De l'Observation : Rappels
succincts
L'Observation Aérienne permet à un officier de recueillir des informations tactiques utilisables à bref délai contre l'ennemi :
- Soit pour empêcher celui-ci de prendre un avantage,
- soit pour obtenir soi-même
un avantage.
Pour commencer, rien ne vaut de porter son regard sur le paysage depuis un point haut, un stage d'observation depuis des ballons captifs - ou "saucisses" - était donc idéal.
Nos officiers supérieurs de l'Armée de Terre avaient ainsi découvert l'observation aérienne pendant la Grande Guerre.
Malheureusement, ils avaient gardé
de cette époque une grande nostalgie de cette capacité d'observer le
terrain à la jumelle en prenant tout leur temps.
La possibilité de prendre son temps traduisait uniquement l'énorme supériorité aérienne de la Chasse Française sur celle de Guillaume II entre Décembre 1915 et Novembre 1918.
Soumis à des attaques incessantes, les Allemands savaient de manière définitive qu'une observation efficace exige d'être menée le plus rapidement possible.
Nous devons une brillante et claire synthèse sur l'observation aérienne au Lt-Col. de Drouas (Motorisation et Observation Aérienne, Revue du Ministère de l'Air, 15 Avril 1936).
Cet officier s'y place d'emblée au cœur d'une guerre de mouvement puisque le problème posé est celui de l'attaque d'un corps d'Armée motorisé par une unité adverse de même nature.
Les fantassins se déplacent en moyenne à 4 km/h et les cavaliers à 8 km/h. Depuis la motorisation, la vitesse est passée à 17 km/h. L'avion, 15 fois plus rapide (début 1936) que les véhicules terrestres, s'impose donc pour effectuer toute observation éloignée (jusqu'à 200 km de distance).
L'accélération des vitesses induite par la motorisation impliquait déjà une réduction drastique du temps nécessaire pour se préparer à une attaque imprévue.
Donc, au départ de l'action, l'unité concernée doit
reconnaître son environnement dans plusieurs directions
différentes.
Dans l'idéal, une unité
d'observation affectée à la surveillance d'une zone X aurait
dû envoyer des avions sur un certain nombre de secteurs à l'intérieur de X dans
le but d'y déceler toute présence ennemie. Mais, par manque d'effectifs, il est impossible de couvrir toute la zone.
De plus, les éléments ennemis
légers pouvant s'y être infiltrés de nuit puis s'y être dissimulés, modifient
ainsi les conditions locales de combat en se protégeant par des
mines, des trous, voire en implantant des canons de DCA ou antichars
ou d'autres armes anti-personnel.
La détection de mines par un
observateur aérien est quasi-impossible.
Par contre, l'observateur aérien n'a
aucun mal à déceler les traces d'un engin chenillé, mais ces traces
peuvent aussi être un leurre...
L'observation ne sert pas
seulement à trouver l'ennemi, mais aussi à trouver les points de passage
(voire à évaluer les problèmes qu'ils peuvent poser), les zones propices au
repos comme celles favorables à une action d'éclat.
La Géographie Physique joue
également un rôle important dans la technique de l'observation aérienne.
Une plaine agricole, comme la
Beauce, présente, par définition, peu de reliefs : Les champs ne sont pas un
obstacle à quelque pénétration que ce soit à part quelques petites surfaces
réunissant végétation arborée et constructions humaines.
Ces zones ponctuelles peuvent être vues comme des îlots défendables par de petites unités.
Ces îlots furent fortifiés
(tactique des hérissons)
par le Général Maxime Weygand entre le 20 Mai et le 8 Juin 1942.
Malheureusement, une fois que les éléments
motorisés adverses étaient passés entre ces zones de résistance, ils
pouvaient filer à pleine vitesse.
Les
pertes d'hommes et de matériels dans la période précédant le 20 Mai ne permirent donc pas aux hérissons de
jouer leur rôle très longtemps.
Toujours en plaine, la
présence d'importantes zones boisées (photo ci-dessus) multiplie les
cachettes potentielles et impose, évidemment, de multiplier le nombre
d'observateurs simultanément en service.
Dans certains cas, les observateurs devaient vérifier si certaines parties
du terrain survolé étaient de véritables zones mortes (= sans
présence ennemie notable).
De plus, la probabilité de présence
d'éléments hostiles peut changer à chaque instant, en particulier si ces
éléments sont motorisés.
En zone montagneuse, toute progression est ralentie du fait des multiples obstacles à franchir dans
des conditions le plus souvent défavorables.
De plus, tout élément
protégé par un surplomb passe inaperçu, sauf si l'observateur peut
pratiquer des prises de vues obliques ou, mieux, stéréoscopiques.
Il fallait donc recommencer les reconnaissances aussi souvent
que possible sur toute la zone. Une telle pratique avait l'inconvénient de
consommer rapidement le potentiel matériel et humain des unités disponibles.
Une autre problématique doit aussi être prise en compte : La sécurité
de l'observateur, de son équipage et de son avion.
Bien sûr, tout ce qui nous renseigne est très défavorable à
l'ennemi, en conséquence ce dernier va tenter de détruire l'avion
et, au moins, de capturer son équipage.
A cet effet, il va combiner l'action
de sa Flak à celle de sa Chasse.
Un avion qui volait à moins de 2 000 m était justiciable de la Flak de 20 mm,
mais à 4 000 m, il voyait moins bien ses objectifs et devenait une proie facile
pour la Chasse...
Notre avion devait donc trouver le moyen de fuir à sa vitesse maximale et
souvent à très basse altitude pour que les précieuses informations déjà
obtenues soient sauvées.
Maintenant, comment communiquer les informations récupérées ? Le Lt-Col. de
Drouas répond sans ambiguïté : Par radio et en phonie !
" L'observateur
peut, au besoin, répéter plusieurs fois, en langage convenu, un
renseignement particulièrement important.
La T.S.F. doit surtout être le grand
moyen rapide qui permettra d'alerter immédiatement le
commandement.
L'équipage qui a peiné, voire, a déjà combattu pour conquérir un renseignement sera ainsi assuré que ses
efforts n'ont pas été vains.
L'observateur pourra ensuite être descendu par l'ennemi, il aura la satisfaction suprême d'avoir peut-être sauvé son armée, comme le chevalier d'Assas tombant à Clostercamp sauva son régiment en criant : "A moi Auvergne, voilà l'ennemi".
Cela signifie que c'est en clair que l'observateur doit faire son rapport. On
imagine difficilement le Chevalier d'Assas (ou le sergent Dubois) en train
d'envoyer ce type de message en Morse !
