lundi 8 octobre 2012

Oui, les Mirages IV seraient passés ! (complété 14 / 09 / 2022 * ***)


Le Marcel Dassault Mirage IV est un avion mythique.

La Force Française de Dissuasion est tout aussi mythique.

Son histoire débute avec la création du Commissariat à l'Energie Atomique (CEA) par le Général De Gaulle en 1945.


Il est donc logique que les revues qui font vivre l'Histoire et la Gloire de l'Aviation en parlent.

Tout naturellement, Mr. Christian-Jacques Ehrengardt a consacré un passionnant article à ce sujet dans le numéro 31 de sa revue Aéro-Journal.

Mais, qui dit passionnant sous-entend passion. Donc, il y a quelques points sur lesquels je me permets d'avoir un avis différent du sien et, donc, de l'exprimer ici.


L'influence déterminante du "Coup de Suez" en 1956


C'est que, justement, ce sujet me passionne depuis 1956. 

Oui, j'avais 11 ans seulement, mais les conversations familiales tournaient très souvent sur les 2 Guerres Mondiales dont les cicatrices marquaient encore (et marquent toujours) le territoire national.

L'Affaire de Suez m'avait profondément marqué. 

Notre pays, empêtré dans la Guerre d'Algérie, était gouverné par le socialiste Guy Mollet. 

Politicien habitué à manœuvrer ses électeurs et ses camarades de parti, il ne comprenait strictement rien à la politique internationale. 

Il crut donc pouvoir affaiblir le FLN Algérien en attaquant l'Egypte de Nasser conjointement avec la Grande Bretagne et Israël (ce qui rappelait les plans attribués - très généreusement - au général Gamelin en 1939 pour affaiblir les soviétiques "alliés" d'Hitler). 

Malgré un succès militaire initial foudroyant, cette action, trop longtemps retardée (donc complètement éventée), obtint l'effet exactement contraire à celui qu'elle se proposait d'obtenir.

Pour nous faire reculer, et au vu de ces succès même, l'URSS avait clairement menacé notre pays (et le Royaume Uni) de frappes nucléaires.

Inféodés au pétrole, donc à l'Arabie des Saoud, les USA nous avaient abandonnés, nous qui nous pensions  - très naïvement - êtres leurs alliés les plus chers.

Je vois encore les schémas rudimentaires que tous les journaux publiaient pour faire comprendre aux Français la nature des catastrophes qui leur étaient promises. 

Tous les adultes que j'entendais alors pensaient qu'une nouvelle guerre mondiale allait être bientôt déclenchée - nucléaire cette fois - d'autant plus qu'à l'époque USA et URSS pratiquaient fréquemment des essais nucléaires pour mieux maîtriser leurs propres bombes thermonucléaires.

Les autres peuples d'Europe semblaient tous résignés à repartir vers l'Enfer, mais en insistant bien sur le fait que cette guerre serait entièrement de notre responsabilité.

Nos troupes réellement victorieuses se retirèrent donc piteusement, car, pour éviter la reprise des combats entre Israël et l'Egypte, des casques bleus - troupes de l'ONU inventées à cette occasion - vinrent les relever.

Exactement au même moment, les troupes soviétiques noyaient dans le sang la tentative réformatrice d'Imre Nagy en Hongrie (J'ai photographié, 9 ans plus tard (1965), les traces impressionnantes de l'explosion d'un obus soviétique sur le mur aveugle d'une maison de Budapest).

Pour avoir perdu la face, ça, oui, nous l'avions perdue ! Je ne l'ai jamais oublié et ne l'oublierai jamais.



Des conséquences définitives d'un fiasco


Ces événements renforcèrent profondément l'influence Russe au Proche Orient en même temps qu'ils réduisaient définitivement le Royaume Uni au rang de vassal des USA.

En France, cela créa trois faits simultanément : 
  • L'accélération instantanée du programme de création de la bombe atomique, 
  • La mise sur pied d'un vecteur aérien de la dite bombe et... 
  • Le discrédit définitif porté sur la IVème République, comme sur ses politiciens.

