samedi 4 août 2012

Le Spitfire, vedette des Batailles de Dunkerque (?) et d'Angleterre (révisé le 07 / 07 / 2023 *** ***)


(you can read this post in English on this site)

Bien sûr, le Spitfire... 


On a bien du mal à connaître les performances du Hurricane de la Campagne de France, qui sont confondues, bien à tort, avec celles - bien plus brillantes - qu'il avait lors de la Bataille d'Angleterre.

Mais il est tout aussi difficile de connaître les performances du prototype K.5054 du Spitfire au moment de ses débuts. 

On en a, depuis, dressé le portrait de l'avion né parfait (propagande, quand tu nous tiens), en mettant en avant la phrase - totalement sortie de son contexte - émise par le chef pilote d'essai de Supermarine, Mutt Summers, après le tout premier vol du 10 Mars 1936 : "Surtoutne touchez à rien". 

Si une telle politique était compréhensible, plutôt même obligatoire, face à la machine de propagande nazie, elle n'a strictement plus aucun sens de nos jours tant que l'on se place dans une perspective historique.  


Bien sûr qu'il fut modifié, ce chasseur, et, même, il fut nécessaire de le modifier plusieurs fois. 


(J'ai écrit les phrases qui précèdent en 2012. 

Et j'ai été bien satisfait de lire - en Janvier 2014, dans cette autre interprétation : "Surtout, laissez-le moi dans l'état aérodynamique où je vous le laisse".)

La conception aérodynamique du Spitfire était remarquable, avec une voilure présentant - pour l'époque - une très faible épaisseur relative (12.5%) et un vrillage aux extrémités. 

C'était le gage de vitesse élevée et de progressivité des décrochages, mais, ainsi que cela se vérifia assez rapidement, ce choix posa un casse-tête aux ingénieurs lorsqu'il fut question d'y monter des canons, parce que l'aile manquait gravement de rigidité face aux ébranlements créés par le puissant recul des canons Hispano HS 404.

L'avion avait 9.12 m de long. A l'époque, c'était un
 fuselage très effilé.

Sa voilure avait une envergure de 11.23 m d'envergure et une surface totale de 22.48 m².




Photo du Prototype K.5054 - copiée par moi - sur le site d'hommage à RJ Mitchell qui créa le Spitfire. L'hélice bipale est en bois et à pas fixe, il n'y a pas encore d'échappement propulsif, la verrière  n'est pas encore arrondie - le casque du pilote la touche visiblement - mais le reste de la structure est celle des futurs avions opérationnels



Le Spitfire restera cependant dans l'Histoire comme un avion de chasse remarquablement pensé, qui a été merveilleusement mis au point par une équipe très brillante, y compris très longtemps après la mort de son concepteur.

Il constitue donc une très grande réussite technique Britannique.


Mais, si remarquable que sa conception ait été, en 1936, il était encore très loin de ce qu'il est devenu par la suite. 

Il est navrant de prendre conscience, 80 ans trop tard, que si la firme Vickers, gigantesque fabricant d'armes, l'avait voulu, le Spitfire aurait été construit en grande série dès le début de 1937.

A ce moment-là, il aurait joué un rôle stratégique essentiel, qu'il ne réussit plus jamais à avoir.

L'apprentissage de la vitesse par les concepteurs

Le titre que j'ai donné à cette section peut étonner, vu que Reginald Mitchell avait réussi à faire voler son hydravion de la coupe Schneider de 1931 à la vitesse, alors impensable, de 656 km/h.

Cette vitesse très élevée avait, 
officiellement, nécessité cependant une puissance annoncée pour 2 500 Cv (en réalité, plus de 3 000 Cv) et une voilure très réduite de 13.5 m² imposant une charge alaire supérieure à 200 kg/m².

La vitesse maximale 
initialement mesurée du Spitfire fut de 528 km/h, pour une masse au décollage de 2 420 kg, sans arme ni ballast (lest compensatoire représentant l'armement, si vous préférez)

Cette vitesse était remarquable pour un quasi premier jet. Cependant, la vitesse du Hurricane concurrent (507 km/h) parut dangereusement trop proche aux décideurs (?).

La grande surface de sa voilure lui conférait une charge alaire de 107 kg / m² (exactement identique à celle du Mitsubishi A6 M2 Zéro au combat).

Le moteur Rolls-Royce Merlin de cet avion était annoncé comme donnant 990 Cv, soit 40 Cv de moins que celui monté sur le Hurricane.

