mardi 7 mai 2013

Heinkel 111, un excellent avion, exceptionnellement efficace jusqu'en Octobre 1941, toujours utile jusqu'à la fin (Révisé le 29 / 12 / 2020 )



La Grande Guerre avait montré aux Allemands que le bombardement était une arme puissante.

L'aspect stratégique - au sens créer un impact psychologique à longue distance - avait été bien rempli - déjà - par d'immenses Zeppelins (jusqu'à 200 m de long !) puis par des avions bimoteurs Gotha. 

{Il faut juste tempérer cette affirmation par le fait que l'effet de terreur, tout à fait réel, a provoqué un dégoût et un rejet de l'Allemagne, ce qui n'était pas imaginé par les théoriciens teutons.}

Des bombardiers moyens, diurnes comme nocturnes, avaient aussi trouvé un emploi efficace.

Enfin, les exploits ahurissants de la Division Aérienne Française du Général Duval en 1918, capable de culbuter la puissante offensive de l'Empereur, avaient montré l'importance de l'aviation d'assaut aux officiers du Kayser.

Il était donc tout à fait normal que Göring et son équipe aient largement développé le bombardement Allemand.

Parmi leurs buts figurait la création d'une formidable industrie aéronautique, y compris civile.



Un authentique bombardier


Le programme Allemand de bombardiers était né dès que Hitler avait pris le pouvoir, tout en demeurant discret pendant 2 ans.

Le Dornier 17 ayant été conçu plus tôt pour le transport rapide de courrier, les décideurs nazis le considérèrent comme un bouche-trou plutôt que comme un avion d'arme authentique.

Le Heinkel 111, lui, fut d'emblée été conçu comme un bombardier "lourd". 

A vide, sa masse était d'une tonne plus forte que celle du Dornier 17.

Bien évidemment, si on regarde cela depuis une vision postérieure, par exemple depuis 1970, ses 2 puis 3 tonnes de bombes paraissent bien modestes face aux 30 tonnes larguées par un B 52 ou aux 34 tonnes d'un Rockwell B1B. 

C'était même faible par rapport aux 9 tonnes emmenées par un Boeing  B 29 en 1945. 

Mais ce n'est pas loin, en ordre de grandeur, des 4 tonnes d'un B 17.

C'est pourquoi on ne peut comparer que ce qui est comparable dans des moments comparables. 


Les moteurs et les avancées de toutes sortes disponibles en 1938 (au niveau structural, aérodynamique ou moteur) permettaient difficilement mieux, en particulier pour un bimoteur.

Les 4.2 tonnes de bombes, que pouvaient transporter nos Farman 222.2 et 223.3, exigeaient quatre moteurs à faible consommation spécifique.



Un peloton de Heinkel 111 - L'aile elliptique initiale a cédé la place à une aile trapézoïdale bien plus rapide à construire.


L'étude du Heinkel avait bénéficié pleinement de l'expérience aérodynamique apportée par les essais du Heinkel 70 Blitz, ce qui explique le véritable succès des ingénieurs Allemands sur leur nouveau bimoteur, plus grand et considérablement plus abouti.



Un bombardier efficace, mais moins rapide qu'annoncé



Même s'il n'était pas un agile farfadet comme l'était le Dornier 17, il présentait d'excellentes qualités de vol et de maniabilité, qui permirent à quantité de bombardiers très fortement endommagés de rentrer au bercail.

De ce fait, il constitua la solide base indispensable au développement de la force de bombardement du IIIème Reich.

Son rôle majeur était le pilonnage lourd par tapis de bombes. 

La version P employée pendant la Campagne de France pouvait emmener 2 500 kg de bombes dans ses soutes internes. 

C'était  1 000 kg de plus que ce que tous les bombardiers bimoteurs Français pouvaient emmener (les LéO 451 ou Amiot 351 / 354 étaient théoriquement limités à 1 350 kg de bombes en soute) ou Américains (800 kg).

La destruction du centre de Rotterdam comme celle du centre de Rouen ou d'Orléans illustrèrent malheureusement sa
 parfaite efficacité.


La vitesse de pointe de cette version, donnée par le site Wikipedia en Allemand (Mai 2013) n'était que de 390 km/h à une altitude non précisée. 

A pleine charge, cette vitesse tombait à 330 km/h !

C'est en contradiction avec certaines publications antérieures qui l'annonçaient à 440 km/h, mais dans ce cas, il s'agit de la vitesse des dernières versions, nettement plus puissantes.