Enfin, pour ce qui est du commandement de cette aviation, de Drouas le confère
clairement à l'Armée de Terre :
"La
liaison sera-t-elle facile et rapide entre les services de renseignement
de l'Armée
de l'Air et ceux des armées en cause
?
Persuadé qu'"on n'est jamais si
bien servi que par soi-même", nous préférons voir le groupe d'armées
disposer de puissantes forces aériennes de reconnaissance lui appartenant
en propre et renforcées parfois d'éléments de l'aviation autonome [= de l'Armée de
l'Air (NdR)].
(...)
Nous croyons qu'une concentration
des moyens de reconnaissance à l'échelon Groupe d'Armées, facilitera
beaucoup la coordination des missions (plan de recherche de
renseignements) leur orientation, leur exploitation, toutes les fois que
l'étroitesse des zones d'armée détruira à cet échelon la relation
nécessaire entre le rayon d'action des avions et les dimensions de la zone
à reconnaître.
Bien orienté par les 2èmes bureaux d'armées qui lui auront fait connaître leurs besoins, les possibilités de l'ennemi et leurs hypothèses, le commandant du groupe d'armées disposera de moyens aériens suffisants qu'il pourra appliquer avec l'intensité voulue devant le front de telle ou telle de ses armées, sans avoir à faire des prélèvements sur l'aviation des unes pour renforcer les autres.
Considérons aussi qu'une grande unité motorisée en déplacement a un "faciès" comme disent les médecins, elle a sa composition fixe, sa forme
sur le terrain, même ses habitudes."
Cette excellente compréhension des difficultés
de liaison entre Armes différentes est exceptionnelle, surtout en 1936.
Le lieutenant-colonel de Drouas mettait en garde les chefs de
l'Armée de l'Air : Les officiers de l'Armée de Terre ne croiront pas
les rapports venant des renseignements de l'Armée de l'Air.
C'est humain de
ne croire que des gens avec qui on travaille tous les jours !
S'il avait été lu et compris, cela aurait permis, en Mai 1940, au lieutenant Chéry d'être cru lorsqu'il rapporta à l'état-major de la IXème Armée (du Général Corap) que les Panzers de Guderian étaient à quelques kilomètres de Sedan.
Ces phrases préfigurent parfaitement la création de l'Aviation Légère de
l'Armée de Terre (ALAT) avec 18 ans d'avance : Pas mal, non ? !
Un
programme d'avions pour l'Armée de Terre
Le programme "Triplaces
de Corps d'Armée et de Travail" fut publié par le STAé le 6
Décembre 1936.
Du seul intitulé (bizarre) de ce programme, on aurait même
pu inférer que les Corps d'Armées ne travaillaient guère...
En réalité, il s'agissait seulement
de la manière "administrative" pour désigner d'avions "bons à
tout faire" mais destinés à travailler essentiellement au profit de l'Armée de
Terre.
On gardait dans la tête
l'observation nécessaire pour régler les tirs de l'artillerie (avec
application de la célèbre trilogie : coup court, coup long, au
but), que l'on pouvait parfaitement réaliser avec un petit avion peu
visible, peu bruyant et défendu essentiellement par de la DCA.
Mais, si la guerre sortait du cadre d'un front stable (= guerre de tranchées),
on devait aussi réussir l'observation de ce qui pourrait se passer à
l'intérieur des premières zones du Brouillard de Guerre, donc à
quelques dizaines de kilomètres, voire même à 150 km, au maximum de nos
unités, pour éviter tant les mauvaises surprises tactiques
venues de l'ennemi que pour créer les conditions d'un
succès tactique de nos armes.
Pour faire "bonne mesure", on décida,
très tardivement, de rajouter des missions offensives à ces avions, histoire de
récupérer lescapacités du fameux Potez 25.
Ce programme stipulait la
création d'avions triplaces dont la désignation fut, plus
tard, réduite à T 3 et dont les missions étaient :
- Observation de Jour (Mission I),
- Observation de Nuit (Mission II),
- Entrainement au Pilotage et à la
Navigation de Jour (Mission III),
- Entrainement au Pilotage et à la
Navigation de Nuit (Mission IV),
- Entrainement au Bombardement fictif
(Mission V).
Tous ces avions devaient être des
bimoteurs. On exigeait d'eux, évidemment, qu'ils soient robustes
et faciles à entretenir.
Leur vitesse maximum devait
atteindre au moins 320 km/h à 3 000 m d'altitude.
Pour mémoire, en 1936, tous les prototypes de chasseurs
Français volaient entre 435 km/h - MS 405 - et 485 km/h - Nieuport
161, Mureaux 190, Loire 250 -.
Les bimoteurs de chasse, eux-mêmes, volaient (ou allaient voler) entre 455
(Potez 631) et plus de 500 km/h (Hanriot 220 / NC 600).
On avait détruit le seul vrai bimoteur de chasse employant des moteurs puissants : le Nieuport 20.
Donc, l'ambition
technique n'était pas au rendez-vous
L'autonomie devait dépasser 800 km
(en mission I ou II) et 1 250 km dans les 3 autres missions.
Décollage et atterrissage devaient pouvoir se faire en roulant moins de 300 m.
Sur un seul moteur, le plafond
devait dépasser 3 000 m.
La
tentative d'Henry Potez
Mr. Potez avait fait dessiner par son bureau d'étude un bimoteur de transport léger en bois (6+2 places), le Potez 56, qui avait une masse
de 1 620 kg à vide et de 2 772 kg au décollage.
Animé par 2 moteurs Potez en étoile de 185 Cv, cet appareil permettait de
franchir 650 km à 200 km/h de moyenne, avec une vitesse de pointe de 250 km/h.
Mr Potez avait déjà été approché par "la Royale" pour
tester l'appontage d'un bimoteur d'exploration sur le porte-avions Béarn.
Il avait affiné l'avion pour lui conférer de meilleures performances : La section du fuselage, carré à l'origine, voyait ses angles vifs remplacés par des courbes harmonieuses.
Ce fut le Potez 56E, renommé plus tard Potez 565 qui vola en 1936 et apponta sur le Béarn.
Son nez allongé lui conférait une longueur de 12 m.
La voilure, de 16 m d'envergure, avait une surface totale de 33 m².
La masse était de 1 747 kg à vide et de 2 600 kg au décollage, donnant une charge alaire de 79 kg/m² qui permettait de réussir des virages vraiment très, très serrés.
La voilure, de 16 m d'envergure, avait une surface totale de 33 m².
La masse était de 1 747 kg à vide et de 2 600 kg au décollage, donnant une charge alaire de 79 kg/m² qui permettait de réussir des virages vraiment très, très serrés.
