lundi 1 juillet 2019

Mitsubishi A6 M Zéro, vrai très grand Chasseur, malgré des Tactiques et Stratégies Inappropriées... (Modifié le 09 Septembre 2023 .*** ***)

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Le chasseur Japonais Zéro fut un des diamants les plus étincelants de la Marine Impériale Japonaise en 1941. 

Pour nos amis Anglo-Saxons, il fut longtemps un adversaire terrifiant. 

A la fin de la guerre, les mêmes personnes se moquaient sans retenue de cet avion qui leur avait fait si peur et, comme pour le Junkers Ju 87 Stuka (voire, pendant qu'elles y étaient, pour notre Dewoitine 520), le raisonnement reste, encore maintenant, aussi partial et de la forme : Cet avion a disparu des airs car il ne pouvait même plus combattre nos nouveaux avions Hellcat, Corsair, Mustang et même Spitfire.


De toute manière, la destinée de ce merveilleux chasseur avait effectivement beaucoup de chances de mal finir, mais n'anticipons pas quelque chose qui n'a rien à voir avec la qualité de sa conception.


En fin 1938, les nations maritimes ayant des porte-avions étaient très rares (USA, Royaume Uni, Japon et France). La plupart d'entre elles employaient encore des chasseurs biplans

C'était en particulier le cas de l'US Navy, avec les Grumman F2F (372 km/h) et F3F (425 km/h).




Grumman F3F1 : Un moteur de 1.38 m de diamètre, 950 Cv,  une longueur de 7 m, une voilure de 24 m².


Malgré un crash mortel juste après 10 jours d'essais, puis une vrille à plat entraînant la destruction du second prototype (sans problème pour le pilote), cet avion fut construit en série puis on en tira le F4F Wildcat qui allait sauver l'US Navy.


La Fleet Air Arm Britannique, dans le meilleur des cas, ne pouvait compter que sur le Gloster Sea Gladiator (395 km/h).


Je ne tiens aucun compte de la Kriegsmarine puisque le PA Graf Zepplin, qui eut bien embarqué les très modernes Bf 109 T (qui furent réellement produits dans les temps)

Ce navire n'arriva jamais au stade des essais en mer bien qu'il ait été lancé au bon moment, en 1938
Tout simplement, Hermann Goering, dictateur des avions, ne voulait pas lui "donner" d'avions... Comprenne qui pouerra


Notre marine n'avait jamais voulu de biplan, à part pour faire les tous premiers essais. Sans doute fallait-il se montrer en avance sur les autres (dans la mesure, toutefois, où un parasol serait, aérodynamiquement, plus moderne qu'un biplan, ce qui est totalement faux).

Mais ses derniers parasols (D. 373 - 376), annoncés rapides (405 km/h), ne dépassaient en réalité pas les 380 km/h (bien qu'ayant une bonne vitesse ascensionnelle).

Par contre, avec son Mitsubishi A5M, la Marine Impériale Japonaise disposait déjà du premier chasseur embarqué opérationnel à avoir la structure d'un monoplan à aile basse

Long de 7.57 m, ce chasseur pesait 1 220 kg à vide et 1 670 kg au décollage.

Sa voilure avait 11 m d'envergure et 17.8 m² de surface totale, ce qui lui assurait une charge alaire de 94 kg/m².





A5M - Le moteur de 785 Cv, avait un diamètre de 1.28 m (presque comme notre GR 14 K ou N).


Capable de 440 km/h, montant à 3 000 m en 3' 35" et ultra-manœuvrant, il rendait définitivement obsolètes tous les chasseurs embarqués biplans. 

Malheureusement, l'Armée Impériale Nippone manipulait les gouvernements de son pays avec une déconcertante facilité. 

Elle s'imaginait apparemment un rôle planétaire, sans démontrer pour autant une réelle connaissance ni de la géographie des régions qui l'intéressaient ni de ses adversaires, ce qui s'avéra suicidaire. 

Cela annonçait des lendemains difficiles qui furent bien pires que les pires craintes des augures nippons un peu conscients. 

La Marine Impériale, sentant venir la crise, se devait de préparer le terrain qui allait être le sien : L'Océan Pacifique, l'Océan Indien et toutes les connexions maritimes qui les reliaient. Autrement dit, une surface proche du tiers de la surface terrestre !   


Situation des forces navales

J'ai déjà écrit à quel point, depuis 1921 (expériences de Billy Mitchell), les cuirassés étaient des systèmes d'armes à la fois ruineux et peu efficaces. 

La marine US partit en guerre, en Décembre 1941, avec les 8 porte-avions suivants :
  • Lexington (CV-2 1927)   -  37 000 tonnes et 90 avions 
  • Saratoga (CV-3 1927)     -  37 000 tonnes et 90 avions  
  • Ranger (CV-4 1934)        15 000 tonnes et 60 avions  
  • Yorktown (CV-5 1937)    -  20 000 tonnes et 70 avions  
  • Enterprise (CV-6 1938)   -  20 000 tonnes et 70 avions  
  • Wasp (CV-7 1940)           -  15 000 tonnes et 60 avions  
  • Hornet (CV-8 1941)         -  20 000 tonnes et 70 avions  
Ceci signifiait une capacité aérienne totale de 510 avions

Je n'ai pas compté le Langley (CV-1) parce qu'il ne fut employé que comme livreur d'avions dont la plupart étaient en caisses. 

Leurs bombardiers en piqué étaient les pauvres Chance-Vought SB2U Vindicators qui furent seulement de grands facteurs de victoires pour leurs ennemis. 

Les Douglas de torpillage TBD Devastators, bien qu'un peu plus lents (335 km/h) et peu manoeuvrants,  furent cependant capables de détruire des cargos ennemis et de couler le porte-avion Shôhô


Quelques-uns restaient dans l'Océan Atlantique, mais les Etats Unis tenaient le canal de Panama d'une main de fer, réduisant ainsi les risques et pouvaient faire passer leurs porte-avions d'un océan à l'autre (ce qui n'est plus le cas actuellement, vue la largeur des porte-avions nucléaires US).


La Marine Impériale Japonaise avait obtenu, aux accord de Washington (1921), la troisième place mondiale par le tonnage, égalant ainsi la somme des Marines Française et Italienne.

Lors de son entrée en guerre, elle disposait théoriquement des 11 porte-avions suivants :
  • Hōshō (1921)       -    8 500 tonnes et 15 avions
  • Kaga (1921)         -  32 000 tonnes et 80 avions
  • Akagi (1925)        -  31 500 tonnes et 60 avions 
  • Ryūjō (1931)        -  10 500 tonnes et 45 avions 
  • Sōryū (1935)        -  16 000 tonnes et 60 avions 
  • Hiryū (1937)         -  17 500 tonnes et 60 avions 
  • Kaiyō (1938)         -  13 500 tonnes et 24 avions  
  • Shōkaku (1939)   -  26 000 tonnes et 70 avions 
  • Zuikaku (1939)    -  26 000 tonnes et 70 avions
  • Zuihō (1940)        -  11 500 tonnes et 30 avions 
  • Shōhō (1941)       -  11 500 tonnes et 30 avions.