Notre armée fut quand même obligée, par le même socialiste Guy Mollet, de livrer la bataille d'Alger (1957), où certains officiers furent entraînés par les mêmes politiques - dont François Mitterrand, ci-devant ministre de l'Intérieur -  à se salir gravement les mains (torture) - et, ce qui est bien plus grave encore, l'âme. 


On connaît la suite : Quelque mois plus tard, en 1958, le Général De Gaulle revint au pouvoir.

Son souci premier, mais secret, fut d'accélérer définitivement le programme de bombe atomique et de le transformer pour créer une force de riposte nucléaire à 3 composantes : aérienne, terrestre et maritime. 

Lorsqu'il demanda aux USA un coup de main pour accélérer l'augmentation de nos compétences nucléaires, il essuya un refus publique et tonitruant (que les Anglais n'avaient pas subi). 

Les politiciens Américains détestaient De Gaulle, détestation exprimée en premier par Roosevelt depuis que De Gaulle avait lancé l'Appel du 18 juin 1940.. 

Un jour, peut-être, un Wikileaks intéressant nous expliquera ce qu'ils craignaient (ou, plus probablement, ce qu'ils désiraient) vraiment...


La première bombe atomique Française, Gerboise Bleue, de conception et de fabrication purement nationales, explosa le 13 février 1960

Avec ses 70 Kilotonnes d'équivalent TNT, elle était (et reste), de très loin, la plus puissante première explosion de tous les pays détenteurs de l'arme nucléaire. Ce n'était évidemment pas un hasard.


Livrer l'Apocalypse au domicile de l'ennemi


Mais la bombe est une chose qui n'a d'intérêt que si elle est livrée en bon état de marche à son destinataire : L'ennemi qui menace la vie même de notre Nation. 

La première étape consistait à la livrer avec un avion.

Le Mirage IV de Marcel Dassault, qui volait magnifiquement depuis la mi-Juin 1959, répondait parfaitement aux attentes de ses concepteurs. 

Il faut dire que, initialement, cet avion avait été conçu comme chasseur à très long rayon d'action. Cela explique ses 
exceptionnelles qualités de manœuvre.

Un avion concurrent était en construction chez Sud Aviation, le SO 4060, œuvre de l'excellent JC Parot, mais cette société nationale n'anticipait jamais rien, ergotait sur tout, perdant ainsi un temps précieux. 

Cet avion ne vola donc jamais.





Mirage IV P (cliquez sur le nom de l'avion pour visiter le magnifique site d'Yves Fauconnier)
un avion et des équipages exceptionnels pour une mission terrifiante...



Le Mirage IV  répondait parfaitement au cahier des charges de l'Armée de l'Air et fut choisi. 

La version initiale paraissait un peu sous-dimensionnée et l'avion de série, le Mirage IV A, un peu plus grand et plus lourd, fut construit à 62 exemplaires.

C'était un avion de 23.50 m de long qui avait une masse de 14 500 kg à vide et de 31 600 kg au décollage (33 500 kg en surcharge).

L'envergure de 11.84 m permettait une surface alaire de 78 m². La charge alaire était donc de 405 kg/m².

L'épaisseur relative de l'aile est de 3.8% à l'emplanture et de 3.2% à l'apex.

Les turboréacteurs SNECMA Atar 9K-50 délivraient 70.61 kN de poussée chacun (avec postcombustion).

La vitesse de pointe atteignait 2340 km/h (Mach 2.2 à 13 125 m d'altitude).

La vitesse de croisière rapide atteignait 1 913 km/h.

Le rayon d'action de combat est de 1240 km.

Le plafond était de 20 000 m.

Le Mirage IV montait à 11 000 m en 4' 15".

La première bombe opérationnelle fut l'AN 11 pesant 1 500 kg et délivrant 60 kilotonnes.
Au début 1967, elle fut remplacée par l'AN 22, ne pesant plus que 700 kg et délivrant 70 kilotonnes.

La composante Air des Forces Stratégiques Françaises fut opérationnelle dès 1964. 

Un sacré tour de force technologique et politique.

En 1988, la bombe nucléaire larguée directement sur son objectif par son bombardier fit place à une tête nucléaire amenée par un missile de croisière, l'ASMP, qui peut allonger la trajectoire jusqu'à 400 km.  



