mercredi 14 septembre 2022

V comme Vulcan (révisé le 14 Septembre 2023 * ***)

 


Contexte extérieur et technologique

En 1946, l'Etat-Major de la RAF déposa un programme opérationnel (OR 1001) exigeant la création de bombardiers à réaction aptes à porter une bombe nucléaire.

Une recherche sur la réalisation d'une bombe A (donc à fission nucléaire) fut lancée peu après.

En Janvier 1947, un concours fut lancé entre les divers constructeurs Britanniques pour réaliser ces bombardiers.

On exigeait un rayon d'action de l'ordre de 2 800 km, soit 300 km de plus que la distance entre Londres et Ankara, à une vitesse de croisière de 915 km/h entre 11 000 et 15 000 m d'altitude.

Les bureaux d'étude étaient tous parfaitement conscients que les solutions mises en œuvre pour les bombardiers de la période 1936-1945 étaient irrémédiablement déclassées.

Pire encore, même les experts (RAE, NACA) semblaient ne rien savoir sur l'aérodynamique des vitesses subsoniques, voire, surtout, transsoniques (sachant que le supersonique n'était connu que par les artilleurs).

De son côté, le gouvernement US avait parié sur le gigantesque Convair B 36 (presqu'aussi gros qu'un Boeing 747 et qui emmenait presque 40 tonnes de bombes). 

Ce bombardier montrait certes un progrès sur le B 29.

Par  contre, il ne changeait absolument pas la problématique posée par la chasse soviétique, surtout depuis la sortie du Mig 15 en URSS, puisque sa vitesse de croisière n'était que de 370 km/h.

Le B 52 Américain - toujours en service en fin 2022 - vola pour la première fois le 15 avril 1952. Il pouvait alors porter 20 tonnes de bombes. L'évolution de l'avion lui permit d'en emmener 31 tonnes !

Pour mémoire, Tupolev lança son bombardier stratégique turbopropulsé Tu 95 - qui fit son premier vol à la mi-Novembre 1952, lui aussi toujours en service. Il peut porter 11 tonnes de bombes.

Ces deux avions peuvent parcourir nettement plus de 10 000 km sans ravitaillement, mais ils peuvent aussi être ravitaillés


Créer un bombardier

Le choix d'un bombardier doit prendre en compte tous les risques associés aux missions projetées. Le B, A, BA est d'avoir une vitesse de croisière suffisamment élevée pour réduire le plus possible la durée des missions. 

Il faut ensuite réduire la vulnérabilité des bombardiers aux systèmes que l'adversaire met en pratique contre eux :     

  • Radars,
  • Signature électromagnétique perçue de chaque bombardier,
  • DCA par artillerie classique ou par fusées Sol-Air,
  • Disposer de systèmes de navigation capables de contourner les zones dangereuses,
  • etc. 

Sur tous ces plans, les bombardiers V Anglais étaient nettement plus avancés que le B 36 Peacemaker. En outre, ils étaient d'emblée animés par 4 puissants réacteurs. 

Deux constructeurs furent choisis simultanément (Avro et Handley-Page). Mais Vickers ayant promis que son Valiant serait prêt une année avant ses concurrents, il fut aussi commandé en série.


Le plus efficace des 3 constructeurs Britanniques fut la firme Avro.

Ayant calculé qu'un bombardier doté d'ailes en flèche souffrirait d'un excès de masse considérable, les concepteurs d'Avro avaient opté d'emblée pour une voilure en Delta.

De ce fait, ils commencèrent par créer des maquettes volantes pilotées pour apprendre expérimentalement, donc sérieusement, le comportement d'une voilure Delta en vol. 



Avro Vulcan B2 : De très grandes entrées d'air et une dérive réduite


Ainsi naquit le bombardier Vulcan (de Vulcain, dieu des Enfers pour les Romains [Hephaistos pour les Grecs])

L'avion était long de 29.60 m et l'envergure passait les 30 m.

La forme des ailes, initialement parfaitement triangulaire, fut modifiée plusieurs fois, aboutissant à une surface totale de 330 m². Son épaisseur relative était de 10 % à l'emplanture et de 6% à l'apex.