Mais dès la mi-Mai 1936, une nouvelle hélice
 toujours en bois et toujours à pas fixe - mais très améliorée - permettait de toucher les 558 km/h (soit 50 km/h de mieux que le Hurricane équipé du même moteur). 
Depuis 1940, on nous dit que cela déclencha (?) la commande de 310 exemplaires (dont les premiers ne sortirent  qu'en 1939), parce que Vickers refusa que Supermarine les construise en priorité (!?).

Dans cette dernière définition, sa vitesse ascensionnelle était donnée pour :

  •   5' 42" pour 4 500 m,
  • 17' 00" pour 9 100 m
Plus tard, le montage de pipes d'échappement à réaction permit de gagner 16 km/h (?).

{Pour ma part, je pense que le passage de 528 à 558 km/h a résulté de la simultanéité du montage de cet échappement propulsif et de la nouvelle hélice car je ne crois pas que le K 5054 ait pu voler à 574 km/h sans d'autres améliorations.}



Photo récupérée par moi sur le site (refusé par Google) indiqué dans le lien - Spitfire I bis : La belle qualité du revêtement est facilement perceptible, comme le pare-brise blindé de la dernière version. L'hélice tripale à pas variable est donc la Rotol, l'échappement propulsif est identique celui du Hurricane I et la radio est bien présente.



Il va de soi que cet avion provoqua un choc mondial, tant par ses lignes épurées, que par sa surface bien lisse et par les performances annoncées. 

A propos de son état de surface, il est intéressant, pour ceux qui veulent comprendre ce qui crée les bonnes performances, de savoir que le simple fait d'empêcher les têtes de rivets de dépasser des tôles de revêtement (par fraisage) permettait de gagner 35 km/h en vitesse de pointe !

Cela montre, contrairement à ce que certains pourraient penser, que le simple coefficient de frottement du revêtement de l'avion est un élément à soigner sérieusement pour un chasseur.

Par ailleurs, sa masse relativement faible étonnait, vu la faible épaisseur relative de la voilure (qui entraîne normalement l'introduction de renforts pour éviter la torsion des ailes à haute vitesse). 

Cet avion prototype démontrait de très bonnes qualités de vol, même s'il était un peu moins facile à l'atterrissage que le Hurricane

Il devait ses qualités de vol en partie au vrillage des ailes, calées à +2° à la racine et -0.5° à l'apex (extrémité extérieure), disposition qui faisait décrocher en premier la partie centrale de la voilure tout en gardant le contrôle de la direction grâce aux ailerons.

La rapidité de ce chasseur fut très certainement la raison qui poussa, en Allemagne, Willy Messerschmitt et Ernst Udet à pousser pour équiper (trop) rapidement le Bf 109 du moteur DB 601 à injection directe, ce qui entraîna que la mise au point de ce moteur ne put jamais être parfaite.


Opérationnel

La première version "opérationnelle" du Spitfire (en fait, il vaut mieux parler d'avions de présérie) disposait toujours d'une hélice bipale en bois à pas fixe.  

A la masse au décollage de 2 625 kg, soit un "surpoids" de 205 kg et une charge alaire passée à 117 kg/m², les performances 
publiées en Janvier 1939 (issues de ce site) étaient différentes de celles du prototype.

La vitesse maximale était de :
  •   460 km/h au niveau de la mer ; 
  •   494 km/h à 1 500 m,
  •   528 km/h à 3 000 m,
  •   560 km/h à 4 500 m,
  •   580 km/h à 6 000 m, 
  •   561 km/h à 7 600 m
  •   505 km/h à 9 100 m.
En montée :
  • 3 000 m étaient atteints    en  4' 20"
  • 4 500 m                            en  6' 30", ce qui permet d'estimer  :
        • 4 000 m en  5' 20"
        • 5 000 m en  7' 40",
  • 6 000 m                            en  9' 24"
  • 7 600 m  (25 000 ft)         en 14' 15" (soit environ 15'12" pour 8 000 m)
  • 9 100 m                           en 22' 24" (soit une perte de près de 6 minutes sur le                                                        prototype, le passage de 4 500 m à 9 100m = 15' 54")

Le plafond pratique était seulement de 9 500 m.

Cette version montre que le Spitfire avait été mis au point pour tirer après une poursuite mais que la notion de combat aérien n'était pas encore correctement comprise par les ingénieurs qui essayaient de remplacer le défunt Réginald Mitchell. 

Le temps de 17' 00'' pour monter à 9100 m du prototype 5054 était excellent. 
Les 22' 24" de la version suivante et les 22' 48" de la première version à hélice à pas variable de 1939 démontrait l'incompréhension de la tactique de chasse.


Juste quelques mois plus tard, à l'été 1939, une nouvelle version fut sortie, équipée d'une hélice De Havilland métallique à 2 pas réglables en vol. 