    Le tout représentait un total de 544 avions déployés uniquement dans le Pacifique et l'Océan Indien.

    L'essentiel (environ 80%) de ces avions étaient des bombardiers en piqué Aichi D3A (Val pour les services US) aptes à voler à 390 km/h ou des torpilleurs Nakajima B5N (380 km/h).

    Il faut ajouter à cela un complément non négligeable d'hydravions associés à des porte-hydravions, à des croiseurs lourds ou à des sous-marins et servant (à l'époque) essentiellement à la reconnaissance.

    Le 5 Octobre 1937, l'état-major de la Marine Impériale déposa auprès des conglomérats industriels Japonais (zaïbatsu) Nakajima et Mitsubishi, une fiche-programme spécifiant ses exigences pour un nouveaux chasseur embarqué sur ses porte-avions et qui devait impérativement employer un moteur déjà existant. 

    Ce dernier point, ajouté aux exigences drastiques du programme, démontrait que le Japon se préparait très sérieusement à la guerre contre les pays qui se considéraient comme les plus technologiquement avancés du monde : Les Alliés
    • Une vitesse de pointe de 500 km/h à 4 000 m d'altitude.
    • Une capacité ascensionnelle importante avec une montée à 6 000 m en moins de 9' 30".
    • Une autonomie de 2 heures à la vitesse de combat et de 6 à 8 heure à la vitesse de croisière économique.
    • Un armement de 2 canons de 20 mm et de 2 mitrailleuses de 7.7 mm.
    • Une maniabilité équivalente à celle de son prédécesseur A5M.
    • L'équipement radio était généralisé sur tous les avions et devait comporter un système de goniométrie suffisant pour que les pilotes puissent retrouver sans difficulté leur plate-forme de départ.

    Le bureau d'étude de Nakajima ayant refusé de se lancer dans un travail aussi risqué, seul l'ingénieur Jiro Horikoshi, de chez Mitsubishi, accepta le challenge.

    Il put arriver au bout de ce travail parce qu'il avait choisi de construire la structure de son chasseur dans un alliage de magnésium et d'aluminium issu de la Recherche du groupe Sumitomo.

    Ce métal à très faible densité était très solide et très léger, mais aussi susceptible de corrosion très rapide, ce qui impliquait un traitement des surfaces très sérieux.

    Le moteur Mitsubishi Zuisei fut choisi pour le premier prototype, à cause de sa légèreté. 

    Il délivrait 780 Cv en altitude, ce qui lui assurait les fameux 500 km/h, mais les performances de montée étant insuffisantes, il fut remplacé par le Nakajima Sakae de 925 - à 940 Cv suivant l'altitude - et permit à l'avion de dépasser ce que l'on en attendait.


    La technologie remarquable du nouveau chasseur imposait une fabrication très soignée à partir de matériaux exceptionnels par eux-mêmes
    En particulier, ses rivets étaient rendus aérodynamiquement inexistants !

    Cela exigeait des constructeurs (ouvriers et techniciens) parfaitement formés et un environnement très stable, notions difficiles à réunir au Japon, vu la fréquence élevée des tremblements de terre de forte puissance.







    Mitsubishi A6M2b - Un avion très aérodynamique.





    Caractéristiques du Zéro A6M2b à son entrée dans la Seconde Guerre Mondiale (Décembre 1941)

    C'était un avion de taille modeste (9.05 m de long) et parfaitement aérodynamique.

    Sa masse était de 1 754 kg à vide et de 2 421 kg au décollage normal (soit une charge utile de 665 kg). 

    En surcharge (réservoir largable + bombes), le Zéro s'envolait à la masse de 2 800 kg.

    Il était doté d'une voilure de 12 m d'envergure dont la surface (22.44 m²) était parfaitement comparable à celle du Spitfire Mk I (22.48 m²), mais inférieure à celle du pauvre Hawker Hurricane Mk I (23.92 m²). 

    L'épaisseur relative du profil y variait de 15 à l'emplanture à 9 à l'apex de l'aile.

    Son allongement de 6.42 (5.61 pour le Spitfire Mk I) l'aidait aussi à obtenir de bonnes performances.

    La charge alaire de 108 kg/m² lui assurait cette extraordinaire capacité à tourner dans un mouchoir de poche qui a fait sa réputation jusqu'à nos jours. 

    A la charge maximale (plein total de carburant+120 kg de bombes), la charge alaire n'atteignait même pas les 125 kg/m².


    L'armement comportait 2 canons de 20 mm (60 obus par arme) et 2 mitrailleuses de 7.7 mm avec 700 cartouches par arme. 

    Seul bémol, les canons (des Oerlikon 20 mm MG FF) choisis pour leur légèreté (24 kg), avaient une vitesse initiale de 600 m/s qui impliquait des qualités balistiques vite dégradées.

    A cela, on pouvait ajouter soit 2 bombes de 30 kilos soit, surtout, deux bombes de 60 kg, mortelles pour un destroyer et dangereuses même pour un croiseur lourd !

    Le moteur Nakajima Sakae, de 14 cylindre en double étoile, assurait une puissance de 940 Cv à 4 200 m. 

    Ayant une masse d'environ 530 kg, il avait un diamètre de seulement 1.15 m qui lui assurait une surface frontale d'environ 1.039 m², qui, associée à un capot très bien profilé, expliquent en bonne partie les bonnes performances et la manœuvrabilité du Zéro

    L'ensemble démontrait d'excellente performances : 
    • Une montée à 6 000 m en 7' 27" (20 secondes plus rapide que celle du Nieuport 161  de 1936 mais 24 secondes moins bonne que celle du N 161-03 de fin 1938). Ainsi, le Zéro écrasait complètement les Kittyhawk I. 
    • La vitesse limite en piqué (VNE) était de 630 km/h, 70 km/h plus rapide que celle du Curtis H 75 en service dans l'Armée de l'Air.
    • L'autonomie totale de convoyage sur le seul carburant interne était de 2 222 km. Cette autonomie passait à 3 350 km avec un réservoir externe largable de 333 litres. 
    • Le rayon d'action de combat, sans réservoir supplémentaire, dépassait donc les 700 km si l'on prévoyait 30 minutes de combat. Ceci n'avait évidement rien à voir avec les capacités - six fois moindres - des Bf 109 égarés au dessus de l'Angleterre !
    • La structure du chasseur Japonais impliquait une voilure d'un seul tenant, qui aidait au faible poids et donc à la maniabilité et aux bonnes performances. Par contre, elle augmentait significativement le temps de fabrication de l'avion.


    Qualités de vol :


    Un rapport US déclassifié de 1943 nous apprend un certain nombre de choses.

    La disposition du poste de pilotage y était décrite comme correcte. 

    Les instruments, bien groupés, étaient facilement lisibles, mais le manche était positionné trop en avant (car pouvant heurter la planche de bord).

    La visibilité du pilote est décrite comme excellente, ce qui contraste avec les souvenirs d'un ancien pilote Japonais qui se plaignait du jaunissement trop rapide du Plexiglas.

