrations de troupes.
 
En Italie, le Breda 65 fut, à ma connaissance, le premier avion réellementpensé pour ce travail.

La forme de cet appareil favorisant une bonne visibilité semble avoir influé sur celle des chasseurs Bloch 150 à 153.
Breda 65 -

Long de 9.3 m, il avait une masse de 2,400 kg à vide et de 2,950 kg au décollage.
Son envergure était de 12.1 m et sa surface alaire était de 23.5 m².
Le moteur Fiat A.80 R.C.41 à 18-cylindres en double étoile et à refroidissement par air délivrait 1,000 Cv.
Vitesse maximale :                 430 km/h
Autonomie                              550 km        
Le plafond pratique était de 6 300 m
L'armement comptait :
  • 2 autres de 7.7 mm de même marque.
  • On pouvait y ajouter 500 kg de bombes.
L’engin se pilotait facilement, était très manœuvrant et son armement était efficace.
Par contre, lorsqu’il portait des bombes, il devenait une proie facile, même pour un Hawker Hurricane(c'est dire !).

Donc, il devait être escorté par des chasseurs pour ce type de missions. 
Il fut cependant très efficace au début de la guerre entre l’Italie et les troupes Britanniques. 
N’ayant été construit qu’à 150 exemplaires pour la Regia Aeronautica, il en resta très peu à partir de la mi-1941.


En France, le Nieuport 401, le Potez 633 et les Bréguet 691, 693 et 695furent pensés pour ce travail. 
Ces avions étaient excellents et leur armement pertinent, donc ils obtinrent des résultats.
L'opposition de la Flak n'ayant pas été prévue, la faiblesse du blindage avait entraîné des pertes douloureuses.


Le cas Britannique (ajout du  Janvier 2022)

Les Anglais, grands colonisateurs, avaient depuis longtemps envisagé le problème de la Guerre Asymétrique, auquel ils avaient répondu par le Westland Lysander.

Mais ils furent vite confrontés à des champs de bataille bien symétriques avec l'Armée Royale Italienne en Libye et avec la Wehrmacht dans les Balkans.

Ils avaient déjà attaqués des navires Allemands légers au large de leurs côtes.

Dans tous ces cas, ils ne disposaient pas d'avions spécifiquement pour cela mais, début 1941, le Hurricane II, qui enchantait tellement notre René Mouchotte, fut retiré de la Chasse pour passer au statut de nettoyeur !

Avec ces avions, renommés Hurri-bombers (et allongés d'environ 30 cm), les pilotes devaient voler essentiellement à très basse altitude pour frapper leurs cibles ce qui commença à la fin de 1941. 
On passa des canons de 20 mm Oerlikon à des 40 mm Vickers antichars (1943).

L'augmentation de la masse, induite par celle de la puissance du blindage, passait de 2 900 kg à 3 900 kg !

Ce matériel fut efficace contre l'Africa Korps jusqu'en 1943.

A cet date, il était remplacé par le successeur de cet avion dans les catalogues publicitaires de la maison Hawker : Le Typhoon

Cet avion, excessivement difficile à maitriser (voir in Pierre Closterman, Le grand cirque) à cause de ses 2 000 Cv, avait un armement très puissant renforcé par des roquettes antichars à charge creuse.
Leurs attaques de colonnes blindées Allemandes en Normandie furent décisives.

Certains esprits chagrins Britanniques mirent pourtant en cause l'efficacité de ces chasseurs-bombardiers. Cela devait, comme d'habitude, pour remonter le moral des artilleurs dont les tirs semblent alors peu  efficaces.

Toujours est-il que la Bataille des Ardennes lancée par von Rundstedt en fin 1944 obtint de bonnes réussite pendant que les avions nettoyeurs étaient bloqués par des effondrement de stratus, collés au sol.


Les Allemands avaient travaillé la question du Champ de Bataille sur les fronts Espagnols.
Ils utilisèrent pur cela leurs chasseurs Heinkel 51, incapables de faire des missions de Chasse.
 
Ils sortirent donc un excellent nettoyeur, le Henschel 123 dont le gros moteur protégeait efficacement le pilote. 


Henschel 123 B prototype, montrant l'absence de ficelles dans la voilure



Cet avion hyper-agile fut construit à seulement 240 exemplaires jusqu'en fin 1938. 

Les fantassins Français, confrontés à ces avions en Mai-Juin 1940, furent extrêmement impressionnés par “les sarabandes effrénées” qu'ils décrivaient autour d’eux.

En 1943, les Allemands subirent d'incessants déboires sur le front Russe.

