Du Verdun, en 1916, à maintenant, en ce premier quart du XXIème, l'Aviation de Chasse est une clé fondamentale du champ de bataille :
Malgré les plaintes des pilotes de chasse volant sur Morane, la drôle de guerre ne semble pas avoir fourni à nos décideurs d'informations suffisantes sur la valeur opérationnelle du Morane-Saulnier 406 pour qu'il soit transféré à sa vraie place, plus de 200 km en retrait du front.
Au mois de Janvier 1940, la mise au point du Bloch 152 venait à peine d'être terminée.
Les exemplaires qui sortaient d'usine ne bénéficiaient pourtant pas encore du capot moteur à prise d'air de 0.85 m de diamètre ni des échappements propulsifs.
L'essentiel des MB 152 équipant les GC avaient encore le capot à prise d'air d'un mètre de diamètre (donc, V max = 482 km/h au lieu de 515 km/h). Donc, les Bloch 152 de la campagne de France avaient sensiblement les performances officiellement attribuées (très malhonnêtement) au Morane 406 (mais une puissance de feu double).
De même, le Dewoitine 520, bien au point en Février 1939 avec le moteur 12 Y 29, n'avait pas été construit tel quel.
La nouvelle version, la seule réellement construite en série, était un peu plus rapide (de 10 à 15 km/h), surtout en montée à haute altitude.
Mais elle avait un très gros défaut : Il avait fallu reprendre les études de centrage et lui apporter énormément de modifications "de détail" qui ont retardée de 9 à 10 mois son entrée en service.
Leçon de Vérité en 4 actes
La raison pouvait venir aussi bien d'une formation insuffisante des pilotes Germaniques que de la volonté Allemande de nous endormir.
Du point de vue de notre Chasse, la Campagne de France peut grossièrement se découper en 4 Actes, tous imposés par l'ennemi.
I - Du 10 au 13 Mai, le gros de la Jagdwaffe (= Chasse Allemande) était presque exclusivement positionnée au-dessus des Pays Bas, pour persuader les généraux Alliés que la suite des opérations allait ressembler au plan de campagne de Août-Septembre 1914.
II - Du 14 au 22 Mai, la Luftwaffe protégeait l'offensive de Guderian et Rommel (le fameux coup de faux).
III - Du 23 Mai au 2 Juin, l'action de la Luftwaffe se concentra sur divers éléments de la poche Dunkerque-Lille car il s'agissait de détruire d'un seul coup les armées Belges, Britanniques et Françaises et 70 % de leur équipement.
Une grande part de cet effort fut consacrée à la destruction de navires de transports ou de DCA (par des Ju 87 Stuka).
IV - Du 3 au 24 Juin, l'aviation ennemie se concentra sur le soutien des offensives en cours. La déclaration de Paris comme ville ouverte (11 Juin 1940) et, à partir du 16 Mai, le transfert de l'essentiel des groupes de chasse Français de l'autre côté de la Méditerranée avait grandement facilité la tâche de la Wehrmacht et de la Luftwaffe.
Premier acte :
L'état-major de l'Armée de l'Air avait placé ses divers groupes sur diverses bases sans qu'il me soit possible d'en tirer une doctrine particulière, sauf, peut-être, que le Curtiss H 75 était considéré comme la meilleure carte de sa "main", puisque placé plutôt en protection de Paris.
La Chasse Allemande n'avait pas assez d'avions disponibles pour escorter tous les bombardiers Allemands survolant la France : Alors concentrée essentiellement sur la Belgique et sur les Pays-Bas, elle renforçait la crédibilité de l'hypothèse d'une reprise d'un plan Schlieffen généralisé.
Rappel : Au premier jour de la campagne, la majorité des bombardiers Allemands n'étaient pas escortés. Pendant leur vol au-dessus de notre territoire, par contre, ils étaient parfaitement guidés par des moyens radio-électriques.
Sept groupes équipés de Morane faisaient partie du comité de réception :
Si le III/3 et le I/6 (comme, évidement, le I/7), ne perdaient aucun avion, c'était uniquement parce qu'ils n'étaient pas correctement positionnés face à l'assaut Germanique :
Les 7 groupes de MS 406 réellement présents le 10 Mai 1940 sur le front totalisaient de l'ordre de 170 chasseurs, une force non négligeable.
Bien que ces 7 groupes de Chasse aient, ce jour-là, bénéficié des meilleurs conditions possibles (quasiment pas de Chasse Allemande), seulement 25 victoires avaient été obtenues ce qui correspond à une moyenne de 3.57 avions abattus par groupe.
Cependant, ces victoires avaient été payées par 11 MS 406 perdus en combat.
En outre, 22 Morane avaient été perdus à cause de bombardements des terrains . Cela signifie qu'un total de 33 Morane - environ 1/5 de l'effectif initial - avaient disparu en moins d'une journée.
Si les trois groupes absents avaient été présents, il y aurait pu y avoir une quinzaine de victoires en plus et, probablement, moins de pertes à la fois en l'air et au sol.
Cependant, il était plus qu'évident que les pilotes de MS 406, malgré leurs qualités exceptionnelles de pilotage et leur courage, avaient énormément souffert.
Les généraux placés à la tête de notre Chasse en étaient conscients et n'ignoraient évidemment rien des graves défauts du Morane-Saulnier 406.
Les 9 Morane qui les escortaient, commandés par Albert Littolff, tinrent en échec, pendant 30 minutes (!) 12 Messerschmitt 109 volant 2 000 m au dessus du dispositif Français.
Cette mission est décrite universellement comme une mission suicide.
Mais les vraies pertes (deux bombardiers totalement détruits avec 3 morts et deux survivants pour leurs 2 équipages, plus un bombardier posé en campagne pendant son trajet de retour), certes très douloureuses, sont dues essentiellement à une altitude de bombardement trop basse et n'ont rien à voir avec les missions non escortées menées de jour par la RAF sur les ponts de Maastricht.
En réalité, perdre 3 avions sur 14 (21.5 % de l'effectif), ce jour-là, montre un vrai succès défensif pour la Chasse Française.
2 - Le 16 Mai, 9 Bloch 152 protègent 6 Morane du GC II/2 qui étaient en mission de couverture. Aucun incident : Succès.