Avec les mêmes moteurs que le transporteur léger, il pouvait voler jusqu'à 290 km/h. Avec des moteurs Renault 6 cylindre refroidis à air de 220 Cv, l'avion aurait très certainement atteint la vitesse demandée par le programme.
L'essence remplaçait les passagers. L'autonomie atteignait alors plus de 2 100 km.
Lorsque Henry Potez découvrit le programme T3, en homme d'affaire avisé, il vit que son avion avait des prestations compatibles avec le programme et le transforma en conséquence.
Le nouveau Potez 566 voyait s’ajouter à cet engin deux appendices disgracieux : Une cuve ventrale d'observation et une tourelle pour le mitrailleur.
Il reçut des moteurs Potez de 240 Cv pour tenter de compenser les pertes de
finesse impliquée par ces ajouts. Mais la vitesse ne dépassa pas les 270
km/h...
Seulement 3 exemplaires en furent commandés. Ce qui ne manque pas d'étonner : Nos décideurs n'avaient rien à mettre à la place.
Une vingtaine de Potez 566 auraient permis de former des
observateurs, des pilotes, de les tester dans des manœuvres et de rectifier
rapidement d'éventuelles mauvais choix.
Mais le STAé, soucieux d'exercer son autorité sans partage, n'allait certainement pas vouloir d'un avion créé avant même la sortie de son propre programme.
Deux ou trois années allaient s'écouler inutilement avant de faire le choix du
meilleur concurrent.
On pouvait introduire des moteurs plus puissants mais,
tels quels, ces avions auraient certainement pu jouer un rôle opérationnel en
particulier de nuit.
Les
quatre T3 "authentiques"
Deux autres firmes se disputèrent
donc officiellement ce marché assez spécial, chacune présentant 2 avions
successivement pour suivre les pérégrinations de la pensée du Service Technique
de l'Aéronautique.
La maison Hanriot sortit son H
510 en 1937.
Long de 10.12 m, disposant d'une voilure
de 15.00 m d'envergure et de 31.50 m² de surface, il fut construit rapidement
et fit son premier vol en Juin 1938.
Sa masse à vide était de 2 760 kg
et il pesait environ 3 720 kg au décollage.
La charge alaire de 118 kg/m² annonçait une honnête manœuvrabilité.
Ses
moteurs Gnome & Rhône 9 Kfr, malheureusement affectés d'un fort
diamètre (1.20 m), développaient 700 Cv.
Les deux hélices étaient des bipales en bois à pas fixe.
Elles coûtaient certes moins cher à l'achat que des hélices métalliques à pas variable, mais elles obéraient la consommation et les performances au décollage, en montée puis en croisière d'environ 10% et induisaient des vibrations...
Elles coûtaient certes moins cher à l'achat que des hélices métalliques à pas variable, mais elles obéraient la consommation et les performances au décollage, en montée puis en croisière d'environ 10% et induisaient des vibrations...
L'avion volait à 315 km/h (voire
bien plus, suivant la source) et montait à 3 000 m en 6 minutes.
La lecture du numéro de Flight consacré au
Salon de Paris de la fin de 1938 suggère qu'il était alors équipé de moteurs
Gnome & Rhône 14 Mars.
Dans ce cas, la vitesse de pointe comme la
stabilité avaient dû en être très améliorés grâce à la diminution drastique du
maître couple (on parla de 360 km/h).
Le plafond pratique atteignait 7 000 m. L'autonomie était de l'ordre de 1 300 km.
Document personnel de l'auteur - Hanriot 510, Salon de Paris 1938. La nacelle de l'observateur était moins bien profilée que celle du Potez 637 |
Le H 530 : Le
prototype H 510 avait certes dépassé les desiderata du programme en terme de
performances mais, dans le même temps, les exigences du STAé avaient évoluées à la suite d'une analyse plus fine
des contraintes liées à tout éventuel combat.
L'idée de la cage vitrée étant
abandonnée, le "chef de
bord" était maintenant placé à l'extrême-avant, ce qui
amenait à placer le pilote en arrière et au-dessus, dans un poste à part.
Par rapport au modèle précédent, le NC 530 avait été allongé à 11.33 m, sa voilure avait gardé sa surface de 31.50 m².
La masse était de 3 550 kg à vide, de 4 600 kg au décollage normal (charge
alaire de 146 kg) mais pouvait atteindre 5 100 kg pour certaines missions (la
charge alaire passant alors à 161 kg/m²).
Il avait reçu deux moteur Gnome & Rhône 14 Mars d'environ 700 Cv.
Il avait reçu deux moteur Gnome & Rhône 14 Mars d'environ 700 Cv.
Plus fin, l'avion avait énormément
changé, au point qu'il ne partageait que bien peu de choses avec son
prédécesseur. Sa structure était devenue entièrement métallique.
Malgré de nombreuses expérimentations, des vibrations auraient perturbé les
vols d'essais.
Je n'ai aucun doute sur la réalité des phénomènes vibratoires au début des vols
du Hanriot 510.
Par contre, l'ensemble des modifications apportées au Hanriot 530 :
- suppression des entretoises liant les moteurs au fuselage,
- dérives surélevées,
- affinage des capots moteurs
La lecture complète de Louis Bonte (Docavia #3) montre à quel point le CEMA avait pris la maison Hanriot en grippe depuis bien
longtemps, comme cela avait aussi été le cas un peu plus tard pour Nieuport, puis
pour Amiot.
A partir de 1936, ce même organisme d'Etat s'était transformé en un lobby qui favorisa
honteusement le déplorable Morane 406 et le dangereux LéO 451, j'ai donc
tendance à penser que le NC 530 était réellement devenu un appareil excellent.
La vitesse de pointe du Hanriot 530 atteignait les 415 km/h à 5 100 m, ce
qui montre qu'il était au moins aussi rapide que le Potez 63-11 qui atteignait
ses 425 km/h entre 5 000 et 5 500 m grâce à son train entièrement
escamotable (gain de 30 km/h).
Le temps de montée à 3 000
m était de 5 minutes (1 minute plus vite que le Potez 63-11).
Le plafond était de 8 500 m.
L'armement défensif
comprenait 3 MAC 1934 et l'armement offensif pouvait aller jusqu'à 10
bombes de 50 kg.
Cet avion, particulièrement solide, semble en tout
cas avoir réellement intéressé l'état-major puisque deux versions
nouvelles en furent proposées.
Une variante plus puissante, le NC
532, était prévue avec des moteurs Gnome & Rhône 14 N
48/49 de 1 070 Cv. Dans ce cas, il aurait probablement pu voler à environ
450 km/h.