Adaptation à sa tâche 


L'article de Mr. Ehrengardt se termine par une interrogation : Est-ce que nos Mirage IV auraient pu passer les défenses Soviétiques ?

Je me souviens des commentaires assassins de la presse US des années 60 sur ce qu'elle appelait les "prétentions" nucléaires du Général De Gaulle.

Lorsque notre bombe explosa en 1960, les éditorialistes US soulignèrent à l'envie qu'elle ne disposait pas de vecteurs (avions ou fusées) pour aller faire du mal à qui que ce soit. 

En soi, cette argument était particulièrement stupide (soit dit en passant, on aurait tout aussi bien pu mettre notre bombe dans n'importe quel vecteur inattendu).

Lorsque les Mirage IV furent opérationnels, en 1964, les mêmes éditorialistes - dont la compétence se mesurait uniquement à l'importance des prébendes qu'ils recevaient des officines gouvernementales US - mirent fortement en doute la capacité de nos avions à passer les défenses soviétiques.

Ils se fondaient sur le fait insignifiant que des missiles Sol-Air soviétiques S 75 Dvina (code US SA 2) avaient abattu le Lockheed U2 de la CIA piloté par Mr. Gary Powers en 1960. 

Quand les Anglo-Saxons parlaient alors de la "soi-disant" (so-called) force de frappe Française, c'était avec tout la dérision imaginable. 
C'est maintenant, pourtant, qu'ils seraient mieux fondés à parler du soit-disant chasseur F 35 JSFThe so-called fighter F 35 JSF !


L'amiral HG Rickover, the so-called "père" des sous-marins nucléaires US, disait même alors que la France était incapable de concevoir des sous-marins nucléaires (!).

Et, là-bas, on dit que les Français sont arrogants !


Mais, si le Lockheed U2 volait très haut (21 000 m), il y volait très lentement, juste 20 km/h plus vite que sa vitesse de décrochage ! 

Il y était donc particulièrement peu manœuvrant.  

Par contre, le Mirage IV, qui volait certes un petit peu moins haut, était extrêmement rapide (2 340 km/h à ~13 000 m) et très agile

Par ailleurs, sa très longue carrière a démontré l'extrême solidité de sa cellule.


Autrement dit, Mr Ehrengardt a, en fait, posé la même question que les Anglo-Saxons sur la capacité réelle de passage des défenses soviétiques par nos Mirage IV.

A mon avis, tout le monde peut pourtant répondre à cette question avec du simple bon sens.
  • Le Mirage IV a mené des reconnaissances stratégiques jusqu'en 2005 au moins. Cela signifie qu'il est entré largement à l'intérieur des territoires qu'il était justement censé traverser pour livrer "sa" bombe. Il en est revenu, ce qui démontre sa capacité de résistance aux défenses adverses
Laissons de côté celles sur l'Afghanistan (quoique...).
  • Celles sur la Serbie et le Kosovo ont été menées, à ma connaissance, sans perte. 
  • Les moyens Serbes à la fin des années 90 furent suffisamment sophistiqués pour leur permettre d'abattre un F117 ! 

La réalité de ces missions de reconnaissance Françaises est parfaitement attestée, donc ils sont bien passés.



D'ailleurs, le ton des commentaires Anglo-Saxons n'a plus rien de méprisant. 

Ils vont même jusqu'à admettre que l'avion se comportait très bien, comme l'avaient rapporté les pilotes Britanniques qui l'évaluèrent pour essayer de sauver leur force de dissuasion de la mainmise US. 

Mais, pour eux, les dés étaient pipés, grâce à leurs politiciens, le Royaume-Uni n'étant plus qu'un dominion des USA. 










12 commentaires:

  1. Bonjour,

    Vous dites bien le discours des USA vis à vis de ce vecteur mais il serait intéressant d'avoir l'avis d'ex officiers de la défense aérienne de l'ancienne URSS. Nous prenaient-t'ils pour des zozo avec notre Mirage IV ? Ou au contraire les avons nous obligé à accentuer leurs efforts de détections et interceptions ?