3 - Le 17 Mai, 6 Dewoitine 520 du GC I/3 protègent 9 MS 406 du même groupe II/2. Pas de chasse Allemande, mais la Flak se fait entendre. Succès mitigé.
4 - Le 21 Mai, pour protéger un débarquement de troupes à Montdidier, 24 MS 406 des GC III/7 et III/1 sont protégés par 9 Bloch 152. L'intervention de Bf 109 pose un gros problème aux avions du II/7 (4 Morane descendus, mort du Lt Dyma).
Six Bf 109 et 3 Bf 110 pique sur les avions encore présents. Trois Morane sont descendus, un pilote est prisonnier, un autre est tué.
Les autres patrouilles n'ont rien vu, rien entendu. La radio ? Quelle radio ! C'est un très grave échec.
6 - Le 24 Mai, 9 MS 406 du GC III/3 et autant du III/6 pour détruire des bombardiers ennemis sous la protection de 9 D 520 du GC II/3.
8 - Le 27 Mai, 9 Morane du III/3 protègent 2 Potez 63-11 de renseignement sous la protection de 9 Bloch 152 du GC I/8. 2 Bloch ne rentrent pas. Bilan mitigé.
9 - Le 30 Mai, 9 MS 406 du III/7 sont engagés entre 17:15 et 19:00 au dessus d'Abbeville sous une ombrelle mixte de Bloch 152 du GC I/8 et de D 520 du GC I/3. La Flak endommage 2 Morane. Bilan positif.
10 - Le 3 Juin, 9 Morane du GC III/7 décollent à 13:35 pour contrer 20 He 111 engagés dans l'opération Paula qui reviennent à la maison. Un He 111 descendu par Littolff et Martin. Intervention de 10 Bf 109. Le MS 406 de Martin doit se poser et son pilote est blessé.
11 - Le 6 Juin, cinq MS 406 décollent pour protéger des Br 693 associés à des LéO 451. La protection de D 520 est réalisée par les GC I/3 et II/7. Les Morane sont attaqués par une formation de Bf 109. Le Cdt Maurice Arnoux, durement touché, en feu, percute le sol. Échec.
12 - Le 8 Juin, à 15:30 huit Morane décollent pour une mission de destruction au Sud de la ligne Rouen-Amiens, sous la protection de Dewoitine 520.
Les chasseurs de 1932 avaient bien des radios, mais personne n'avait travaillé la question sérieusement.
Bien sûr, cela provient d'un faible entraînement pour ce type de travail, peut-être associé à une tendance à rester trop près des avions à protéger (ce qui correspond en général aux désirs des équipages escortés, voir A. Galland, les premiers et les derniers, Yves Michelet ed., 1985).
C'est que, dans l'espace aérien de bataille, l'avion de chasse doit rester un Objet Volant Insaisissable (OVI).
a) Les plaintes des pilotes, à l'Automne 1939, sur les performances de nos chasseurs standards n'avaient pas été instantanément suivies d'une bonne réaction.
b) Nos jeunes pilotes, au moment de leur perfectionnement, pilotaient des Morane 317 ou des Morane 230 dont les vitesses n'atteignaient jamais les 210 km/h.
c) Dans un deuxième temps, on pouvait s'en servir dans son rôle de chasseur, mais dans une zone moins à la merci de la Chasse ennemie, là où aucun Bf 109 n'aurait pu se trouver.
Ainsi, nous aurions pu disposer facilement d'authentiques pilotes confirmés, habitués aux alertes, aux vols tactiques et à la navigation.
1 - Vers 1916, la notion d'escorte n'a pas encore de réalité : On envoie suffisamment de chasseurs pour éliminer toute menace ennemie dans un secteur donné du front. C'est simple et cela convient pour un champ de bataille relativement restreint (Bataille de Verdun).
2 - Deux ans plus tard, on disposait d'avions lourds, puissamment armés (Caudron R 11), pour éliminer la chasse adverse : C'est la notion de DCA volante, qui donne naissance deux décennies plus tard, aux SE 100 Français et B 40 Américain.
Ce choix fut un échec, les nouvelles armes (mitrailleuses de 12.7 mm ou canons) étant trop lourdes, induisaient une très forte traînée additionnelle et elles tiraient des munitions trop pesantes (la charge de cartouches du B 40 atteignait près de 6 000 kg !).
3 - La Chasse accompagne les bombardiers. L'image que l'on voit à travers le regard d'Hollywood dans laquelle les chasseurs amis volent à quelque dizaines de mètres de leurs bombardiers, est totalement trompeuse.
Evidemment, la base de l'efficacité de la Chasse repose sur le choix d'un chasseur qui doit toujours être dirigé par ses qualités de destructeur des avions ennemis.
Le Morane 406 n'avait aucune de ces qualités-là ; Par contre, le Nieuport 161 les avait toutes.
4 - Les Allemands avaient une méthode complémentaire très efficace contre notre pays qui restait dépourvu de système radar : Ils privilégiaient les attaques de fin de nuit sur nos aérodromes.
Si nous avions agi rapidement à l'imitation de ce que faisait l'ennemi (en partant du principe que ce qui est efficace contre nous l'est forcément aussi contre lui), la Luftwaffe aurait perdu une bonne part de sa nocivité.
Nous avons employé nos bombardiers de nuit pour une action psychologique inaudible par la population d'un pays saturé de propagande. L'emploi de ces avions contre les bases aériennes ennemies aurait été beaucoup plus efficace.
5 - L'action anti-blindés, en elle-même, n'était pas impossible : Elle fut quotidienne sur le front soviétique (Roger Sauvage, Un du Normandie-Niemen).
Telle qu' imaginée en 1940, elle était hyper coûteuse par cette volonté idiote de faire deux passes.
Par ailleurs, on aurait eu avantage à y employer des Bloch 151 ou 152, plus robustes que les MS 406 et certainement plus agiles que les Bréguet 693, qui auraient aussi eu leur place à tenir dans cette partition.
Notre Armée de l'Air et le ministre de l'Air avaient accepté de se faire imposer un avion de chasse particulièrement médiocre, très long à fabriquer et structuralement archaïque (= dont on ne pouvait pas donc faire dériver des successeurs brillants).
Les Allemands, eux, avaient choisi un Messerschmitt 109 très avancé et très efficace.