L'avion pesait maintenant 2 700 kg au décollage (+ 75 kg sur le précédent, donc 280 kg de plus que le prototype).

La charge alaire était  passée à 120 kg/m².

Cependant, la course de roulement au décollage comme à l'atterrissage s'était réduite.

La vitesse de pointe avait légèrement progressé (590 km/h à 5 700 m) et si les performances de montée paraissent seulement très moyennes, c'est bien parce que la masse avait augmenté et 
que le réglage du petit pas n'était sûrement pas optimum.
J'ai idée que ce furent cette hélice et ce réglage qui furent appliqués aux Spitfires PR de reconnaissance et dépourvus d'armement et que l'on dit "Cottonisés".
  •     4' 54"        pour              3 000 m, 
  •     7' 30"    ------------          4 500 m, perte de 1 minute sur le modèle précédent
  •     8' 54"    ------------          5 000 m,
  •  10' 42"    ------------           6 000 m,
  •  16' 24"    ------------           7 900 m,
  •  22' 48"   -------------           9 100 m, le passage de 4500 à 9 100 m = 15' 18", soit un                                                gain de 0' 36".

On voit que les bienfaits du pas variable n'apparaissent que si l'on compare finement les temps par tranches d'altitudes : Le réglage de l'hélice De Havilland favorisait exagérément la vitesse au détriment des capacités ascensionnelles.


Si cette version montait moins vite à basse altitude, son plafond pratique, avec 10 500 m, était enfin identique à celui du Messerschmitt 109 E. 

Cet avion fut probablement celui qui opéra sur Dunkerque pendant l'opération Dynamo où il impressionna les pilotes de chasse Allemands (par sa maniabilité et sa vitesse de pointe).

A mon avis, ce furent surtout la vitesse et les qualités dynamiques de cet avion qui les impressionnèrent. 

Les Britanniques reconnaissent la perte de 42 Spitfire sur Dunkerque pendant l'évacuation, ce qui est un très lourd tribu pour moins d'une semaine de combat. 

Sir Basil Liddell Hart (en 1970) concédait 106 chasseurs Britanniques abattus contre 135 avions Allemands abattus. 

Une part non négligeable des pertes Allemandes furent aussi dues aux DCA des marines Française et Britanniques.



 Pour la Bataille d'Angleterre, enfin, le Spitfire était devenu une toute autre bête

La généralisation du carburant à 100° d'octane, comme l'arrivée des hélices automatiques à changement de pas continu (constant speed) de Havilland ou Rotol (Rolls-Royce + Bristol), s'étaient combinées à une puissance de 1 310 Cv pendant 5' (à moins de 3 000 m) et que l'on oubliait systématiquement de mentionner dans les publications jusqu'en 1990

L'hélice Rotol avait l'avantage, sur toutes les autres hélices, de permettre une excursion angulaire de 35°,
considérable à l'époque. 

Elle le payait par une masse proche de 200 kg...

Au poids de 2 780 kg (+ 50 kg, soit une charge alaire passée à 124 kg/m²), l'avion (N.3171) décollait beaucoup plus vite, sa vitesse maxi ne dépassait plus les 570 km/h (perte de 20 km/h attribuée aux influences combinées des kilos supplémentaires et du pare-brise blindé).

Le plus important était l'amélioration de la vitesse de montée : 
  • 3 000 m      en 3' 30"          14.3 m/s     dernier 1 000 m en    70 secondes,
  • 4 000 m      en 4' 40"                             dernier 1 000 m en   70 secondes, 
  • 5 000 m      en 6' 00"                             dernier 1 000 m en   80 secondes, 
  • 6 000 m      en 7' 42"          13 m/s       dernier 1 000 m en 102 secondes, 
  • 7 600 m      en 11' 00"        11.5 m/s    dernier 1 000 m en 198 secondes,
  • 9 100 m      en 16' 24"        9.7 m/s        dernier 1 000 m en 264 secondes. 
Le Spitfire était devenu un bien meilleur grimpeur (mais moins bon que le Nieuport 161-03 de 1938 jusqu'à 8 000 m). Cela s'expliquait aussi par le gain de puissance de 300 Cv en dessous de 3 000 m.

Enfin, le plafond atteignait les 10 600 m.

Cet avion-là, malgré son fameux trou d'accélération en négatifs, était plus que concurrentiel face à son homologue Germanique. 

J'aurais tendance - sacrilège, je sais - à le désigner Spitfire Mk I bis.

C'est de cet avion, et de celui-là seulement, que Galland voulait équiper son Staffel !


Quelques défauts

Je n'ai pas évoqué de défaut, et pourtant il y en avait encore quelques uns. 