Sa vitesse ascensionnelle était faible (2.4 m/s, soit de l'ordre de 500 ft/min) et le resta jusqu'à la fin de la guerre, malgré des augmentations de puissances.

Son autonomie variait bien sûr en fonction de la charge transportée.

Elle passait de 2 400 à seulement 1 200 km à pleine charge.

Ce fut le seul point véritablement critiquable de cet avion, incapable d'attaquer efficacement - à pleine charge et avec des bombes d'une tonne - la base navale Écossaise de Scapa Flow en partant du territoire Allemand.

Le bombardier de l'Oural aurait pu faire ce travail...

Son armement défensif fut progressivement augmenté avec des armes plus nombreuses, passant de 3 mitrailleuses légères à 9 dont 2 mitrailleuses lourdes (l'équipage passant à 5 membres).


La motorisation suivit l'évolution des besoins tactiques.





Un bilan très honnête et des méthode très innovantes



La qualité de cet avion est confirmée par les 252 He 111 abattus (+ 96 endommagés) du 1er Juillet au 15 Octobre 1940, pendant la Bataille d'Angleterre. 

Ce taux de perte est remarquablement faible pour 3 mois de combat et alors qu'il est le bombardier le plus représenté dans toutes ces attaques.

Ce bilan ne représente donc pas un taux de pertes aussi dramatique que cela est ressenti généralement.


Il est significatif que, au sein des premières unités à avoir été équipées du Junkers 88 A, dont la mise au point était encore loin d'être achevée, un certain nombre d'équipages demandèrent à être affectés de nouveau à des unités de Heinkel 111.





Bombardement sans visibilité du sol




De nos jours, des bombardements très précis peuvent être réalisés au mètre près en ayant recours au GPS.

Il est donc impossible de parler du Heinkel 111 sans rappeler qu'il fut aussi un formidable bombardier de nuit, en grande partie à cause de son système de radio guidage Knickebein qui évolua assez rapidement à la suite d'une véritable guerre des faisceaux radio. 

Initialement, l'idée consistait à employer deux puissants faisceaux de guidage radio à haute fréquence émettant de stations éloignées l'une de l'autre. 

A l'intersection des deux faisceaux, l'avion pouvait larguer ses bombes dont l'erreur était comprise dans un cercle de 1 500 m de diamètre.

Déjà, cela rendait possible le bombardement d'un centre industriel.


Ce système fut employé depuis le début de la guerre et il explique parfaitement les attaques-surprise du 10 Mai sur les aérodromes Français, Belges et Néerlandais environ une demie-heure avant le lever de soleil (rappel : il n'y avait pas d'heure d'été à l'époque).

Cette précision était largement "suffisante" pour l'éthique militaire du moment. 

Les Britanniques, incrédules au début, finirent par identifier le système et trouvèrent la parade : Il suffisait de créer des émetteurs décalés qui amenaient les bombardiers Allemands à bombarder des zones désertes.

Néanmoins, cela n'empêcha pas la destruction de Coventry... 



Aucun successeur


Le Heinkel 111 ne fut pas remplacé dans les escadres de bombardement parce que l'Allemagne nazie n'avait pas préparé intelligemment sa succession. 

Or, la guerre avait évolué sur plusieurs plans (au moins deux) :

  • Les cibles étaient plus éloignées, exigeant une autonomie supérieure.
  • Ces mêmes cibles s'étaient considérablement durcies, ce qui impliquait des masses de bombes bien supérieures pour les détruire.
  • Les défenses anti-aériennes avaient bien progressé, exigeant que les durées de mission des avions soient bien plus réduites. Certes, la vitesse de pointe avait progressé de 40 à 50 km/h depuis le début de la guerre, mais les chasseurs avaient progressé, eux, de 100 à 150 km/h... 


Bien sûr, les avionneurs Allemands avaient travaillé sur des cellules nettement plus évoluées, mais les motoristes n'avaient pas eu le temps de mettre au point les moteurs de 2 500 à 3 000 Cv qui leur étaient nécessaires. 


Ainsi, à cause de ses moteurs, le quadrimoteur lourd Heinkel 177 pouvait s'enflammer spontanément. 

Si son dérivé quadrimoteur 274, nettement moins dangereux, vola en France à la Libération, ses caractéristiques n'enthousiasmèrent absolument pas les pilotes Français qui l'ont essayé.



Le Heinkel 111 resta donc opérationnel jusqu'à la fin de la guerre et continua même à être construit en Espagne pendant quelques années (j'en ai même vu une formation aux Baléares à l'été 1964).



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire