Ce nouveau post a été rédigé et illustré par Alain Breton.
Le compresseur S39-H3 équipait le Dewoitine 520 et explique son bon rendement.
Il permet de faire justice des accusations récurrentes sur la soit-disant faiblesse technologique Française dans le domaine des moteurs.
Compresseur Planiol-Szydlowski S39-H3 sur Hispano-Suiza 12Y45,
présentation sciée au musée de l'Air et de l'Espace (cliché Alain Breton) -
On remarque à gauche la capsule anéroïde de contrôle altimétrique
Le compresseur Planiol-Szydlowski
S39-H3 résolvait avec élégance deux problèmes fondamentaux des compresseurs à
entraînement mécanique des moteurs aéronautiques : le rendement et la
régulation jusqu'à l'altitude de rétablissement.
Si le premier terme est aisément
compréhensible - plus de pression restituée pour moins d'énergie dépensée -, le
second mérite une explication.
Les compresseurs de moteurs d'avions sont dans leur grande majorité constitués d'un rotor centrifuge qui, pour un régime donné, multiplie par un coefficient fixe la pression d'entrée.
Ce rotor est donc calculé pour rétablir, à une altitude déterminée, la pression atmosphérique normale.
Les compresseurs de moteurs d'avions sont dans leur grande majorité constitués d'un rotor centrifuge qui, pour un régime donné, multiplie par un coefficient fixe la pression d'entrée.
Ce rotor est donc calculé pour rétablir, à une altitude déterminée, la pression atmosphérique normale.
Au dessus de cette altitude, la baisse de la pression ambiante fait que la pression d'admission chute inexorablement - et la puissance aussi.
Mais en dessous de cette
"altitude de rétablissement", phénomène inverse : la pression
d'admission dépasse la pression normale, ce que ne sauraient tolérer tous les
moteurs.
La situation la plus cruciale se situe au décollage pleins gaz, où,
avec un coefficient multiplicateur de 1,6 ou 1,8, on envoie dans le moteur une
pression qui peut le détruire.
Il faut donc trouver le moyen de réduire ce
multiplicateur, ce que les motoristes aéronautiques prirent l'habitude de faire
au moyen d'un volet étranglant l'arrivée au compresseur, et dont le contrôle
fut automatisé via une capsule barométrique asservissant son mouvement.
Mais le
principe même de cet étranglement est absurde : on freine tout en accélérant,
ce qui induit bien entendu un bilan énergétique catastrophique, et condamne
pour les basses et moyennes altitudes les "gros" compresseurs dont on
a besoin plus haut - d'autant que, plus le coefficient multiplicateur du
compresseur est important, plus la température de l'air en sortie est grande,
ce qui augmente les risques de détonation.
Comme le coefficient
multiplicateur du compresseur est fonction de son régime, on peut imaginer de
l'entraîner à faible vitesse à basse altitude, et bien plus vite au dessus - et
c'est ainsi que vinrent au jour les compresseurs à deux vitesses, dont les
problèmes se situent au niveau de l'entraînement, qui peut être vu comme une
très complexe boîte de vitesses avec double embrayage, pignons élastiques pour
amortir les chocs, etc.
On sait que les Allemands
remplacèrent cette boite de vitesse par un coupleur hydraulique dont le
glissement était contrôlable, ce qui valait théoriquement une infinité de
rapports... mais ne simplifiait en rien la construction.
André Planiol et Josef Szydlowski
ont exploré une autre voie, la création d'un compresseur à coefficient multiplicateur
variable...
L'idée de ce compresseur naquit
lorsque les deux ingénieurs travaillaient sur un moteur deux temps à 9
cylindres à balayage en équi-courant, qui nécessitait un compresseur puissant
pour fonctionner - tout comme le diesel 2 temps Jumo 205 fabriqué par Junkers,
chez qui Szydlowski avait travaillé au début des années 30. Basé sur le Salmson
18CM, le moteur du tandem fut un échec, mais le compresseur resta !
Le principe utilisé est simple :
le rotor centrifuge est précédé de trois rouets d'entrée de pas croissant.
Un
système d'aubes directrices en amont fait que le flux d'entrée tourne en
spirale au moment où il rencontre le premier rouet.
Ces aubes sont mobiles.