Le Royaume Uni, s'il comptait essentiellement sur plusieurs avions gentiment médiocres (le Defiant, trop lourd et désarmé vers l'avant , le Gladiator, trop lent mais très manœuvrant, le Hurricane, lent et mal armé, le Blenheim, lent et portant trop peu, et le Whitley trop lent) pouvait compter à moyen terme sur un Spitfire aussi rapide que le Messerschmitt mais bien plus manœuvrant.
Les opérations de guerre démontrèrent que le Morane était incapable de remplir les missions normalement demandées.
Les pertes d'avions se firent importantes même au début de l'offensive Allemande. Après la bataille, des gradés accusèrent leurs pilotes de ne pas savoir voltiger. Les pilotes de chasse Allemands ne les ont pas jugés ainsi.
Nos généraux de l'Air (sans que je sache qui ils étaient), se montrèrent soucieux de conserver leurs pilotes, essayèrent cette solution de l'escorte, qui ne fonctionna que très moyennement.
Dans les faits, je retiens surtout que nos généraux infligèrent au CEMA et aux différents décideurs du Ministère de l'Air un sacré démenti quant à leurs évaluations du MS 406.
Ils ont ainsi démontré que le CEMA avait complètement failli à sa mission qui ne pouvait être que "choisir le meilleur chasseur possible pour la France".
Je doute qu'ils auraient eu le même problème si le Ministère de l'Air avait choisi le Nieuport 161, mais cela, vous vous en doutiez !
{D'un autre côté, la sérieuse revue US Defense News a publié, le 28 Mai 2020, The F 22 imperative, un article de MM Deptula & Birkey.
Après l'écrasement d'un F 22 Raptor, le 15 Mai 2020, ces auteurs s'inquiètent des risques d'attrition du parc des F 22 aux USA.
Ils soulignent l'importance de ce chasseur pour assurer la supériorité aérienne US sur tous les champs de bataille.
Ils insistent aussi pour dire que le F 35, tout excellent qu'il soit (?!), ne peut en aucun cas remplir le rôle de chasseur absolu joué par le Raptor.
Sur les 183 de ces avions toujours en service en 2019, 33 servent essentiellement à l'entraînement au combat. Ce sont des versions anciennes (block 20).
Alors les auteurs proposent de mettre ces avions au meilleur standard à la fois pour délivrer un message puissant aux adversaires éventuels (pour un coût très modeste) et pour permettre à cette flotte de durer jusqu'à la mise en service de son successeur.
En d'autres termes, ces auteurs semble persuadés que les F 35 non escortés par des F 22 auraient une faible chance de survie. L'Histoire se répéterait-elle ?.}
- D'abord, elle établit SA propre maîtrise du ciel situé au-dessus de ses propres troupes (surtout lorsque celles-ci sont à l'offensive) ;
- Ensuite, elle va réaliser la même chose au-dessus du champ de bataille (ce qui est, par définition, plus difficile) ;
- Une fois ces deux étapes réalisées, elle peut établir sa domination au-delà des lignes ennemies pour que le territoire de l'adversaire soit à la merci des coups des bombardiers amis.
Ces trois étapes imposent de respecter plusieurs conditions :
- Disposer de pilotes aptes à faire face à toutes les situations (ce qui n'a rien de simple).
- Bien sûr, les avions de Chasse équipant ces pilotes doivent satisfaire à un certain nombre d'exigences pour détruire rapidement le plus possible d'avions ennemis :
- Dans ce but, leur conception doit leur permettre de rattraper les avions ennemis.
- Ils doivent grimper rapidement à quelque altitude que ce soit, même les plus hautes, pour interdire les reconnaissances de l'ennemi, voire limiter au maximum l'importance d'un bombardement sur un dispositif militaire ami.
- Dans le cas où un combat serait mal engagé (ou en cas de panne sèche de munitions), ces avions doivent permettre à un pilote normalement entraîné de s'échapper et de rentrer à la maison.
- Enfin, un système d'alerte efficace doit permettre à nos avions de décoller au plus vite et, en même temps, de se trouver dans la meilleure situation tactique possible (i.e. nettement plus haut que l'adversaire pour l'attaquer avec une vitesse très supérieure à la sienne et dans le soleil, pour qu'il soit surpris).}
"Etat des lieux" de la Chasse Française le 10 Mai 1940 à 04:00
En Mai 1940, l'Etat-Major de l'Armée de l'Air, réellement conscient des principes édictés ci-dessus, avait perdu toutes les illusions qu'il aurait pu éventuellement garder sur le "chasseur" Morane Saulnier 406, malgré l'avalanche des rodomontades de Pierre Cot et des têtes pensantes du CEMA qui l'influençaient.
Les expériences opérationnelles de Novembre 1938, au cours desquelles le MS 406 avait été dominé par les meilleurs chasseurs de la génération de 1932, n'avaient abouti qu'à l'exil du GC I/7 en Syrie (où rien ni personne ne menaçait nos armes).
Personne n'avait osé remettre en cause la fabrication de ce chasseur.
Les difficultés tactiques de ce chasseur furent confirmées à l'occasion de combats simulés entre lui et le Curtiss H 75, avion qui, de ce fait, enthousiasma le capitaine Rozanoff au point de se faire mobiliser dessus en 1940, plutôt que sur MS 406 (2 victoires).
Pendant la Drôle de Guerre, les combats réels du Morane 406 avec le Messerschmitt Bf 109, confirmèrent la situation préoccupante de notre Armée de l'Air : Le "meilleur chasseur du Monde" des politiciens Français de 1936 / 1937 était archi-dominé par le Messerschmitt Bf 109 E.
Les difficultés tactiques de ce chasseur furent confirmées à l'occasion de combats simulés entre lui et le Curtiss H 75, avion qui, de ce fait, enthousiasma le capitaine Rozanoff au point de se faire mobiliser dessus en 1940, plutôt que sur MS 406 (2 victoires).
Pendant la Drôle de Guerre, les combats réels du Morane 406 avec le Messerschmitt Bf 109, confirmèrent la situation préoccupante de notre Armée de l'Air : Le "meilleur chasseur du Monde" des politiciens Français de 1936 / 1937 était archi-dominé par le Messerschmitt Bf 109 E.