    Au sol, l'avion était difficile à tenir, en particulier à cause de l'inconstance des freins (ce défaut sera rapporté pour presque tous les chasseurs Japonnais de la guerre et j'ai idée qu'il s'agissait de freins à tambours).

    La direction devenait efficace dès 40 km/h indiqués. 

    Un jour, cependant, le chasseur avait fait une violente embardée sur la gauche qui fut contrée en mettant à la fois les pleins gaz et la direction toute à droite. 
    L'avion avait répondu sans délai et avait décollé dans la foulée.

    Le décollage était obtenu à 120 km/h. 
    La meilleure vitesse de montée était de 140 km/h indiqués. 
    Cela montre que le capot du moteur Sakaé était parfaitement efficace.

    L'angle de montée était très fort et le taux de montée était nettement le point fort de ce chasseur.

    Au moins jusqu'à 500 km/h (voir plus loin), le Zéro était facile à piloter, avec des commandes répondant très rapidement et de manière équilibrée

    Au delà de cette vitesse, il fallait utiliser les deux mains pour effectuer des tonneaux lents.

    Ce chasseur était moins stable que les chasseurs US plus lourds, sans que cela soit gênant à cause de la douceur des commandes.

    Le décrochage en configuration lisse était obtenu à 105 km/h et à 93 km/h avec volets et train sortis. 

    L'avion prévenait amplement du risque de décrochage et la reprise de contrôle était rapide et sans problème.

    Les figures de voltige, faciles à réaliser, étaient réussies "avec une grâce naturelle, typique des bons avions de chasse". 

    C'était en particulier les cas pour les boucles et les immelmans qui pouvaient être entrepris à des vitesses aussi basses que 260 km/h.

    A la vitesse de croisière, en vol horizontal, on pouvait sans problème enchaîner plusieurs boucles sans perdre d'altitude.

    Le rayon de virage était très court (on trouve, dans la littérature - in Pierre Clostermann : Feux du Ciel - un temps de 10 à 11 secondes pour un 360° à la vitesse de croisière) et le taux de roulis était relativement élevé jusqu'à 400 km/h.

    La vitesse de présentation à l'atterrissage était de 135 km/h, puis, une fois les volets et le train baissés, l'avion était facile à poser à environ 110 km/h. 


    Avis du plus grand as Australien sur le Zéro

    Le grand as Australien Clive "Killer" Caldwell écrivait en 1943 (voir photo ci-dessous) que la perte de maniabilité du Zéro apparaissait vers 560 km/h (350 mph). 

    Comme très peu de pilotes ont démontré les mêmes qualités techniques et militaires que ce pilote, c'est son opinion que je croie.




    Les conseils de C. K.  Caldwell  aux pilotes Alliés - Le Zéro restait manœuvrant jusqu'à 560 km/h !
    Personne n'en voudra à ce pilote de préférer le Spitfire, là, on est dans le pure domaine de l'affectif.

    Pierre Clostermann, dans son livre Feux du Ciel (Flammarion, 1951) rapporte que l'un de ses équipiers de 1945, l'Australien Bay Adams, lui avait raconté un combat auquel il avait participé le 6 Juillet 1943 par la RAAF au-dessus de Darwin, en Australie.

    Un raid Japonais de 27 bombardiers escortés par 21 Zéros fut intercepté par 24 Spitfire.
    Ces derniers se lancèrent sur les bombardiers et en descendirent une dizaine. 

    Ils furent aussitôt attaqué par les chasseurs d'escorte. 

    Bay Adams fonçait à 500 km/h derrière un Zéro qui descendait en pente douce et ouvrit le feu. 
    Instantanément, le Zéro fit  un looping parfait sur 200 m de rayon et se retrouva dans les 6 heures d'Adams, sidéré, qui eut le réflexe instinctif de passer sur le dos et de descendre à la verticale de 7 000 m jusqu'au niveau de la mer.

    Ce jour-là, 7 Spitfire furent abattus contre seulement 2 Zéros.


    Un spin off du Zéro, l'A6M2-N, hydravion de chasse lancé trop tard

    J'ai souligné, plus haut, que le Japon avait, dès 1937, craint - ou souhaité - une confrontation armée avec les Américains et leurs Alliés. 
    La volonté de créer une "Hydraviation de chasse" en est, à mon sens, une démonstration évidente :
    • Parce que l'hydravion est une machine qui dispose toujours (en théorie) d'hydro-bases, que celles-ci sont par définition invulnérables aux bombardement et parce que, en plus, dans l'hémisphère Pacifique, il existe une énorme quantité d'îles possédant un lagon.
    • Chaque lagon constitue, potentiellement, une piste d'atterrissage ou de décollage qui est soumis à des vagues moins fortes que l'océan qui l'entoure.
    • Le futur hydravion de chasse Kawanishi Kyofu semblait se développer plus difficilement que prévu à cause de la difficulté de mettre au points certains équipements très sophistiqués (en particulier le doublet d'hélices à pas variable contra-rotatives)
    • Le succès foudroyant du Zéro en Chine suggéra à certains officiers de la Marine Impériale l'idée -  très juste - que l'on risquait peu de choses à tenter de mettre ce chasseur sur flotteurs. 
    • Les travaux furent confiés à Nakajima, à partir d'une cellule à ailes longues non repliables (A6 M11). Les ingénieurs choisirent la solution la plus marine, celle d'un flotteur central bien caréné, assisté de deux flotteurs auxiliaires. 
    • L'armement choisi était le même que celui des Zéros employés à Pearl Harbor : Deux canons FF F de 20 mm et deux mitrailleuses de petit calibre (plus, éventuellement, deux bombes de 60 kg qui pouvaient endommager sérieusement des croiseurs).

    Le prototype de ce "crash program" effectua son premier vol le 7 Décembre 1941. L'avion se révéla très vite excellent, un agrandissement significatif de la dérive fut effectué, secondé par la pose d'une petite dérive inférieure juste en-dessous.

    Le Wikipedia en Japonais montre que, par rapport à l'avion à roulettes, seule la longueur totale avait changé et passait à 10.24 m parce que le flotteur central dépassait notablement la pointe de la casserole d'hélice. 

    La surface alaire restait identique (22.438 m²) malgré une masse à vide passée de 1 750 à 1 920 kg. La masse normale au décollage était de 2 460 kg. 

    La charge alaire frôlait les 110 kg, ce qui changeait bien peu de choses.

    La vitesse de pointe atteignait 437 km/h à 4 300 m, l'autonomie à 300 km/h atteignait 1 150 km.

    Les 5 000 m étaient montés en 6' 49" (à  comparer aux 4' 30" pour 3 000 m et près de 10' pour 6 000 m d'un Wildcat de 1 200 Cv - source : Ital. Wikipedia - ). 

    Le plafond pratique était  de 10 000 m.

    La vitesse de décrochage était de l'ordre de 111 km/h.






    A6 M11-N - photo modifiée par mes soins à partir de ce site.



    Il en fut construit 327, ce qui est exceptionnel pour ce type d'avion, et de loin le plus élevé pour un hydravion de chasse de la Seconde Guerre Mondiale.