Pour un régime donné, si l'on fait se resserrer plus ou moins, voire renverser, le tourbillon d'entrée en jouant sur l'orientation des aubes directrices, le rouet d'entrée "verra" ce flux d'entrée sous un angle d'attaque négatif, nul ou positif - et l'accélération imposée par cet étage d'entrée sera de même négative, nulle ou positive.
Ep : Entrée d'air principale - Es : Entrée secondaire R1, R2, R3 : Roues hélicoïdales - P : Palettes du rotor |
Pour un régime donné, si l'on fait se resserrer plus ou moins, voire renverser, le tourbillon d'entrée en jouant sur l'orientation des aubes directrices, le rouet d'entrée "verra" ce flux d'entrée sous un angle d'attaque négatif, nul ou positif - et l'accélération imposée par cet étage d'entrée sera de même négative, nulle ou positive.
Tout le principe est là, et dans
leur dépôt de brevet, les inventeurs ont présenté les trois hypothèses sous la
forme de décomposition vectorielle des vitesses sur la première roue, en
insistant sur le fait que pour toute vitesse du flux entrant - et donc toutes
conditions de vol, on pouvait orienter les aubages directeurs pour optimiser le
rendement.
Le principe du tourbillon
d'entrée de sens variable a été présenté comme suit dans l'ouvrage de R.
Marchal :
D'après Raymond Marchal,
"Moteurs d'Avions", Berger-Levrault 1948
A côté de ceci, on voit combien
la "veine" a été soignée : la double entrée latérale s'évase
largement et comporte des guides internes pour répartir uniformément l'air
admis sur les aubages directeurs.
Comme pour la turbine, les volutes de sortie
qui transforment l'énergie cinétique en pression sont divisés en plusieurs
sections ayant la forme d'un profil
bi-convexe, ce qui permet par effet de fente, de minimiser les décollements
générateurs de perturbations.
Enfin, l'air compressé rejoint la chambre de
tranquillisation tubulaire à sa périphérie, afin de perturber au minimum l'écoulement.
Vue en crevé et coupe du compresseur, notice technique Hispano-Suiza 12Y, 1940. On note sur la coupe les trois rouets qui précèdent la turbine centrifuge |
Toutes ces dispositions sont nettement
différentes de celles en usage dans les années 30 pour de simple compresseurs
centrifuges - et attestent non seulement de l'ingéniosité, mais aussi des
longues et patientes recherches qu'ont du mener les concepteurs.
Mais au final, est-ce que cela marche ?
Le compresseur, dans sa version
expérimentale de l'époque, fut testé à l'été 1938 sur un moteur Hispano-Suiza
12Ygrs au laboratoire de Chalais-Meudon.
Les essais démontrèrent pour
commencer que le compresseur d'origine Hispano (modèle qui équipait toute la
gamme) avait un coefficient multiplicateur de 1,8 et une efficacité de 60 %,
pendant que le S39-H3 portait ce coefficient à 2,00 avec une efficacité d'un
peu plus de 76 %.
Tout aussi remarquable était le fait que cette efficacité restait pratiquement fixe sur une très large gamme de vitesses du flux en sortie - donc de coefficients multiplicateurs, alors que le compresseur Hispano, par exemple, voyait son efficacité chuter de 10% lorsque la vitesse de sortie passait de 230 à 300 m/s.
Tout aussi remarquable était le fait que cette efficacité restait pratiquement fixe sur une très large gamme de vitesses du flux en sortie - donc de coefficients multiplicateurs, alors que le compresseur Hispano, par exemple, voyait son efficacité chuter de 10% lorsque la vitesse de sortie passait de 230 à 300 m/s.
Ainsi au point de vue
thermodynamique, le compresseur Planiol-Szydlowski remplissait parfaitement son
cahier des charges : haute efficacité sur une large plage de coefficients
multiplicateurs.
Les essais au banc allaient tout à fait confirmer cette supériorité. Voici le diagramme publié à la suite des essais.
D'après Albert Métral, "Le compresseur centrifuge Szydlowski-Plagnol", in l'Aéronautique, Décembre 1938 |
Les courbes en trait plein n'ont
pas d'intérêt pratique (courbe
théorique à puissance constante), par contre celles en trait pointillés sont
surprenantes !