Cela amena le général Wolfram von Richthofen à demander (5 ans trop tard) la relance de sa production !

Cependant, la même firme avait commencé, dès 1938, à travailler sur un bimoteur, le HS 129, destiné également au nettoyage du champ de bataille.
Mais, les moteurs disponibles étant peu nombreux, Henschel décida de construire un bimoteur monoplace.
La présence de 2 moteurs apparaissait comme un gage de survie de l'équipage.

Les moteurs étaient deux Argus de 430 Cv (puis de 465 Cv) refroidis par air tournant dans le même sens..
Dans ces conditions, l’avion (Hs 129 A) était quasi impilotable.


L’Armistice avec la France (du 24 Juin 1940) avait livré aux Allemands d’excellents moteurs Français Gnome et Rhône 14 Mars de 690 Cv en deux versions :
    L’une tournant dans le sens des aiguilles d’une montre,
    l’autre en sens inverse, ce qui annulait les problèmes de couple moteur. 

L'avion avait une longueur de 9.75 m, une masse au décollage de 5 100 kg (3 800 kg à vide).

L'envergure valait 14.20 m pour une surface de 29 m², soit une charge alaire de 176 kg/m².

La vitesse de pointe atteignait 410 km/h à l'altitude optimale, la vitesse de croisière était de 315 km/h pour une autonomie inférieure à 700 km.

Le plafond pratique était de 9 000 m.

Les pilotes trouvèrent ce Henschel 129 B 1 parfaitement pilotableEnfin !

Cependant, la production en série du modèle 129 B s'accompagna de fragilité au niveau des moteurs.
Cette fragilité n'avait rien à voir avec la conception des moteurs.


Les ouvriers Français les construisant savaient exactement à quoi ils allaient servir, i.e. à la Wehrmacht contre les Alliés.
Ils les sabotèrent avec une grande habileté.
Plusieurs années après la guerre, nos moteurs anciens durent être révisés pour la même cause, en particulier quand les saboteurs étaient morts.
L’armement  monté initialement consistait en 2 canons Oerlikon MG FF de 20 mm et 2 mitrailleuses MG 17.
Ces deux types d’armes étaient caractérisées par une faible vitesse initiale.

Ceci limitait gravement l’efficacité antichar de cet avion face aux chars T 34 et KV 1 soviétiques.
Une première amélioration fut le changement des MG FF par des canons MG 151/20. Ensuite on adjoignit à ces armes un canon de 30 mm Mk 101 qui fut ensuite remplacé par une version à chargement automatique Mk 103 (Hs 129 B2).

La dernière version à voler fut le Hs 129 B 3, armé d'un canon antichar de 75 mm de 1300 kg !
L'engin était très efficace mais l'avion perdait de la vitesse et de l'agilité.
865 Henschel furent construits et ils obtinrent des résultats très positifs (pour la Wehrmacht).

Deux versions motorisées différemment furent envisagées.


Le Hs 129 C devait être motorisé par deux moteurs Isotta-Fraschini Delta en V12 inversé à refroidissement par air, moteur qui avait donné toute satisfaction sur le Caudron CR 760 de chasse, en 1939.
Il est évident que ce moteur était remarquable et qu'il aurait donné une meilleure agilité au nettoyeur Henschel.
Par contre, le projet de placer sur cet avion (Hs 129 D) deux moteur BMW 801 (montés sur les chasseurs Focke Wulf 190) me paraît, lui, impossible (pour rester poli) : La puissance eut été multipliée par 4 et la masse au décollage aurait augmenté de 1 500 kg (sans compter que l'autonomie n'aurait pas excédé 250 km !).



Un de mes amis pense que je devrais inclure le Ju 87 Stuka dans cet ensemble, à cause de son rôle dans la Bataille de Kursk. Mais cet avion exceptionnel exigeait des pilotes tout aussi exceptionnels, ce qui limitait son influence avec leurs disparitions successives.




En URSS, un excellent nettoyeur fut créé, le célèbre Iliouchine 2 Chtourmovik, qui, comme le char T 34, entra en service juste à temps pour contrer l'offensive Barbarossa du 22 Juin 1941.

Cependant, l'efficacité de ces deux armements sembla initialement très faible.

Une première explication peut résider dans une formation insuffisante des pilotes, voire, pire, de leurs formateurs.

Une seconde explication peut aussi venir d'une sous-estimation systématique volontaire des pertes Allemandes, par décalage de leur publication dans le temps.

Les commentaires de H. Guderian sur le début de Barbarossa montre sa grande surprise devant le niveau de la résistance des soldats Russes.

