vendredi 6 juillet 2012

Les drones : Tuer n'est pas jouer !... (Révisé 30 / 07 / 2024 *** ***)


Les pertes d'hommes au combat, LE grand problème de toute guerre


Depuis 1789, et sauf erreur de ma part, la France a perdu 3 700 000 tués dans les diverses guerres où elle s'est trouvée impliquées. 

Napoléon, très dépensier dans le domaine des effectifs humains, n'y pensait pas vraiment, comptant beaucoup trop sur la forte natalité ("Une nuit de Paris réparera cette hécatombe.").


Les citoyens Français ont commencé à prendre conscience de l'importance catastrophique des pertes en soldats vers la fin de l'année 1914.
Le journal de ma grand-mère paternelle montre que, pendant chaque semaine de cette courte période, de nouveaux jeunes cousins ou amis venaient de disparaître au champ d'honneur.

Il faut reconnaître que, pendant la Grande Guerre, et en particulier au début, des paquets de plusieurs centaines de milliers d'hommes pouvaient disparaître en quelques jours, sans, pour autant que le sort de la guerre soit scellé le moins du monde. 

J'ai déjà dit le nombre catastrophique d'erreurs qui ont très fortement aggravé ce bilan (voir mon article : Le rôle des journaux et des journalistes illustré par les cuirassés et les pantalons).



Supprimer les armes et l'Armée, une vraie solution ?


L'émotion des Français devant ce bilan sanglant se devait d'être grande et elle le fut. 

Mais l'émotion, lorsqu'elle n'est pas associée à une réflexion rigoureuse, peut avoir des conséquences pires que les drames qui l'ont engendrée.

Ceci est malheureusement illustré par la réponse donnée par nos politiciens de l'entre-deux guerres, Aristide Briand, en particulier, à la fin des années 20, et qui consista à essayer de mettre la Guerre hors la loi (Pacte Briand-Kellog).  

Que voilà une belle formule ronflante, tout comme cette formule de 1926 :"Arrière les canons, arrière les mitrailleuses" ! 

Ceci était apparu génial à ces hommes baignés depuis une éternité dans le juridisme (idée selon laquelle toute action politique doit passer par la loi).

Ces tentatives, je veux dire, celles dans lesquelles on imagine que des mots viendront à bout d'une réalité horrible, avaient déjà et auront toujours un relent de pratique magique qui nous ramenait au moins 15 000 années en arrière.

Mais le droit ne prend son sens que si des moyens contraignants imposent son respect. 

Les moyens contraignants d'un pays sont :
  • son armée, 
  • sa police
  • sa douane.

Or, justement, l'Armée Française venait de remporter une sacrée victoire. 
  • Avec l'aide des armées Russes, elle avait bloqué, le déferlement Allemand à la Bataille de la Marne en Octobre 1914, 
  • Elle avait été de nouveau victorieuse à Verdun en 1916, 
  • Elle avait même aidée l'Italie à battre l'Empire Austro-Hongrois en 1917 puis encore en 1918,
  • Enfin, avec l'aide de ses Alliés, elle avait complètement bloquée les énormes offensives lancées par Hindenburg et Luddendorf initialement sur les armées Britanniques, qui avaient forcé ces dernier à reculer de 50 km. 

Elle était donc incontestablement une des toutes meilleures armées du monde

Mais elle tirait sa force de la volonté de l'ensemble de la Nation, de la technologie de ses scientifiques et de ses ingénieurs, de ses industriels et de l'abnégation de ses ouvrières et de ses ouvriers

Mais toutes ces choses ne sont jamais inscrites dans le marbre.


Quand l'idée pacifiste de Briand fut rendue publique, la "cohérence politique", exigée par des politiciens qui jouaient probablement un rôle assez trouble dans la politique française, entraîna la réduction des crédits militaires.

Cela dura longtemps et, alors que les conséquences économiques de la crise de 1929 déferlaient sur le Monde, on préféra dépenser l'argent de notre sécurité dans des systèmes pharaoniques comme l'Exposition Coloniale de 1931 ou l'Exposition Universelle de 1937.

A l'évidence, nos politiciens préféraient croire que la situation internationale s'arrangerait toute seule



En 1934, la réalité idéologique et militaire nazie éclata enfin au grand jour. 

Ceux qui regardaient un peu vers l'actualité Allemande savaient qu'un certain Adolphe Hitler avait, en 1924, après une tentative ratée à Munich, sorti un programme politique dont l'une des bases était la destruction de notre pays !