Sa masse de 37 tonnes à vide passait les 77 tonnes au décollage, mais la charge alaire de seulement 233 kg/m² permettait des évolutions faciles et serrées.

Quatre réacteurs Bristol Olympus Mk. 10de 5 t de poussée l'animaient (une version très améliorée allait propulser le supersonique Concorde de 1969 à 2003).

La vitesse de pointe atteignait 1040 km/h en altitude (Mach 0.96).

La croisière était réalisée à 913 km/h et à 14 000 m. 

Le rayon d'action de combat était de 4 195 km et le plafond était, initialement, de 17 000 m.

L'avion pouvait passer des tonneaux barriqués.

Le Vulcan fut construit à 136 exemplaires.

Il fut décliné en deux variantes successives : 

  • Le Vulcan B 1 (les 45 premiers exemplaires) avait gardé la géométrie et la structure originale de l'aile Delta. Par contre, ces avions avaient reçu un système de contre-mesure électroniques leur permettant d'entrer dans des zones normalement interdites à leur pénétration. Ces bombardiers B1 ont été retirés entre 1966 et 1967.
  • Le  Vulcan B 2 (les 90 exemplaires restants), avait, en plus, reçu des moteurs de 30% plus puissants et une voilure de taille supérieure. Ces deux modifications assuraient un plafond nettement plus élevé (19 000 m). Par ailleurs, la nouvelle voilure, renforcée, permettait mieux le vol à basse altitude, réduisant la vulnérabilité aux SAM, une fois qu'il fut démontré que les soviétiques disposaient de missiles sol-air efficaces (1960, voir plus bas).


Vie opérationnelle


Comme les V Bombers Britanniques ont passé l'essentiel de leur vie active pendant la Guerre Froide, il est possible que ces bombardiers aient joué un rôle plus complexe que ce que l'on trouve dans la littérature.

Rapidement, il parut évident que l'autonomie des Vulcan était un peu insuffisante, ce qui entraîna de développer considérablement l'entraînement au ravitaillement entre avions en vol (1959).
Cela rendit possible un vol depuis la base RAF de Scampton (située à environ 50 km à l'Ouest de l'embouchure de la Humber en Angleterre) jusqu'à Sydney en Australie. 
La distance de 18 500 km fut couverte en juste 20 heures, grâce à 3 ravitaillements en vol.

Les premiers déploiements de Vulcan concernèrent la guerre entre l'Indonésie et la Malaisie (1963-1966), largement instrumentalisée comme guerre anti-communiste. 

Pour le coup, il s'agissait d'une guerre asymétrique. Ces avions ne risquaient pas grand chose face aux canons de DCA des communistes locaux. 

Les Vulcan sont réputés n'avoir joué, dans ce conflit, qu'un rôle dissuasif, mais ce conflit n'a pas été non plus été très documenté chez nous (au même moment, la presse Anglo-Saxonne fustigeait quotidiennement notre guerre d'Algérie). 

La guerre Indonésienne était, étonnamment, infiniment moins couverte par nos médias.


Dissuasion Nucléaire


Notons que les Vulcan furent amenés à jouer le rôle de bombardiers soviétiques dans des manœuvres du NORAD pendant les années 1960, 1961 et 1962.

Il semblerait que, à cette occasion, les Vulcan aient permis de mettre en évidences des failles de sécurité du NORAD.

Ils ont aussi été capables en 1974 après 18 années de service, de déjouer les chasseurs US qui leur étaient opposés (exercice Giant Voice).

La menace des missiles Sol-Air (SAM)

Après la victoire de 1945, on savait  que les Allemands avaient développé un certain nombre de missiles sol-air entre 1942 et 1945. Tous les puissances sorties victorieuses du conflit en étaient informées.

Mais les essais de ces armes par les Alliés avaient été probablement mal réalisés, réduisant peu à peu l'intérêt pour de tels engins. 

A ma connaissances, aucun missile de DCA n'avait émergé de la guerre de Corée.

Par contre, le 1er Mai 1960, l'intérêt allié pour les missiles sol-air fut porté à son plus haut niveau lorsque le pilote de la CIA, Gary Powers, qui pilotait un avion espion Lockheed U2 au-dessus de l'URSS, fut abattu par un missile soviétique S 75 Dvina. 

