Origine du concept
Nous savons parfaitement, de nos jours, que le nom d'une marque est entièrement lié à la façon de travailler de ses ouvriers, techniciens et ingénieurs.
Cela passe aussi par la rigueur des cahiers de charges fournis à ses sous-traitants.
De cette manière, ceux qui achètent les productions de la marque peuvent avoir confiance dans la qualités de ce qui leur est proposé.
A l'époque du Front Populaire, et de manière totalement indépendante de la notion politique liée à la nationalisation elle-même, l'intérêt de la lisibilité de la marque d'un produit pour les clients fut considéré comme inexistant par rapport à celui de la lisibilité entre technocrates, politiciens et syndicalistes.
Pour cette raison, on abandonna les noms des firmes historiques qui avaient constitué l’essor de l'Aviation Mondiale au profit d'acronymes sans âmes qui plaisaient uniquement aux technocrates qui les administraient ou, plus exactement, qui pouvaient ainsi annoncer qu'ils en étaient les "chefs".
On avait ainsi préféré SNCAM puis SNCASE à Dewoitine, pour tenter de faire oublier le très grand ingénieur et entrepreneur qui avait créé la marque...
C'est une de ces exceptions françaises qui a conduit, entre autres, à la disparition de nos voitures de luxe parce que les clients qui voient le nom d'une firme savent si elle a, ou non, de l'expérience.
Croyez-vous que les Italiens puissent abandonner la marque Ferrari, de Maserati ou d'Alfa-Romeo ?
Nous, nous l'avons fait, sauf pour Renault, Louis Renault ayant lui-même été assassiné.
Par conséquent, Bugatti, Delage, Delahaye, Talbot, Salmson et Hotchkiss ont disparu au début des années 50 et, de ce fait, maintenant, vous n'entendez plus parler que de marques étrangères (Ferrari, Lamborghini, Jaguar, Porsche, Mercedes) que leur pays ont préservées et qui font ainsi rentrer au pays l'argent qui permet d'équilibrer leur balance des paiements.
Ceci pour expliquer que le bureau d'étude Farman était resté en entier dans la structure de la SNAC et qu'il restait dirigé par l'ingénieur Marcel Roca.
Comme je tiens à ce que mes lecteurs se repèrent facilement, les avions créés par le bureau d'étude de Marcel Roca étaient, au niveau de la lisibilité comme de l'esprit (ce que nos brillantes élites, pourtant nulles en Biologie, se permettent d'appeler l'ADN de l'entreprise), des Farman.
Le plus passionnant de tous les avions de bombardement Français prêt à être produit en 1940 a commencé son existence à la mi-1937, lorsque Marcel Roca décida que son bureau d'étude allait concourir pour le projet d'un bombardier rapide stratosphérique.
Ceci s'inscrivait parfaitement dans la suite des travaux de la Société Farman, parce qu'elle disposait d'une grande expérience dans le domaine de la motorisation, des compresseurs et du vol aux grandes altitudes.
En effet, Henry Farman avait décidé de défricher le vol vers 15 000 m (!) et l'ingénieur Waseige avait réussi à créer de remarquables compresseurs à double ou triple étages pour tenter d'y parvenir (compresseurs si remarquables que leur licence sera achetée en 1938 par Rolls-Royce qui les montera sur ceux des moteurs Merlin qui entreront en service vers 1941-42).
Une réalisation trop lente
Le dessin des plans fut lancé vers la fin 1937 et la construction de l'avion complet, une petite année plus tard.Ce très long délai venait du fait qu'entre temps fut lancée la construction d'un avion pressurisé d'étude de la haute altitude, le NC 130, dont on escomptait obtenir des informations-clefs.
Mais des impondérables empêchèrent cet avion d'étude de voler assez tôt pour que ces renseignement soient recueillis dans les temps.
D'un autre coté, la construction du bombardier NC 150 était mixte, passant du tout métal au tout bois en passant par un mélange des deux.
D'un autre coté, la construction du bombardier NC 150 était mixte, passant du tout métal au tout bois en passant par un mélange des deux.
L'avion avait une masse à vide de 7730 kg, inférieure de 100 kg à celle du Lioré et Olivier 451, et donc supérieure à celle de l'Amiot 351 d'environ 500 kg.
Cela étant dit, la présence du moteur 12 X pour alimenter le compresseur rajoutait justement aussi une masse non négligeable, de l'ordre de 600 kg avec l'eau de refroidissement, l'huile et les accessoires.
La structure même de la cellule était donc hors de cause vis à vis de ce poids un peu trop fort.
NC 150-01 en configuration initiale : On distingue l'empennage bas et les dérives dans l'alignement des fuseaux moteurs Pas d'échappement propulsifs : La vitesse aurait donc pu être encore supérieure. |
Le NC 150-01 vola seulement à partir du 11 Mai 1939.