10 années plus tard, pris de court, paralysés intellectuellement comme des lapins par les phares d'une voiture, nos politiciens furent incapables de la moindre riposte, parce que toute riposte doit être préparée à l'avance

Étonnamment, nombre de ces soi-disant libres-penseurs professionnels ont alors semblé croire qu'une Providence penserait et agirait à leur place ! 

Deux ans plus tard et face au désastre imminent, ils assimilèrent naïvement et stupidement le Président US, FD Roosevelt à cette Providence, sans même avoir constaté que les USA n'avaient pas encore l'embryon d'une industrie militaire digne de ce nom (elle n'a vraiment démarré qu'en 1942) !


Dès 1929, les observateurs consciencieux trouvaient déjà le nazisme très menaçant.

Un dicton de pompiers dit qu'un feu de cendrier, pris très tôt, s'éteint avec un verre d'eau, mais qu'au bout d'une heure, il faudra au moins une caserne de pompiers pour éteindre l'immeuble.



Ainsi, au lieu de bloquer la remilitarisation de la Rhénanie, c'est à dire d'éteindre un feu de cendrier dans la minute, ils ont attendu, préférant "le beurre aux canons". 


Cette attitude, en faisant croire à Hitler qu'il pouvait tout se permettre, a provoqué la guerre puis l'occupation de l'Europe. 


Bien sûr, les politiciens Britanniques, Américains n'ont pas démontré à l'époque une vision meilleure en quoi que ce soit, mais leurs peuples, eux, étaient protégés par trois "sérieux" fossés anti-chars : 

  • La Manche, pour les Britanniques,
  • l'Atlantique, pour les Américains,
  • l'immensité des territoires et le puissant Général Hiver pour les Russes (quoiqu'ils en disent maintenant, ce qui n'enlève rien ni à l'immense courage de leurs soldats - après l'impréparation due à Staline - ni à l'excellence de leurs chefs, une fois que Staline a cessé de pourchasser ceux d'entre eux qui avaient de vraies compétences militaires).

Nos politiciens ne disposaient pas d'une telle chance. 

Ils ont été responsables, toujours par référence aux pompiers, d'avoir laissé se développer un énorme incendie de forêt, car si nous avions réagi en temps et en heure, la 2ème Guerre mondiale n'aurait évidemment pas pris l'extension qu'elle a prise.

Donc, la voie du pacifisme est purement stérile et le sera toujours (ce que j'écris n'est pas l'apologie de la guerre à outrance).


La force armée, nécessité vitale pour tout pays

Tout gouvernement, dans quelque pays que ce soit et à quelque philosophie qu'il appartienne, se doit de pouvoir défendre son peuple, donc son pays, au moyen de son armée, de toute tentative de mainmise de quelque puissance que ce soit. 

J'en profite pour une précision (2024) : Se défendre ne signifie en aucun cas se venger ! 

Cela signifie détruire tout moyen d'action de l'ennemi pouvant nous affaiblir.

Aïe ! mauvaise nouvelle, une armée est (entre autres) obligatoirement formée à tuer

D'ailleurs, cela ne concerne pas la seule Humanité mais également toutes les sociétés animales, voire même les associations de bactéries ou  de champignons (qui ont inventé à cet effet les antibiotiques, merci à eux). 


De bonnes âmes s'en offusquent ? Elles sont simplement dans le déni de la réalité.


Politiciens de tous bords, vous croyez-vous votre idéologie tellement supérieure à l'Evolution Darwinienne ?

Si oui, vous avez bien tort car ses leçons sont universelles et méritent d'être méditées.


La fusillade de Norvège en 2012, avec ses 77 morts, a démontré qu'il ne suffit pas de dire qu'une telle chose ne peut pas arriver pour qu'elle n'arrive pas. 


Les forces de sécurité Norvégiennes n'ont pas fait leur travail, d'abord parce que l'information était bloquée par leurs  propres techniciens, paniqués par les 8 morts
 (quand même !) de l'attentat préparatoire, et donc incapables d'imaginer que bien pire allait arriver rapidement, ensuite par manque de système de transport par hélicoptère

Utöya n'est qu'à une trentaine de kilomètre d'Oslo. En réalité, un sniper dans un hélicoptère aurait très probablement suffi pour neutraliser le tireur...

Hitler est mort, certes, mais beaucoup de dictatures existent toujours et notre pays, prisonnier de ses idées préconçues peine à croire qu'il puisse avoir des émules aussi puissants. 

Mais les facteurs de guerre sont légions.


Une guerre où l'on ne perdrait aucun soldats ?

Les USA croient avoir totalement compris ce problème. 

Les décideurs du Pentagone, comme ceux de tous les autres ministères de ce pays, s'imaginent que plus on met de moyens financiers pour tenter de résoudre une question, plus vite la question sera résolue

Ils pensent que la technologie réglera toujours la facture.

