Sources : En. Wikipédia et sa version sur le XF 104
Le Lockheed F 104 fut, indéniablement, un avion d'aspect impressionnant, voire futuriste. Donc, un très bel engin.
A ce que l'on lit dans la littérature, l'ingénieur Kelly Johnson qui allait concevoir cet avion, aurait commencé par interroger des pilotes de chasse US qui avaient survécu à la première année de la guerre de Corée.
Il aurait alors décidé de faire un avion aussi rapide que possible et qui soit doté de la plus forte capacité de vitesse ascensionnelle du moment.
Prototype XF 104 : Les souris sont encore absentes des entrées d'air du J 79. Cet avion est plus court et plus léger que le F 104 C de série |
L'architecture choisie pour les ailes était très différente de celle choisie par North American pour ses Sabre (F 86) et Super Sabre (F 100).
Entrées d'air gauche d'un XF 104 : Pas (encore) de cône interne ! |
Le but poursuivi par Lockheed était bien plus ambitieux : Passer Mach 2 !
Le prototype du XF 104 fit son 1er vol le 4 Mars 1954.
Long de 15 m, il avait une masse de 5 200 kg à vide qui passait à 7 120 kg au décollage.
La voilure, de profil biconvexe, avait une envergure de 6.66 m et un dessin de type trapézoïdal isocèle qui devint classique chez Lockheed.
Elle était de faible surface (18.2 m²) et fondée sur un profil très mince (3.36 %). Son envergure représentait 40 % de la longueur totale du fuselage.
Au lieu de fentes de bord d'attaque, cette aile portait un dispositif modificateur de cambrure qui augmentait la portance à basse et moyenne vitesse.
Le bord d'attaque, hyper mince (0.41 mm !), imposa d'être recouvert de protections en plastique pour éviter que les personnels au sol ne se blessent en y touchant par inadvertance.
La charge alaire était, alors, de 391 kg/m², ce qui excédait la charge supportée par les chasseurs des autres sociétés US.
Le fuselage était remarquablement fin et, pourtant, les deux entrées d'air alimentant le réacteur ne disposaient alors d'aucun dispositif capable de rejeter l'onde de choc sonique en amont des parois (photo ci-dessus).
Le moteur choisi devait être le tout nouveau réacteur General Electric J-79.
Ce moteur étant indisponible, il fut remplacé par un Wright J 65-B3 (version du Sapphire construite aux USA sous licence d'Armstrong-Siddley).
La première version de ce moteur interdisait de passer Mach 1, mais le J65-W-7 (avec post-combustion) permit d'atteindre M 1.49 à 12 000 m, M 1.6 en piqué.
L'avion démontra un plafond de 17 000 m.
Le canon Vulcan choisi (de système Gatling) se révéla puissant mais exigea de repenser entièrement son alimentation pour en revenir au système de chargeur (qui ajouta 140 kg à la masse de la cellule !).
Ces deux prototypes furent perdus moins de 2 ans après leur entrée en service...
Vers la vie opérationnelle
Le premier des 17 exemplaires de la version pré-opérationnelle YF 104 vola pour la première fois à la mi-Février 1956.
Cet avion était plus long avec 16.68 m.
Il disposait enfin du réacteur GE J 79 capable de donner 4 400 kg de poussée à sec et 6 900 kg de poussée avec post-combustion.
Ce moteur démontra un certain nombre de problèmes associés, en général, à son système de post-combustion.
L'aile restait la même.
Néanmoins, l'appareil montait vite et haut, ce qui en faisait un intercepteur efficace, en particulier s'il employait des missiles AIM-9 Sidewinder (les premiers missiles de ce genre à démontrer de l'efficacité).
Profil d'aile d'un Starfighter - Les plaques rouges à chaque extrémité protègent le personnel - On voit le volet de courbure à gauche et le modificateur de cambrure à droite. La structure semble multi-longerons. |
Le premier F 104 A de série entra en service le 28 Janvier 1958. La masse à vide avait augmenté de 1 150 kg.
La vitesse maximale atteignait M 2 (= 2 120 km/h à 12 000 m), le plafond opérationnel était de 15 000 m.
La voilure gardait la même géométrie, mais la charge alaire était maintenant passée à 510 kg /m².
Inutile de dire que la combinaison entre cette énorme charge alaire et le profil d'aile choisi se combinèrent pour rendre l'avion particulièrement peu manœuvrier.
Certes, un système sophistiqué de soufflage de la voilure tentait de pallier ces difficultés, mais ce système n'était ni fiable ni facile à employer, puisqu'il était inopérant lorsque le réacteur tournait à moins de 85% de son régime maximal.
