vendredi 13 mars 2015

Français, avez-vous donc si peur que des drones vous tombent sur la tête ? (Révisé 03 / 11 / 2023 * *** ***)






Il y a drones et drones


Drones militaires

Je me suis exprimé sur les drones militaires qui, pour l'instant, sont des avions pilotés à distance dotés de très bons moyens d'information optique, et, pour certains, armés de bombes. 

Il en existe d'autres sortes, à l'image de l'hélicoptère Camcopter S-100 de Schiebel. 

Leur technologie informatique embarquée est réellement excellente et je ne doute pas que le Neuron Européen de Dassault préfigure l'avenir des drones (mais pas forcément des chasseurs). 

De nos jours, ce sont de gros avions (de 10 à 15 m de long et dotés d'une masse de 4 500 à 15 000 kg), aussi rapides que des chasseurs de 1940 et pilotés depuis plusieurs milliers de kilomètres (ce qui exige de leur pilote de remarquables dons pour anticiper les situations, puisque tout passe par les satellites de télécommunication et que cela implique des délais de réaction compris entre 0.3 et 1 seconde (pour en avoir une idée, il vous suffit de chronométrer le délai question/réponse pendant le dialogue entre deux journalistes d'une même chaîne de TV lorsque leur communication passe par satellite)

Rien que ce délai a de quoi rendre sceptique sur un pilotage à l'identique de drones de Chasse.

Le fait de les armer est tentant, parce que c'est une solution de facilité pour limiter nos pertes.

J'ai déjà dit que je comprends leur utilisation pour forcer certains verrous, pas pour les assassinats ciblés, car on a l'illusion qu'en tuant les chefs ennemis, tout deviendrait parfait. 

Pourtant, Kadhafi et Ben Laden sont morts, certes sans aucune intervention de drone, mais surtout sans que rien n'ait fait, pour autant, évoluer la situation politique sur le terrain (au contraire).

Tuer ne constitue pas, en soi, une stratégie.



Drones grand public


Ces drones-là ne jouent pas du tout dans la même cour que les précédents. 


Déjà, ce sont des Objets Récréatifs Radio-Commandés (ORRC  voilà qui fait plus sérieux que jouets RC, non ?). 
  • Un petit nombre se présentent sous forme d'avions. Ceux-là sont rapides mais ils exigent une grande expérience du pilotage out-board dès lors que l'engin revient vers le pilote, car d'une part les réflexes directionnels sont alors inversés et d'autre part, la vitesse angulaire élevée (près du pilote) exige de prendre ses décisions très, très rapidement et sans erreur, en particulier quand la "bête" vous arrive droit dessus.
  • Plus nombreux sont les drones grand public se présentent sous forme d'hélicoptères. Je m'empresse d'oublier ceux qui n'ont qu'un seul rotor portant et un rotor de queue. Leur mise au point demande beaucoup d'expérience et leur pilotage est ardu (j'admire vraiment beaucoup tous les pilotes d'hélicoptères).                                                         
    • Parmi les drones ayant cette configuration, les plus faciles à piloter sont équipés de 2 rotors contrarotatifs (comme le Gyroptère Bréguet de 1935-36 et les Kamov Russes), qui annulent l'essentiel des phénomènes de couple : Faire voler ces engins procure réellement un très grand plaisir.                                                                        
    • Cependant, comme presque tout le poids de l'appareil est situé en-dessous des rotors, l'engin va se comporter comme un pendule, ce qui va demander une assez grande sagesse (ou une très grande anticipation, quand l'expérience commence à arriver) dans les manœuvres serrés contrariées (type slalom).
  • Enfin, les plus demandés actuellement sont les multicoptères qui se déclinent essentiellement en quadricoptères, hexacoptères et même octocoptères (avec respectivement 4, 6 et 8 rotors), se rapprochant peu à peu du Robur le Conquérant décrit par Jules Verne. Chaque paire de rotors tournant en sens inverse, ces drones-là volent comme des insectes (mouches, abeilles ou guêpes), montent extrêmement bien, tournent sur eux-mêmes et vont où on leur commande d'aller. Les trajectoires en sinusoïde sont faciles. 


Collection personnelle de l'auteur - 4 rotors pour 50 grammes de manœuvrabilité.


Presque tous ces drones (et c'est même ce qui justifie de les appeler ainsi de nos jours) portent une micro-caméra qui permet d'enregistrer l'expérience réalisée.

Les dimensions de tels engins vont de quelques centimètres à quelques dizaines de centimètres de côté.

Leur masse au décollage part de quelques dizaines de grammes à un peu moins d'un kilo.