La courbe A est celle du
moteur d'origine, testé à 2 410 t/mn et à la pression constante de 885 mm
Hg. Au sol, le moteur donne 760 ch,
puis grâce à la régulation automatique, la pression reste constante jusqu'à
3 600 m, où le moteur développe 875 ch.
L'augmentation de puissance tient à trois facteurs : avec l'altitude, la température ambiante décroît et donc la charge est plus dense à pression égale, la contre-pression à l'échappement diminue aussi, enfin au fur et à mesure de la montée, le régulateur réouvre graduellement le volet d'étranglement du compresseur et son rendement augmente, réduisant la puissance nécessaire à l'entraînement et abaissant encore un peu la température d'admission.
Au delà des 3 600 m, le volet de contrôle est ouvert en grand, le compresseur travaille toujours à fond et la puissance décroit en même temps que la pression atmosphérique...
L'augmentation de puissance tient à trois facteurs : avec l'altitude, la température ambiante décroît et donc la charge est plus dense à pression égale, la contre-pression à l'échappement diminue aussi, enfin au fur et à mesure de la montée, le régulateur réouvre graduellement le volet d'étranglement du compresseur et son rendement augmente, réduisant la puissance nécessaire à l'entraînement et abaissant encore un peu la température d'admission.
Au delà des 3 600 m, le volet de contrôle est ouvert en grand, le compresseur travaille toujours à fond et la puissance décroit en même temps que la pression atmosphérique...
Quand à la courbe B, c'est celle
du moteur équipé du compresseur Planiol-Szydlowski, toujours à 2 410 t/mn et
régulé à 885 mm Hg... A 0 m, il donne déjà 110 ch de plus ! Pourquoi ? Parce
qu'il a un meilleur rendement, et donc qu'à pression égale, la charge est moins
chaude, et ainsi plus dense et énergétique.
Ppour les mêmes raisons
qu'avec le premier compresseur, la
puissance s'élève jusqu'à 930 ch à 4 500 m, altitude où le moteur d'origine n'en donnait déjà plus que 750...
On peut aussi remarquer les trois
points tracés près de l'altitude 0 m. : en poussant la pression d'admission à
920 mm Hg (surpression autorisée au décollage pour le 12 Ygrs), le compresseur
S-P donne encore 100 ch de plus (890 ch contre 790), et on peut même faire
ingurgiter au moteur une pression d'admission de 980 mm Hg, qui lui fait donner
940 ch, grâce à la température d'admission abaissée de 60° C dans ces
conditions...
On le voit, l'efficacité du
nouveau compresseur est indéniable.
Elle sera encore améliorée par la
suite, et voici les courbes que donnaient les 12 Y 45 et 49, équipés d'une
version "série" du compresseur - le S39-H3.
D'après Jean Cuny et Raymond Danel, "Le Dewoitine 520", Docavia n° 3 éd. Larivière |
Les deux modèles ne différent que
par le rapport d'entraînement du compresseur, qui est à 10,03 pour le premier
et 11,46 pour le second.
Régime supérieur entraîne charge un peu plus chaude, d'où perte d'une trentaine de chevaux de 0 à 4 200 m...
Mais au delà, le coefficient de pression nécessairement plus grand reprend le dessus, et l'on gagne 1 300 m. en altitude de rétablissement, après laquelle on a jusqu'à 140 ch en plus...
Régime supérieur entraîne charge un peu plus chaude, d'où perte d'une trentaine de chevaux de 0 à 4 200 m...
Mais au delà, le coefficient de pression nécessairement plus grand reprend le dessus, et l'on gagne 1 300 m. en altitude de rétablissement, après laquelle on a jusqu'à 140 ch en plus...
Par où l'on voit que si l'aviation
française n'était pas en 1939-1940 la meilleure du monde, ce n'était pas faute
d'inventivité de la part de ses ingénieurs...
Alain BRETON
Bonsoir.
RépondreSupprimerMalheureusement les schémas n’apparaissent plus, et-il possible d'y remédier?
Cordialement.
Les clichés d'Alain Breton ont disparu, ils étaient son oeuvre et je n'ai aucun moyen de les récupérer.
SupprimerJ'ai récupéré deux clichés dans les revues d'avant-guerre sur le sujet, j'espère pouvoir en récupérer d'autres...
Merci!
RépondreSupprimer