lundi 5 février 2024

Le bombardement de Bakou (un plan Gamelin, vraiment ?) (Augmenté le 19 II 2024 **)



La Tchécoslovaquie avait été dépecée à Munich, puis, les Britanniques ayant refusé de s'allier avec la Russie soviétique (vous pourriez être intéressé par la section : Minister for coordination of Defense), Staline en conclut très logiquement que les Alliés allaient à s'allier avec Hitler contre l'URSS. 


C'était totalement cohérent avec l'objectif du programme "Mein Kampf" du dirigeant nazi de détruire "le nid de la révolution judéo-bolchévique".

En conséquence, il insista sur le fait que l'URSS voulait la Paix avant tout.


Hitler, pragmatique, qui voulait récupérer la Pologne, envoya von Ribbentrop pour signer le fameux pacte de non-agression avec son homologue Russe Molotov.

Lorsque les généraux de la Wehrmacht, en plein préparatifs de leur invasion de la Pologne, furent informés de ce pacte, tous poussèrent un profond "ouf" de soulagement (conf. Guderian, Mémoires d'un soldat).

Etonnamment, les Polonais furent les seuls surpris de l'attaque Allemande.

Après l'écrasement de la Pologne, on parla d'un Plan Gamelin de bombardement des champs pétroliers de Bakou, capitale de la république socialiste soviétique d'Azerbaïdjan, dont le pétrole pouvait alimenter généreusement la Wehrmacht.

{Mon étonnement, à propos de Gamelin, à pour origine l'absence quasi absolue de curiosité de cet homme pour les moyens aériens ou maritimes. Je ne le vois pas du tout sortir de son "pré carré", l'armée de Terre}. 




Mer Caspienne : Bakou est située au milieu de la rive gauche de cette mer, sur la pointe qui matérialise l'enfoncement du Grand Caucase dans cette mer. 



Le choix de notre aviation pour faire ce travail hautement stratégique avait tout pour surprendre. 

Je dis cela parce que, à ma connaissance, aucun exercice de vol aussi agressif et stratégique n'avait jamais été tenté dans notre Armée de l'Air.



L'ancienne photo ci-dessus peut expliquer l'idée des "stratèges", vu que tout paraît jointif dans une zone très facilement repérable. 

Des US ingénieurs pétroliers US avaient dit : "as a result of the manner in which the oil fields have been exploited, the earth is so saturated with oil that fire could spread immediately to the entire neighbouring region; it would be months before it could be extinguished and years before work could be resumed again."

Une simple bûche enflammée aurait donc suffi à provoquer le chaos, et pour longtemps. 

Mais je pense que ces mêmes ingénieurs avaient déjà prévenu les autorités Russes (ou soviétiques) et que la zone avait été "durcie".




Le bizarre choix des avions

On envoya donc en Syrie, alors administrée par la France, un groupe de Bloch 200 de bombardement, soit, théoriquement, 12 avions.

Ces appareils, de 4 500 kg de masse à vide et de 5 300 kg de masse au décollage, volaient à 285 km/h en pointe (on trouve aussi 300 km/h, ce qui paraît peu crédible, vu le nombre d'excroissances parasitant l'extérieur de cet avion).

Ils pouvaient emporter, au plus, 1 200 kg de bombes. C'était, alors, une charge très honorable.


Bloch 200 - La tourelle-avant gêne la vue du pilote, la tourelle arrière basse est mal profilée,
comme le train fixe. On voit les lance-bombes extérieurs vides. Mais 285 km/h en pointe, quand même !



A ma connaissance, le bombardement devant partir de Syrie, la base de départ la plus adaptée me paraît être Palmyre.

Bien sûr, il est hors de question pour moi de discuter de l'aspect politique de cette attaque, mais elle impliquait de nous placer dans les pires ennemis de l'URSS, ce qui ne paraît pas intelligent du tout.


Techniquement, la distance à vol d'oiseau entre cette ville Syrienne et les champs de pétrole de Bakou est un peu supérieure à 1200 km, soit environ 6 heures de vol pour le MB 200. 

De plus, une attaque des champs pétrolifères de Bakou ne se pouvait pas se résumer à un simple trajet rectiligne à l'aller comme au retour.

Un site aussi stratégique ne pouvait pas être dépourvu d'une puissante défense, à la fois aérienne, terrestre et maritime.