{Pendant les diverses crises de la guerre froide, plusieurs autres U2 furent abattus de la même façon : Cuba, Vietnam, Taiwan, Chine.}


Missile S-75 Dvina : capable de Mach 3.5, de voler à 25 000 m de haut et de détruire un avion à 40 km.
La charge explosive pèse presque 200 kg (létal à bien plus de 100 m).
Cet engin fut amélioré, en particulier au niveau de ses commandes électroniques.


Du coup, les USA  décrétèrent que tous les bombardiers volant à haute altitude étaient définitivement périmés. 

Ce genre de prise de position Américaine est très fréquent, mais, pour autant, sa crédibilité est très loin d'être prouvée. La raison repose sur des faits :

  1. Les USA ont toujours voulu être le seul pays doté de bombes nucléaires. Par la loi McMahon du 1er Août 1946, ils avaient déjà refusé que les USA transmettent, à quelque pays du monde que ce soit, la moindre donnée issue du projet Manhattan sur les bombes nucléaires à fission.
  2. Une énorme pression fut exercée par eux sur la France, heureusement sans succès. La pression fut exercée de nouveau sur le Général De Gaulle lorsqu'il exprima sa volonté de créer une force nucléaire de dissuasion pour sanctuariser la France. 
  3. Les USA réussirent à imposer le système de double clef aux Britanniques lorsqu'ils avaient besoin d'utiliser des armes nucléaires Américaines.
  4. Lorsque le Royaume Uni chercha à disposer d'un missile sol-sol à portée intermédiaire, le Blue-Streak, on présenta ce missile comme issu d'une licence américaine du missile IRBM Thor. Ce missile fut un échec y compris en tant que base du lanceur spatial Europa lancé de la base Australienne de Woomera.   
  5. Les pleurnicheries US face aux S-75 soviétiques étaient surprenantes parce que :
    1. Le Lockheed U2 était un grand avion-espion (20 m de long x 30 m d'envergure, 18 tonnes au décollage) qui volait entre 18 000 et 24 000 m et qui se déplaçait à moins de 700 km/h en croisière (= de 150 à 190 m/s).  Il était donc facile à détecter.
    2. Il n'était vraiment pas un modèle de performances
    3. Il n'était pas davantage un modèle de manœuvrabilité parce qu'il volait, en permanence, à la limite du décrochage
    4. Cela explique aussi son manque d'équilibre sur sa trajectoire
    5. La solidité de sa cellule était limitée,
    6. Pire encore, les USA continuèrent à employer des U2 !

    Les missiles S-75 Dvina, utilisés fréquemment par l'Inde lors de la guerre Inde-Pakistan de 1965 (contre des chasseurs subsoniques F 86  Sabre et des chasseurs Hawker Hunter, bien plus agiles qu'un U2), n'ont obtenu qu'une seule victoire. 

    Il était donc évident que des avions supersoniques Mirage III ou Mirage IV, bien plus rapides et manœuvrants, subiraient encore bien moins de pertes.

    Cela se vérifia pendant la guerre des six jours. Par contre, l'amélioration des systèmes électroniques soviétiques se fit sentir pendant la guerre du Kippour (1973).

    Il faut se souvenir aussi que les radars d'alerte de l'époque émettaient un signal électromagnétique par un émetteur ponctuel qui tournait inlassablement sur 360°. 

    Les éventuels échos de ce signal étaient récupérés par de grandes antennes qui tournaient de façon solidaire avec l'émetteur.

    L'excellent radar Américain Westinghouse AN-TPS-43 de 1963 (entré en service en 1966), illustré ci-dessous, avait une fréquence d'émission de l'ordre de 3 GHz, chaque signal émis durait (initialement) 6.5 µS, la largeur du faisceau était de 1°, l'antenne réalisait 10 tours par minute (vidéo d'un matériel fonctionnant de manière semblable).

    Comme le point représentant le bombardier ennemi n'était réellement visible sur l'écran-radar que pendant 10 % du temps de recherche, on inventa alors des écrans permettant de figer les pixels importants sur l'écran pendant quelques secondes.