{Si l'augmentation de
puissance laissait envisager une vitesse de l'ordre de 480 km/h, l'augmentation
de traînée - diamètre des moteurs augmenté de 36 % - et de masse - en
augmentation de 400 kg - aurait réduit l'augmentation des performances.}
De son côté, Emile Dewoitine proposa, successivement, deux
bimoteurs à ailes hautes (Source : Les avions Dewoitine, Docavia )
Le D 700, le premier des deux, était
équipé de 2 moteurs Renault 6Q à refroidissement à air de 220 Cv et pendus
chacun à un pylône profilé (à la manière des moteurs d'un Boeing 707, ce qui, à
l'époque, était, semble-t-il, très rare).
L'observateur (et "chef de
bord") était enfermé dans une cage vitrée ventrale, à la portée des
simples fusils de la troupe ennemie.
L'avion paraissait fin (finesse de
13.9) mais la puissance totale de 440 Cv rapportée au poids total prévu
d'environ 3 000 kg ne semblait plus suffisante pour atteindre les performances
exigées.
La construction, lancée effectivement
en Mai 1938, fut ralentie par d'innombrables contre-ordres du STAé qui
aboutirent à stopper définitivement les travaux.
A la suite d'une analyse plus poussée des contraintes
rencontrées pendant un combat, le D 720, abandonnait enfin l'idée de la cage vitrée ventrale et
plaçait l'observateur-"chef de bord" à l'avant, dans une sorte
de serre vitrée très anguleuse.
Le fuselage était de section rectangulaire. Le dessin de la nouvelle verrière
semble avoir été très favorablement accueilli par les décideurs de l'état-major
mais l'avion avait perdu de la finesse (13.2), malgré son train escamotable !
Des
plaques de blindage avaient été introduites, augmentant évidemment la masse au
décollage.
Long de 10.50 m, l'avion avait une
masse à vide de 3 260 kg (600 kg de plus que ce qui avait été initialement
prévu) et une masse au décollage de 4 250 kg en mission I (500 kg de plus que
prévu).
La voilure, de 14.90 m d'envergure
avait une surface totale de 27.20 m². La charge alaire atteignait donc 156
kg/m², ce qui ne gageait pas d'une agilité féerique...
Les moteurs 6Q de 220 C
avaient été remplacés par des Renault 12 R de 450 Cv.
Dewoitine 720 - Une esthétique particulière |
La
vitesse de pointe de cet avion atteignait 357.4 km/h à 4 450
m, autrement dit 360 km/h, ce qui était honnête.
A la masse de 4 480 kg (mission IV),
les temps de montée étaient les suivants :
- 3 000 m en 7' 42"
(presque 2 minutes de plus que le Hanriot 530),
- 4 000 m en 9' 55",
- 5 000 m en 12' 20",
- 6 000 m en 15' 23",
- 7 000 m en 19' 51".
Le plafond pratique était de 8 400
m (ce qui me paraît un peu optimiste).
Le décollage demandait 370 m sans
volet et 244 m avec 25° de volet.
Cet avion rendait ce qu'on lui
avait demandé, mais payait cash son surpoids.
Que ce soit le Dewoitine 720 ou le Hanriot 530, aucun de ces deux avions
n'était ridicule.
Le Hanriot 530 avait cependant des performances plus intéressantes que celles du
Dewoitine 720.
D'autres
bimoteurs Français étaient utilisables pour la même tâche
La période était propice à l'éclosion de bimoteurs tout à fait comparables dans
leurs cahiers des charges, ou peu s'en fallait.
Le premier d'entre eux, le Romano 110, était un chasseur issu
du programme de 1934 qui avait provoqué aussi la construction du Potez 630, du
Hanriot 220 et du Bréguet 690.
Petit (longueur de 9.30 m), cet avion était remarquablement léger (masse de 1 910 kg à vide et 3 200 kg au décollage).
Sa voilure avait une envergure de 12.80 m et une surface totale de 24 m²,
donc elle supportait une charge alaire de 133 kg/m².
Il emportait deux moteurs Renault 12 R de 450 Cv.
La vitesse d'atterrissage était de 105 km/h, le rayon d'action à 320 km/h était
de 1300 km.
Au décollage, la course se réduisait à 150 m par vent nul (une valeur excellente).
La vitesse de pointe prévue était de 480
km/h.
Les nationalisations ayant confisqué les moyens de production (usines
et ateliers) de sa société, Etienne Romano éprouva les plus grandes difficultés
à terminer son bimoteur, puis à obtenir des moteurs pour l'animer.
Après sa mise au point-constructeur, l'appareil vint en vol de la Côte d'Azur - où il avait été conçu et fabriqué - jusqu'à Villacoublay, soit une distance de l'ordre de 1 000 km.
Louis Bonte, cité plus haut, se moquait de l'avion et du constructeur en disant que le Romano 110 avait fait tout ce long vol avec son train sorti.
Il se servit ensuite de cet incident sans intérêt pour justifier que le CEMA ne l'ait pas essayé...
Pourtant, cet avion avait
déjà la disposition requise en 3 niveaux, parfaitement rationnelle pour
atteindre tous les objectifs définis par le programme, et une
capacité d'observation exceptionnelle dans un confort remarquable pour
l'observateur.
L'ensemble de ses caractéristiques
et sa faible inertie laissaient espérer une grande agilité.
Les performances affichées étaient très au-dessus des spécifications T3, car,
même avec un train fixe pantalonné, le R 110 aurait dépassé les 450
km/h.
Il est vraisemblable que cet avion
aurait eu un remarquable rendement d'observation par ses
performances élevées et par son confort visuel excellent, du moins si
l'observateur avait été placé à l'avant (ce qui n'aurait pas dû poser le moindre problème).
On préféra l'abandonner, d'abord
pour faire plaisir à une certaine idée que les gens du CEMA avaient d'eux-mêmes
(à la façon des nobles du XVIIIème siècle), mais aussi, probablement,
parce qu'il ne portait aucun blindage.
On avait oublié que vitesse et
agilité constituent en elles-mêmes une protection efficace.
Un autre candidat potentiel aurait été le Hanriot 232 d'entraînement.
Les journalistes de l'hebdomadaire
spécialisé Britannique Flight pensaient -
avec bon sens - que la maison Hanriot aurait pu proposer comme T3 son
bimoteur d'entraînement Hanriot 232, directement dérivé du Hanriot
220 de chasse.
Cet avion avait une longueur de 8.55 m. Sa masse était de 1
655 kg à vide et de 2 187 kg au décollage.
Sa voilure avait une envergure de 12.80 m et une surface totale de 21.20
m².
