dimanche 20 mars 2022

Les bombardiers de nuit de la RAF (1933 -1938) (Révisé le 13 IX 2024 *** ***)-



Plusieurs avions Britanniques devaient répondre à une spécification publiée en 1927 pour définir un bombardier de nuit apte à remplacer le Vickers Virginia, entré en service en 1924 pour remplacer les Vickers Vimy de 1918 (dont l'un d'entre eux avait eu l'honneur d'effectuer la première traversée de l'océan Atlantique-Nord à la mi-Juin 1919)

La maison Vickers présenta le biplan Vickers 150 Vanox qui se révéla très instable et peu performant.

Le vrai gagnant du nouveau concours fut le "plutôt bizarreHandley-Page Heyford, un biplan imposant dont, au décollage, la tête du pilote culminait à 5 m au-dessus du sol.

C'était donc un avion de grande taille pour l'époque. Sa structure consistait en une charpente de tubes métalliques (en acier) entoilés.

Long de 17.68 m, il pesait 4 180 kg à vide et 7 666 kg au décollage.

Son envergure était de 22.87 m et la surface alaire atteignait 136.6 m².

Sa charge alaire de 56 kg/m² lui assurait sûrement une excellente capacité de manœuvre, mais aussi la capacité de ressentir très violement les moindres turbulences.

Il était alors animé par deux moteurs Rolls-Royce Kestrel II-S de 525 Cv.

Les moteurs étaient moyennement bien profilés, en particulier parce que les échappements avaient subi un habillage pour que leurs flammes ne trahissent pas leur vol dans les nuits obscures.

Il fit son premier vol en Juin 1930.

Il se révéla apte à voler à 230 km/h en pointe. 

Il avait aussi une autonomie de 1 480 km et un plafond de 6 400 m.

Les négociations de désarmement à la Société des Nations, mais aussi les accidents qui frappèrent ses concurrents ralentirent de façon importante le travail sur ces avions.

Bien supérieur aux Virginia, qui volaient au maximum à 175 km/h, cet avion permettait de gagner 55 km/h sur ses prédécesseurs et fut  finalement commandé à 124 exemplaires.

Les versions ultérieures (Heyford II et III) disposaient de moteurs plus puissants qui culminèrent avec la version suralimentée de 695 Cv sur le Heyford III (dont j'imagine qu'il pouvait alors voler à près de 260 km/h).

Comme armement offensif, il pouvait emmener 1 134 kg de bombes. 

Mais, pour se défendre, il disposait seulement de 3 médiocres mitrailleuses Lewis de 7.92 mm (V0 de 740 m/s).

En Novembre 1933, la firme Handley-Page livra à la RAF son premier bombardier Heyford I, qui fut intégré dans le squadron 99




HP Heyford - Chaque hélice, à 4 pales et à pas fixe, est formée de 2 hélices bipales montées perpendiculairement




Il était annoncé "capable" de bombarder Paris (conformément aux fantasmes imbéciles de l'Air-Marshal Sir Hughes Trenchard).

Par contre, il ne pouvait évidement pas attaquer Berlin, que son rayon d'action de combat rendait totalement inaccessible.

La capitale Allemande étant à plus de 930 km de Londres, pour qu'un avion puisse la bombarder, il lui était nécessaire de disposer d'une autonomie totale d'au moins 2 200 km (pour tenir compte d'un minimum de vent contraire)




Un Heyford loin derrière deux Avro Anson en Juillet 1940 : le contraste des formes résume bien l'évolution aérodynamique des années 30, même si le Anson n'était pas un avion si bien profilé que cela.



Le Heyford constitua, jusqu'à la toute fin de 1936, l'essentiel du bombardement nocturne Britannique.
 
De nombreux exercices de bombardements simulés à longue distance - dont certains sur des sites Français - furent menés jusqu'à celui qui eut lieu le 12 Décembre 1936. 

Les températures négatives, combinées à une très forte humidité, déclenchèrent le givrage quasi simultané de la totalité des 7 avions du  sq102 impliqués dans cet exercice.

Ce dernier exercice se termina donc par une catastrophe. 

Quatre de ces bombardiers s'écrasèrent au sol, deux autres durent se poser en campagne, le bilan humain s'établissant à 4 morts et 3 blessés !



Handley-Page Heyford, ou : Comment faire voler une forêt de mâts !