     

    Radar US : l' AN-TPS-43E : Portée 360 km

     

    Pendant la Seconde Guerre Mondiale, les belligérants avaient vite compris que le vol à basse altitude protégeait du radar.

    Seule une attaque à moins de 60 m d'altitude AGL était considérée comme donnant une chance de réussir une pénétration chez l'adversaire, parce qu'aucun de ses radars n'était capable de suivre les trajectoires d'engins dotés d'une grande vitesse angulaire.

    Ce type de vol est cependant très éprouvant à la fois pour les navigants et pour les avions, à cause de la violence des turbulences.

    Heureusement, l'aile Delta a de bonnes caractéristiques dans de telles conditions. 

    Mais, avant même ce changement de pratique, la RAF introduisit son volumineux missile de croisière Blue Steel (dont on parla beaucoup à l'époque) et qui prolongeait le vol de haute altitude d'environ 300 km (d'autres sources donnent de 333 à 240 km). 

    A basse altitude, la distance tombait à 160 km. 

    Il semble que la portée visée était de 900 km mais le système de maintien de cap (plateforme inertielle) du système de guidage pouvait se dérèglait au-delà de 200 km.


    Missile Blue Steel - Une configuration canard mais ce missile est étonnamment épais


    Ce missile avait une longueur de 11 m, un diamètre de 1.22 m, une envergure de 4 m et une masse de près de 8 tonnes. 

    Suivant les sources, la vitesse passe de Mach 1.6 à Mach 3+. 

    En fait, cela correspondait à l'organisation du moteur fusée : 
    • La 1ère chambre de combustion était allumée et les 110 kN de poussée plaçaient l'engin sur la trajectoire désirée jusqu'à une vitesse de Mach 1.5.
    • Ensuite, la 2ème chambre de combustion (60 kN) menait le missile à Mach 3. 
    • Une fois sur l'objectif, le moteur fusée était éteint (s'il n'avait pas consommé tout son carburant) et la tête nucléaire "tombait" pour déclencher l'explosion nucléaire avant de toucher le sol.
    Une poignée d'années plus tard, le Blue Steel fut retiré (ce que je ne comprend pas vraiment).

    La Grande Bretagne s'était associée à l'US Air Force en 1960 pour obtenir des missiles GAM-87 Skybolt technologiquement plus évolués. 

    Mais, 2 ans plus tard, les USA arrêtaient ce projet qui "aurait pu entraîner les USA dans un conflit nucléaire déclenché par le Royaume Uni" dixit Mr. Robert McNamara, secrétaire à la défense. 

    Il comptait sur ses MSBS Lockheed UGM-27 Polaris A-I (environ 2 000 km de portée, 0.6 Mégatonne) lancées par des SNLE. 

    D'après les essais, ces missiles étaient très peu fiables (à peine plus de 10% de tirs réussis).

    Les Polaris A-II, très améliorées, emmenaient une charge mégatonnique à 2 800 km et les Polaris A- III avaient une portée de 4 500 km.

    Le missile Boeing  LGM-30 Minuteman fut un choc technologique avec une capacité intercontinentale (8 000 km).

    Cependant, le cercle d'erreur probable avait un rayon d'ordre kilométrique, ce qui semblait bien moins précis qu'un bombardement aérien.

    Reconnaissance maritime

    Fin 1973, du fait des fatigues structurelles ayant été décelées sur les bombardiers Victor, ces derniers virent leur structure réparée mais leur mission fut convertie en ravitaillement en vol. Certains de ces avions étaient alors spécialisés dans la reconnaissance radar de l'environnement maritime de l'archipel Britannique.

    Il était en particulier vital de surveiller le GIUK. Cette tâche revint alors à une escadrille de Vulcan


    Ce GIUK est le systèmes de verrous rocheux par lequel toute flotte issue d'un pays Nord Européen doit passer pour accéder à l'Atlantique. Le terme implique que la flotte Britannique s'attribue le pouvoir d'empêcher des navires indésirables de passer.