Je penche donc pour une combinaison des deux explications.





Iliouchine 2 Chtourmovik - 



Cet avion avait une longueur de 11,60 m et une masse de 4 500 kg à vide et 6 100 kg au décollage.

L'envergure était de 14.60 m et la surface alaire totale était de 38.50 m². 

Le moteur était un Mikouline AM 38 de 1 665 Cv (puis un AM 38 F de 1 720 Cv)
La vitesse allait de 380 km/h au sol à 425 km/h à 2 500 m.


L'autonomie était de l'ordre de 6 à 700 km.

Le plafond, au mieux, atteignait 6 000 m.

L'armement principal commença avec deux canon de 20 mm, qui furent remplacés par des canons de 23 mm puis, enfin, par deux canons de 37 mm.


Cet avion se montra très efficace contre l'ensemble des dispositifs Allemands du Champ de Bataille. 

Les soldats Allemands le surnommaient "l'avion en béton". Il eut donc un rôle essentiel pour sauver l'Armée Rouge. Il fut construit jusqu'en 1950.

Une querelle est faite à cet avion par des auteurs Anglophones qui disent que l'Il 2 n'était pas aussi utile contre les chars qu'on l'a dit. 

Je n'ai aucune raison de leur faire confiance sur ce point, pas plus que je n'ai confiance dans les écrits qui ont des opinions similaires sur le rôle anti-chars des Hawker Typhoon.

Ce type d'écrits rappelle ceux des partisans des cuirassés qui refusaient de "croire" aux expériences de Doolittle.

Toujours est-il que 36 000 de ces appareils furent construits ! 

Beaucoup furent perdus parce qu'ils étaient une cible privilégiée pour les chasseurs Allemands mais eux-mêmes furent des "chasseurs" efficaces contre les transporteurs Germaniques.




Les USA, le 7 Décembre 1941, n'avaient aucun "nettoyeur" dans leur panoplie. 

Ils se contentèrent de l'usage alterné de leurs chasseurs et de leurs bombardiers. 

Le Lockheed P 38 était assez efficace dans ses missions de strafing, grâce à sa vitesse, à son grand rayon d'action et son canon HS 404 de 20 mm mais il était très vulnérable.

A l'époque, les USA étaient dans l'ère des tapis de bombes qu'ils déversaient joyeusement avec des B 17 et des B 24 sur l'Allemagne (voire surtout sur la France) et avec des B 29 sur le Japon. 

L'imprécision de leurs interventions éveillait bien peu d'échos chez eux.

Toujours est il qu'en 1944, la maison Douglas se lança dans la conception d'un successeur à son excellent bombardier en piqué SBD Dauntless, pour détruire les derniers porte-avions Japonais

Le nouvel appareil était plus imposant, bien que toujours monomoteur. 

Il fit son premier vol le 18 Mars 1945.




A 1J Skyraider (guerre du Vietnam) : Une belle capacité d'emport...



Il avait une longueur de 11.83 m, avec une masse de 5430 kg à vide et de 8 140 kg au décollage (11 340 kg au maximum).

L'envergure atteignait 15.24 m et la surface des ailes totalisait 37.16 m².

Le moteur Wright R-3350 de 18 cylindres en étoile développait 2 700 Cv.

La vitesse maximum allait de 515 à 550 km/h suivant les versions.
A 320 km/h de croisière, il pouvait parcourir 2 100 km.

Armé de 4 canons de 20 mm, il pouvait emmener jusqu'à 3 600 kg de bombes.

Cet avion fut hébergé d'abord sur le porte-avions Valley Forge (CV 45). 

Ainsi, lorsque la Guerre de Corée commença, le 25 Juin 1950, ce navire était à Hong Kong, ce qui lui permit de devenir le navire amiral de la Flotte de l'ONU

Juste 8 jours plus tard, les Skyraider de ce navire, sous la protection de F9F Panther à réaction, effectuèrent leur première opération militaire en détruisant les avions et les bâtiments d'une base Nord Coréenne située à Pyongyang.

Si la puissance de feu de cet avion était pour le moins impressionnante, les opérations à basse altitude furent coûteuses à tous points de vue. 

On comprit alors l'intérêt de lui adjoindre 280 kg de blindage (!).

Un total de 128 Skyraider furent perdus dans cette guerre, dont un cinquième auraient été victimes du fort couple moteur au décollage…

Notre Armée de l'Air acheta plus d'une centaine de ces avions en 1956 mais ils n'intervinrent dans la Guerre d'Algérie qu'en 1958, ce qui semble indiquer plus que des réticences du côté Américain.

