Parmi les grand créateurs d'avions issus de l'entre-deux-guerres, la France de la Libération comptait l'ingénieur Jean Galtier qui avait créé le brillant monoplan Bernard 20 C1 de 1928, puis le VG 33 qui avait suscité beaucoup d'espoir en 1939-40.
A la Libération, il avait pu prendre connaissance des travaux aérodynamiques réalisés sur des ailes en flèche par des Allemands travaillant dans la soufflerie Française de Chalais-Meudon.
Ces travaux visaient à aider à concevoir un chasseur mono-réacteur léger (à peine plus de 2 000 kg à vide, initialement).
Cet avion, le Messerschmitt P 1092, aurait été bien plus performant et plus économique que le Me 262. Il était prévu de le doter d'ailes en flèche à 25°, plus forte que celle du Me 262.
Pour son premier projet de l'après-guerre, Galtier décida que les ailes de son nouvel avion totaliseraient 17 m² de surface (source Jean Cuny, les Avions de Combat Français, Vol I, Docavia #28) et qu'elles afficheraient une flèche encore plus accentuée que ce qu'il avait vu sur les travaux Allemands, avec 38° (on trouve même 43° sur d'autres sources).
Par commodité, il choisit un réacteur Junkers Jumo 004 B de Messerschmitt 262 : Ce choix était raisonnable parce que ce moteur était le plus fréquemment disponible en Allemagne et qu'il y était opérationnel.
Ce moteur, long de 3.86 m, avait un diamètre très réduit (0.86 m) à cause de son compresseur axial.
Sa masse était de 745 kg.
Il délivrait une poussée de 900 kgp (une version plus évoluée donnait 1 000 kgp, avec une post-combustion).
Ce moteur avait le défaut d'une durée de vie inférieure à 50 heures.
{Les réacteurs Britanniques, plus puissants et bien plus fiables, étaient alors particulièrement coûteux et, en plus, ils étaient considérablement plus volumineux. Le réacteur Rolls-Royce Nene, à compresseur centrifuge, avait un diamètre de 1.26 m.}
Les pilotes de la Luftwaffe avaient l'habitude de l'obéissance instantanée des "anciens" moteurs à pistons à la moindre action sur la commande des gaz.
Une fois transférés sur avions à réaction, leurs actions sur la manette des gaz devaient désormais, et à tout prix, éviter l'engorgement du réacteur, ce qui pouvait endommager la moteur.
Les néophytes n'arrivaient pas à voler plus d'une quinzaine d'heures.
Les pilotes chevronnés avaient des actions plus souples, donc leurs moteurs tombaient beaucoup moins facilement en panne.
Pour alimenter en air ce moteur, l'ingénieur Galtier fit évoluer le système de prise d'air du radiateur de son chasseur VG 36 de 1 000 Cv parce qu'il le connaissait bien.
Cette nouvelle prise d'air avait un orifice bien plus imposant que l'entrée d'air du radiateur du VG 36.
La quantité d'oxygène nécessaire pour le réacteur était bien plus importante que la quantité d'air nécessaire au refroidissement de son ancien chasseur.
Evidemment, depuis des dizaines d'années, nous sommes habitués à voir des pièges à couche limite. Du coup, dès la première photo du VG 70, nous voyons qu'il lui manque un tel dispositif. C'était hélas courant avant 1954.
Le fuselage de cet avion était métallique, mais les ailes étaient en bois, ce qui était, sur le plan mécanique, un peu "optimiste".
Par ailleurs, l'envergure atteignait 9.10 m, la longueur de l'avion était de 9.70 m.
Sa masse au décollage atteignait 3 300 kg (on trouve aussi 3 400 kg).
Avec 725 l de carburant, le pilote et quelques impédimenta, la masse à vide valait aux alentours de 2 530 kg.
La charge alaire était de l'ordre de 200 kg/m², ce qui était remarquablement faible.
Le rapport poussée/poids était de 27%.
Fin de montage du VG 70 |
Le VG 70 fit le premier de ses seuls cinq vols le 23 Juin 1948.
Il atteignit 760 km au niveau de la mer puis 800 km/h en altitude.
En piqué, il atteignait 900 km/h.
Il s'agissait donc de résultats parfaitement honnêtes, vues les conditions de ces essais et la fiabilité toute relative du réacteur.
Il me semble évident qu'une prise d'air Pitot aurait amélioré le rendement du réacteur.L'avion montait à seulement 15 m/s, ce qui était décevant, mais logique vu, à la fois, le rapport poussée / poids et la qualité du réacteur employé.
C'était, en tout cas, 5 m/s plus rapide que le VB 10 !
L'autonomie était de l'ordre de 500 à 900 km.
{Pour mémoire, le Me 262, de 6 400 kg au décollage, volait à 870 km/h et montait à 20 m/s, avec deux réacteurs (chacun alimenté en oxygène par une prise d'air Pitot)}.
Les essais en vol ne furent pas continués au delà du 5ème vol, ce qui me choque.
Le "minuscule" VG 70 devait paraître un jouet dérisoire à nos décideurs.
On préféra commander des De Havilland Vampire qui commençaient pourtant à trahir leurs limites.
Pourtant, en Décembre 1947, les Russes avaient sorti leur MiG 15 dont la masse de 4.9 tonnes au décollage était plus proche de celle de l'avion de Jean Galtier.
Mais les dirigeants de l'Arsenal de l'Aéronautique étaient pressés de se consacrer au gros VG 90 (8 tonnes au décollage) qui aura une destinée tragique, tout comme le VB 10, hélas.
Pour montrer ce qu'ils ont loupé, imaginons que Mr. Galtier ait associé deux réacteurs Jumo 004 B en les disposant à peu près comme les réacteurs J 35 du gros Northrop F 89 Scorpion de chasse "tous temps" US de 17 à 19 tonnes au décollage (voir photo ci-dessous).
Il aurait alors multiplié par deux la puissance motrice de cet avion hypothétique que je baptise VG 70-2.
{Nota : Ces moteurs US avaient été développés d'abord par General Electric puis repris et perfectionnés par Allison. Ils étaient caractérisés par leur compresseur axial à 11 étages. Poussant chacun 2.5 tonnes, ils étaient plus lourds que le Jumo 004 et avaient un diamètre de 8 cm plus important.}
Northrop F 89 Scorpion : Les pièges à couche limite sont visibles. Les moteurs ne semblent pas très encombrants |
Sur ce Vg 70-2, la poussée passerait de 900 à 1 800 kgp alors que la masse au décollage aurait augmenté jusqu'à environ 4 300 kg.
En conséquence, le VG 70-2 aurait vu son rapport poussée / poids glisser de 27% à plus de 41 %..
Donc la vitesse pouvait atteindre, voire dépasser, les 1 000 km/h.
En gardant juste un canon de 30 mm, cet hypothétique VG 70-2 eut été prometteur, voire relativement proche du MiG 15.
Encore mieux, si, vers 1950, on avait utilisé le VG 70 comme banc d'essai de l'ATAR 101 qui fournissait déjà 1 700 kg de poussée à l'Eté 1948, le résultat aurait été bien plus impressionnant parce que, dans ce cas, la traînée comme le poids n'auraient pas augmentées du tout.
Quel facteur a-t-il empêché cette happy end ?
En apparence, les administrations de l'Air et de la Marine.
Ces gens avaient, apparemment, traversé l'occupation Allemande sans aucun problème.
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