    Pour votre information, je me permets de recopier une phrase de l'article sur le GIUK dans en. Wikipedia. 
    Elle est assez caractéristique : "As the British also control the strategic port of Gibraltar at the entrance to the Mediterranean, this means Spain, France, and Portugal are the only Continental European countries that possess direct access to the Atlantic Ocean that cannot easily be blocked at a choke point by the Royal Navy."

    Cela signifie que toute tentative de passage doit être connue par la Home Fleet (ou son équivalent actuel). 

    Les patrouilles aériennes doivent donc être minutieuses, donc longues et usantes pour le matériel. 

    L'escadrille 27 reçut donc des avions modifiés pour ce rôle (MRR), en particulier en utilisant un système de navigation LORAN C. Fin 1982, ces avions furent relevés de cette fonction.


    Guerre des Malouines

    Le Vulcan joua le plus important de tous ses rôles opérationnels lors de la guerre contre l'Argentine (2 Avril 1982). Il s'agissait de bombardements conventionnels. 

    Décollant de l'île de l'Ascension, les Vulcan devaient bombarder Port Stanley, situé à 6 300 km de leur point de départ. 

    Evidemment, cela exigeait un ravitaillement en vol qui était apporté par des Victor, ex-concurrents du Vulcan, mais qui ne pouvaient pas être prépositionnés longtemps à l'avance. Car, difficulté considérable, les cibles n'étaient pas identifiées d'avance.



    l'opération Black Buck contre les Argentins aux Malouines (alias Falklands)

    Le ravitaillement aérien exigea 14 Victor. Chaque mission Back Buck consommait au total 5 000 m² de fuel.

    Les USA  envoyèrent du carburant aux Britanniques au moyen de Boeing KC 135.

    Chaque des 7 raids de bombardement fut codé Black Buck suivi de son numéro d'ordre.

    Les Black Buck de 1 à 3 attaquèrent l'aérodrome de Port-Stanley pour en détruire la piste. La première attaque fut suffisante pour empêcher les Argentins de placer des Mirage III sur la piste de Port Stanley.

    Chaque Vulcan bénéficiait d'une plateforme inertielle de navigation (Carousel), d'un système de contre-mesures sophistiqué AN/ALQ-101 (alias Dash 10). 

    Chacun emportait 21 bombes conventionnelles de 1 000 lb.

    Ceux numérotés de 4 à 6 se concentrèrent sur la destruction des radars, grâce à des missiles antiradar spécialisés Shrike. C'est ainsi que les troupes Britanniques purent reprendre les Malouines.

    Le nombre de Vulcan employés fut très restreint (6 pour 3 escadrilles - # 44, 50 et 101 - mais seulement 4 avions furent envoyés). Aucun ne fut perdu, mais un d'entre eux, n'ayant pas été correctement ravitaillé, dû se poser au Brésil ou il fut interné à Rio de Janeiro, comme son équipage.


    Les Vulcan terminèrent honorablement leur carrière en faisant des vols de démonstration, jusqu'en 1992. 

    Le Vulcan a été suffisamment important pour les Britannique pour être un important point de départ pour le film Opération Tonnerre (1965) où James Bond était incarné par Sir Sean Connery.


    Complément sur les avions concurrents du Vulcan


    Le Valiant imposé contre le choix du jury

    Le puissant trust de l'armement Anglais Vickers avait choisi de créer son Valiant avec une voilure en double flèche (37° à la racine puis 21° à l'apex). 

    Ses décideurs savaient que les Allemands avaient sérieusement défriché le sujet ! 


    Vickers Valiant


    Cet avion de 64 t en charge, vola plus d'un an avant ses concurrents (Mai 1951). 

    Il démontra une vitesse maximale de 912 km/h - à peine équivalente à la vitesse de croisière exigée - et démontra uplafond de 16 000. 

    Sa surface alaire de 219.4 m² lui conférait une charge alaire de 290 kg/m². 

    Il pouvait emporter 10 t de bombes et avait une autonomie de 7 000 km. Il servit uniquement dans l'affaire de Suez, de triste mémoire, en 1956...

    Il fut construit à 107 exemplaires. 

    On dut le retirer de la première ligne en 1965 car sa cellule était devenu trop fragile (?) pour assurer des missions à basse altitude.