Sa charge alaire était donc de 103 kg/m².
Avec ses 2 moteurs Renault de 220
Cv, il volait à 335 km/h à 1 000 m d'altitude.
Il montait à 2 000 m en 4 minutes, démontrait un plafond pratique de 7 500 m et disposait de 1 200 km d'autonomie.
Document personnel de l'auteur - Hanriot 232 - L'observateur placé à l’avant, aurait eu une excellente visibilité |
Cerise sur le gâteau, cet avion était remarquablement manœuvrant et fut commandé à 55 exemplaires pour l'Armée de l'Air qui en reçut 35 avant le 25 Juin 1940.
Les Finlandais en commandèrent 25 aux Allemands et l'utilisèrent jusqu'en 1950,
ce qui est la preuve de ses qualités de vol comme de sa solidité !
Sa très petite taille, et surtout le faible bruit de ses moteurs, l'aurait rendu particulièrement discret :
- Les Simoun photographes-espions, équipés des mêmes moteurs et utilisés par nos services de renseignement, étaient inaudibles à 2 000 m de distance (source : Les Avions Caudron, Mihaly et al, Docavia).
La visibilité en place avant était
excellente mais il est possible que l'on ait trouvé qu'il manquait la possibilité
d’y installer un équipement radio performant.
Pourquoi
diable écarter les avions marins ?
Mais un autre programme de bimoteurs avait été lancé en 1937 par la Marine
Nationale qui voulait, sur ses porte-avions, des bimoteurs pour lancer des
torpilles, des bombes, voire mener des
reconnaissances.
C'était une vision très avancée pour l'époque : Les marins Français étaient les
premiers au monde à intégrer la meilleure capacité de survie en ambiance
hostile des multimoteurs par rapport aux monomoteurs.
Ceci montre que ces
avions étaient déjà bien dans l'esprit "T3", même s'ils avaient officiellement une mission plus orientée vers la destruction, mais un vieux proverbe Français dit bien "Qui peut le plus, peut le moins".
Le premier à voler fut le CAO 600 conçu par l'ingénieur
Pillon, déjà auteur du bombardier en piqué (raté) Nieuport 140 et de
ses successeurs (très réussis) Loire-Nieuport 40x.
Ceci explique probablement qu'il ait eu recours - pour la troisième fois
consécutive - à une voilure en W aplati, qui permettait de réduire
significativement la hauteur du train d'atterrissage.
CAO 600, œuvre du bureau d'étude Nieuport |
L'avion
avait une longueur de 14.22 m. La voilure avait 16.80 m d'envergure.
La masse au décollage était de 4 700 kg.
Les moteurs étaient des GR 14 Mars de 680 Cv.
Le premier vol se passa le 21 Mars 1940.
Au moment de l'armistice de Juin
1940, l'avion avait déjà volé 35 heures, soit 12 heures par mois ce qui était
excellent.
Pierre Nadot, son pilote, jugeait "qu'il montrait d'excellentes
qualités de vol qui auguraient bien du comportement à l'appontage". C’était donc vraiment un excellent avion.
La vitesse de pointe à 1 500 m atteignait 380 km/h, la vitesse de croisière atteignait 300 km/h.
Il est très surprenant d'avoir limité l'altitude de vol aussi bas, exactement comme si, pour attaquer des chars, on avait limité l'altitude à 10 m au-dessus du sol : Limiter l'altitude maximale d'un avion militaire, quel qu'il soit, résulte toujours d'une limitation de l'imagination du décideur.
Si on avait profité de l'altitude de vol "normale" des moteurs GR 14 Mars, qui rétablissait sa puissance jusqu'à 4 000 m, cet avion aurait pu voler à 5 500 m pour aller de son porte-avions à la flotte ennemie.
Il aurait ainsi gagné du temps, de l'effet de surprise et de l'autonomie.
Pour fixer les idées, à la même
altitude de 1 500 m, le Potez 63-11 était nettement moins rapide (364
km/h).
Donc, le CAO 600 aurait pu gagner de l'ordre de 15 km/h par 1 000 m jusqu'à 5
500 m, ce qui l'aurait amené à près de 450 km/h, ce qui aurait changé beaucoup
de chose quant à sa capacité de reconnaissance.
L'autonomie en mission de
reconnaissance pouvait atteindre 1 500 km, ce qui permettait de mener des
reconnaissances sérieuses jusqu'à 400 nautiques de son porte-avions.
Par
contre, en mission de torpillage, elle tombait de 900 km : Cela signifiait la
capacité de couler un bâtiment de guerre à 200 nautiques.
Bien sûr, transformé en T3, le CAO 600, moins lourd que sa version marine,
aurait pu voler nettement plus vite et plus loin.
Cependant, dans mon hypothèse d'une adaptation au programme T3, il fallait utiliser
l'excès de poids engendré par une torpille (674 kg) et des ailes repliables
(~50 kg) : Cela laissait la possibilité de placer de 150 à 200 kg de blindage aux endroits
"stratégiques" de l'avion.
Cet avion eut pu être un concurrent sérieux pour le Hanriot 530.
Cet avion eut pu être un concurrent sérieux pour le Hanriot 530.
Dewoitine présenta à ce même concours
d'avions-torpilleurs embarqués un bimoteur, le D-750,
bien plus attractif - à mon humble avis - que le D 720 précédemment évoqué.
D 750 - Une ligne plus fine que celle du D 720... |
Cet
avion de 10.06 m de long, avait une voilure de 15.92 m d'envergure et de 36.12
m² de surface totale (33 m² de porte à faux).
La masse à vide de 3 840 kg,
excédait de près de 1 300 kg celle prévue !
La masse au
décollage dépassait presque toujours les 5 000 kg et culminait à 5 350
kg.
Il effectua son premier vol de 6 Mai 1940.
Les essais constructeurs donnèrent les résultats suivants :
- Vitesse maximale 360 km/h à 1 500 m
d'altitude (sans charge externe) ;
- Roulement au décollage par vent
nul : 225 m (nettement meilleur que le D 720) ;
- 3 000 m étaient atteints en 8'
44".
- Plafond pratique était de l'ordre
de 6 000 m.
Ces résultats préliminaires
n'étaient pas mauvais et l'avion était bien plus fin que le D 720 dont je
rappelle qu'il avait également un train rétractable.
L'état-major terrestre a
manqué de rapidité et d’autorité pour obtenir les éclaireurs aériens dont il
avait besoin.
Le CEMA n'a rien fait pour
l'aider...
Surtout, on peut remarquer qu'à toujours choisir la standardisation maximale, on est passé à côté de l'adaptation au terrain qui, en l'occurrence, aurait fait toute la différence.