Malgré les plaintes des pilotes de chasse volant sur Morane, la drôle de guerre ne semble pas avoir fourni à nos décideurs d'informations suffisantes sur la valeur opérationnelle du Morane-Saulnier 406 pour qu'il soit transféré à sa vraie place, plus de 200 km en retrait du front.
Au mois de Janvier 1940, la mise au point du Bloch 152 venait à peine d'être terminée.
Les exemplaires qui sortaient d'usine ne bénéficiaient pourtant pas encore du capot moteur à prise d'air de 0.85 m de diamètre ni des échappements propulsifs.
L'essentiel des MB 152 équipant les GC avaient encore le capot à prise d'air d'un mètre de diamètre (donc, V max = 482 km/h au lieu de 515 km/h). Donc, les Bloch 152 de la campagne de France avaient sensiblement les performances officiellement attribuées (très malhonnêtement) au Morane 406 (mais une puissance de feu double).
De même, le Dewoitine 520, bien au point en Février 1939 avec le moteur 12 Y 29, n'avait pas été construit tel quel.
On avait changé le moteur pour disposer du compresseur Szydlowski-Planiol (effectivement très supérieur), on l'avait alourdi de 150 kg et on avait supprimé sa béquille arrière sans mettre au point sa roulette de queue (!).
L'ancien avion - refusé - atteignait pourtant déjà 525 km/h et serait sorti en grande série dès la fin du Printemps 1939...
La nouvelle version, la seule réellement construite en série, était un peu plus rapide (de 10 à 15 km/h), surtout en montée à haute altitude.
Mais elle avait un très gros défaut : Il avait fallu reprendre les études de centrage et lui apporter énormément de modifications "de détail" qui ont retardée de 9 à 10 mois son entrée en service.
Leçon de Vérité en 4 actes
{Les données viennent essentiellement de l'excellent livre de M. Comas et al., Le Morane-Saulnier 406, Lela Presse}
Heureusement, les pertes n'avaient pas été vraiment dramatiques pendant la Drôle de Guerre.
Heureusement, les pertes n'avaient pas été vraiment dramatiques pendant la Drôle de Guerre.
La raison pouvait venir aussi bien d'une formation insuffisante des pilotes Germaniques que de la volonté Allemande de nous endormir.
Du point de vue de notre Chasse, la Campagne de France peut grossièrement se découper en 4 Actes, tous imposés par l'ennemi.
I - Du 10 au 13 Mai, le gros de la Jagdwaffe (= Chasse Allemande) était presque exclusivement positionnée au-dessus des Pays Bas, pour persuader les généraux Alliés que la suite des opérations allait ressembler au plan de campagne de Août-Septembre 1914.
Cette désinformation allait très bien marcher.
II - Du 14 au 22 Mai, la Luftwaffe protégeait l'offensive de Guderian et Rommel (le fameux coup de faux).
Cela s'accompagna du bombardement systématique des aérodromes Français.
III - Du 23 Mai au 2 Juin, l'action de la Luftwaffe se concentra sur divers éléments de la poche Dunkerque-Lille car il s'agissait de détruire d'un seul coup les armées Belges, Britanniques et Françaises et 70 % de leur équipement.
Une grande part de cet effort fut consacrée à la destruction de navires de transports ou de DCA (par des Ju 87 Stuka).
L'autre part servit à détruire les défenses de la poche, impeccablement tenues par les soldats Français.
IV - Du 3 au 24 Juin, l'aviation ennemie se concentra sur le soutien des offensives en cours. La déclaration de Paris comme ville ouverte (11 Juin 1940) et, à partir du 16 Mai, le transfert de l'essentiel des groupes de chasse Français de l'autre côté de la Méditerranée avait grandement facilité la tâche de la Wehrmacht et de la Luftwaffe.
Premier acte :
L'état-major de l'Armée de l'Air avait placé ses divers groupes sur diverses bases sans qu'il me soit possible d'en tirer une doctrine particulière, sauf, peut-être, que le Curtiss H 75 était considéré comme la meilleure carte de sa "main", puisque placé plutôt en protection de Paris.
La Chasse Allemande n'avait pas assez d'avions disponibles pour escorter tous les bombardiers Allemands survolant la France : Alors concentrée essentiellement sur la Belgique et sur les Pays-Bas, elle renforçait la crédibilité de l'hypothèse d'une reprise d'un plan Schlieffen généralisé.
Rappel : Au premier jour de la campagne, la majorité des bombardiers Allemands n'étaient pas escortés. Pendant leur vol au-dessus de notre territoire, par contre, ils étaient parfaitement guidés par des moyens radio-électriques.
Sept groupes équipés de Morane faisaient partie du comité de réception :
- Le III/1, à Norrent-Fontes (dans le 62), fut le meilleur de tous les groupes de Morane-Saulnier, abattant 8 bombardiers au prix d'un seul appareil détruit en combat (pilote blessé).
- Le I/2, à Toul-Ochey (54), obtenait 4 victoires (dont 1 sur un Bf 109 E), sans perte.
- Le II/7, à Wez-Thuisy (51), obtenait 4 victoires au prix de 2 avions perdus au combat (ils avaient rencontré une escorte de Bf 110), mais aussi 9 pertes par bombardement.
- Le III/2, à Cambrai-Niergnies (59), obtenait 3 victoires mais perdait 4 Morane en combat et 10 autres par suite d'un bombardement.
- Le III/7, à Vitry-le-François (51), validait 2 victoires, perdait 1 avion en combat, mais aussi 3 autres par bombardement.
- Le II/2, à Laon-Chambry (02), avait obtenu 2 victoires mais il avait perdu 1 MS 406.
- Le III/6, à Chissey (39), obtenait 2 victoires mais perdait 2 avions en combat.
Si le III/3 et le I/6 (comme, évidement, le I/7), ne perdaient aucun avion, c'était uniquement parce qu'ils n'étaient pas correctement positionnés face à l'assaut Germanique :
- Le III/3 était à Beauvais, en région Parisienne. Dans l'après-midi du 10 Mai, il fut envoyé à Maubeuge.
- Un "super stratège" avait envoyé le I/6 renforcer la défense contre l'Italie, alors très réticente à une confrontation !
- Pour je ne sais quelle raison, cette unité n'allait pouvoir entrer en lice que le 18 Mai !