    Les premiers entrèrent en service en Juin 1942 donc, en réalité, six mois trop tard par rapport à la guerre Japonaise.

    Ils servirent d'intercepteurs, d'avions de reconnaissance et aussi ils firent du harcèlement contre les petits patrouilleurs nocturnes Américains (comme les PT xxx) qui attaquaient les cargos Japonais ravitaillant leurs soldats. Ils les signalaient aux destroyers.





    Huit A6 M2-N dont le plus près semble sur le départ - (je signale que l'article de Wikipédia en Français est excellent)
    On constate que les hydravions sont rangés de manière très visible. ils eussent étés plus en sécurité sous les palmiers, ou, s'il en existait dans ces îles, dans les dédales d'une mangrove.


    En temps qu'avions de chasse, ils réussirent plutôt bien leur travail, y compris face à des forteresses volantes (B 17 ou B 24).

    Volant la plupart du temps en patrouille, ils ne craignaient pas les puissant Beaufighter Britanniques, pourtant 80 km/h plus rapides (mais considérablement plus patauds) voir (encore) le livre de B. Baëza, Soleil Levant sur l'Australie.

    Dans les îles où ils étaient, ils avaient très peu de chance de rencontrer des chasseurs terrestres car ceux-ci avaient rarement l'autonomie nécessaire pour les débusquer.

    Ils firent donc toute la guerre. En tant qu'éclaireurs, ils surpassaient les hydravions de la flotte en vitesse et en agilité, ce qui leur assurait un meilleur taux de survie.

    On peut s'étonner que ces hydravions n'aient pas été employés pour l'escorte systématique des cargos Japonais, mais je sais que le pilotage des hydravions n'est accessible qu'aux pilotes d'exception et que, par ailleurs, cela aurait probablement posé de graves problèmes d'approvisionnement en essence.

    A la fin de la guerre, ils furent mouillés dans des lacs du Japon et allèrent jusqu'à essayer de combattre les B 29, ce qui, à tout le moins, paraît plutôt osé !


    Evolution du Zéro

    Comme tous les avions de chasse bien nés, l'A6 M fut amené à évoluer en fonction de l'arrivée de nouveaux adversaires. 

    Le célèbre Spitfire Mk V ne lui posa aucun problème lorsqu'il le rencontra au dessus de l'Australie en 1943, c'est qui est parfaitement documenté et expliqué par le très remarquable livre de Bernard Baëza Soleil Levant sur l'Australie (Lela Presse). 

    En effet, l'avion Britannique, affublé du hideux et encombrant filtre Vokes anti-poussières, avait en même temps pris du poids : Il avait perdu beaucoup en performances et en capacité de manœuvre. 


    Une première modification du Zéro, réalisée en 1941, avait supprimé les saumons d'ailes repliables. 

    Dans le même temps, le moteur Nakajima Sakae était monté dans sa version de 1130 Cv (des versions plus puissantes furent planifiées mais aucune ne parvint à maturité). 

    L'avion devenait le A6 M3

    Cette augmentation de puissance de 190 Cv (20.2%) aurait pu apporter une augmentation de vitesse importante (568 km/h) si tous les autres paramètres étaient restés inchangés. 

    Mais elle s'accompagna d'autres modifications - indispensables - qui alourdissaient l'avion et augmentaient sa traînée.


    Ainsi, pour augmenter le pouvoir destructeur du chasseur, les canons de 20 mm devenaient de type FF S, gagnant 150 m/s en vitesse initiale et tirant chacun 100 obus par chargeur au lieu de seulement 60, permettant de tirer de plus loin avec précision. 

    Cet élargissement des chargeurs augmentait donc la traînée du Zéro.

    Il gagnait quand même un peu de vitesse (544 km/h), mais perdait beaucoup en autonomie.

    Les ailes raccourcies ne changeaient pas grand chose à la maniabilité de l'avion et permettaient d'avoir un avion plus facile à installer sur les ascenseurs des porte-avions. 

    Lorsque l'US Navy eut réussi à mettre au point son F6 F Hellcat, un peu après la mi-1943, le Zéro perdit, en partie, son avantage en vitesse de montée. 

    {Initialement, le Hellcat avait été pensé autour du moteur Curtiss 2600 de 1 600 / 1 700 Cv. Il apparu rapidement qu'il n'offrait pas un avantage de performance suffisant contre le Zéro, donc on suggéra l'emploi du moteur Pratt & Whitney 2800 de 2 000 Cv. 
    Le rapport sur le Hellcat de série donne un temps de montée à 6 000 m d'environ 10 minutes.}



    A l’Été 1942, la Marine Impériale comprit que le Zéro devait progresser en performances tout en refusant toujours de changer de moteur pour le plus puissant Kinsei

    Ce fut le moment par une série de modifications que l'on aboutit au modèle A6 M5, avec un blindage raisonnable, une alimentation des canons par bandes (éliminant ainsi les renflements parasites) en montant enfin des échappement propulsifs individuels pour chaque cylindre et en renforçant le revêtement travaillant de la cellule pour pouvoir piquer jusqu'à 667 km/h.

    La vitesse de pointe en vol horizontal passait à 565 km/h à 6 000 m et la montée à 6 000 m se faisait en 7' 00".

    La masse au décollage, passée à 2 733 kg, amenait la charge alaire à 128 kg/m², toujours inférieure à celle du Spitfire Mk V (137 kg/m²) qui était déjà remplacé par des modèles plus puissants et plus lourds (Spit. Mk VIII ou Mk IX).



    Depuis 1940, Mitsubishi essayait régulièrement de convaincre la Marine Impériale que son moteur Kinsei lui paraissait être plus adapté que le moteur de Nakajima. 

    Lorsque l'usine Nakajima, qui fabriquait le moteur Sakae, fut détruite par les bombardiers B 29 US, à la fin de l'hiver 1944-1945, la Marine Impériale condescendit à réfléchir à cette solution de bon sens. 

    Il était extrêmement tard et pourtant la Marine exigea encore des essais qu'elle avait toujours refusés jusque là ! 

    Evidemment, ces essais furent concluants, le Mitsubishi Zéro type A6 M8 disposant d'un moteur de 1560 Cv (lequel pesait 675 kg) pouvait voler à 573 km/h, montait à 6 000 m en 6' 50" et sa VNE passait à 741 km/h.

    L'armement était passé à 4 canons et 2 mitrailleuses de 13.2 mm synchronisées.

    Cet armement surpuissant s'explique probablement par le fait que cet avion restait probablement le meilleur adversaire contre le B 29.

    Son rayon d'action de combat avait diminué de moitié (la puissance se paye !) et la charge alaire montait à 148 kg/m² (donc toujours bien inférieure à ce que les Alliés pouvaient opposer). 

    Cet avion eut-il été disponible dès la fin de 1942, il eut très probablement modifié la donne, en particulier en sauvant beaucoup d'indispensables pilotes Japonais.

    Une quantité 
    minime de ces avions furent construits et ne servirent à rien : On doit courir pour rattraper le train qui est en train de partir !