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    1. Je n'ai, comme information fiable, que le fait que l'URSS exigeait des USA qu'ils incluent la force de dissuasion Française dans les négociations sur le désarmement nucléaire. Ce que nous avons toujours refusé, la nôtre ayant très vite été définie comme force tous azimuts (Ailleret, RDN, 1967).
      Mais, lorsque je suis allé en URSS en 1971, j'ai pu voir un seul Mig 21 - en vol, au dessus de Tallin - mais surtout des Mig 17 qui n'auraient en aucun cas pu faire de mal à nos Mirages.
      Dans nos revues chéries, on parlait surtout du Mig 25 qui frôlait Mach 3 mais qui n'était apparemment pas du tout fréquent.

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  2. Les Américains ont reconnu depuis que notre force de dissuasion était crédible dès le début. Les raisons de leur hostilité étaient purement politiques. Il semble cependant qu'ils nous aient accordé une aide discrète pour la mise au point de nos sous-marins nucléaires.

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  3. La reconnaissance de la valeur de nos forces stratégiques par les USA est intervenue terriblement tard, exactement comme la reconnaissance officielle par F.D. Roosevelt, en Septembre 1944, du gouvernement provisoire de la République Française et de son chef, Charles De Gaulle.

    N'étant pas dans le secret des Dieux, je ne peux prendre en compte que ce qui me paraît plausible.

    Le seul pays qui ait été aidé par les USA sur le plan nucléaire fut l'Angleterre.
    Elle fut aidée sur les bombes et sur les sous-marins.
    Mais cette aide a eu un prix terrible : La perte de l'indépendance stratégique Britannique.

    Toujours à ma connaissance, les USA sont nos alliés, mais pas plus.

    Il vous suffit de voir comment ils traitent le Rafale pour voir que même en travaillant en Afrique et en Irak dans le même sens qu'eux, nous ne les satisfaisons pas.

    J'en conclus que ces rumeurs d'aide sont juste destinées à faire croire
    i) à notre incapacité dans ces domaines et

    ii) à démontrer qu'ils ont été généreux à notre endroit.

    Jusqu'à preuve du contraire, je ne crois donc pas du tout à une telle aide.

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  4. Bonjour. Sans rentrer dans tous les détails, l'aide américaine a été déterminante à tous les niveaux du développement de la force de dissuasion française : physique fondamentale (avec le transfert de la notion de masse critique dynamique, qui a permis de faire des armes moins dangereuses -pour l'utilisateur- que l'AN-11, plus compactes et plus économes en matières nucléaires), pour les vecteurs (toutes les centrales inertielles des missiles balistiques français jusqu'au milieu des années 1980 étaient fabriquées sous licences américaines Litton et Singer-Kearfoot), pour les équipements de production (sans les malaxeurs achetés aux Etats-Unis durant les années 1960, pas de MSBS ni de SSBS), pour le déploiement (pas de Mirage-IVA sans C-135F), et de façon absolument déterminante, pour le ciblage et pour la connaissance des défenses aériennes soviétiques, sous le forme de réunions semestrielles secrètes entre états-majors dès 1967. Si les Mirage-IVA "étaient passées", cela aurait été au premier chef en contournant les sites de S-200 (SA-5 Gammon) soviétiques dont la localisation avait été communiquée par les Etats-Unis. Et l'aide britannique de l'AWRE d'Aldermaston a été déterminante pour la mise au point de l'arme thermonucléaire française, le CEA/DAM étant parti en 1962-66 dans une impasse physique complète (cf les mémoires du directeur du centre de Chatillon de l'époque, Pierre Billaud). Le réacteur des SNLE Redoutable était directement inspiré du S3W américain, sur lequel la DCN avait obtenu de Westinghouse, avec l'autorisation de l'administration Johnson, des informations très complètes en 1964 (heureusement d'ailleurs, la tentative de réacteur nucléaire national à l'U naturel pour le Gymnote en 1959 ayant abouti à un réacteur plus volumineux que le sous-marin tout entier !). Comme vous le savez, l'industrie française des réacteurs de puissance à bénéficié de très importants transferts de technologies américaines des la fin des années 1950 (FRAMATOME : "société FRAnco-AMéricaine d'énergie ATOmique") et les brevets PWR de Westinghouse ont été à l'origine de cette industrie. J'ajoute que les élucubrations d'Ailleret dans la RDN de 1967 sur une dissuasion "tous-azimuts" qui laissait entendre (stupidement) que la France pourrait un jour avoir besoin d'exercer une dissuasion à l'égard des États-Unis n'a jamais été la doctrine officielle française ; de Gaulle, dans ses dernières instructions à un CEM des armées en novembre 1968 était d'ailleurs très clair sur ce point. Cordialement