- Le I/7 était à Rayak, en Syrie, puni pour son incapacité à démontrer la supériorité du MS 406 !
Le premier jour
Les 7 groupes de MS 406 réellement présents le 10 Mai 1940 sur le front totalisaient de l'ordre de 170 chasseurs, une force non négligeable.
Bien que ces 7 groupes de Chasse aient, ce jour-là, bénéficié des meilleurs conditions possibles (quasiment pas de Chasse Allemande), seulement 25 victoires avaient été obtenues ce qui correspond à une moyenne de 3.57 avions abattus par groupe.
Cependant, ces victoires avaient été payées par 11 MS 406 perdus en combat.
En outre, 22 Morane avaient été perdus à cause de bombardements des terrains . Cela signifie qu'un total de 33 Morane - environ 1/5 de l'effectif initial - avaient disparu en moins d'une journée.
Si les trois groupes absents avaient été présents, il y aurait pu y avoir une quinzaine de victoires en plus et, probablement, moins de pertes à la fois en l'air et au sol.
Cependant, il était plus qu'évident que les pilotes de MS 406, malgré leurs qualités exceptionnelles de pilotage et leur courage, avaient énormément souffert.
Les généraux placés à la tête de notre Chasse en étaient conscients et n'ignoraient évidemment rien des graves défauts du Morane-Saulnier 406.
Cela peut expliquer qu'ils choisirent la solution très étonnante de fournir une escorte de chasse à certains des groupes équipés de chasseurs Morane 406.
Les escortes furent demandées à des groupes équipés d'avions plus performants qui allaient du MB 152 au Curtiss H 75 et, bien sûr, au Dewoitine 520.
1 - Le 14 Mai, la première mission officielle fut lancée pour protéger sept MS 406 du III/7 qui décollèrent pour couvrir le secteur Sedan-Flize. Leur couverture était assurée par 9 D 520.
Ces MS 406 ont abattu 4 Hs 126 d'observation. L'adjudant Albert Littolff devenait ainsi le premier as sur Morane.
Les missions d'escortes (acte II)
Les escortes furent demandées à des groupes équipés d'avions plus performants qui allaient du MB 152 au Curtiss H 75 et, bien sûr, au Dewoitine 520.
1 - Le 14 Mai, la première mission officielle fut lancée pour protéger sept MS 406 du III/7 qui décollèrent pour couvrir le secteur Sedan-Flize. Leur couverture était assurée par 9 D 520.
Ces MS 406 ont abattu 4 Hs 126 d'observation. L'adjudant Albert Littolff devenait ainsi le premier as sur Morane.
Pendant ce temps-là, les D 520 ont abattu plusieurs Bf 109.
Aucune perte ne fut à déplorer : Le moral des pilotes Français grimpe au plus haut.
Ce moral de vainqueur explique ce que, personnellement, je considère comme un succès lors de la mission suivante, à savoir à 17:30, la célèbre mission des 14 bombardiers Amiot 143 du Commandant de Laubier sur Sedan.
Aucune perte ne fut à déplorer : Le moral des pilotes Français grimpe au plus haut.
Ce moral de vainqueur explique ce que, personnellement, je considère comme un succès lors de la mission suivante, à savoir à 17:30, la célèbre mission des 14 bombardiers Amiot 143 du Commandant de Laubier sur Sedan.
Les 9 Morane qui les escortaient, commandés par Albert Littolff, tinrent en échec, pendant 30 minutes (!) 12 Messerschmitt 109 volant 2 000 m au dessus du dispositif Français.
Cette mission est décrite universellement comme une mission suicide.
Mais les vraies pertes (deux bombardiers totalement détruits avec 3 morts et deux survivants pour leurs 2 équipages, plus un bombardier posé en campagne pendant son trajet de retour), certes très douloureuses, sont dues essentiellement à une altitude de bombardement trop basse et n'ont rien à voir avec les missions non escortées menées de jour par la RAF sur les ponts de Maastricht.
En réalité, perdre 3 avions sur 14 (21.5 % de l'effectif), ce jour-là, montre un vrai succès défensif pour la Chasse Française.
2 - Le 16 Mai, 9 Bloch 152 protègent 6 Morane du GC II/2 qui étaient en mission de couverture. Aucun incident : Succès.
3 - Le 17 Mai, 6 Dewoitine 520 du GC I/3 protègent 9 MS 406 du même groupe II/2. Pas de chasse Allemande, mais la Flak se fait entendre. Succès mitigé.
4 - Le 21 Mai, pour protéger un débarquement de troupes à Montdidier, 24 MS 406 des GC III/7 et III/1 sont protégés par 9 Bloch 152. L'intervention de Bf 109 pose un gros problème aux avions du II/7 (4 Morane descendus, mort du Lt Dyma).
L'adjudant Gagnaire abat un Bf 109. Cette mission est un grave échec.
5 - Le 21 Mai, toujours, 18 Morane décollent l'après-midi pour couvrir le secteur de Cambrai-Bapaume. Ils sont protégés par 9 Dewoitine 520 du GC I/3. Cependant, les nuages abondants vers 2000 m, amènent la patrouille basse à voler pendant 30' au-dessous de 2000 m.
La Flak s'en donne à cœur-joie : 4 avions fortement endommagés, un pilote blessé.
5 - Le 21 Mai, toujours, 18 Morane décollent l'après-midi pour couvrir le secteur de Cambrai-Bapaume. Ils sont protégés par 9 Dewoitine 520 du GC I/3. Cependant, les nuages abondants vers 2000 m, amènent la patrouille basse à voler pendant 30' au-dessous de 2000 m.
La Flak s'en donne à cœur-joie : 4 avions fortement endommagés, un pilote blessé.
Six Bf 109 et 3 Bf 110 pique sur les avions encore présents. Trois Morane sont descendus, un pilote est prisonnier, un autre est tué.
Les autres patrouilles n'ont rien vu, rien entendu. La radio ? Quelle radio ! C'est un très grave échec.
6 - Le 24 Mai, 9 MS 406 du GC III/3 et autant du III/6 pour détruire des bombardiers ennemis sous la protection de 9 D 520 du GC II/3.
L'attaque d'un groupe de 20 Dornier 17, y compris par les Dewoitine de l'escorte (!), provoque la riposte de 12 Messerschmitt 110.