    Hors d'œuvres


    A peine ses premiers exemplaires livrés, le chasseur de Mitsubishi A6M1 fut envoyé en Chine. 

    A la première rencontre avec l'ennemi, le 13 Septembre 1940, treize Zéro escortant 60 bombardiers G3M, descendirent la totalité des 27 chasseurs d'origine soviétique (I 153 et I 16) qui prétendaient les arrêter. 

    Les seules pertes Japonaises furent 3 bombardiers descendus par la DCA Chinoise.

    Les nouveaux chasseurs avaient complètement écrasé leurs adversaires pourtant plus de deux fois plus nombreux qu'eux. 
    Pour le Zéro, c'était une entrée en fanfare, mais, en fait, c'était juste un hors-d'œuvre. 

    Si un tel succès poussait à bloc la confiance des Japonais dans leur matériel, il entraînait aussi une perte de secret qui fut peut-être décisive.


    Aperçu schématique de la Guerre du Pacifique


    Je ne peux pas vous décrire la guerre du Pacifique comme un marin, mais je veux juste montrer que les situations changèrent très vite pendant cette guerre et que le plus sûr moyen de le comprendre est de s'intéresser avant tout aux pertes à l'intérieur des deux partis (Alliés et Japonais).

    Evidemment, j'essayerais de donner des pistes pour expliquer ces faits.


    Pearl Harbor : Une sacrée première pour l'Aéronavale


    En 1940, le Royaume Uni n'avait pas réussi à empêcher l'Allemagne de Hitler de s'emparer de la Norvège, malgré l'emploie de porte-avions.
    Six mois plus tard, l'attaque des cuirassés de la Regia Marina, à Tarente, par les avions de la Fleet Air Arm (nuit du 11 au 12 Novembre 1940) avait démontré qu'une action aéronavale bien pensée et bien commandée (par le très grand amiral Andrew Cunningham) pouvait être avoir une importance stratégique dans une guerre maritime. 

    Cependant, la plupart des cuirassés Italiens endommagés avaient été réparés en deux mois, ce qui réduisait un tantinet l'efficacité de cette brillante action.


    Par contre, Pearl Harbor fut la première démonstration qu'une formation aéronavale moderne et correctement commandée pouvait détruire à grande distance les forces aériennes basées à terre de même qu'une bonne partie des forces navales de la première puissance navale mondiale sans l'appui d'aucun des canons d'un cuirassé (ni d'aucun débarquement d'une troupe d'élite).

    Jusque à ce jour précis, les cuirassés étaient considérés par les "experts" (et les politiciens) comme des cibles invulnérables.


    Le 7 Décembre 1941, au début de la Guerre du Pacifique,  la Marine Impériale Japonaise disposait de plus de 500 Zéros A6M2 en activité (on trouve aussi un effectif de l'ordre de 400 de ces chasseurs dans la littérature), dont presque 330 en première ligne.

    L'attaque sur Hawaï était constituée de 2 vagues d'assaut successives escortées par une quarantaine de Zéros, 50 Zéros environ restant en protection de la Flotte Combinée Impériale. 

    La première attaque consistait en plus de 180 avions dont l'essentiel étaient des bombardiers couverts par une quarantaine de chasseurs. 

    Elle frappa vers 0800. La seconde, à peine moins importante, frappa environ 75 minutes plus tard.

    A 0930, tous les avions Japonais étaient repartis vers leurs porte-avions.


    On sait que cette attaque entraîna la mort d'environ 2500 Américains (dont près de la moitié piégés dans le cuirassé USS Arizona) et des blessures graves pour plus d'un millier d'autres. 

    Au niveau du matériel, 8 cuirassés furent complètement mis hors service : 
    • Arizona
    • Oklahoma
    • West Virginia  - remis en service en Juillet 1944 - 
    • California        - remis en service en Janvier 1944 - 
    • Nevada            remis en service en octobre 1942 - 
    • Tennessee      remis en service en en Février 1942 - 
    • Maryland         remis en service en Février 1942 - 
    • Utah         Je l'inclus parce qu'il servait à la formation des jeunes marins.
    Seul le Pennsylvania resta en service (après de légères réparations)
    • 3 destroyers et 2 navires auxiliaires avaient été mis totalement hors service.

    Les navires dont la remise en état opérationnel allait demander entre 3 et 24 mois de réparations doivent être considérés comme ayant été coulés. 

    Seules des raisons de prestige ont poussé à leur reconstruction totale (= hyper-coûteuse), ce qui conduit à la narrative US selon laquelle le bilan de l'attaque japonaise ne serait que de 4 cuirassés détruits et 4 endommagés, on y parle aussi d'un ex-cuirassé détruit (l'Utah).

    Pour donner un exemple, le Nevada, entièrement reconstruit "théoriquement" en Octobre 1942 ne fut utilisable seulement qu'à la mi-1943. Il fut pourtant encore modifié deux fois avant de redevenir très bon.

    Les USA perdirent de l'ordre de 350 avions sur les 390 qui se trouvaient sur place, la plupart d'entre eux détruits par le strafing des Zéros.

    Du côté Japonais, la flotte combinée perdit un sous-marin et 29 avions dont 9 Zéros

    Les pertes en Zéros (11 % des chasseurs des 2 vagues contre seulement  7.2% pour les divers bombardiers) s'expliquent par leur implication dans les actions de strafing qui les exposaient beaucoup plus à l'action de la DCA Américaine. 


    A la suite de cette action, le général Mac Arthur, qui avait été désigné d'office (en Novembre 1925) pour condamner Billy Mitchell pour déviationnisme à la thèse officielle de l'invulnérabilité des cuirassés, avait dit qu'à partir de ce jour, on ne pourrait plus faire naviguer de cuirassés sans leur fournir une ombrelle de chasseurs. Il concluait amèrement : C'est Mitchell qui avait raison

    Les textes actuels montrent d'ailleurs que Mac Arthur avait alors été choqué par la procédure qui avait condamné Mitchell et qu'il avait voté son acquittement.


    Possibilités non envisagées

    I - On discute encore de nos jours sur l'opportunité d'un 3ème vague que l'amiral Nagumo a refusée à ses meilleurs officiers qui voulaient assurer que les Américains soient hors jeu pour longtemps.

    Bien sûr, 
    à peine quelques mois plus tard, comme le craignaient ces officiers Japonais, l'île d'Oahu était devenue une base considérablement plus forte, on peut même dire inexpugnable et les soldats US, ivres de vengeance, n'étaient plus sujets à une quelconque surprise

    Les arguments de Nagumo, liés à la perte de tout élément de surprise et à la nécessité de remettre en bonne conditions ceux des 74 avions qui avaient été touchés par la DCA Américaine, me semblent avoir été pertinents. 

    Pourquoi, cependant, avoir lancé les deux vagues en des temps aussi décalés ?
    En attaquant tous les objectifs en même temps, les Japonais auraient probablement pu obtenir des résultats plus durables. 

    Il aurait suffi de lancer 90 minutes plus tôt les deux vagues à la suite l'une de l'autre en s'arrangeant pour que la première arrive en même temps (en la retardant soit par une vitesse plus faible soit en lui faisant prendre un chemin plus compliqué) que la seconde mais sur des objectifs différents et éloignés les uns des autres.