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    1. Bonjour. A vous lire, l'aide US n'a commencé qu'après les premiers essais nucléaires Français et la construction de la bombe AN 11 dont vous sous-entendez qu'elle était une bombe sale. Donc, quand cette aide arrive, elle n'était déjà plus décisive.

      Je ne doute pas que nos généraux et les généraux US se soient mis d'accord sur les sites, ce n'est pas à proprement parler une aide, c'est juste un comportement logique entre alliés.

      Si les S 200 sont des missiles très rapides, vous m'excuserez de ne pas prendre pour argent comptant la probabilité de 0,85 d'impact pertinent, en particulier dans la période de référence. La charge explosive très considérable de 245 kg ne plaide d'ailleurs pas pour un missile hyper-précis.

      J'ai vécu en 1991, devant ma télévision, les tentatives d'interception de Scud Irakiens par des missiles Patriotes installés en Israël et ce ne fut pas du tout concluant. Les Scud étaient rapides, certes, mais ils n'étaient pas pilotés.

      Une fois que nos bombardiers nucléaires volaient, il devenait simplement ridicule de continuer à se moquer de nous.

      Nous avons eu a subir maintes moqueries sur nos SNA et SNLE (voir les propos de l'amiral Rickover)...

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  5. Bonsoir. Non, le transfert du concept de masse critique dynamique est antérieur (1958, lors d'une visite du CEA/DAM au LANL) ; simplement ce concept devait être validé par l'engin de l'essai Gerboise verte prévu pour mai 1961 ; l'engin dut être mis à feu dans la précipitation et de mauvaises conditions météo le 25 avril 1961 pour éviter qu'il ne tombe entre les mains des généraux putschiste d'Alger et fût un fizzle, ne donnant pas les renseignements attendus et ne validant pas la conception d'un engin opérationnel dérivé. La première arme opérationnelle AN-11 dut en conséquence être construite selon le concept initial et était dangereuse (au sens de sûreté nucléaire, pas "sale") car dépassant la masse critique à l'état alpha.
    En soi, la conception théorique d'une arme nucléaire ne représentait pas un exploit. Vers 1960, pour rester en Europe, la Suède, l'Italie et la Suisse disposaient de cette capacité, des matières nécessaires, et au moins pour les deux premiers, des vecteurs (c'est à eux que pensait Kennedy quant il pronostiquait 20 Etats dotés en 1970, pas à l'Iran ou au Pakistan, et contre eux qu'a été créé le TNP). L'aide américaine à la France sur tout le reste a été décisive, notamment les C-135F, la navigation intertielle et la production industrielle de gros moteurs à poudre. La France des années 60-70 n'aurait eu aucune possibilité de substituer des développements nationaux. La coopération américaine sur les défenses soviétiques et surtout le ciblage n'allait pas de soi, compte tenu des relations franco-américaines durant la période.
    La probabilité de réussite du S-200 sur un avion supersonique en altitude était élevée ; la charge importante s'explique par la nécessité de détruire à coup sûr un avion de grande taille employant des ECM, comme un B-58, même avec une mise à feu relativement éloignée de la cible (d'où l'existance d'une version à charge nucléaire). En général, les résultats obtenus en 1991 par le Patriot contre les SS-1c durant les guerres du Golfe ont été très sous-estimés en France du fait de l'impopularité de la thématique ABM et anti-missile (syndrome du renard et des raisins : hors d'atteinte, donc mauvais). Israël est un bon exemple de succès de la défense anti-missile, avec de la persévérance et des moyens.
    Cdlt

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  6. Merci de vos informations.
    Par contre, la totalité de mon information sur les patriotes vient des USA. Nos journalistes, eux, étaient scotchés devant le spectacle.