Le bilan est lamentable : 3 Morane abattus et deux morts au III/3, un mort (commandant de groupe) et un prisonnier au III/6.
Le bilan est lamentable : 3 Morane abattus et deux morts au III/3, un mort (commandant de groupe) et un prisonnier au III/6.
Tout cela pour 3 victoires - un Bf 110 pour le Cne Duval (III/3) et deux Do 17 pour l'Adj. Japiot (III/6). Les Dewoitine descendent deux Do 17 dont un probable. C'est un grave échec.
7 - Le 26 Mai, 12 MS 406 escortent deux Potez 63-11. Ils sont protégés par 6 Curtiss du GC I/4. Le dispositif est attaqué par une vingtaine de Messerschmitt 109.
7 - Le 26 Mai, 12 MS 406 escortent deux Potez 63-11. Ils sont protégés par 6 Curtiss du GC I/4. Le dispositif est attaqué par une vingtaine de Messerschmitt 109.
Les Curtiss descendent 4 Bf 109 aux prix de 3 des leurs. Si les Morane perdent deux avions et deux pilotes prisonniers, cela est compensé par 8 victoires. Succès mitigé.
8 - Le 27 Mai, 9 Morane du III/3 protègent 2 Potez 63-11 de renseignement sous la protection de 9 Bloch 152 du GC I/8. 2 Bloch ne rentrent pas. Bilan mitigé.
9 - Le 30 Mai, 9 MS 406 du III/7 sont engagés entre 17:15 et 19:00 au dessus d'Abbeville sous une ombrelle mixte de Bloch 152 du GC I/8 et de D 520 du GC I/3. La Flak endommage 2 Morane. Bilan positif.
Acte III
10 - Le 3 Juin, 9 Morane du GC III/7 décollent à 13:35 pour contrer 20 He 111 engagés dans l'opération Paula qui reviennent à la maison. Un He 111 descendu par Littolff et Martin. Intervention de 10 Bf 109. Le MS 406 de Martin doit se poser et son pilote est blessé.
Quatre Dewoitine viennent dégager les autres MS 406. Bilan mitigé.
11 - Le 6 Juin, cinq MS 406 décollent pour protéger des Br 693 associés à des LéO 451. La protection de D 520 est réalisée par les GC I/3 et II/7. Les Morane sont attaqués par une formation de Bf 109. Le Cdt Maurice Arnoux, durement touché, en feu, percute le sol. Échec.
12 - Le 8 Juin, à 15:30 huit Morane décollent pour une mission de destruction au Sud de la ligne Rouen-Amiens, sous la protection de Dewoitine 520.
Les Morane, positionnés dans le Soleil, surprennent 9 Messerschmitt 109 E. Le Cne Williame attaque instantanément et descend un premier Bf 109 avec les S/Lt Audebert et Chalupa.
Il descend aussi, dans la foulée, 2 autres Bf 109. Williame devient un as. Il se pose à Coulommiers à 16:45. Succès !
13 - Le même 8 Juin, mais en fin de journée et avec neuf MS 406 du même groupe, escortés par des D 520 du II/3 et des Bloch 152 du II/6, repartent vers Soissons. Ils surprennent une formation de Ju 87 Stuka à 19:45.
Six Stuka sont descendus. Trois le furent par Williame (dont un en collaboration avec le Lt Monty). Deux Morane sont détruits, dont celui du Lt Monty qui est tué. L'autre pilote revient au groupe indemne. Succès mitigé.
Sur les 13 missions d'escorte organisées, 6 sont des réussites, 4 sont des échecs et les 3 dernières ont un bilan médiocre.
Les résultats ne semblent pas imputables au type d'avions employés pour l'escorte, mais bien plus, à l'entraînement pour faire ce type de missions, voire, aux pilotes escorteurs eux-mêmes.
Deux de ces missions marièrent deux types différents d'escorteurs (Dewoitine 520 et MB 152), ce qui signifie qu'alors 3 chasseurs de types différents coexistèrent dans le même espace de combat, ce qui rendait particulièrement difficile toute coordination des actions, surtout lorsque ce genre d'action n'avait jamais été expérimenté au préalable.
Le bilan, du point de vue des avions escorteurs
Là, le bilan n'est pas faramineux : Souvent, on voit que les avions escorteurs subissent eux-mêmes des pertes.
Une première explication vient d'un mauvais emploi des radios.
13 - Le même 8 Juin, mais en fin de journée et avec neuf MS 406 du même groupe, escortés par des D 520 du II/3 et des Bloch 152 du II/6, repartent vers Soissons. Ils surprennent une formation de Ju 87 Stuka à 19:45.
Six Stuka sont descendus. Trois le furent par Williame (dont un en collaboration avec le Lt Monty). Deux Morane sont détruits, dont celui du Lt Monty qui est tué. L'autre pilote revient au groupe indemne. Succès mitigé.
Le bilan, du point de vue des groupes de Morane
Sur les 13 missions d'escorte organisées, 6 sont des réussites, 4 sont des échecs et les 3 dernières ont un bilan médiocre.
Les résultats ne semblent pas imputables au type d'avions employés pour l'escorte, mais bien plus, à l'entraînement pour faire ce type de missions, voire, aux pilotes escorteurs eux-mêmes.
Deux de ces missions marièrent deux types différents d'escorteurs (Dewoitine 520 et MB 152), ce qui signifie qu'alors 3 chasseurs de types différents coexistèrent dans le même espace de combat, ce qui rendait particulièrement difficile toute coordination des actions, surtout lorsque ce genre d'action n'avait jamais été expérimenté au préalable.
Le bilan, du point de vue des avions escorteurs
Là, le bilan n'est pas faramineux : Souvent, on voit que les avions escorteurs subissent eux-mêmes des pertes.
Une première explication vient d'un mauvais emploi des radios.
La concision et la précision des messages n'étaient pas compris comme indispensables.
Du coup, des informations vitales pouvaient échapper aux pilotes intéressés, ce qui explique, entre autre, la mort du Commandant Maurice Arnoux.
Les chasseurs de 1932 avaient bien des radios, mais personne n'avait travaillé la question sérieusement.
Bien sûr, cela provient d'un faible entraînement pour ce type de travail, peut-être associé à une tendance à rester trop près des avions à protéger (ce qui correspond en général aux désirs des équipages escortés, voir A. Galland, les premiers et les derniers, Yves Michelet ed., 1985).