    Les pertes n'auraient probablement pas été moins grandes, mais les capacités de réparation du matériel militaire Américain à Hawaï eussent probablement été amoindries.


    II - On peut s'étonner, surtout, que la Flotte Japonaise n'ait pas profité de son retrait pour enlever Midway (à 1 100 nmi de distance) dans la foulée : Elle avait justement fait commencer le travail le matin du 7 Décembre 1941 par un bombardement de cette base - à  coups de 127 mm - par deux destroyers.

    Après l'attaque de Pearl Harbor, la flotte combinée Japonaise disposait toujours de 2 cuirassés, de 2 croiseurs lourds, d'un croiseur léger et de 9 destroyers en plus de ses 6 porte-avions : C'était, pour le moins, une force de bombardement imposante. 

    Si 74 de ses avions étaient effectivement revenus endommagés de la première bataille, nul doute que 48 heures plus tard, l'essentiel d'entre eux auraient pu reprendre l'action.

    Si cette conquête avait été réussie, des bombardiers à long rayon d'action (Mitsubishi G3M, par exemple) décollant de ces îles auraient pu ensuite maintenir une atmosphère de sérieuse insécurité sur la grande base d'Hawaï. 

    Midway disposait certes d'une base aérienne correctement défendue, mais le commandement Japonais disposait alors d'une capacité de surprise écrasante, capacité qui ne se représenta plus jamais.

    La réponse m'a été donnée par une historienne de ma connaissance (ma très chère épouse) : Un tel comportement eut été contraire à la psychologie des militaires Japonais de cette époque.





    Midway en Novembre 1941


    La Campagne du Sud-Est Asiatique


    Du 7 Décembre 1941 au début de Mai 1942, les pertes Japonaises furent très faibles au regard des pertes Alliées. 

    Ainsi, pendant l'occupation des Philippines, les Alliés perdirent en tout 146 000 hommes et les Japonais n'en perdirent "que" 10 000 à 20 000 soldats suivant les sources.

    Les pertes aériennes Alliées semblent également avoir été considérables et on n'évoque même pas les pertes Japonaises. 

    Cela traduit le bizarre mépris des Anglo-Saxons - et des Néerlandais - vis à vis des peuples différents d'eux : N'imaginant pas que les Japonais oseraient s'attaquer à leurs empires, ils s'imaginaient invulnérables et donc invincibles.

    La faiblesse des pertes Japonaise, comme l'importance des pertes Alliées me paraissent liées à ce que les raids Nippons étaient effectués sous escorte de chasse, ce qui n'était pas classique chez les Alliés.



    La Bataille de la Mer de Corail (du 4 au 8 Mai 1942) fut une authentique alerte restée totalement incomprise des chefs de la Marine Japonaise. 

    En dehors de la complexité des manœuvres des deux flottes, ce qui importe c'est le bilan final des pertes qui, à première vue, semble relativement équilibré :

                      Flotte US                                    Flotte Impériale

    P-A           Lexington                                           Shôhô           coulés
     "              Yorktown     HS                                   Shôkaku        HS (3 mois)
    Dest.                1                                                         1               coulés
    Avions            69  (75% des pertes nippones)          92               abattus

    Hommes      656                                                     966

    Ces pertes sont cruelles de chaque côté. Certes, elles n'impliquaient rien de définitif pour la suite. 

    L'aggravation des pertes du côté Japonais démontrait cependant que les Américains étaient devenus tactiquement bien plus évolués et que les chantiers navals US réagissaient considérablement plus vite que ceux de leurs ennemis.

    La Chasse de l'Aéronavale Japonaise, bien que techniquement très supérieure à celle l'US Navy, n'avait pas su protéger ses deux porte-avions ni protéger ses propres bombardiers !

    C'est que, pour la première fois, l'Aéronavale US avait escorté torpilleurs et bombardiers.

    Cela reflétait un peu le manque d'autoprotection des avions Japonais, mais, surtout la faible proportion de chasseurs dans l'Aéronavale Nipponne. 

    Le Shôkaku manquera cruellement lors de la Bataille de Midway. Par contre le Yorktown, dont la remise en état aurait dû - normalement  - prendre plusieurs semaines, fut renvoyé à la mer juste à temps pour participer à la bataille de Midway (pour y être coulé).


    Un mois plus tard, la Bataille de Midway fut une catastrophe décisive pour le Japon.

                      Flotte US                               Flotte Impériale

    P-A               Yorktown                     Akagi, KagaHiryûSôryû    coulés 
    Croiseur                                                    Mikuma                            coulé
    Destroyer          1                                                                               coulé                               
    Avions           150                                         250                                abattus
    Hommes       307                                      3 057                                tués.


    La perte de 4 excellents porte-avions montrait que, bien que ces navires aient été décisifs à Pearl Harbor, les amiraux Japonais ne les considéraient toujours pas comme leur outil le plus précieux : Ils ne les protégeaient pas

    La disproportion entre les pertes d'avions US et 
     les pertes d'avions Japonais avait encore augmenté au profit des américains.

    On dit que la manœuvre dite "Thatch weave" (enlacement de Thatch) a désorienté les chasseurs Nippons. 

    Elle avait été inventé avant même Pearl Harbor, après de longues réflexions et des combats simulés, et très probablement après la consultation du rapport Chennault sur le Zéro.

    Les pertes humaines Japonaises (10 fois plus fortes que les pertes US) et comportant beaucoup de pilotes extraordinairement expérimentés, ne furent pas non plus suffisantes pour que les décideurs Nippons comprennent qu'il était temps soit de modifier considérablement leur stratégie, soit de faire la paix.

    En deux batailles temporellement proches, les Alliés s'étaient défaits de la moitié la plus efficace de la seule force de frappe stratégique de l'Empire du Soleil Levant. 

    Parmi les problèmes spécifiques du Japon, il y eut aussi l'arrêt brutal de la fabrication des avions de bombardement qui avaient fait Pearl Harbor.

    De ce fait, les avions employés à bord étaient des avions fatigués, probablement alourdis et certainement moins rapides.

    Cela peut être attribué à un souci d'économie (bien mal venu) soit à une forte incompétence.


    La Bataille des îles Salomon

    La période qui s'ouvre après Midway va montrer une augmentation importante des pertes Japonaises comme Alliées. 

    C'est une conséquence à la fois de l'intensité accrue des combats et du fait que les Alliés ont compris que les Japonais étaient des adversaires aussi affûtés qu'eux-mêmes l'étaient.

    D'un autre côté, l'Amiral Yamamoto avait bien perçu la vacuité militaire de l'Australie : En 1941, il y avait de l'ordre de 7 millions d'habitants en Australie, soit une densité d'un Australien par kilomètre carré, ce qui rendait ce continent relativement facile à envahir, au moins pour y disposer d'une base stable et pérenne. 
    Cela aurait pu donner au Japon une carte stratégique exceptionnelle.