Il fallait donc que nos bombardiers suivent une trajectoire leur permettant une entrée précise et "facile" (= évitant la Chasse et la DCA Russes). 

Trois familles d'options sont possibles :
  • Une entrée par la mer avec des variantes suivant le point d'entrée choisi.
  • Une option par le Grand Caucase, avec 2 variantes.
  • Diverses combinaisons de ces deux familles d'options.
Dans tous les cas, cela rajoute de 250 à 350 km au trajet.

L'opération avait plus de chance de réussite si elle commençait à la tombée de la nuit.



Les choses se compliquent donc sérieusement. 

La longueur du vol envisagé implique que le Bloch 200 devra rester lent pendant l'essentiel du vol, et, comme il faut emmener un important supplément d'essence, il ne portera pas une charge aussi lourde que cela était souhaité. 

La vitesse de croisière économique était de l'ordre de 200 km/h. 

On se doute cependant que les moteurs pouvaient être poussés plus fort une fois l'avion au-dessus du  territoire ennemi.

Dans ce cas précis, une augmentation de la vitesse de croisière jusqu'à 250 km/h aurait permis de raccourcir le temps de trajet pour ramener le maximum d'avions et d'équipages à la maison, même si cela signifiait une accélération de l'usure des moteurs. 

Cela impliquait alors une logistique plus complexe car les moteurs devaient être révisés plus souvent.


L'emploi de Bloch 210 aurait été plus pertinent, à la fois à cause de sa vitesse plus forte de 50 km/h (335 km/h), de sa charge utile plus élevée (1 500 kg) et de son plafond de 10 000 m.


Mais, tant qu'à faire, l'emploi des 36 Farman 222-2 eut été encore plus simple. 
Cet avion quadrimoteur volait un peu plus vite que les deux Bloch (360 km/h, soit 80 km/h plus vite que le Bloch 200  et 50 km/h plus vite que le Bloch 210). 

Il aurait été peu inquiété même par les chasseurs Polikarpov I 15 ou même I 153

Cerise sur le gâteau, il avait une rayon d'action de 2 000 km et portait 2 fois plus de bombes.

.
Par ailleurs, le nombre d'avions employés, ne pouvait pas se limiter à 12, si, du moins, on voulait réellement toucher la Russie. 

Dans la vision que nous donne Wikipédia, on évoque aussi deux groupes de Glenn-Martin 167 (Maraudeur), soit 26 avions. 



Glenn-Martin 167 :  les moteurs P&W 1830 gênent la visibilité du pilote



Ces avions étaient vraiment rapides (proches de 490 km/h à 4 000 m) mais ne portaient que 800 kg de bombes. 


Il est très étonnant qu'aucune chasse n'ait été prévue pour suivre  nos bombardiers.
Impéritie de la IIIème République !



L'Operation Pike, une conception typiquement Britannique


Il est bien plus vraisemblable que nos amis Britanniques aient voulu partager avec la France les risques de cette pantalonnade.

Cela correspond à leur politique multi-centenaire face à la Russie, ce gigantesque pays, donc gigantesque marché, dont les Anglais se sont toujours sentent exclus depuis qu'ils connaissent son existence. 

Souvenons nous que le Royaume Uni était alors dirigé par l'ineffable Lord Chamberlain, fossoyeur de la liberté de la Tchécoslovaquie !

Ils auraient photographié la région de Bakou avec un Lockheed Electra, puis auraient envoyé une cinquantaine de Bristol Blenheim (portant juste 450 kg de bombes) en Irak.




Et si ?...

En portant une attaque sur Bakou, il est hautement probable que nos aviateurs auraient beaucoup souffert, car, d'emblée, ils avaient très peu de chances de trouver facilement la zone à traiter.

Nos avions se seraient ensuite heurtés à des Polikarpov I 16 (de 450 km/h à 520 km/h, suivant l'année) qui n'auraient fait qu'une bouchée de nos bombardiers.

Avec une grosse chance, quelques bombes, voire certains de nos avions abattus auraient provoqué des incendies dans les champs pétroliers. 

Il y aurait eu peu de survivants au sein de nos aviateurs (20 % serait une valeur déjà très honorable).



Heureusement, cette Grande Offensive Stratégique anti-Russe se limita à la prise de Narvik, ce qui eut essentiellement un rôle négatif pour les flottes Alliés. 

Mais, une année plus tard, cela permit de retrouver l'alliance Russe.






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