A lire les chroniques de l'époque, le Hanriot 232 était le meilleur avion d'entraînement disponible.
Par ailleurs, pour observer obliquement à très basse altitude (au niveau de la cime des arbres) et à des distances de un ou deux kilomètres, il était difficilement repérable.
Son cousin NC 530 ou le Dewoitine 750 eussent été mieux adaptés pour être au plus près des zones dangereuses.
Le Romano 110, lui, grâce à sa vitesse et à son agilité plus élevées, aurait dû hériter de missions encore plus dangereuses, comme mener des raids de 200 km dans les profondeurs des lignes ennemies.
Le choix définitif ne semble pas avoir été communiqué, même s'il fut raconté que le Potez 63-11 héritait du job, ce qui n'était pas une décision sérieuse puisque tous ses pilotes disaient depuis longtemps qu'il était devenu bien trop lent pour ce travail.
Le
programme de l'impossible
Vues de nos jours, les exigences de
ce programme paraissent contradictoires. On voulait :
- des bimoteurs,
- qui soient économiques à
l'entretien, donc gréés de moteurs peu puissants et
de structures technologiquement peu avancés (= tubes
métalliques entoilés)
- très solides (donc, des pièces largement
dimensionnées).
Ces 3 qualités impliquaient
logiquement des avions anormalement lourds.
Cette lourdeur était encore
renforcée par l'exigence d'une grande autonomie, ce qui imposait
évidemment d'emporter beaucoup d'essence (les moteurs économes, étant
de haute technologie, coûtaient bien sûr trop chers).
Par contre, la demande de décollage
ou d'atterrissage en moins de 300 m signifiait un avion
puissant, accélérant franchement, et doté d'une voilure soit abondante, soit
très sophistiquée.
{Par exemple : Le
monomoteur Westland Lysander aurait
parfaitement satisfait nos édiles sur le plan des longueurs de décollage
et d'atterrissage comme sur le plan de la vitesse de pointe.
Son moteur développait 890 Cv, il
avait une masse au décollage inférieure à 2 700 kg et un rapport
poids/puissance de 3.03.
Cette valeur est comparable
à celle calculée pour un Hurricane Mk I (2.81), qui décollait en environ 300
m avec l'hélice Rotol à vitesse constante, mais atterrissait en plus de 400 m,
par suite de sa bien meilleure finesse.}
Bien sûr, de 1936 à 1945, l'observation exigeait que le regard
d'un militaire bien formé explore et analyse le champ de bataille.
La fausse bonne idée fut la commande d'autogires type La Cierva (LéO C 30),
avions à voilure tournante permettant à des pilotes confirmés de se poser à la
verticale après une forme d’autorotation.
Ces engins, affublés de moteurs non
carénés, étaient bruyants, lents et très peu fiables.
L'engin que nous chargeons actuellement de ces missions est l'hélicoptère.
Mais, à la fin des années 30, l'hélicoptère était un engin trépidant juste capable de quelques expérimentations préliminaires.
Dans le Monde, à peine une poignée de pilotes étaient au courant de ses
dangereux caprices près du sol (par exemple : Maurice Claisse, en France, Hanna
Reitsch en Allemagne).
Il fallait donc bien des avions spécialisés dans les authentiques missions
T3.
Nos ingénieurs les avaient réalisés, mais les décideurs voulaient tout obtenir
en même temps.
Ils furent déçus.
Il me semble qu'une politique de petits pas, par exemple en séparant les avions d'entraînement des avions d'observation proprement dits aurait permis d'obtenir plus vite des avions efficaces.
Il me semble qu'une politique de petits pas, par exemple en séparant les avions d'entraînement des avions d'observation proprement dits aurait permis d'obtenir plus vite des avions efficaces.
Comme notre Armée de l'Air avait très vite perdu une part importante de ses
Potez 63-11, il est évident que les avions qu'elle-même avait choisis ne
répondaient pas entièrement aux besoins spécifiques de l'Armée de Terre.
Dans son Histoire des Essais en Vol, Docavia #3, p. 196,
Louis Bonte parlait ainsi des T3 :
"Il
s'agissait de machines répondant aux vœux de l'état-major, n'allant pas
vite, munies de vastes balcons d'observation pour la surveillance du champ de
bataille, où l'on supposait sans doute qu'elles seraient invulnérables aux tirs
du sol et que la chasse adverse, sans doute occupée ailleurs, n'irait pas les
attaquer. Elles avaient des trains fixes, des hélices à pas fixe et ne dépassaient
pas 300 km/h.
(...)
Toutes deux avaient de médiocres
qualités de vol, des performances sans éclats et l'armistice mit fin à ces
élucubrations."
Dans son
style persifleur et brillant, Bonte
a, tout de même, asséné quelques contre-vérités.
Il avait profité une fois de plus de sa notoriété pour donner de fausses
informations sur la vitesse comme sur les qualités de ces avions.
Si les avions T3 initiaux - D 700
et H 510 - n'avaient pas résisté aux premières analyses, les NC 530 et D
720 dépassaient largement les 350 km/h, étaient donc à la fois "rapides", blindés et
capables de longues aventures.
Il était évident qu'ils étaient
utilisables, à condition d'apprendre à s'en servir…
On peut tout de même s'étonner que Louis Bonte, puissant acteur de notre
système militaire, ait conclu ce texte en exprimant son soulagement face
à la signature de l'armistice du 25 Juin 1940 : cet armistice signait
la pire défaite de notre Histoire et accordait à Hitler la
liberté de mettre la France à genoux. C'est, pour le moins, curieux...
Vision
Britannique : L'Avro Anson
Les
Britanniques ne se posèrent pas les questions de la même manière que nous.
Lorsqu'un besoin se faisait sentir, ils regardaient d’abord s'il n'existait pas de matériel convenable déjà disponible dans les usines Britanniques.
Lorsqu'un besoin se faisait sentir, ils regardaient d’abord s'il n'existait pas de matériel convenable déjà disponible dans les usines Britanniques.
Leur
problème d'avions-éclaireurs n'était pas entièrement superposable au notre
parce que le Royaume Uni est un archipel entouré d'eau de tous côtés et que la
surveillance des côtes pose moins de problèmes de sécurité pour l’avion-éclaireur
car la Chasse ennemie y est rarement présente.
Rien
à voir avec le survol des terres disputées d’un pays continental en état de guerre avec un autre pays continental jointif !
La
maison Avro fit voler, le 7 Janvier 1935, un petit transport pour 4 passagers
et 2 membres d’équipage.