    Mais le niveau de réflexion de l'état-major Impérial Japonais ne semble pas avoir été à la hauteur

    L'Armée Impériale, déjà installée en Corée, en Mandchourie, dans l'île de Taipei et dans certains ports de la côte Chinoise, ne s'intéressait qu'à l'Indonésie pour ses ressources en pétrole (à Tarakan et Balikpapan, notamment) et, éventuellement à la Birmanie. 

    Elle préconisait donc "juste" un blocus de l'Australie que, manifestement, ses chefs voyaient plus comme une île - à l'instar des plus grandes îles du Japon - que comme un continent.

    Pour ce blocus, ils avaient préconisé l'occupation d'un certain nombre d’îles (par exemple les Salomon, avec en particulier Guadalcanal et, la Papouasie-Nouvelle Guinée). 

    Les marins Nippons obtempérèrent bien sagement et débarquèrent des soldats sur les côtes Nord-Est de ces îles.




    Un champ de bataille décisif avec les dates de reconquêtes, île par île, réussies par l'Aéronavale US, les Marines et l'US Navy


    Parmi les paramètres tactiques - que ces terriens semblaient avoir bizarrement ignorés - il y avait le climat. 

    Le fait que ces îles étaient situées dans la zone équatoriale humide leur valait une jungle luxuriante très difficile à pénétrer, des eaux riches en parasites extrêmement dangereux et des populations locales parfaitement adaptées à ces conditions, donc très difficiles à dominer.

    Par ailleurs, les militaires de l'Armée de Terre Japonaise n'anticipaient apparemment jamais les difficultés logistiques qui découlaient obligatoirement du fait que leur pays était toujours dépourvu de ressources pétrolières.

    Pour être efficaces, leurs soldats devaient nécessairement être nourris, armés, soignés et ravitaillés. 
    Ce ravitaillement ne pouvait se faire que par des navires marchandslents pour des raisons d'économie, mal armés, qu'il fallait donc escorter pour limiter les attaques aériennes et sous-marines.

    Pire encore, les Américains bénéficièrent de 3 avantages considérables :
    • Ils disposèrent très rapidement de radars sur leurs navires, radars qui, en plus de leur capacité à les alerter en cas d'attaque "surprise", leur donnaient un capacité de tir d'artillerie beaucoup plus précis, de nuit et même par temps de brouillard.
    • Leur sens des coûts financiers en toutes choses les avait convaincu du prix réellement exorbitant de la vie de chaque soldat, et, en particulier, de celles de leurs pilotes, dont la formation longue et sophistiquée était la plus dispendieuse. Ils avaient donc développé les équipements permettant la survie de ceux-ci et multiplié les systèmes de sauvetage.
    • Enfin, ils disposaient du code secret de la Marine Impériale Japonaise, ce qui explique évidemment une grande partie des échecs du Japon. 

    De leur côté, les Japonais disposaient de matériels de grande qualité et de militaires réellement supérieurement entraînés. 

    Néanmoins, leur philosophie martiale, assimilée - dit-on - à celle des anciens samouraïs, entraînait un mépris total de la mort. 

    Conséquence suicidaire, les notions de survie et de sauvetage des pilotes abattus étaient peu prises en compte. 

    Cela n'empêcha pas que des sauvetages d'aviateurs soient réalisés, mais ces actions étaient vues comme un luxe, jamais comme un ardent devoir.


    Les combats furent très durs de part et d'autres : Par exemple, entre Août 1942 et Février 1943, la Bataille de Guadalcanal opposa 75 000 soldats et marins Alliés à 50 000 Japonais.

    Elle coûta la vie à environ 20 000 Japonais et à 7 000 soldats Alliés. Les pertes matérielles furent également très importantes : 
    • Une trentaine de navires Alliés dont 2 porte-avions et plus de 600 avions.
    • Une quarantaine de navires Japonais dont 1 porte-avions léger et près de 700 avions.

    Une nouvelle période s'ouvrit pendant l'année 1943 : Les premiers effets réels de l'intensification extraordinaire de la construction de navires et d'avions enfin très modernes par les USA



    La mise à mort du Japon, dernier acte de la Guerre du Pacifique

    Les batailles qui suivirent aggravèrent les pertes aérienne du coté Japonais.

    La plus célèbre est la bataille des Philippines (19-20 Juin 1944) que les propagandistes US baptisèrent "le tir aux pigeons des Mariannes". 

    Dès le départ, la messe était effectivement dite :

    Aux 15 porte-avions US portant 900 avions ultra-modernes, la Marine Impériale opposait 9 porte-avions portants 450 avions. 

    Aux 21 croiseurs et aux 68 destroyers US répondaient 13 croiseurs et 31 destroyers Nippons.

    Je dois ajouter 300 avions Japonais basés à Terre (dont il semble qu'un nombre significatif avaient été détruits au sol avant même qu'ils aient décollé).

    Le bilan fut sans appel :
    • Les Américains ont perdu 109 hommes et 123 avions, dont 80 parce qu'ils n'avaient pas réussi à rejoindre leur porte-avions (ce qui doit probablement résulter de fuites d'essence occasionnées par les combats).
    • Les Japonais ont perdu 3 000 hommes, 3 grands porte-avions, 2 pétroliers et un grand nombre d'avions : de 550 à 645 d'après Wikipedia en langue Anglaise qui évoque d'ailleurs des exagérations, 395 suivant le même média en Japonais.
    • Donc, dans le pire des cas, les USA impose un score de 30 à 1 aux Japonais et dans le moins mauvais calcul, le rapport des pertes aériennes est près de 5 à 1.  

    Cependant, même à la toute fin de cette guerre, en Août-Septembre 1945, les pilotes alliés durent éviter de sous-estimer les plus anciennes version du Zéro.

    Un des très grands stratèges Français, l'amiral Pierre Barjot, écrivait que cette victoire sans appel était due à la supériorité absolue du Hellcat sur le Zéro.

    Plus exactement que c'est toute la stratégie Américaine qui a complètement écrasée la stratégie Japonaise. 

    Cette stratégie US a consisté en premier lieu à produire :
    • beaucoup de porte-avions (il y en avait 128 lors de la capitulation du Japon !), 
    • beaucoup d'avions 
    • et beaucoup de pilotes.
    Ainsi en deux ans (de 1943 à 1945) Grumman a fabriqué 11 000 chasseurs F6F Hellcat, soit 5 500 chaque année.
    Entre Avril 1940 et Août 1945 (donc plus de 5 années), Mitsubishi avait construit seulement 10 500 Zéros, donc 2 100 par an... 

    Bien évidemment, du côté Japonais, le nombre de pilotes formés ne suivait pas davantage.

    D'un autre côté, on ne peut que s'étonner de la résistance têtue des décideurs marins face au moteur Mitsubishi Kinsei. 
    Ce qui me surprend, c'est que l'expérimentation n'en fut même pas tentée, comme si les décideurs savaient d'avance qu'ils avaient tort !