Ses deux moteur Hispano-Suiza HS 12 Y 32 et 33 de 955 Cv au décollage étaient suralimentés par un seul compresseur NC-C1 (puis NC-C2), lui même entraîné par un HS 12 X de 690 Cv placé dorsalement au-dessus de la soute à bombe et qui disposait encore de 250 Cv à 8 000 m (d'où la qualification de l'avion comme bi-tri-moteurs).
C'était un avion très aérodynamique, avec une voilure de 61.5 m², soit 7 m² de moins que l'Amiot 351 et que le LéO 451.
Les essais montrèrent qu'il fallait modifier l'arrière fuselage pour que son plan fixe horizontal ne soit plus perturbé par le sillage des ailes médianes et permette une bonne stabilité longitudinale.
Pour remonter l'empennage de 40 cm, il fut décidé de scier le fuselage juste en aval des ailes et d'introduire à cet endroit un élément de fuselage en forme de coin en arrière de l'emplanture des ailes. Bien sûr, le calage de l'empennage fut rétabli.
Cela se fit rapidement.
Par ailleurs, la prise d'air située en arrière du disgracieux cockpit du pilote fut rehaussée pour la dégager de la couche limite, permettant ainsi d'alimenter correctement le compresseur.
Dès cet instant, le NC 150 apparu comme un avion particulièrement facile à piloter et, de plus, singulièrement rapide.
Document personnel de l'auteur - Le Farman NC 150 dans ses oeuvres - Le nez est modifié, l'empennage est surélevé comme les dérives. Hélas, toujours pas d'échappements propulsifs... |
En effet, il passait les 630 km/h à environ 8 000 m, altitude atteinte en 19 minutes (pour mémoire, le LéO 451 montait à la même altitude en 28 min !).
En outre, il démontrait une vitesse de croisière économique comprise entre 470 et 500 km/h à 7 700 m !
Le plafond atteignait 11 500 m (comme le chasseur Nieuport 161) et la distance franchissable 2 200 km.
Toutes ces performances étaient supérieures à celles du Mosquito Mk I (à l'exception de la distance franchissable, moitié moindre), bien plus puissant, et qui ne fut opérationnel qu'à la toute fin de 1941.
Intérêt tactique
Bien sûr, le NC 150-01 était un prototype et, à ce titre, il ne possédait pas encore les tourelles de défense prévues mais celles-ci, très profilées, n'auraient probablement pas beaucoup réduit la vitesse de l'avion.D'un autre côté, les moteurs Hispano visibles sur les photos étaient dépourvus d'échappements propulsifs, ce qui surprend, surtout en 1940.
En 1941, les moteurs eussent été des 12 Y 51 nettement plus puissants.
On se rendit compte cependant que la solution bi-tri était irréaliste (Jacques Lecarme disait que, passé 8 000 m, la suralimentation ne suffisait que pour un seul moteur) et les exemplaires suivants étaient censés perdre le moteur 12 X.
La commande d'une série de NC 150 était certaine et même imminente en Mai 1940, mais il est difficile de savoir si la ou les configuration(s) retenue(s) étai(en)t stratosphérique(s) ou classique(s).
Si l'avion était resté spécialisé dans les raids à haute altitude, il se fut frotté exclusivement aux Messerschmitt 109 F, car l'Emile eut été instantanément et irrémédiablement déclassé.
Pour la première fois, les Allemands auraient dû combattre un bombardier exactement aussi rapide que leurs meilleurs chasseurs, et les interceptions leur auraient posé exactement autant de problèmes que celles des Mosquitos deux ans plus tard car ils volaient aussi haut.
Par contre, il est difficile de savoir si des viseurs de bombardements adaptés aux hautes altitudes auraient déjà été opérationnels.
Cependant, il eut été irréaliste d'en attendre une première sortie opérationnelle avant le premier semestre 1941.
Par contre, si la SNCAC avait été un peu plus diligente à sortir cet avion extraordinaire, il aurait pu sortir bien plus tôt, peut être même vers la fin de 1939...
Un dérivé aérodynamique du NC-Farman 150 fut présenté en 1939, le NC 110, probablement prévu pour la haute altitude.
Plus grand que le NC 150, quadrimoteurs mais avec un montage Vernisse de ses moteurs Hispano-Suiza, il aurait certainement disposé d'une vitesse de croisière considérable (~ 600 km / h), comme je l'ai écrit à la fin de ce post sur le VB 10.
(Les données viennent du livre "Léo 45, Amiot 350, et autres B4", Cuny et Danel, Docavia n°23, Larivière)
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