Un armement initial inadéquate


Un premier problème résultait de l'erreur d'appréciation des armes qui devaient équiper les chasseurs de 1938.

Les décideurs Britanniques, peut-être MM. Trenchard et Dowding, forts de leur longue expérience, avaient instauré un dogme : Pour abattre n'importe quel avion, il "suffisait" de tirer pendant "seulement" 2 secondes avec les 8 mitrailleuses de 7.7 mm.

Voilà qui aurait certainement marché vers 1925, à un moment où l'essentiel de la production aéronautique était constituée essentiellement d'avions en bois, voire d'une ossature métallique recouverte de toile vernie que de multiples impacts auraient déchirée.

En 1934, les choses avaient bien changées. Les avions commerciaux
(DC 3) étaient désormais construits en métal avec un revêtement travaillant, donc épais.

D'un autre côté, tenir un avion 2 secondes dans son collimateur n'a rien d'un jeu d'enfant car, voyez-vous, ces vilains et incorrigibles pilotes ennemis refusent toujours de rester sagement dans le viseur d'un sympathique pilote de chasse Britannique, quel révoltant manque de fair  play 

Considérons ce problème de puissance de feu à la manière des marins de 1914 (pendant le règne des dreadnoughts). 

A l'époque, on considérait avant tout le poids de la bordée, donc de la totalité des obus susceptibles d'être lancés soit en une seule salve générale, soit en une minute.

Les mitrailleuses Britanniques étaient soit des Vickers K (envoyant des balles de 10 gr à 760 m/s de V0), soit des Browning envoyant des balles identiques à 840 m/s. 

En acceptant que ces 8 mitrailleuses tiraient 1 000 cpm, cela donne une énergie cinétique cumulée pendant 2 secondes un peu inférieure à 200 000 joules.

Dans le même temps, le "pauvre MS 406" avait une bordée de 2 270 000 joules (l'obus de 20 mm ayant la masse de 12 balles de 7.7 et se déplaçant initialement à 880 m/s, et, en plus, l'obus était explosif). 

Deux secondes de tir d'un Hurricane ou d'un Spitfire représentaient environ 7 % d'un tir de même durée d'un MS 406 (en admettant, toutefois, que celles-ci arrivassent au but)...

De plus, les 300 cartouches par armes étaient bien insuffisantes (le Hurricane, lui, disposait heureusement de 500 cartouches par arme).

Enfin, dans un combat air/air, le chasseur, comme sa proie, sont soumis à des mouvements aléatoires, donc imprévisibles :
  • Le pilote de la proie fait, évidemment, ce qu'il peut pour sortir de la ligne tir du chasseur (ce qui devrait être interdit par les lois de la guerre ;=)).
  • De son côté, le chasseur est soumis - en tout cas lorsqu'il est dans les 6 heures de son ennemi - aux turbulences de sillage engendrées par cette proie et qui sont d'autant plus fortes que celle-ci vole à forte incidence et qu'elle est plus volumineuse.
La propagande Britannique, 85 ans après les faits, s'extasie toujours sur la perfection de ce choix d'armement, au point de faire encore semblant d'y croire encore en 2022 !

Curieusement, cependant, après la Bataille d'Angleterre, on décida de placer des canons Français Hispano-Suiza HS 404 ou HS 405 sur tous les avions de chasse Britanniques.

Malheureusement, la structure très mince de l'aile elliptique du Spitfire souffrait d'un défaut de rigidité qui interdisait le tir des canons de 20 mm Hispano-Suiza (qui se bloquaient après quelques cartouches, au maximum - curieusement, cela n'était pas souvent le cas sur les Bloch 152 ni avec le bimoteur Westland Whirlwind). 
Le chef d'escadrille James McComb (sq 611) écrivit qu'en virage, grâce à ses ailes plus rigide, le Hurricane était une meilleure plateforme de tir que le Spitfire dont les ailes se gondolaient (fana de l'Aviation, hors série #70, Nov. 2022).

La mise au point de l'aile dite universelle (ou aile C) prit une petite année et rajouta quelques dizaines de kilos à l'avion, devenu entre temps - en 1942 - le Spitifire V C. 
Le supplément de masse nécessitée par la rigidification de l'aile est difficile à extraire puisque le blindage, le moteur et l'armement avaient aussi été changés. L'avion dépassait les 3 000 kg au décollage.

Un taux de roulis trop faible

Un autre défaut fut évoqué par Louis Bonte dans son Histoire des essais en vol (Docavia #3, 1974). 