    On ne peut que s'étonner du choix de construire cet avion qui était, ab initio, un proie théoriquement très facile pour des Mig 15 soviétiques.



    Le Handley-Page Victor

    De son côté, Handley-Page préféra créer, pour son Victor, une voilure en croissant très sophistiquée qui se révéla plutôt bien adaptée aux vols transsoniques. 



    HP Victor K2



    Cet avion fut le dernier à prendre son envol, fin Décembre 1952. 

    Sa masse au décollage était de 93 tonnes. Sa voilure de 223 m² lui assurait une charge alaire de 415 kg/m².

    Avec quatre réacteurs Armstrong Siddeley Sa.7 Sapphire, donnant 5 tonnes de poussée chacun, il avait une vitesse maximale supérieure à 1 000 km/h et on s'aperçut qu'en léger piqué, il passait Mach 1. 

    Son autonomie atteignait 9 700 km.

    Son plafond était de 17 000 m. Enfin, il portait 16 tonnes de bombes.

     Le Victor fut construit en 86 exemplaires.

    Il se démontra très supérieur au Valiant.



    Questions fondamentales

    A ce stade, on a, peut être, le droit de se poser quelques questions. 

    D'abord, pourquoi avoir commandé 3 modèles différents de bombardiers ? Il n'est pas besoin d'être grand clerc pour comprendre que le Valiant était médiocre et qu'il ne satisfaisait pas du tout à la clause de vitesse maximale (le réduisant à une sorte de MS 406 des bombardiers) ?

    Logiquement, le choix devait donc se faire uniquement entre le Victor et le Vulcan, et c'est bien ainsi que le choix avait été initialement fait. 

    La sortie des Mig 15, 17 et 19 rebattait les cartes et une capacité supersonique réelle était désormais indispensable.

    Il semble évident que le premier aurait pu être cantonné dans le rôle de bombardier conventionnel, tandis que le Vulcan devait être le bombardier nucléaire et qu'il aurait été intéressant de lui faire atteindre des vitesses dans le bas supersonique (M 1.2 à 1.4) probablement facile à obtenir (application de la loi des aires, réacteurs un peu plus puissants et, surtout, entrées d'air plus sophistiquées).


    Ensuite, nous savons que ces bombardiers étaient destinés à réaliser des bombardement nucléaires, voire thermonucléaires.

    Pourtant, nous savons que le Japon avait été mis à genoux par seulement deux B 29 nucléaires.

    On peut donc s'étonner de la mise en commande, par la Grande Bretagne, d'imposantes séries de bombardiers stratégiques nucléaires (environ 330 bombardiers) alors même que la Guerre de Corée venait de déclasser définitivement tous les avions Alliés issue de la Seconde Guerre Mondiale.

    Il est vrai que l'extension de la Guerre Froide en Europe, puis l'explosion de la première bombe A soviétique (29 Août 1949) favorisait l'accélération du réarmement.


    Cependant, cela démontre que pour les politiciens et militaires des années 50, la future guerre allait largement utiliser des bombes nucléaires. Les USA commandèrent 774 bombardiers B 52 dont 10% sont encore opérationnels.

    A l'évidence, l'analyse des conséquences médicales des explosions nucléaires sur Hiroshima et Nagasaki étaient alors très peu connues et l'évolution des cancers était alors très mal comprise : Elle semblait aléatoire, donc imprévisible, donc on ne s'en occupait pas vraiment. 

    La communication sur les nombreux essais nucléaires US allait inventer l'expression bombe nucléaire propre (Américaine) opposée, bien sûr, à celle de bombe nucléaire sale évidemment soviétique. 


    Pourquoi Diable l'Angleterre a-t-elle commandé plus de 300 bombardiers nucléaires ? 

    Cela rappelle étrangement la volonté Britannique, au début du XXème siècle, de faire en sorte que sa flotte de super-dreadnoughts compte deux fois plus d'unités que la plus puissante des flottes concurrentes. 

    J'ai contesté que cela ait servi à grand chose et je persiste.

    Mais justement, l'arme nucléaire n'est pas une arme de joueur de poker. 

    Je n'ai pas d'avantage l'impression que ces bombardiers aient joué un rôle plus fondamental que nos Mirage IV.