    La thématique ABM, de mon point de vue, est un problème technique passionnant pour l'ingénieur mais horriblement coûteux, pour les contribuables.

    Une tactique élémentaire de saturation suffit toujours à rendre les ABM faillibles.

    Je ne doute pas que, avec de la persévérance, on arrive un jour à obtenir de tels objets à un prix "raisonnable".

    Nous n'y sommes pas encore, sauf si nous voulons faire cramer un missile en train de s'élever du sol, phase bien délicate.


    Le B 58 que vous citez était un avion rapide, certes, mais extrêmement délicat à piloter malgré une une charge alaire seulement moyennement élevée (~500 kg/m²).

    L'exemplaire qui avait reçu le prix Louis Blériot s'écrasa pendant le salon du Bourget...

    Il n'avait rien à voir avec un Mirage IV A.

    Il fut retiré du service seulement 10 ans après son entrée en service.

    Le Vigilante, de la Navy, strictement contemporain, fut un bien meilleur avion et dura 9 ans de plus.

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  7. merci. Je reviens longtemps après sur cet échange. Je ne suis pas sûr de bien comprendre les guillemets autour de "allié" appliqué à l'URSS vis-à-vis du IIIème Reich après le pacte germano-soviétique du 23 août 1939. Dans la conception de Staline en tous cas, l'URSS et le IIIème Reich étaient bien des alliés, d'abord pour se partager la Pologne, les États baltes et la Finlande (mais là Staline va se casser les dents) et dépouiller la Roumanie, mais surtout à long terme : quand Molotov se rend à Berlin en décembre 1940 pour négocier la suite du pacte, c'est lui qui propose une carte de partage du monde entre l'URSS et le IIIème Reich, qui par exemple attribue les Indes et l'Iran à la sphère d'influence soviétique. Que Hitler n'ait pas eu la même vision et n'ait pas, lui, considéré l'URSS comme un allié, voyant dans le pacte un choix d'opportunité (lui apportant néanmoins d'énormes bénéfices géo-stratégiques et économiques), c'est probable. Mais la conception soviétique était bien celle d'une alliance durable des deux régimes totalitaires contre les démocraties. D'où le refus de Staline de croire à la réalité des préparatifs allemands ou aux mises en garde britanniques (et de ses propres espions : Sorge), et de prendre des mesures préventives du côté soviétique. Les livraisons soviétiques de matières premières et de céréales, par le train, se sont même poursuivies durant la journée du 22 juin 1941, alors que la Wehrmacht avait déjà lancé l'opération Barbarossa !
    Quant au fait que l'administration Eisenhower ait été en 1956 inféodée à l'Arabie saoudite, il est permis d'en douter : à cet époque les États-Unis sont encore exportateurs nets de pétrole, et s'approvisionnent peu au Moyen-Orient, et c'est plutôt l'Arabie saoudite qui est étroitement liée aux Etats-Unis (dans ce sens) depuis les accords signés sur l'USS Quincy.
    S'agissant du B-58 (toujours un tiret), je ne faisais pas un parallèle entre les deux avions, mais entre les modalités d'emplois, elles très proches. Si le B-58 fut retiré du service après 10 ans de carrière opérationnelle, c'est parce que l'inventaire du SAC était trop réduit (80 avions en unités en moyenne durant les années 1960). Et si la production du B-58 a été limitée (100 exemplaires) et brève(2 ans), c'est parce que le SAC n'en avait pas voulu initialement, simplement parce que l'avion ne résultait pas d'un programme initié par lui, SAC, mais par un autre commandement (l'AMC devenu ARDC), ce qui était un crime de lèse-majesté. Ensuite le SAC avait craint que l'avion ne retarde le bombardier stratégique ultime, le couple WS-110 (le futur XB-70) et WS-110A (le bombardier ANP). Et enfin parce que Curtiss LeMay et Convair se brouillèrent au sujet du financement du développement de versions avancées du B-58, qui ne virent donc pas le jour. Quand le SAC réalisa en 1960-61 que ni l'un ni l'autre des avions du programme WS-110 ne se ferait, il voulut obtenir en catastrophe des B-58A supplémentaires, mais le programme était en train de s'achever sur le plan industriel. Et aussi, si le B-58 a été retiré en 1970, c'est parce qu'il avait un successeur, qui entrait en service (FB-111A) à ce moment-là. Le Mirage IV-A, qui n'était pas vraiment l'avion dont l'Armée de l'air avait rêvé, n'a lui jamais eu de successeur.