Bonte dit que les qualités de vol du Spit étaient bonnes sans marquer pourtant le moindre enthousiasme (ce qui est quand même ennuyeux pour sa propre crédibilité...) mais il dit aussi que le gauchissement à grande vitesse demandait des efforts trop importants

Il préféra faire commander des Curtiss H 75, qui, d'après lui, avaient toutes les qualités voulues.

De fait, ce défaut existait bel et bien et fut éliminé lorsque l'excellent Jeffrey Quill, principal pilote d'essais du Spitfire, exigea de participer à d'authentiques combats

Ce fut réalisé pendant la Bataille d'Angleterre (2 victoires en 3 jours !) et il éprouva personnellement en combat à quel point la force exigée à haute vitesse pour mouvoir les ailerons était trop élevée pour obtenir une rotation en roulis suffisante. 

Confronté à ce problème, il le signala avec beaucoup d'insistance et ce fut alors que l'on découvrit que l'entoilage des ailerons se gonflait comme un ballon à grande vitesse. 

Lorsque les ailerons eurent été construits entièrement en métal, ce problème disparut complètement (mais il fallut encore beaucoup trop de temps pour y arriver).

Vickers modifia enfin le mode de construction des ailerons. Ce retour d'expérience a eu lieu bien tard... et ne se fit sentir qu'après la fin de l'année 1940.


Un problème de train d'atterrissage 

Le train du Spitfire est aussi étroit que celui du Bf 109 Allemand. 
Pourtant, personne ne le critique jamais dans la littérature. 

Mais la Guerre est un juge impartial et se rit des conventions et du politiquement correct.

En lisant l'excellent livre de Bernard Baeza, Soleil Levant sur l'Australie (Lela Presse), on comprend que les pilotes Australiens de la RAAF (Royal Australian Air Force) ont cassé à peu près autant de Spitfire à cause de ce train que les pilotes de chasse Japonais ont cassé de leurs propres chasseurs à cause de leurs mauvais freins.

Cela démontre que le choix d'un train articulé sur le fuselage n'était pas du tout pertinent et qu'il n'a été occulté que parce que, probablement, l'entraînement dans les OTU Britanniques durait plus longtemps que dans celles du Commonwealth.

Par contre, les pilotes qui avaient bien intégré les contraintes de ce train eurent beaucoup de difficulté à se réadapter aux trains à large voie, ce qui explique en partie leur refus d'employer le Spiteful, pourtant considérablement supérieur (voir plus loin).


Une faible allonge

Le troisième défaut résidait dans une autonomie trop faible, le réservoir (unique) tenant 85 gallons impériaux, soit une contenance de seulement 386 litres d'essence.

La vitesse de croisière économique étant de 320 km/h (très faible, eu égard à la vitesse de pointe de l'avion), cela donnait une autonomie théorique totale de 705 km qui limitait fortement les capacités d'escorte et de projection de ce chasseur.

Le cahier des charges demandait d'assurer un décollage, une montée en altitude, une heure et vingt quatre minutes de croisière économique (qui contenait le retour à la base) et 15 minutes de combat.

En réalité, le rayon d'action de combat ne dépassait en aucun cas les 175 km.

Cela aurait pu être problématique en France car nombre des aérodromes Français étaient près des lignes ennemies.

Des réservoirs supplémentaires vinrent, là encore tardivement, réduire un peu ce défaut.


Une fiabilité aléatoire

René Mouchotte, dans ses carnets, mettait fortement en question la fiabilité des moteurs Merlin montés sur des Hurricane Mk I en 1941.

Bernard Baëza, dans  Soleil Levant sur l'Australie, signale que les Spitfire Mk V employé à partir de Janvier 1943 à Darwin souffraient de problèmes qui entraînèrent des pertes douloureuses parce qu'inutiles :
  • Le régulateur de l'hélice était très fragile,
  • La corrosion liée aux conditions tropicales avait entraîné la perte de deux avions avant  même leur arrivée en Australie,
  • Le train était défectueux,
  • Les canons gelaient en altitude (air connu sur les mitrailleuses de nos chasseurs !).

Incompatible avec la fabrication industrielle (?!)

Son dernier défaut était d'exiger 17 000 h de travail pour chaque avion livré. 

Voilà qui serait passé inaperçu si Vickers l'avait fait construire dans l'usine de Supermarine dès la première commande reçue 

Mais non ! Il fallut attendre 2 ans, donc 1938, pour que le tout premier avion de série sorte enfin ! 

Jeffrey Quill, bien conscient de cette anomalie, a expliqué dans le chapitre de ses mémoires consacré à cette question, que cela provenait du manque d'expérience des techniciens dans la construction des avions monocoques métalliques à revêtement travaillant. 