Le problème est que plus la technologie avance, plus elle engendre des "désirs technologiques" nouveaux.

Les drones 

On parle (y compris dans la presse généraliste) de plus en plus souvent des drones (bourdons, en français). 

Et certaines personnalités, de toutes nationalités, s'extasient sur les drones de combat employés par nos amis et alliés Américains. 

C'est pourtant loin d'être une nouveauté : Des avions sans pilotes ont été utilisés depuis un peu plus de cinquante ans, d'abord comme cibles, puis comme avions de reconnaissance petits et, surtout, pas trop chers.






Nord CT20, excellent précurseur Français des drones de reconnaissance, petit, rapide, bien pensé, mais une autonomie réduite à moins d'une heure



Mais deux facteurs sont venus modifier le jeu :
  • le développement de la transmission instantanée d'images à très haute résolution, qui permet de connaître ce qui se passe en temps réel sur le terrain.
  • le développement des techniques informatiques embarquées de très haut niveau.
Les drones sont en développement continuel depuis vingt-cinq à trente ans. 

On a travaillé leur durée de vol (les vols durent jusqu'à plusieurs dizaines d'heures), leur discrétion (moteurs fiables, discrets... mais peu puissants).

On a développé des systèmes de surveillance du terrain, voire des cibles, à très haute résolution associés à des logiciels d'analyse de signature en imagerie qui permettent de signaler si une cible connue se trouve repérée. 

Les liaisons satellites sont permanentes parce qu'elles permettent un gros débit d'information dans les deux sens (bien sûr, ce sont des liaisons bien plus sophistiquées que celles qui nous permettent de suivre un événement télévisé de l'autre côté de la Terre).

La France n'a pas suivi facilement ce mouvement dont elle avait été, pourtant, un des moteurs initiaux. 

Peut-être que le renseignement n'y avait-il pas encore acquis l'importance qu'il a fini par acquérir depuis une poignée d'années. 

Nous utilisons actuellement des drones SDTI et des drones Harfang, issus d'un engin Israélien Héron.






Drone Harfang



Nous les avons beaucoup utilisés en Afghanistan et en Libye. 

Mais leurs capteurs semblent insuffisants pour permettre de lever les doutes lors de la discrimination entre les amis et les ennemis. 

Cela l'oblige à voler plus bas pour avoir des images plus détaillées.


Disposer de très bons capteurs signifie évidement qu'ils vont délivrer des images de grande qualité, avec une résolution impressionnante, donc une énorme quantité de pixels


La conséquence évidente est que le traitement de ces images exige des ordinateurs de plus en plus nombreux et performants


Comme les ordinateurs quantiques sont encore très loin d'être opérationnels, cela signifie que la notion de complexité algorithmique (en gros : le temps de traitement des données, qui doit s'éloigner le moins possible d'une fonction linéaire du nombre de pixels à traiter...) reste centrale pour réaliser l'analyse automatique des images en temps et en heure. 


les drones de combat

D'un autre côté, comme les drones sont des avions, l'idée est venue tout naturellement d'en faire des bombardiers. 

Les drones sont apparus aux plus "technologiques" des militaires comme le moyen idéal d'obtenir la victoire dans une guerre à zéro morts (ou plus exactement, tendant vers ce but), étant entendu qu'il s'agirait de zéro morts du coté "drone". 

C'est la même pensée que celle qui avait conduit nos ancêtres paléolithiques à inventer les armes de jet, lors de la préhistoire : Toucher l'autre en restant hors de sa portée, doctrine toujours illustrée et assumée par les tireurs d'élite

Cette pensée a conduit plus tard à la cuirasse, aux fortifications, à l'artillerie... 

Elle perdurera jusqu'à la fin de l'espèce humaine.


Les Américains l'ont réalisé et se réjouissent des succès qu'ils ont pu obtenir ainsi.




Predator américain portant un missile Hellfire  




Leurs drones peuvent donc détruire un char de combat, n'importe quel véhicule, voire un bunker...

C'est très intéressant parce que si le drone est lent, il est petit (la taille d'un petit chasseur du début de la 2ème Guerre Mondiale) et il vole assez haut. 

Il est donc difficile à repérer car tous ces drones présentent une faible signature radar.


Les drones américains de combat ont réactualisé le concept philosophique de l'acte gratuit mis en scène par André Gide dans son roman "les caves du Vatican" : Lafcadio, un des personnages-clef, jette par la fenêtre d'un train un vieillard qui ne lui a rien fait. 

Du coup, il croit avoir démontré sa liberté...