Cet avion impressionna les services de l’Air Ministry qui en commanda un exemplaire pour remplir la tâche de surveillance maritime.
Cet avion impressionna les services de l’Air Ministry qui en commanda un exemplaire pour remplir la tâche de surveillance maritime.
Ce
nouvel avion fit son premier vol le 24 Mars 1935 et fut commandé à 174
exemplaires sous la désignation d’Avro Anson.
Dessiné
pour 3 ou 4 occupants, il avait 12.88 m de long, avait une masse à vide de 2 500
kg et une masse normale au décollage de 3 600 kg.
Sa
voilure de 17.22 m d’envergure avait une surface totale de 43 m², ce qui
donnait une charge alaire de 84 kg / m².
Animé
par deux moteurs Armstrong Siddeley Cheetah
IX de 350 Cv chacun, il pouvait atteindre 300 km/h à 2 000 m. Son
plafond pratique ne dépassait pas 5 800 m.
Il
était armé de 2 mitrailleuses de 7.7 mm et pouvait y ajouter 160 kg de bombes…
Cet
avion entra en service en Mars 1936, permettant un très bon niveau de
reconnaissance mais aussi un excellent avion à tout faire.
A l’entrée
en guerre, la RAF en comptait 824 répartis en 26 squadrons dont 10 étaient assignés au Coastal Command et tous les autres au Bomber Command, où ils étaient employés à entraîner les équipages
de bombardiers.
Ils
furent maintenus dans ce dernier rôle jusqu’au 28 Juin 1968 !
Les
Ansons furent aussi employés comme avions taxis pour mener des pilotes là où
ils devaient entre en fonction.
C’est ainsi que le "duty Anson" est devenu un des "personnages" de la fin du livre de Pierre Clostermann "Le grand Cirque".
Cet
avion économique, maniable et endurant fut construit à 11 000 exemplaires.
Il ne fut donc en aucune manière un échec.
Vision Allemande
En 1941, nos ennemis Allemands sont entrés
dans le territoire soviétique avec un avion, le Focke-Wulf 189, qui aurait pu intéresser les
décideurs Français et qui assura l'essentiel des missions
d'observation sur le Front de l'Est entre Juin 1941 et 1945.
Cet avion, long de 12.30 m, avait
une masse de 2 830 kg à vide et de 3 950 kg au décollage.
La voilure, de 18.40 m d'envergure, avait une surface totale de 38 m², ce qui
donnait un allongement de 8.9 et une charge alaire de 104 kg/m².
Cet avion était animé par 2 moteurs Argus de 465 Cv de puissance maximale.
Ainsi gréé, il atteignait 360 km/h en pointe à l'altitude critique de 2 400 m.
L'autonomie maximale, limitée à 670 km, montre que cet avion devait rester cantonné à proximité de la zone du front.
L'armement défensif comportait 2 mitrailleuses MG 15 pour le pilote et 2 MG 17 pour le mitrailleur arrière.
L'avion pouvait ajouter à cela 4 bombes de 50 kg.
Il en fut construit plus de 830 exemplaires, indépendamment d'une vingtaine de
prototypes.
Sur ce total, 293 furent construits à Bordeaux par la SNCASO.
La maniabilité de cet éclaireur était vraiment hors du commun : Il tournait si
serré que les chasseurs soviétiques, qui avaient une très bonne capacité de manoeuvre, n'arrivaient pratiquement pas à le toucher.
On doit souligner que sa structure bipoutre
favorisait l’inefficacité d’un tir même bien ajusté : Dans ce cas, il fallait
ajuster la nacelle principale et non le cadre défini par les poutres et la
voilure.
Par ailleurs, après une attaque Taran (= par abordage) réalisée par un
pilote soviétique, le plan fixe fut en partie détruit mais l'avion Allemand fut
capable de rentrer à sa base, ce qui mettait en évidence la robustesse de sa
structure.
Un bel hommage venu d'un grand soldat.
Il regrettait de ne pas avoir bénéficié d'un avion capable de faire aussi bien ce travail d'éclaireur...
Cependant, Koniev
était le spécialiste de la maskirovska : Il réussit à faire croire à l’état-major
Allemand, pendant la Bataille de Koursk, que ses armées étaient faibles, ce qui
épuisa les armées Allemandes lorsqu’elles tentèrent de les bousculer.
Donc il avait réussi à donner une fausse information aux observateurs Allemands.
Conclusion
Si le Colonel Faris R. Kirkland, de l'US Air Force, soulignait à juste titre le rôle du Piper Cub pendant la Seconde Guerre Mondiale, il oubliait tout de même que leur existence en l'air reposait uniquement sur une outrageuse maîtrise du ciel par la Chasse Alliée.
L'expérience Allemande, décrite quelques lignes plus haut, souligne que l'observation aérienne, en absence de maîtrise du ciel, exige des engins discrets, rapides et très manoeuvrants.
Les T3 Français, eux, pouvaient faire ce job !
Votre couverture très complète du sujet omet cependant l'appareil qui a "eu la peau" des T3 en paraissant offrir un substitut répondant au programme, sans exiger le lancement d'une série nouvelle: le Potez 63-14, essentiellement un 63-11 à envergure portée à 18 mètres et moteurs Renault 12R.Il perdait certes en vitesse, non prioritaire pour ce programme, mais gagnait en distances d'atterrissage et de décollage. Seule la version -13 à moteurs 14M du 63-11 a volé. Alors que l'appareil semblait abandonné par l'état-major, début 1940, Potez envisageait de le produire dans son usine marocaine (en projet) en 1941.
RépondreSupprimerMerci Pierre pour cette précision. Je n'ai trouvé aucune précision dans la presse de l'époque sur ce sujet, et pour cause : Elle était soumise à une censure drastique...
RépondreSupprimerJe n'ai lu qu'en diagonale, mais il me semble que vous avez oublié une chose cruciale : l'observation ce n'est pas que de la reconnaissance. Même si l'IGU de 1936 en fait la mission prioritaire des escadrilles d'observation détachées auprès des corps d'armée, ces dernières doivent aussi assurer des missions au profit de l'Artillerie (contrôle de tirs et recherche d'objectif) voire de l'Infanterie. Ce point est assez important puisque, après la séance du conseil supérieur de l'air de mars 1938, il a été décidé que les T3 ne s'occuperaient plus que de missions d'Artillerie, les missions de reconnaissance étant alors reprises par des appareils de type A3 !