C'est que, dans l'espace aérien de bataille, l'avion de chasse doit rester un Objet Volant Insaisissable (OVI).
Evidemment, dès lors que son vol reste ancré autour d'une zone restreinte, fut-elle mobile, son mouvement devient prévisible et, pour l'attaquant, il devient une proie, comme les avions qu'il escorte.
En plus, le nombre de pertes reste important, ce qui ne remonte le moral d'aucune des formations.
En Février 2012, j'ai écrit que les avions militaires périmés ne devraient surtout pas être jetés à la poubelle car ils gardent toujours leur capacité militaire. Il faut simplement apprendre à les employer du mieux possible.
Un Morane 406 était, certes, un avion très insuffisant, mais il était encore utilisable.
L'escorte des chasseurs, qui traduisait clairement l'insuffisance de ses performances en tant que chasseur, comme la transformation des Morane-Saulnier 406 en avion d'assaut "pour une charge de Reichshoffen" décidée par le général Romatet, sont deux exemples navrants de mésusage d'un avion pour lequel je n'ai, pourtant, aucune tendresse particulière.
Nos généraux avaient établi une relation d'équivalence entre les Morane 406 et des avions de travail au profit de l'Armée de Terre.
En plus, le nombre de pertes reste important, ce qui ne remonte le moral d'aucune des formations.
Pourtant, cette solution des chasseurs escortés ne resta pas isolée : Elle fut employée par les Britanniques dans la Bataille d'Angleterre, les Hurricane devant se concentrer sur les bombardiers pendant que les Spitfire attaquaient les Messerschmitt.
Que fallait-il faire des MS 406 ?
En Février 2012, j'ai écrit que les avions militaires périmés ne devraient surtout pas être jetés à la poubelle car ils gardent toujours leur capacité militaire. Il faut simplement apprendre à les employer du mieux possible.
Un Morane 406 était, certes, un avion très insuffisant, mais il était encore utilisable.
L'escorte des chasseurs, qui traduisait clairement l'insuffisance de ses performances en tant que chasseur, comme la transformation des Morane-Saulnier 406 en avion d'assaut "pour une charge de Reichshoffen" décidée par le général Romatet, sont deux exemples navrants de mésusage d'un avion pour lequel je n'ai, pourtant, aucune tendresse particulière.
Nos généraux avaient établi une relation d'équivalence entre les Morane 406 et des avions de travail au profit de l'Armée de Terre.
a) Les plaintes des pilotes, à l'Automne 1939, sur les performances de nos chasseurs standards n'avaient pas été instantanément suivies d'une bonne réaction.
- On avait donc réuni un comité Théodule pour rien et un ou deux MS 410 étaient sortis le 15 Juin 1940, donc neuf mois trop tard, avec des ailes neuves, 4 mitrailleuses, un radiateur correct et des échappements corrects.
- On aurait demandé à un ingénieur normal de faire le travail, on aurait gardé les ailes, on changé le radiateur et installé des pipes d'échappement efficaces. On pouvait gagner au moins 6 mois dans ce processus.
- Les Morane auraient gagné près de 30 km/h en vitesse et n'auraient plus grillé leurs moteurs. Face aux bombardiers Allemands, ils auraient eu sensiblement l'efficacité des Hurricane
b) Nos jeunes pilotes, au moment de leur perfectionnement, pilotaient des Morane 317 ou des Morane 230 dont les vitesses n'atteignaient jamais les 210 km/h.
- Pour améliorer (un peu) les choses, on avait commandé des précurseurs du T6 à North-American qui passaient 270 km/h (le T 6 lui-même ne dépassait pas les 350 km/h).
- Cela ne changeait pas grand chose : Nos jeunes pilotes en formation ne dépassaient jamais beaucoup les vitesses d'atterrissage de leurs futurs avions d'armes.
- Il fallait donc impérativement disposer d'un avion de transition pour que ces pilotes tâtent enfin des vitesses au moins doubles.
- Le Morane 406, tel quel, constituait un excellent avion de transition.
c) Dans un deuxième temps, on pouvait s'en servir dans son rôle de chasseur, mais dans une zone moins à la merci de la Chasse ennemie, là où aucun Bf 109 n'aurait pu se trouver.
Ainsi, nous aurions pu disposer facilement d'authentiques pilotes confirmés, habitués aux alertes, aux vols tactiques et à la navigation.
Retour sur la notion d'escorte
L'escorte de chasse a pour but d'éliminer la chasse ennemie du chemin des avions amis.1 - Vers 1916, la notion d'escorte n'a pas encore de réalité : On envoie suffisamment de chasseurs pour éliminer toute menace ennemie dans un secteur donné du front. C'est simple et cela convient pour un champ de bataille relativement restreint (Bataille de Verdun).
2 - Deux ans plus tard, on disposait d'avions lourds, puissamment armés (Caudron R 11), pour éliminer la chasse adverse : C'est la notion de DCA volante, qui donne naissance deux décennies plus tard, aux SE 100 Français et B 40 Américain.
Non, ce ne sont pas les tourelles d'un croiseur de bataille, mais six des 18 mitrailleuses de 12.7 mm d'un Boeing B 40 |
Ce choix fut un échec, les nouvelles armes (mitrailleuses de 12.7 mm ou canons) étant trop lourdes, induisaient une très forte traînée additionnelle et elles tiraient des munitions trop pesantes (la charge de cartouches du B 40 atteignait près de 6 000 kg !).
3 - La Chasse accompagne les bombardiers. L'image que l'on voit à travers le regard d'Hollywood dans laquelle les chasseurs amis volent à quelque dizaines de mètres de leurs bombardiers, est totalement trompeuse.
- Les meilleurs résultats de la Chasse Allemande (Galland, déjà cité) étaient obtenus en faisant précéder la formation des bombardiers par un fort parti de Chasse destiné à balayer tout ce qui volait dans la zone à bombarder.
- Cela n'empêche pas de disposer d'avions de Chasse supplémentaires prêts à descendre les assaillants ayant échapper à l'opération initiale.
- Dans tous les cas, il faut beaucoup de chasseurs !
Evidemment, la base de l'efficacité de la Chasse repose sur le choix d'un chasseur qui doit toujours être dirigé par ses qualités de destructeur des avions ennemis.