    Ce même mécanisme toucha aussi le Mitsubishi A7 M Reppu, successeur de Zéro, qui, dès 1942, aurait été d'emblée supérieur au Hellcat
    On préféra lui imposer un moteur NK 9 qui le mettait seulement au même rang que le A6M5.
    On ne lui permit de passer au moteur MK 9 que pendant les derniers mois de la guerre : L'avion volait à 630 km/h, montait à 6 000 m en 6' 7", à 10 000 m en 15' 20"

    Dix d'entre eux furent produits à la toute fin de la guerre...

    Les chasseurs sont pensés et construits pour protéger les bombardiers et leurs bases, donc les flottes dont ils partent.

    Chez les Japonais, on constate que moins de 20 % des avions portés par les porte-avions étaient des chasseurs.

    Si le Mitsubishi A6 M2 était - de loin - le meilleur chasseur de la période, il ne pouvait pourtant pas survivre à l'attaque de trop d'adversaires à la fois

    Hors, lorsque l'on construit peu de chasseurs, les navires de la flotte, en particulier ceux qui servent au transport de soldats et de matériel (donc des navires marchands à l'origine) n'ont que peu de chance de survivre, car seule la Chasse peut détourner ou détruire leurs assaillants.

    A bon entendeur salut !








    6 commentaires:

    1. Toujours aussi passionnant et bien documenté !
      Mais pourquoi mettez-vous des majuscules aux adjectifs de nationalité ? (C'est le côté ancien prof de Lettres qui parle...)

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    2. Merci de votre gentillesse, cher ami.

      J'ai en fait repris l'orthographe des lettres de guerre de mon Grand Père André Delpey (né en 1880) et qui avait appris ceci dans l'école de Jules Ferry.
      C'est aussi plus facile pour certains lecteurs étrangers.

      Mais vous ne me voyez pas mettre de majuscules pour les nazis : Je suis partial, je le confesse.

      PS : Depuis sa publication (par maladresse), j'ai un peu modifié le texte qui est en ligne (ce sont des détails).

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    3. Le Zeke mérite toujours de retenir l'attention.
      En regardant le plan 3 vues, comment ne pas penser au Gloster F.5/34, sans prétendre à une influence directe.
      ce rapprochement de maquettes est intéressant:
      http://sam40.fr/wp-content/uploads/2019/05/unofficialairfixmodeller2.jpg

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      1. Le seul point qui soit en probable filiation entre le No Name / Guardian fighter est cette remontée prononcée de la ligne du capot vers l'avant de la verrière : Elle est quasi identique sur les deux chasseurs.

        La canopée entièrement vitrée vient soit du Nieuport 161 soit du Loire 250.
        On la retrouvera dès le Nakajima Ki 27 Nate au Japon et sur le FW 190 bien avant qu'elle resurgisse fin 1943 un peu partout.

        La structure du fuselage du Gloster était celle d'un monocoque à revêtement travaillant. Il manquait un métal à très faible densité...

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    4. Bonjour,

      J'écris ce commentaire bien après la parution de cet article en profitant de la parution et la lecture d'un hors-série du Fana de l'aviation consacré justement au Zero.

      La lecture de cette parution m'inspire quelques remarques.
      - Votre par ailleurs excellent article s'articule autour du Zero et de la stratégie nipponne, indiquant que l'excellence de l'un était empèchée par la seconde. Je ne le crois pas car malheureusement il n'existait pas de stratégie suffisante pour les japonais pour envisager d'éviter la défaite.
      La stratégie japonaise se résumait en
      1/ obtenir une zone de défense suffisamment étendue.
      2/ frapper la flotte US suffisamment fortement pour que les USA leur abandonnent cette zone.
      C'est ce point deux qui était l'erreur fondamentale des japonais, après Pearl Harbor les USA et tout le peuple américain avait pour objectif de poser le drapeau américain à Tokyo et rien n'aurait pu les en empêcher. Même prendre même détruire les réserves pétrolières de Pearl Harbor, même prendre Midway dès le premier jour. Le Japon était tout simplement trop faible pour arrêter les forces US; juste les ralentir... LEs USA se sont payé le luxe d'écraser le Japons tout en envahissant l'Europe, c'est dire.

      Autre point vous dites en final que le Zero était le meilleur de loin des chasseurs de l'époque. Certainement le meilleur du début de la guerre mais certainement plus en 1943 avec l'arrivée du Hellcat. Ce dernier dominait quasiment dans tout les domaines le A6M5 alors que les pilotes japonais volaient encore beaucoup sur des M2 et M3.
      D'ailleurs si le Hellcat a marqué la fin de la domination du Zero, cette dernière était déjà battu en brèche avec le Wildcat pourtant inférieur. En effet la Navy a très tôt admis la supériorité du Zero et a mis en place des tactiques tel que le double ciseaux de Teach ou l'utilisation du hit and run et du piqué atténuant la supériorité manifeste du Zero. Quand on regarde les statistique des pertes avant l'arrivée du Hellcat les amiraux et généraux japonais auraientpu voir un inquiétant équilibre et non une domination.

      Enfin vous dites que le Japon n'a pas construit assez de chasseur. C'est certes vrai mais l'eussent-ils fait qu'ils n'avaient pas assez de pilote à mettre dedans et encore moins de pilotes chevronnés. Les pilotes japonais du début de la guerre volant offensivement au-dessus de l'ennemi ne prenaient pas leur parachute ! et de toute manière n'avaient aucune structure de récupération alors que les pilotes américains qui volaient sur des avions robustes pouvaient espérer être récupérer et l'ont été très souvent par des hydravions et des sous marins.
      Par contre effectivement les japonais n'ont pas su amener une nouvelle génération de chasseur à maturité. Du fait de problème d'approvisionnement notamment d'excellents appareils n'ont pu devenir fiable avant la fin de la guerre.

      Pour finir et par rapport à l'attaque de Pearl Harbor si cette dernière montre bien la "plus valus" d'une force aéronavale il ne me semble pas qu'elle était le signe de l’inefficience du cuirassé. Ces dernier étaient à quai et bien sûr qu'ils furent coulés mais des porte avions à quai auraient subis le même sort. Par contre l'épisode menant à la submersion du HMS Prince of Wales et du Repulse 3 jours plus tard était effectivement l'archétype de la thèse de Mitchell. Deux navires cuirassés modernes ET manœuvrant coulés par une flottille (36) d'avions japonais, la messe était dites.

      Au plaisir de vous lire.



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      1. Cher ami, c'est toujours un plaisir de vous lire.
        Oui, vous avez entièrement raison sur le fait que, compte tenu de la philosophie générale des décideurs de l'armée Japonaise, l'histoire ne pouvait que se terminer ainsi et je souscris (sincèrement) à l'ensemble de vos arguments, à l'exception d'un seul : Le Hellcat ne domine l'aéronavale Japonaise que parce que le Reppu n'est pas sorti pour les raisons que j'indique,liées à un freinage "bizarre".

        Par contre, vu l'ensemble des avancées ahurissantes que les Japonais ont réussi seuls depuis 1920, je pense que leur défaite aurait pu être largement retardée.

        Mais, pour cela, il eut fallut un tout autre stratège que Tojo ou Hiro Hito, une sorte de Napoléon des opérations amphibies.





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