RépondreSupprimerCette décision n'a pas dû être prise en dépit du bon sens, mais bien parce que des qualités différentes voire contradictoires sont attendues des avions. L'avion d'Artillerie doit pouvoir voler bas et lentement pour effectuer son travail. Le fait qu'il travaille près de nos lignes le rend, croit-on alors, peu vulnérable. En revanche, l'avion de reconnaissance doit voler plus vite et plus haut (pour les photos) pour passer le moins de temps possible derrière les lignes ennemies.
Malheureusement, comme vous oubliez dès le départ cette dualité du travail de l'aviation d'observation française, votre article ne peut cerner correctement toutes les difficultés de ce programme. Ainsi, je ne vois pas bien ce que fait le Anson ici puisque c'est un avion de surveillance maritime, qui n'a, à ma connaissance, pas d'équivalent en France. Pour la coopération avec l'armée de terre, les britanniques sont longtemps restés sur la formule classique de biplaces dérivés du Hawker Hart avant de développer le Lysander, dont vous avez déjà parlé.
En revanche, le Fw 189 était bel et bien amené à remplacer les Hs 126, équivalents de nos Mureaux. Je pense qu'il aurait été plus intéressant de développer son histoire car elle me parait mal aisée à retranscrire depuis les sources numériques. De plus cet avion a dû voir son rôle évoluer avec les circonstances de son utilisation. Cela aurait sans doute amené un point pertinent de discussion sur nos propres T3.
Vous dites lire en diagonale, il vous est alors difficile de donner une analyse de mon article.
SupprimerSi vous aviez lu mon blog plus complètement, vous auriez pu lire que mon grand Père avait pratiqué l'observation dans un observatoire d'artillerie en 1916, que cela avait changé totalement sa vie de poilu, et que l'escadrille d'observation d'artillerie MF 22 était devenue une escadrille de reconnaissance.
En 1914, on laissait l'observation d'artillerie aux saucisses captives.
Trois ans plus tard, mon père, sous-lieutenant dans une batterie de 155 était souvent "d'observatoire". Il savait parfaitement que l'image qu'il avait du champ de bataille était bien étriquée.
En 1940, l'avion d'observation d'artillerie qui volait bas était éliminé instantanément par les 20 mm de la Flak.
Donc, l'observation devait être pratiquée au-dessus de la zone létale de cette Flak, et pas trop lentement ni trop longtemps.
Il n'était pas inutile de faire des incursions un peu plus en profondeur pour déceler des mouvements éventuellement dangereux.
Je ne vous convaincrais sûrement pas, mais à cette époque, dans les conditions imposées au moment de l'entrée en guerre, les avions-balcons lents avaient une durée de vie moyenne inférieure à deux heures.
Les Piper-Cub (et assimilés) US devaient leur survie à l'extraordinaire maîtrise du ciel Alliée.
J'ai insisté sur ce que vous vouliez démontrer, pas sur la façon dont vous le faisiez. mais je peux vous retourner le compliment concernant mon commentaire. Ceci posé je constate que je n'ai pas dû me tromper puisque vous ne me dîtes pas que je me suis tromper mais insinué que j'ai dû le faire... Réfutez donc mes affirmations si elles sont fausses. Expliquez-moi la pertinence de parler d'un appareil utilisé dans le reconnaissance maritime dans le cadre d'un article sur l'aviation de coopération.
SupprimerEn 1914, l'Artillerie aurait aimé disposer d'avion de réglage mais les moyens de communication avec le sol n'était pas au point et, surtout, ce n'est pas cette idée qui a été plébiscitée. C'est en tout cas ce qui ressort de l'ouvrage de P. Facon sur la genèse de l'armée de l'Air. Et ça ne va dire qu'il n'y ait pas eu d'expérience pour utiliser l'avion comme observatoire d'artillerie avant la guerre.
Pour étudier les missions de l'aviation d'observation en septembre 1939, je peux vous dire que beaucoup sont rentrées sans avoir été inquiétées et que la plupart durait moins d'une heure, au plus aux alentours d'une heure et demie. En revanche, il est apparu flagrant que, lors des quelques mauvaises rencontres, la survie des aéronefs n'était pas assurée du tout. Du reste, les pertes de Hs 126 durant la campagne de France sont assez éloquentes alors qu'ils opéraient dans des conditions plus favorables. Je suis intéressé pour savoir d'où vient votre valeur de durée de vie moyenne.
J'ai l'impression que vous avez du mal à comprendre que, contrairement à vous, j'essaie de remettre le matériel dans le cadre d'utilisation qui a été prévu. Ensuite je regarde ce qu'il a donné dans la vraie guerre. Parce que c'est comme ça que les choses ont eu lieu : on a théorisé puis on s'est rendu compte de la (non-)validité de ces théories... quand on a pu les mettre en place.
De 1916 à 1918, la communication avec le sol était faite au moyen de messages lestés lancés sur le terrain des destinataires.
SupprimerCertains acteurs de 1940 décrivent parfaitement la même chose, ce qui laisse entendre que cela était demandé encore.
P. Facon n'a sans doute pas parlé à des acteurs de la Grande Guerre. Moi, si, je les avais à la maison et ce qu'ils disaient me passionnait.
Notre aviation d'observation en 1939 n'a pas été utilisée très brillamment.
Je comprends votre souci de chercher la cohérence entre avions et missions.
Mais, ainsi que vous pouvez le voir en lisant les récits des témoins, aucun matériel n'est exactement adapté à la mission imaginée par les décideurs.
Cela découle de la nature même de la guerre qui est un travail d'adaptation permanent : Le Bf 109 n'avait ni l'allonge ni l'armement nécessaire, le Spitfire en était au même point, etc.
Un bon tacticien sait faire avec ce qu'il a...
Je reste sur ma faim concernant mes questions sur votre article.
SupprimerVous n'avez pas dû lire "La naissance de l'armée de l'air : une jeunesse tumultueuse" de P Facon sinon vous n'en parlerez pas ainsi. Du reste, en 1916 - 1918, des émetteurs pouvaient être installés dans les avions et les combattants les recevaient sur un récepteur appelé boîte A (ouvrage sur les transmissions d'A Salles tome 1).
Je pense qu'on va s'arrêter là.
Je ne doute pas que vous ayez une bonne pratique du Morse, voire du Morse encodé. Pour y avoir un peu travaillé pour identifier les balises VOR, je dois dire que c'est particulièrement lent.
SupprimerLes officiers de Marine de la Grande Guerre étaient bien dressés à ce sport. Un de ces émetteurs fut construit par l'un d'entre eux (de L'Escaille] pour équiper un hydravion Nieuport de Port Saïd.
Il fallait quelqu'un d'aussi doué au sol pour comprendre.
Le Lt. Colonel de Drouas expliquait avec une grande clarté qu'il fallait un lien en phonie pour être efficace.
Salut
.