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  8. Bonjour.
    Concernant le terme "allié" que j'emploie pour qualifier la relation de l'URSS avec Hitler, les guillemets sont là pour rappeler que la volonté de Staline était peut-être ce que vous dites, mais que, en réalité, Hitler avait publié ses desseins dans Mein Kampf : Coloniser l'Est de l'Europe pour en faire son Lebensraum (espace vital). Cela s'accompagnait de la destruction du communisme sous toutes ses formes. Une alliance implique au moins 2 partenaires.

    OK, l'URSS a bien été gentille avec Hitler, ce qui lui a permis de nous écraser plus facilement, mais lui voulait tenir ce qu'il avait promis.

    Staline était aussi mégalomane qu'Hitler et il avait l'intention de récupérer l'Ouest Européen sous sa domination. Ce qu'il a fait, grâce à Yalta.

    Les accords du Quincy sont clairs et inféodent les USA à l'Arabie Saoudite qui, en échange, devait assurer la fourniture en pétrole. Cela permettait d'assurer une suprématie US dans le monde non communiste.

    Quant au Hustler, on peut raconter ce que l'on veut sur la volonté des état-majors, mais une durée de 8 ans, associée à des pertes conséquentes montre que l'avion n'était pas au point. Ne vous alarmez pas : Le bond technologique était énorme par rapport au B 52 (toujours présent).

    Le F 111, entré en service en 1967, a, lui, duré jusqu'en 2010.

    Enfin, le Mirage IV a eu un successeur exact, le Mirage 4000, que nous n'avons pas pu nous payer. Mais le Rafale assure le travail.

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  9. Bonjour.
    .
    Si les relations entre le générale de Gaulle et les présidents Américains sont exécrables, les liens unissant les industriels des deux pays sont en revanche fort bons.
    Si la vente des avions ravitailleurs KC 135 est une véritable aubaine pour les F.A.S., elle n'est pas autant représentative que le prêt des premiers super-calculateurs d'IBM et le transfert technologique des centrales inertielles et leur système de réglage infrarouge des Super-Etendards pratiquement offert à Sagem (c'est du moins ce qu'en dit "le fana de l'aviation hors série consacré au Super-Étendard).
    .
    Mais revenons au prêt du super calculateur récemment installé place Vendôme à la société Dassault: si la cellule du Mirage IV était d'un dessin assez simple (un mirage III avec le double de taille et de moteurs), le système de navigation était une autre paire de manche...
    J'ose même dire que rien de neuf avait été développé dans ce domaine depuis les radio-compas.
    Il fallu donc créer de toutes pièce un engin préfigurant les centrales de navigation autonomes...A l'époque, un exploit reposant sur des calculs de trigonométrie, prenant le régime des moteurs comme référence de distance... oui, comme les V1 avec leur hélice compte tour- et un radar de cartographie. Le navigateur devait vraiment une grosse charge de travail!

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    1. Je vous remercie pour votre éclairage extrêmement précis.

      Je me souviens encore de mon admiration lorsque j'ai vu, à la Halle aux vins, le premier CDC 3300 avec ses bandes qui semblaient tourner toutes seules, ses centaines de loupiotes qui clignotaient. Plus tard, je me suis calmé et j'ai compati avec ceux qui tapaient leurs programmes ou (leurs données à traiter) en Fortran sur des fiches de carton percées par des télétypes...

      Les choses ont tellement changé !

      Votre commentaire nous montre le pas de géant que les FAS ont permis de franchir sur le plan technologique : Merci beaucoup !

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