Le Starfighter fut cependant un avion très bien vendu, à près de 2 600 exemplaires.
L'USAF en commanda initialement plus de 700 pour l'Air Defense Command. Elle confiait ces chasseurs uniquement à des pilotes qui justifiaient au moins de 1 500 h de vol.
Par contre, la série fut coupée au 296ème avion, parce que "cet avion n'avait qu'une faible autonomie". Telle était la raison officielle.
Il fallait donc que Lockheed réussisse quand même à vendre les avions en cours de construction à des clients non-Américains.
Ce fut à ce moment-là que l'on commença à comprendre que ce n'était pas pour leurs qualités militaires que ces avions étaient achetés, loin de là, mais pour les pots de vin que les politiciens recevaient.
En Allemagne, Franz Joseph Strauss en fut un très important bénéficiaire, ce qui peut expliquer les facilités de réélection qu'il connut ensuite.
Du coup, il commanda 916 F 104.
Il semble avoir déclaré - dans ses mémoires - qu'il avait fait ce choix uniquement pour punir le gouvernement du Général de Gaulle.
Je ne crois rien de ses déclarations, comme toujours lorsqu'il s'agit d'un politicien.
En réalité, l'appât du gain fut sa seule motivation, as usual.
Evidemment, ce type de vente se fit évidemment au détriment des chasseurs concurrents, en particulier du Mirage III.
Vous lirez de nombreuses justifications données après coup, bien sûr !
Une revue Française qui avait connu de longues années d'un travail très sérieux, à commis un article ad hoc pour conclure que cet engin n'avait pas de mauvais résultats en termes de sécurité !
Vie opérationnelle
Le F 104 entrait dans sa" vie d'avion de chasse" avec nombre d'atouts remarquables :
- Son réacteur était très puissant ;
- Son fuselage était particulièrement fin, ce qui allié au point précédent, lui assurait une vitesse considérable ;
- il disposait d'un excellent radar ;
- Son armement était puissant et diversifié.
En Septembre 1965, à l'occasion de la guerre entre l'Inde et le Pakistan, parfois appelée Seconde Guerre du Cachemire, un pilote Pakistanais de Starfighter revendiqua une victoire sur un Mystère IV Indien.
Ce fut nié par l'Inde.
En Janvier 1967, quatre F 104 Taïwanais abattirent un Mig 19 Chinois, mais, ensuite, un Starfighter manque à l'appel.
En 1971, durant une nouvelle guerre opposant l'Inde et le Pakistan, les pilotes Indiens aux commandes de Mig 21 abattirent au moins 2 Starfighter Pakistanais..
Si on compte sérieusement, le nombre total de victoires de cet avion se comptent sur les doigts d'une seule main !
Par comparaison, les seuls Mirage III Israéliens abattirent 48 avions Arabes dans la guerre des six jours de 1967 plus 106 avions dans celle du Yom kippour de 1973 (je n'ai pourtant pas intégré les 140 victoires des Nesher, même si ce sont des avions identiques).
On voit bien que le Starfighter n'était pas un chasseur digne de ce nom.
Un bien mauvais bilan de sécurité
Plus ennuyeux, la sécurité des vols du F 104 se révéla désastreuse. Cela se traduisit par de nombreux accidents qui entraînèrent 548 pertes humaines.
Erich Hartmann, pilote de chasse doué du plus grand tableau de chasse de toute l'Histoire (352 victoires), puis chef d'escadre d'avions à réaction de son pays, jugeait, avant même que le Starfighter soit commandé, que cet engin était dangereux et qu'il n'avait pas les qualités de vol indispensables pour combattre.
Cela déplut fortement à ses chefs qui bloquèrent son avancement plutôt que de suivre son avis.
La RFA perdit 300 machines par accident, dont 269 dans des crashs. A leur bord, 116 pilotes trouvèrent la mort (108 Allemands et, même, 8 instructeurs US). Cela conféra à cet avion le sobriquet de "faiseur de veuves".
Les Belges perdirent 41 de leurs 100 avions, les Italiens en perdirent 138 sur 368.
Le taux le plus élevé fut celui des Canadiens avec 110 sur 238 mais cela s'expliquait aussi par un nombres d'heures de vol 3 fois plus important que celui des pilotes Allemands.
Si on regarde le nombre d'avions perdus par tranche de 100 000 heures de vol, on trouve 25 dans l'US Air Force, à comparer aux 12 Mirage III perdus par la Royal Australian Air Force dans le même espace de 100 000 heures de vol.