J'imagine sans aucune peine un pays très technologique lançant des drones d'un type encore inconnus (mais réalisable), robotisés, et interdisant le survol d'une portion quelconque de territoire en lançant des missiles air-air. 



Les 2 revers de cette médaille

L'idée de tuer impunément les gêneurs a toujours séduit beaucoup de politiques. 

Le problème, c'est que l'éradication de l'horrible vilain d'en face est, de fait, non pas impraticable mais mal praticable

L'ennemi que l'on croyait éliminé renaît obligatoirement de ses cendres. 

Plus il a été soumis à un traitement brutal et dégradant, plus il y a de chances qu'il vous le fasse payer un jour, et avec les intérêts, bien sûr.



video games !

Les drones bombardiers actuels exaucent parfaitement le souhait des décideurs.  

Leur mise en action est largement assisté par la consultation des bases de données géantes de la CIA et d'autres agences de renseignement.

De ce fait, ils sont pilotés par de brillants cyber-pilotes qui travaillent depuis les USA et qui rentrent le soir chez eux comme n'importe quels salariés. 

En fait, ils sont payés pour jouer à quelque chose qui ressemble étonnement à un jeu vidéo, avec le même côté étonnant : On n'y meurt pas, même si l'adrénaline y est très forte.

L'excellent article de JM Tanguy (dans RAIDAVIATION, n°1) sur les drones Harfang - qui, eux, ne frappent jamais - en Afghanistan montre que nos pilotes de drones sont sur place et que cela leur donne un plus opérationnel.



Premier petit problème lié aux drones bombardiers : Ils tuent vraiment l'adversaire, voire même, parfois, des civils. 

Le sénateur US Lindsay Graham annonçait, il y a peu, que le nombre total de tués dus aux drones américains était de l'ordre de 4 700 (Huffington post du 21/02/13).

Pendant le conflit Afghan, aussi bien le président Karzaï que les autorités pakistanaises se sont très souvent plaints de pertes civiles dont une bonne partie étaient liées à des erreurs d'identification de cible.


Ces bavures sont bien moins pardonnables par les populations que celles occasionnées par des soldats de chair et de sang qui, eux, risquent leur vie en permanence. 

Et il est évident que le pays qui emploie ces moyens méprise le pays qui a donné naissance aux hommes abattus puisqu'il ne risque pas ses soldats sur ce terrain.

Le risque politique est bien plus grand que les décideurs ne l'imaginent.



Second petit problème : ces drones, faisant pleinement partie du cyber-univers, ils sont donc "hackables" ou piratables. 




Drone Locheed-Martin RQ 170 révélé par JD Merchet dans son blog secret défense en 2009.


C'est ce que l'Iran dit avoir fabriqué à partir du super-drone furtif Lockeed RQ 170 qui est désormais exposé à Téhéran. 

Imaginez donc que ce drone puisse porter des armes très sophistiquées et qu'elles soient retournées contre leurs anciens propriétaires !

Aucun scénariste ne refusera le problème d'une cyber-guerre entre robots, déjà vue dans Star Wars de Georges Lucas. 

Mais, là, on en reviendrait plutôt aux frères Lumière, avec leur film L'arroseur arrosé.


Depuis que j'ai commencé la rédaction de ce post, des étudiants d'une université américaine ont aussi réussi cette opération.


Troisième petit problème :  les dirigeants du pays qui domine le mieux les drones peuvent être tentés d'utiliser ces armes pour éliminer tout dirigeant gênant, même sans qu'il y ait eu la moindre agression de sa part.

La notion de souveraineté nationale est donc facilement en péril.



Conclusion (provisoire) 


Les drones sont utiles, incontestablement. 

Pour cela, nous en avons besoin.

Ils présentent des dangers tout aussi incontestables de retour à l'envoyeur. 

Il y a donc un gros travail à faire pour réduire les risques d'un tel événement.


Mais ils peuvent surtout constituer une drogue pour certains dirigeants politiques, car une guerre sans prix à payer n'est rien d'autre qu'une addiction gravissime.


On a certes trouvé le moyen d'éviter l'emploi abusif de l'arme nucléaire, Hiroshima et Nagasaki ayant constitué une démonstration éloquente de leur gigantesque et terrifiante puissance, introduisant - provisoirement - entre les Nations une sagesse remarquable. 

Les drones sont tellement moins mortels que les risques d'un emploi inconsidéré sont devenus très importants.

Il est grand temps d'y penser... Mais, là, je doute qu'un seul général s'arrête une seconde sur cette question.




Pour accéder au post sur l'achat de drones Predator, cliquez ici












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