En 1937, le Heyford commença à être considéré comme dépassé, ne servant plus - officiellement du moins - qu'à l'entraînement des jeunes personnels navigants

Néanmoins, au moment de la Crise des Sudètes (1938), six squadrons de Heyford furent maintenus en alerte (Ital. Wikipédia, Mars 2022).

Juste pour info : Fin 1934, l'Armée de l'Air  mettait en service le Bloch 200 (285 km/h). 
 



Le second avion dont j'ai choisi de vous entretenir apparait comme beaucoup plus moderne et, même, à mon très humble avis, il aurait dû être déclaré vainqueur du concours. 

Il s'agit du Fairey Hendon, monoplan à aile basse.




Fairey Hendon Un  aspect très moderne, des moteurs bien carénés mais sans compresseurs, des ailes présentant une énorme épaisseur, un fuselage entoilé et des hélice à pas fixe : Périmé dès 1937.


Cet avion avait une longueur de 18.52 m  pour une masse de 5 800 kg à vide et de 9 070 kg au décollage.

La voilure avait une envergure de 31 m et une surface totale de 106.5 m², ce qui assurait une charge alaire de 85.2 kg/m².

La cellule, semblait préfigurer celle de l'Armstrong-Siddley Whitley, sans souffrir pour autant de ses 8.5° de cabrage, liés à l'absence initiale de volet d'atterrissage sur le Whitley.

Le train classique était pantalonné et aucun effort ne fut fait pour voir ce qu'aurait apporté un train éclipsable.

Cet avion était motorisé par 2 Rolls-Royce Kestrel VI. 

Comme à son collègue traité plus haut, on lui refusa les hélices à pas variables...

Cela entraîna une vitesse de pointe de 250 km/h obtenue à 4 500 m d'altitude (Source De. Wikipedia).

Il avait une autonomie de 2 200 km à 215 km/h de croisière et un plafond de 6 500 m.

Il montait à 2 000 m en un peu plus de 9 minutes.

Si cet avion avait de meilleures performances que le HP Heyford, l'aviation de bombardement nocturne des autres pays  avait fait de gros progrès et rares étaient les avions qui ne passaient pas les 300 km/h.

Le bombardier Hendon II fut construit en 14 exemplaires seulement...

Les Britanniques, abandonnèrent aussi le Hendon au profit de l'Armstrong-Whitworth Whitley qui volaient 100 km/h plus vite et portait plus loin presque 3 fois plus de bombes. 

Dans tous les cas, on peut s'interroger sur ce que les deux bombardiers présentés ici auraient pu réaliser en cas de guerre contre l'Allemagne, car ils eussent probablement éprouvé des difficultés à rentrer chez eux avant la fin de la nuit !

Une autre source de réflexion consiste à  comparer ces avions de bombardement nocturnes Britanniques avec leurs cousins du même pays et servant au transport militaire.


Ce que le présent article montre, à mon humble avis, c'est que les responsables Britanniques ne regardaient pas du tout ce que les autres pays fabriquaient. Etonnant, non ?





4 commentaires:

  1. Très intéressant ! sur des avions que je ne connaissais quasiment pas...

    RépondreSupprimer
  2. Les "fantasmes de Trenchard" étaient loin d'être isolés, comme je l'ai montré dans l'article:
    http://sam40.fr/quand-la-royal-air-force-preparait-la-guerre-contre-la-france/

    RépondreSupprimer
  3. Très instructif comme toujours ! Un pan méconnu de l'histoire de nos alliés et de leurs errements...

    Le plus amusant, si l'on peut dire, c'est que ce sont les commentateurs anglo-saxons qui n'ont pas de mots assez durs ou méprisants pour fustiger nos Amiot 143, Bloch 200 et 210, ou encore Farman 222, oubliant qu'eux-mêmes ont conçu et fabriqué des appareils aussi peu respectueux des lois élémentaires de l'aérodynamique. Tout comme la Luftwaffe, d'ailleurs, mais en 1939 Anglais et Allemands étaient largement passés à la génération suivante. Contrairement à nous, dont l'Armée de l'Air affichait un énorme "trou" générationnel à l'entrée en guerre - un effet pas assez dénoncé du marasme décisionnel, qu'il soit politique ou militaire, ayant régné en France dans les années 1930.

    RépondreSupprimer
  4. J'aime bien, décidément, ce terme de marasme décisionnel que vous employez.
    Par définition, il est politique, il est aussi militaire et, en plus, il doit être financier.
    Car effectivement, nous avions les avions qu'il fallait, mais pas la volonté de les sortir en masse. On a sorti le MS 406, quelle dérision !

    RépondreSupprimer