Le Morane 406 n'avait aucune de ces qualités-là ; Par contre, le Nieuport 161 les avait toutes.
4 - Les Allemands avaient une méthode complémentaire très efficace contre notre pays qui restait dépourvu de système radar : Ils privilégiaient les attaques de fin de nuit sur nos aérodromes.
Si nous avions agi rapidement à l'imitation de ce que faisait l'ennemi (en partant du principe que ce qui est efficace contre nous l'est forcément aussi contre lui), la Luftwaffe aurait perdu une bonne part de sa nocivité.
Nous avons employé nos bombardiers de nuit pour une action psychologique inaudible par la population d'un pays saturé de propagande. L'emploi de ces avions contre les bases aériennes ennemies aurait été beaucoup plus efficace.
5 - L'action anti-blindés, en elle-même, n'était pas impossible : Elle fut quotidienne sur le front soviétique (Roger Sauvage, Un du Normandie-Niemen).
Telle qu' imaginée en 1940, elle était hyper coûteuse par cette volonté idiote de faire deux passes.
Par ailleurs, on aurait eu avantage à y employer des Bloch 151 ou 152, plus robustes que les MS 406 et certainement plus agiles que les Bréguet 693, qui auraient aussi eu leur place à tenir dans cette partition.
Conclusion
Notre Armée de l'Air et le ministre de l'Air avaient accepté de se faire imposer un avion de chasse particulièrement médiocre, très long à fabriquer et structuralement archaïque (= dont on ne pouvait pas donc faire dériver des successeurs brillants).
Les Allemands, eux, avaient choisi un Messerschmitt 109 très avancé et très efficace.
Le Royaume Uni, s'il comptait essentiellement sur plusieurs avions gentiment médiocres (le Defiant, trop lourd et désarmé vers l'avant , le Gladiator, trop lent mais très manœuvrant, le Hurricane, lent et mal armé, le Blenheim, lent et portant trop peu, et le Whitley trop lent) pouvait compter à moyen terme sur un Spitfire aussi rapide que le Messerschmitt mais bien plus manœuvrant.
Les opérations de guerre démontrèrent que le Morane était incapable de remplir les missions normalement demandées.
Les pertes d'avions se firent importantes même au début de l'offensive Allemande. Après la bataille, des gradés accusèrent leurs pilotes de ne pas savoir voltiger. Les pilotes de chasse Allemands ne les ont pas jugés ainsi.
Nos généraux de l'Air (sans que je sache qui ils étaient), se montrèrent soucieux de conserver leurs pilotes, essayèrent cette solution de l'escorte, qui ne fonctionna que très moyennement.
Dans les faits, je retiens surtout que nos généraux infligèrent au CEMA et aux différents décideurs du Ministère de l'Air un sacré démenti quant à leurs évaluations du MS 406.
Eux réévaluaient ce "chasseur" comme "bombardier dépourvu de bombe".
Ils ont ainsi démontré que le CEMA avait complètement failli à sa mission qui ne pouvait être que "choisir le meilleur chasseur possible pour la France".
Je doute qu'ils auraient eu le même problème si le Ministère de l'Air avait choisi le Nieuport 161, mais cela, vous vous en doutiez !
{D'un autre côté, la sérieuse revue US Defense News a publié, le 28 Mai 2020, The F 22 imperative, un article de MM Deptula & Birkey.
Après l'écrasement d'un F 22 Raptor, le 15 Mai 2020, ces auteurs s'inquiètent des risques d'attrition du parc des F 22 aux USA.
Ils soulignent l'importance de ce chasseur pour assurer la supériorité aérienne US sur tous les champs de bataille.
Ils insistent aussi pour dire que le F 35, tout excellent qu'il soit (?!), ne peut en aucun cas remplir le rôle de chasseur absolu joué par le Raptor.
Sur les 183 de ces avions toujours en service en 2019, 33 servent essentiellement à l'entraînement au combat. Ce sont des versions anciennes (block 20).
Alors les auteurs proposent de mettre ces avions au meilleur standard à la fois pour délivrer un message puissant aux adversaires éventuels (pour un coût très modeste) et pour permettre à cette flotte de durer jusqu'à la mise en service de son successeur.
En d'autres termes, ces auteurs semble persuadés que les F 35 non escortés par des F 22 auraient une faible chance de survie. L'Histoire se répéterait-elle ?.}
Toujours aussi passionnant et documenté !
RépondreSupprimerMerci pour vos articles passionnants que je lis depuis un bon moment. En lisant ceux-ci je finissais par être persuadé que le MS406 était un bon à rien mais pas un instant je n'avais vu qu'il pouvait encore servir comme le Hurricane, ce qui est pourtant juste de bon sens. Bravo à vous de l'avoir vu.
RépondreSupprimerCher lecteur, je vous prie de m'excuser de ne pas avoir été clair.
SupprimerPour que le Morane ait pu être un attaquant de bombardiers (comme le Hurricane), il lui aurait fallu gagner de l'ordre de 25 km/h, pour interdire aux mitrailleurs ennemis de le fragiliser fortement. Pour cela, il fallait, dès les première plaintes du front, faire:
1) la modification des échappements (identiques à ceux du VG 33 ou du D 520),
2) la modification du radiateur.
Sinon, il ne restait que l'option "avion de perfectionnement" et l'option "chasseur de seconde ligne".
Pardonnez-moi.
Bonjour.
RépondreSupprimerMerci pour cet excellent article: votre capacité à délivrer des textes techniques et clairs reste remarquable.
.
Vaste problème que d'employer le matériel aérien au mieux. Les Allemands compterons -enfin- des erreurs capitales au dessus de la Manche et de de l'Angleterre. Ainsi, l'absence d'intrication entre les forces militaires et civiles réduise la nocivité des raids de terreur. La bataille d'Angleterre réduit à son seul terrain aérien permet de jouer à armes égales tandis qu'à son tour, l'Allemagne découvre l'impérieuse nécessité d'escorter ses bombardiers.
Or, c'est en donnant aux Me 109 carte blanche que les dégâts seront les plus importants chez les Défenseurs.
.
Car si le Spitfire est le champion en vol horizontal, le 109 le domine en montée et en descente.
Amicalement, bonne continuation