Les plus légers coûtent quelques dizaines d'euros. 

Les plus lourds coûtent beaucoup plus cher (plusieurs milliers d'euros) et permettent un emploi professionnel ou presque.

Les plus puissants d'entre eux peuvent emporter, au plus, une caméra de quelques centaines de grammes. 



Drones et médias


Depuis l'automne 2014, pendant les journaux télévisés, nous avons les oreilles rebattues des risques posés par les drones grand public selon les journalistes des journaux télévisés de masse, et nous avons tous entendu parler de survol de centrales nucléaires par des drones. 

Manifestement, pour beaucoup de gens influents, les drones grand public seraient une énorme menace.

De toute manière, faire voler ces drones est quasiment interdit en France pour toute une série de raisons.

Entraîné par cette marée, l'excellent journaliste JM Tanguy, un des rares qui travaillent vraiment leurs sujets, a publié dans son blog (le Mamouth) un excellent papier sur les recherches anti-drones.

Cependant, à chaque fois que l'on veut lutter contre quelque chose, il me semble quand même utile, auparavant, de poser son sac quelque part, de se projeter dans l'avenir et de vérifier si cette démarche de lutte ne comporte pas plus d'inconvénients que d'avantages.


La France, depuis 100 ans, refuse les survols


Il est remarquable de constater la différence qui existe entre notre pays, pionnier mondial de l'aviation mais également très amateur d'interdictions, et d'autres pays, presque complètement laxistes, sur le plan des survols aériens.

Déjà, le 14 Juillet 1919, on avait prétendu interdire aux aviateurs Français de participer au défilé de la victoire

On ne leur avait pas pourtant pas interdit de sacrifier leur vie pour bloquer les monstrueuses offensives de Luddendorf en 1918... Étonnant, non ?

Par chance, l'adjudant-chef Charles Godefroy décida de relever le défi. 

Il s'entraîna pendant 3 semaines avec un Bébé Nieuport (théoriquement un type 11, mais plus probablement un Nieuport 17, vu que, sur les photos, le capotage moteur est entièrement circulaire et non en fer à cheval).

Le 7 Août 1919, à 07:20 AM, il est passé sous l'Arc de Triomphe à près de 150 km/h, sous l’œil des caméras et des photographes. 

Curieusement, personne n'a été blessé par cet avion.




Charles Godefroy vient de réussir son exploit
Le Nieuport vole à peu près à 12 m de haut à cet instant précis et va prendre très vite de l'altitude.




Mais un autre survol de Paris avait eu lieu avant, celui de Jules Védrines, le 19 Janvier 1919, qui s'était posé sur le toit des Galeries Lafayette, Boulevard Haussmann avec son Caudron G3.

Dans tous les cas, ces survols étaient interdits par toutes les autorités de l'Etat. 

Le ciel ne doit pas tomber sur la tête des Gaulois ! Non, mais !



Pour fixer les idées sur le sujet, les Britanniques, dont le sens pratique est réputé à juste titre, ont installé à la fin du XXème siècle un vrai aéroport sur un des quais de Londres (la piste est à peu près aussi longue - ou courte, suivant les goûts - que les pistes de Toussus le Noble près de Paris). 



London-City Airport : Un biréacteur en action, les volets sont bien visibles.



Il est exact que nos voisins Anglais ont pris un risque : Si un de ces avions s'écrasait au décollage, le bilan risquerait d'être lourd. 

Mais cela peut se contrer en n'acceptant que des avions et des pilotes au meilleur de leur forme. 

Ce niveau d’exigence leur a rapporté beaucoup d'argent, ce fluide qui manque tant à notre pays.

Evidemment, le bruit d'un quadriréacteur au décollage est élevé. Mais en le faisant grimper à forte pente, cette nuisance est de courte durée.

De toute façon, une partie du trafic est constitué d'avions d'affaires bien moins puissants.

Dans le même temps, là où je vis, comme un peu partout en France, on utilise, pour nettoyer les trottoirs des feuilles mortes qui s'y accumulent, des pousseurs à air pulsé motorisés par des moteurs de tronçonneuses

Outre leur bruit obsédant qui s'entend à plus d'un kilomètre (et pendant deux ou trois heures), ces pousseurs mettent en circulation dans l'air des quantités de germes pathogènes qui feraient cauchemarder tous les "hypocondriaques" de la Terre (s'ils en avaient conscience).

Curieusement personne ne s'insurge contre ce risque tout à fait réel 
pour la santé publique comme, au premier chef, pour les employés municipaux qui les emploient.



La pollution ou les attaques terroristes par les drones grand public ? Fantasmes !