Ces avions furent également employés à très grande échelle par les USA dans la guerre du Viet Nam, en particulier lors des opérations de récupération de pilotes descendus.

Près de 3 200 en furent construits. 

Le dernier d'entre eux fut retiré du service actif en 1985 au Gabon.

Ce fut donc un avion très utile et adoré par ses pilotes. Sa durée de vie de 40 ans a démontré clairement son excellente conception.




La France a connu largement sa part de la Guerre Froide entre le Camp des Pays dits Socialistes, mené par l'URSS, et le Camp dit Occidental, mené par les USA.

Au moment de la création de l'Alliance Atlantique, en 1949, les moyens militaires soviétiques impressionnaient considérablement par l'immensité du nombre de chars, leur puissance de feu et leur coordination avec des moyens aériens pertinents.

(Ayant assisté personnellement à l'entrée des troupes soviétiques à Prague, le 22 Août 1968, je peux dire que tous les gens qui m'entouraient à ce moment-là étaient eux-mêmes particulièrement impressionnés, et donc immensément silencieux.)

A la fin de la Guerre de Corée, il exista une velléité Américaine de lancer une guerre nucléaire qui s'effondra, heureusement, avec la prise de pouvoir du Général D. Eisenhower.

Restait à trouver le moyen de lutter contre des milliers de chars. 

Notre industrie arriva à sortir un excellent char léger, l'AMX 13 qui avait le moyen de neutraliser un char lourd ennemi.

Cela ne réglait pas tous les problèmes puisqu'avant que nos chars arrivent au contact de ceux de l'ennemi, il fallait déjà savoir où était précisément cet ennemi et, même, essayer, dès sa découverte, de l'affaiblir.

Cela imposait un avion d'exploration relativement rapide mais discret. 

En plus, si cet appareil était découvert par l'ennemi, il fallait, autant que faire se pouvait, qu'il puisse ramener son équipage en sécurité.


Henri Potez, présenta à cet effet un concept particulièrement osé : Le Potez 75 qui fit son premier vol le 10 Juin 1953. 

Son idée de base était de produire en grande quantité un avion léger au pilotage particulièrement facile et sain.

Le Potez 75 était un monomoteur à hélice propulsive animée par un excellent moteur Potez 8D-32 (à cause de l'ajout d'un ventilateur pour tenir compte du montage en moteur propulsif) à 8 cylindres en V inversé de 11.7 litres de cylindrée développant 480 Cv.

Il avait d'emblée reçu un sérieux blindage.



Potez 75 - dernière configuration (Mai 1957)




L'envergure était de 13.10 m et la surface alaire totalisait 22.95 m².

La charge alaire approchait les 110 kg/m².

La vitesse de pointe frisait les 300 km/h à 3 000 m et passait les 275 km/h au niveau de la mer. 

A 3 000 m, les charges externes (missiles) attachées sous les ailes réduisaient la vitesse de pointe à 275 km/h.

La vitesse de montée à 400 m d'altitude atteignait 7.7 m/s mais la montée à 3 000 m demandait 10'.

Le plafond pratique atteignait 8 600 m.

L'autonomie était de 780 km et le rayon d'action était de 330 km. 

Les patrouilles pouvaient durer jusqu'à 3 heures et 30 minutes.

Notons que le Potez 75 avait été équipé d'un coupe-câbles bien utile pour le vol en rase-mottes.

Nous avons les impressions de pilotage que nous a laissées, dans Aviation Magazine #91 (Février 1954), le journaliste Jacques Noetinger (ami personnel de mon propre instructeur Joachim Litwa et, comme lui, pilote de chasse qualifié sur P 47 formé aux USA entre 1943 et 1945).

Débutant son essai à la place d'observateur, il s'extasie devant la visibilité qui s'ouvre devant lui : 
"je suis installé comme un prince au balcon. 
(...) 
Tout est blindage, les glasses épaisses complètent les plaques d'acier.
(...) 
"Je suis parfaitement à l'aise ici, la température est agréable et la visibilité est sensationnelle.
(...)
Ce que je veux savoir, c'est si, oui ou non, un jeune pilote de club peut, comme le prétendent MM Potez et Delaruelle, partir sur cet avion, non seulement sans risquer de casser la machine, mais en l'utilisant efficacement.
    