Mais d'autres avions étaient construits suivant les mêmes techniques en Grande Bretagne, et beaucoup plus rapidement : Le Fairey Battlequi partageait le même moteur et le même type de structure, était sorti à 1 000 exemplaires au 1er Septembre 1939 

Donc, son argument ne tient pas debout.

La mauvaise volonté des patrons de Vickers-Armstrong paraît avoir été totale et il eut été bien intéressant de connaître leurs motivations (qui pouvaient venir d'une grande sympathie pour Hitler, vu comme le rempart anti-communiste idéal). 

Avaient-ils une sympathie pour l'Allemagne de Hitler, comme Lord Halifax et, surtout,  comme le Roi Édouard VIII (future Duc de Windsor) et le premier ministre Sir Neville Chamberlain ?

Vu que, à l'entrée en guerre, la France disposait de 570 Morane 406 - chasseur en réalité bien plus long à construire (entre 22 000 et 24 000 heures) que le Spitfire - il est incroyable de constater que la Grande Bretagne n'ait disposé, au 1er Septembre 1939, que de 200 Spitfire (et encore, si cette quantité a vraiment été produite) et même de seulement 500 Hurricane (construits en 10 000 heures "seulement"), tous ces avions ayant été commandés bien plus tôt que le MS 406. 

On peut rêver à ce qu'aurait donné une RAF équipée de 570 Spitfire et 500 Hurricane dès le début des hostilités...

Donc une puissante RAF eut été possible. 
Peut-être, un jour, des documents nous expliqueront ce que je considère comme un véritable sabotage de la cause Alliée. 

Il faudra probablement une bonne centaine d'années pour que ce miracle ait lieu.

Les Spitfire au combat

Le premier engagement du Spit pendant la Seconde Guerre Mondiale date du 6 Septembre 1939, lorsqu'une escadrille de ces avions fut envoyée par le Fighter Control pour intercepter des intrus.
Ces derniers étaient malheureusement des Hurricane qui perdirent 2 des leurs, un des pilotes étant tué ! 
La DCA abattit un des Spitfire. Ce fait d'armes (?) constitue la Bataille de Barking Creek
Il est évidemment loin d'être glorieux.

Ensuite, pendant les neuf mois suivants, les Spitfire ne firent plus parler d'eux.
 
Au moment de la Bataille de France, eux et
 leurs pilotes restèrent bien sagement dans leurs îles.

Depuis, "on" nous a répété sans relâche que Lord Dowding, chef du Fighter Command en 1940, refusait "sagement" d'envoyer ses Spitfire en France. 

Un mathématicien Français, lauréat de la médaille Fields (donc officiellement génial) et bien connu en politique, a même soutenu mordicus cette fable.

Ceci est juste un roman destiné aux enfants. 

D'abord parce que le vrai décideur a très certainement été le gouvernement Britannique, ou plutôt son chef, ce qui correspondrait bien mieux à la structure décisionnelle de la démocratie Anglaise comme au caractère de Winston Churchill

Cependant, en y réfléchissant, le choix de conserver le meilleur avion de chasse à la maison pour défendre le sol national, ne paraît pourtant pas du tout avoir été aussi pertinent que cela, en dépit de son approbation par les média Britanniques (bien après la fameuse Bataille d'Angleterre)

Base de réflexion


Tout le monde sait que les pilotes de Hurricane se battirent en France avec beaucoup de courage
 et une certaine efficacité contre les bombardiers, malgré leurs pertes considérables. 

A cause de cela, les survivants se forgèrent très rapidement un entraînement remarquable au combat contre l'ennemi aérien le plus dur qui se puisse rencontrer à l'époque (sélection Darwinienne). 

De ce fait, ils surent tirer le meilleur possible de leurs avions pendant la Bataille d'Angleterre. 

Ayant obtenu un plus grand nombre de victoires que les pilotes de Spitfire pendant cette bataille, deux mois plus tard, signifie que, malgré un avion largement inférieur sur tous les plans, les pilotes de Hurricane avaient réussi à compenser une partie de leurs handicaps.

Cette compensation me paraît être venue à la fois de leur meilleure faculté à analyser les données de combat en temps réel - ce qui ne s'apprend qu'au combat (c'est la base de TOP GUN) - et de la mise au point définitive de leur monture.


Anomalie significative

Par contre, fin Mai 1940, au moment de l'évacuation de Dunkerque, lorsque les pilotes de Spitfire découvrirent le Messerschmitt 109, ils n'avaient encore jamais pratiqué de combats contre la Jagdwaffe

Ils subirent alors des pertes importantes qui, à mon très humble avis, furent significativement trop fortes eu égard aux belles qualités du Spitfire et aux potentialités de ses pilotes. 