- Le choix initial par Lockheed d'un siège éjectable ventral, qui interdisait toute éjection à basse altitude.
- lorsque un siège éjectable Martin-Backer fut enfin installé, il fallut mettre au point un système en plus pour permettre la survie du pilote.
- Le choix d'une voilure à la fois peu portante et de très faible surface réduisait fortement la capacité de survie du pilote dès lors que l'avion était attaqué car les manœuvres d'esquive n'avaient aucune chance de donner un bon résultat : La seule esquive réellement possible était une fuite éperdue.
- La mise au point du réacteur General Electric J 79 ne fut pas très rapide et sa post combustion pouvait être capricieuse.
- Le système de soufflage de la voilure aboutissait à se poser pratiquement plein gaz, ce qui est assez contre-intuitif, sauf pour les pilotes de l'Aéronavale.
- La qualité de formation des pilotes s'est fait sentir. Malgré tout, si on se souvient qu'un pilote de Harrier devait justifier de 2 000 heures de vol, les 1500 heures exigées par l'USAF démontraient la très grande méfiance de ses responsables.
- Enormément de vols étaient réalisés à très basse altitude et très grande vitesse, ce qui ne pardonnait pas la moindre distraction.
- On peut cependant dire que même si son palmarès n'a pas évolué avec le temps, l'avion a été, peu à peu, amélioré par son constructeur et son pilotage a engendré moins de risques pour ses pilotes. Ceci est un point positif pour les forces aériennes impliquées, pas pour les concepteurs de l'avion.
- Curieusement, ces pilotes gardèrent un souvenir ému de cet avion, comme cela est visible avec Georges Varin. Il est probable que d'avoir passé beaucoup de temps aussi près de la mort sans la subir a été pour eux un très grand évènement.
Conclusion
Marcel Dassault disait, à ce que l'on rapporte, qu'un bel avion vole toujours bien.
Pourtant, si le F 104 fut vraiment un très bel avion, il volait mal dès qu'il s'éloignait de la ligne droite !
Sa création a popularisé les cônes d'entrée d'air, les ailes multi-longerons et le soufflage des volets. Ceci est très positif.
Sa beauté et ses performances en ligne droite avaient suffit à dissuader les avions soviétiques comme les avions Chinois de l'attaquer pendant un certain temps.
J'ignore pourquoi des aviateurs Nord-Vietnamiens ont transgressé ce tabou, mais, lorsqu'ils y sont parvenus, la vraie nature du Starfighter s'est révélée à tous : Ce super avion n'était pas un chasseur du tout.
En réalité, il était le premier étage du missile qu'il allait lancer sur l'ennemi qu'il suivait.
Il a leurré nombre de politiciens de bas étage, si facilement corruptibles, en particulier en Europe de l'Ouest.
On pourrait s'amuser à faire la comparaison avec le Morane-Saulnier 406, sauf que le palmarès de ce dernier est considérablement plus élevé que celui du F 104 (et c'est moi qui écrit cela !) et, que, normalement piloté, il ne présentait aucun danger.
Excellent article, qui montre bien combien nous sommes à la merci des Américains et de leurs intérêts...
RépondreSupprimerJe vous remercie pour votre gentillesse.
SupprimerLes USA, au moins depuis les écrits de l'amiral Mahan (entre 1880-1890) ont cherché à établir un empire sur la planète. La courte vue des Prussiens (de 1850 à 1945) a permis aux USA d'établir une supériorité militaire au détriment de l'Europe puis un hégémonie financière. Il leur est si facile d'acheter les gens de talent ou... de pouvoir !
Intuitivement, le parallèle F104 - JSF s'impose à l'esprit.
RépondreSupprimerQualité de vol surfaite, vente importante aux 'alliés' et Lockeed. Corruption? Sûrement non... Chantage du fort au faible? Probable.
Je ne peux pas vous rassurer sur le plan de la corruption. Je vous recopie cet article de Wikipédia en Français sur la Reine Juliana des Pays-Bas, à la date du 25/05/2022 :
Supprimer"Dans l'affaire Lockheed, en 1975, le prince Bernhard est accusé de corruption passive, le gouvernement du Premier ministre Joop den Uyl est ébranlé et la monarchie ne peut se maintenir que par l'abandon de la charge d'inspecteur-général des armées qu'occupait le prince. Dans un entretien posthume, le prince Bernhard a confirmé son implication dans l'affaire Lockheed ".
Vous trouverez que les version non francophones sont identiques. En Italien, vous trouverez que Bernard de Lippe, mari de Juliana, avait touché $1.1 millions.