Je suis un peu sceptique car, après tout, cet avion pèse 2400 kg et on ne manie pas, à mon avis, un taxi de plus de deux tonnes comme un Stampe ou un Piper Cub."
(...)
"Je sors 18° de volets, je m'aligne et, freins lâchés, je pousse les gaz sans brutalité, mais sans paresse, car je tiens à voir si le couple gyroscopique agit. 
L'avion part droit. Je sais que jusqu'à 60 km/h, le palonnier ne répond pas et, pourtant, je n'ai pas à utiliser les freins.
(...)
A 100 km/h, environ, je quitte le sol après moins de 150 m de course. (...)
Je tiens ma vitesse à 170 km/h et monte à plus de 1 400 ft/min (7.7 m/s). 
L'avion est très cabré, mais parfaitement stable et il grimpe, grimpe, grimpe comme un ascenseur. 
(...)
A la suite de trois exercices de décrochage consécutifs, mon altimètre a atteint 750 m. 
J'ai gagné 560 m en faisant l'étude des décrochages !
(...)
Maniabilité, souplesse, centrage, efficacité des commandes (ailerons surtout), même à faible vitesse, [sont] excellents et même exceptionnels pour un avion de ce tonnage. 
(...)
Enfin, je réponds oui à la question posée au début de cette étude. Un garçon qui a 30 heures de Stampe peut partir sans aucun risque sur le Potez 75. 
(...)
En vol, il ne sentira ni perdu ni dépaysé. Il s'apercevra vite qu'il a entre les mains un avion sans vice, qui pardonne et qui, avec une exquise modestie, fait oublier son poids !

Est-ce à dire qu'après quelques tours de piste, il pourra se servir du Potez 75 pour aller attaquer des chars en volant à 25 m du sol ? 
(...) 
C'est une question d'entraînement tactique, chose valable sur tous les avions d'armes. Le rase-mottes ne s'improvise pas, il s'apprend !"

Le compte-rendu du CEV (Prototypes de l’aviation Française 1945-1960, par JC Fayer, 2002
 E-T-A-I,qui date de 1953, est nettement moins favorable.

On y annonce que l'avion porte 4 Nord SS 11, mais les excellentes photographie montrent toutes de simples Nord SS 10.

La vitesse maxi au niveau de la mer y était donnée pour 237 km/h.

L'essai de Noetinger est sûrement intervenu sur un avion clairement modifié et sa conclusion éclaire de façon particulière le refus du CEV.  

Cet avion devait attaquer les hordes de chars avec le missile Nord SS 10 (issu d'un engin X7 Germanique) et très bon marché puisqu'il coûtait 340 FF pièce en 1955 (le salaire minimum de l'époque était de l'ordre de 40 000 FF).

A l'époque, si les missiles de grande taille pouvaient être radioguidés(quoique...), les missiles antichars Français étaient bien trop petits pour cela (15 kg au lancement), l'électronique de l'époque étant très, très loin des circuit intégrés, voire des transistors (!) .

Les fils de guidage transmettaient l'information nécessaire qui provenait d'un joystick (mot encore totalement inconnu à l'époque) et qui agissait par l'intermédiaire de l'électronique de la station de tir (électronique à lampe et totalement dépourvue d'informatique) .

En outre, la phase finale devait se faire avec des jumelles inutilisables pendant le démarrage. Bonjour l'Ergonomie ! 

Le maniement du SS 10 demandait donc énormément de pratique et tout opérateur incapable de justifier d'au moins 60% de tirs au but était éliminé.

Le tir depuis le Potez 75, en ajoutant la vitesse de l'avion à celle du missile, devait nécessairement amener ce dernier à voler bien plus vite que les 80 m/s obtenus depuis un poste de tir fixe. 

Evidement, les commandes de l'engin n'avaient pas été dimensionnées pour encaisser les efforts induits par une vitesse de vol bien supérieure à la vitesse initialement prévue. 

De plus, un tireur parfaitement entrainé sur poste fixe, une fois en place sur l'avion en vol, n'avait plus aucun accès aux repères visuels et temporels qui étaient les siens jusqu'alors. 

Par contre, les hélicoptères légers style Djinn ou Alouette II, capables, par nature, de faire du vol stationnaire, pouvaient naturellement tirer des SS 10 !

En février 1954, le concept tactique lié à l'association Nord SS 10 / Potez 75 était complètement abandonné, peu de temps avant l'émergence de missiles plus adapté..


Si l'abandon du Potez 75 pour lutter contre les chars ne semble pas du tout rationnel, on peut dire que, dans cette fragile IVème République, le choix astucieux de Henri Potez en faveur d'un avion hyper facile à piloter pouvait être vu (en haut lieu) comme permettant à des gens peu éduqués d'avoir accès à des armes puissante, voire politiquement décisives.