Si les pilotes Allemands ont insisté ensuite sur la mauvaise surprise qu'avait constitué leur rencontre avec le nouveau chasseur Britannique, c'est qu'ils ont dû les prendre au départ pour des Hurricane et que cela ne pouvait que se passer très mal.

Et cet état de fait ne s'était pas le moins du monde amélioré pendant le mois de Juillet 1940, puisque 34 Spitfire et 33 Hurricane furent abattus au long de ces 31 jours alors même que le nombre des Hurricane était très supérieur à celui des Spitfire (suivant un rapport d'au moins 2/3).

Si ces deux chasseurs avaient été de même valeur en combat, et pilotés par des pilotes sachant aussi bien en tirer partie, les probabilités nous disent que l'on aurait dû compter 2 Hurricane abattus pour chaque Spitfire descendu. 

L’égalité constatée ici – et sur un nombre 
significatif d’avions – suggèrerait que le Spitfire était deux fois moins efficace que le Hurricane ! 

Si on tient compte de l'effarante facilité qu'avaient les mitrailleurs de bombardiers Allemands à enflammer les Hurricane en tirant sur leur réservoir central, il va de soit que ce bilan est épouvantable pour les Spitfire.

Mais, à l’évidence, cela ne correspond pas du tout à la valeur intrinsèque des deux chasseurs Britanniques

Cela démontre surtout que les pilotes de Spitfire de Juillet 1940 étaient encore de la bleusaille. Point !

On va ergoter en disant que ce chasseur n'était pas encore totalement au point, mais aucun matériel militaire - quel qu'il soit - n'est au point tant qu'il n'a pas été confronté par ses véritables utilisateurs à ses vrais ennemis. 
A l'Eté 1940, le Spitfire volait quand même depuis 4 ans...


De nos jours, on peut lire (Wikipedia en langue anglaise du début Août 2012) que le choix des ailerons entoilés, qui réduisaient fortement les capacités de roulis à grande vitesse était un choix volontaire, destiné à éviter les manœuvres trop brutales. 

Voilà qui ne me paraît absolument pas crédible. 
Cette structure permettait surtout des réparations faciles et bon marché.

Les biplans de la génération précédente devaient difficilement passer les 500 km/h en piqué et leurs pilotes connaissaient très rarement de tels problèmes...


Un emploi anormalement "pépère"

En Grande Bretagne, jusqu'à la fin Juin 1940, les Spitfire n'avaient pu détruire que quelques bombardiers égarés ou des avions de reconnaissance. 

Les méthodes de combat de leurs pilotes n'avaient pas donc besoin d'être très complexes. 

Alors, ils pouvaient seulement peaufiner leurs qualités de tireur, ce qui était intéressant pour endurcir des pilotes néophytes.

Mais ils eussent aussi bien pu le faire avec des Hurricane.

Par contre, si une seule escadrille de Spitfire avait partagé la lutte des Français contre les Allemands dès le début, leurs pilotes eussent rapidement été confrontés
 aux Messerschmitt 109 en combat réel

Ils en auraient alors pris l'exacte mesure et auraient pu la transmettre à leurs collègues. 

L'issue des combats n'aurait probablement pas changé pour nous, Français, mais, au moins, Dunkerque aurait pu être mieux protégé, ainsi que les navires qui venaient récupérer les hommes. 

Enfin, et surtout, les pertes de l'Aviation Allemande à Dunkerque comme ensuite pendant la Bataille d'Angleterre eussent été considérablement supérieures. 

A mon avis, de nombreux pilotes Britanniques ont perdu la vie pour cette pusillanimité de leur(s) chef(s).




Le Spitful, successeur remarquable... mais rejeté !


Dès 1941, le bureau d'étude de Supermarine fit des recherches pour améliorer la vitesse de piqué maximale (VNE) du Spitfire, jusque là limitée à 772 km/h.

Le Spitfire Mk XIV à moteur Griffon 65 de 2050 hp volait à 715 km/h et montait à 6100 m en guère plus de 5'.

La masse à vide était de presque 3 tonnes et passait à 3 600 kg au décollage. 
La charge alaire était maintenant de 160 kg.

Une nouvelle amélioration devait concerner la voilure : On s'orienta rapidement vers un profil laminaire (sans aucun doute à cause des prouesses réelles du P 51 Mustang), repoussant ainsi la position d'épaisseur maximale du profil vers l'arrière pour diminuer l'importance des turbulences engendrées par le frottement le long du profil. 