Analysons les menaces que pourraient représenter ces drones tels qu'ils sont.

Un premier point à souligner, c'est qu'un multi-rotors est un engin relativement assez bruyant, comme le serait un bourdon dopé dans un film US

On peut donc s'en protéger en le surveillant et en évitant de se trouver sur sa trajectoire. 

Peut-être vaut-il mieux, pour cela, que le sujet évite de détruire ses propres fonctions auditives en écoutant la musique à fond, mais c'est la liberté de chacun de vouloir être sourd ou non...

Peu importe, en cas de collision, un drone grand public sera bien moins dangereux qu'un camion ou qu'un engin de chantier qui recule car il ne peut écraser personne.


Les drones pilotés par des amateurs sont légers (de la masse d'un merle à celle d'un pigeon) et les qualifier de dangereux n'a rien de sérieux. 

Un drone de moins de 100 grammes peut certes voler en extérieur par vent calme mais il aura du mal à voler contre un vent de plus de 5 m/s (18 km/h).

Le seul risque vient de ses hélices qui tournent très vite et peuvent, en cas de perte de contrôle, faire mal à des enfants en bas âge.

Quand à les imaginer faire des dégâts sur une centrale nucléaire... Ce serait possible s'ils étaient faits d'anti-matière, mais ce n'est pas le cas.



Lorsque le drone prend de la puissance et que sa taille, sa vitesse et sa masse augmentent fortement, des risques de coupures et de choc brutal apparaissent.

Mais, comme je l'ai écrit plus haut, ce sont des engins semi-professionnels, dont on attend logiquement qu'ils soient pilotés par des gens bien formés et responsables. 


On peut, bien entendu, fantasmer sur un drone de cette catégorie équipé d'une arme à feu quelconque. 

Les scénaristes de séries US s'amusent même à leur greffer des mitrailleuses (oubliant qu'une telle arme pèse de 4 kg (PM Uzi) à 6.5 kg (FN Minimi), qu'elle envoie ses balles à 850 m/s, ce qui occasionne un recul tel que la précision de tir deviendrait illusoire).  

Même un pistolet automatique pesant de l'ordre d'un kilo constituerait une charge bien trop lourde pour les gros drones grand public et j'ai toujours du mal à imaginer que l'appareil réagisse correctement au recul engendré par un tir. 

La discrétion de l'engin étant quasi nulle, la cible a tout loisir de se mettre à l'abri.

Il est exact, enfin, que, disposant de caméras, tous les drones peuvent "voir", donc porter atteinte à la vie privée, mais, si quelqu'un emploie son drone ainsi, il est vraiment peu avisé, car pour un tel usage, il faut faire peu de bruit, ce qui est impossible avec un multi-rotors.



Les très chers Engins de Mort du quotidien


Mon pays semble vraiment avoir perdu le bon sens que Descartes reconnaissait à ses enfants il y a 4 siècles.

Je sais, depuis 2008, la crise bouleverse bien des systèmes intellectuels d'êtres humains jusque là habitués à vivre selon des schémas centenaires. 

Mais le Cartésianisme n'interdit pas de comprendre Darwin, bien au contraire.

Les drones grand public ont réalisé une formidable percée depuis 2013 et en particulier à Noël 2014.

Des dizaines de milliers ont été vendus à ce moment là.


Par contre, un couteau de cuisine, un cutter, une batte de Baseball sont des armes totalement mortelles en emploi totalement libre. Ils existent par dizaines de millions en France.

A ma connaissance, il y a chaque année des dizaines d'homicides réalisés avec ce moyen.

N'importe quel véhicule à moteur peut tuer : Chaque année, la France perd plus de trois milliers de morts de la sorte. 

Je crois qu'ils ont perdu la vie à cause de l'alcool, de la drogue, de la fatigue ou de la distraction, pas à cause de la voiture.


Non, je ne veux pas revenir à la seule marche à pied ou à cheval, car nous perdrions aussi de nombreuses vies, ne serait-ce que parce que des ambulances à cheval n'arriveraient pas à temps...

La société à risque Zéro est une utopie dangereuse.

Nous devons accepter de nous confronter au risque, ce que nous avons fait dès lors que nous sommes sortis de la chaleur rassurante du ventre de notre mère, comme tous les autres animaux.  

Mais la réglementation actuelle sur les drones est archaïque : Il faut laisser les gens s'amuser un peu.


D'un autre côté, cette médiatisation dramatique des drones grand public, dont j'espère vous avoir convaincu qu'ils ne peuvent pas être vus comme une menace, peut aussi être une méthode de diversion pour nous amener à penser à autre chose qu'à ce qui devrait nous inquiéter.










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