En Novembre 1942, Supermarine publia la note # 470 où il était dit qu'une nouvelle aile de Spitfire avait été développée :
  • pour réduire la traînée liée à la compressibilité, 
  • pour améliorer le taux de roulis,
  • pour augmenter la vitesse.
En outre, un nouveau train d'atterrissage à large voie était introduit, un cockpit légèrement surélevé améliorait la visibilité du pilote et un nouvel empennage à surfaces allongées améliorait la stabilité directionnelle. 

Le revêtement travaillant de l'aile, bien plus épais, rigidifiait notablement la voilure.

Au début de 1943, la spécification F.1/43 soutenait la commande du prototype d'un Spitfire à voilure laminaire, ce qui fut suivi en fin octobre de cette année par la commande d'une série de plus de 370 exemplaires.

Pour une raison inexpliquée, le nouvel avion codé NN660, ne vola que le 30 Juin 1944 pour la première fois.

L'avion apparu instantanément comme considérablement plus rapide que le Spitfire Mk XIV.

Cependant, le 13 Septembre 1944, le destin frappa. Le pilote Frank Furlong rencontra un de ses collègues pilotant un Spitfire XIV avec lequel il engagea un combat simulé à basse altitude (toujours cette sacrée manie de vouloir entraîner un avion presque inconnu à basse altitude, là où le moindre problème devient mortel).

Le Spitful bascula sur le dos et s'écrasa, tuant son pilote.

En Janvier 1945, lorsque Jeffrey Quill soumit l'avion à un fort facteur de charge (mais à une altitude raisonnable), le manche se bloqua. 

Quill le libéra d'un simple coup de la paume de sa main.

On comprit que cela venait du fait que les ailerons du Spitful étaient commandés par des tringles à la place des câbles qui agissaient les ailerons des Spitfire

Les tringles furent soumises à des vérifications fréquentes et ce type d'incident disparut.



Supermarine Spitful : Un bien bel avion.



Le Spiteful XIV était long de 10.03 m.

Sa masse était de 3 333 kg à vide et de 4 513 kg au décollage.

Sa voilure présentait une envergure de 11 m pour une surface de 19.40 m².
Ceci aboutissait à une charge alaire de 232.54 kg/m².

Le moteur choisi était le puissant RR Griffon 69 de plus de 2 370 Cv. 

L'armement réunissait, entre autres, 4 canons Hispano HS Mk V.


Le pilote Patrick Shea-Simmons, interviewé par le Fana de l'Aviation (# 319 du 30 Juin 1996), insista sur le fait que le pilotage du Spitful décevait les nombreux pilotes habitués au Spitfire, ce dernier prévenant très progressivement de la survenue du décrochage parce que les extrémités de ses ailes étaient vrillées de telle manière que les ailerons restent toujours efficaces. 

Le Spitful prévenait bien, mais différemment et les pilotes devaient d'abord prendre le temps de s'y habituer avant de s'occuper de problèmes plus tactiques !

Par contre, ce chasseur avait d'excellentes qualités de sortie de vrille, ne nécessitant aucune manœuvre spéciale pour ce faire, rappelant ainsi le Dewoitine 520.

Alors que le Spitfire volait, au plus, à 720 km/h, le Spitful passait aisément les 775 km/h à 8 000 m, gagnait plus de 3 minutes pour monter à 6 000 m (4' 54" au lieu de 8' 00" pour un Spitfire 22) et il avait un rayon d'action de 900 km.

Le Hawker Fury à moteur Centaurus de 2400 Cv, qui lui fut préféré, volait à 735 km/h à 7 500 m et mettait 35 seconde de plus (5' 30 ") pour monter à 6 000 m.


Le Spitful était plus rapide que les Gloster Meteore III à réaction de la RAF de 1945 qui culminaient à 760 km/h. Il montait aussi nettement plus vite.

La dernière version du Spitful atteignait même 795 km/h, avec un Griffon 101 de 2 400 Cv.

Une version navale, le Seafang, aurait due être produite en même temps que le Spitful, et fut commandée au début du Printemps 1945. 

L'avion ne perdait que 15 km/h par rapport à son frère terrestre. Il fut rejeté au profit des avions à réaction qui, pourtant, ne purent pas tout de suite assumer la tâche d'avions embarqués, à cause d'un trop grand délai pour la remise des gaz.

Les Sea Fury furent employé pendant la guerre de Corée (où ils décrochèrent une victoire contre un Mig 15), mais le Seafang aurait eu toutes les chances d'obtenir de nettement meilleurs résultats

Ironiquement, les Britanniques finirent par employer sur leurs porte-avions d'énormes Westland Wyyern particulièrement lents (615 km/h) et au delà du médiocre... 




Cliquez ici pour lire pourquoi il eut été vraiment judicieux d'engager les Spitfire sur le continent dès le mois de Mai 1940. 









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