lundi 26 décembre 2011

Le Morane 406 - Pour l'entraînement : OK, pour la guerre : NON ! (augmenté le 19 / 11 / 2024 *** *** *** ***)

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Le programme des avions de chasse de 1934 


Le programme de Juillet 1934 exigeait :
  • Une vitesse de pointe supérieure à 450 km/h en altitude, 
  • Une autonomie de 2 heures et 30 minutes à une vitesse de croisière d'au moins 320 km/h,
  • Des temps de montée inférieurs à 
    •   6' pour atteindre 4 000 m,
    • 15'        "               8 000 m
  • Un armement d'un canon de 20 mm et de 2 mitrailleuses de 7.5 mm alimentées à 300 cartouches chacune ou de 4 mitrailleuses de 7.5 mm.
  • La maniabilité devait être excellente, une conduite intérieure était exigée, de même qu'un poste de radiophonie.

Les promesses écrites...

Le chasseur Morane-Saulnier MS 406, qui avait volé pour la première fois en Août 1935, a, depuis toujours, été décrit comme un avion remarquablerapide, maniable et fiable.

C'était ce que disaient ceux qui l'avaient choisi comme chasseur standard de l'Armée de l'Air Française : Les chefs du CEMA de 1936, qui manipulaient le ministre de l'Air Pierre Cot, qui, dans le même temps, profitait de sa position pour passer son brevet de pilote, justement chez Morane Saulnier (sacré conflit d'intérêt !).

Le général Philippe Féquant, chef de l'Armée de l'Air, très malade, avait, de ce fait, très mal pu suivre l'évolution de la situation internationale.

Le rapport du CEMA de Juillet 1936 signé du Capitaine Vernhol et de Louis Bonte, dit les choses de la manière suivante (repris sur l'article de Gaston Botquin, l'épopée du Morane Saulnier 4061, l'Album du Fanatique de l'aviation N°100, p. 29) :

"le MS 405, 

  • par ses qualités de vol,
  • la puissance de son armement*,
  • la bonne réalisation de ses installations*,
  • la rapidité de sa mise en œuvre*,
  • la facilité de son emploi et entretien*,
possède les qualités exigées par les avions C1 du programme de 1934 ; sa valeur est fonction uniquement de la qualité de ses performances". 
{Les étoiles, que j'ai ajoutées sur 4 rubriques, signalent :
  • que les 2 mitrailleuses étaient mal montées, 
  • que le collimateur était presque inutilisable (il vibrait en vol), 
  • que le remplissage total du réservoir prenait 15 minutes,
  • et que l'entretien de ce chasseur, acheté à cause de sa structure archaïque, n'était pas facile pour au moins 2 raisons : 
    • Les faibles performances de ce "chasseur" en faisait une cible très facile,
    • une fois endommagé, le nombre d'heures de réparation devenait tel que beaucoup de Morane furent abandonnés devant l'avance Allemande.}

Pire, cette fameuse qualité des performances ne fut jamais atteinte, ni en 1936, ni à aucun autre moment, parce que les minima exigés ne furent jamais atteints, loin de là, avec le moteur 12 Y 31 monté sur l'avion. Et ce n'était, en aucun cas, la faute de ce moteur. 



Un choix secret, jamais explicité !

Comme je le dis dans cet autre article, ce commentaire indique à quel point l'équipe du CEMA avait prémédité l'achat du Morane avant même d'avoir essayé ses concurrents.

Il m'a fallu douze longues années (depuis la création de ce blog) pour savoir lire les informations nécessaires pour comprendre cette catastrophe de la technique militaire qui ouvrit la porte à la victoire du IIIème Reich, donc à notre défaite.

Le programme de 1928 avait abouti à construire quelques avions intéressants, mais qui pérennisaient une technique archaïque. Entre autre, on avait mis en pleine lumière le Morane 225, archaïque, mais muni d'un compresseur et le Dewoitine 27, bien plus moderne, mais auquel on avait refusé le compresseur. 

On avait refusé le Spad 91-6/7 qui montait à 6 000 m en 8' et volait à 350 km/h.

L'Ingénieur Général Caquot avait lancé sa remarquable politique des prototypes en 1932.

Des avions aux structures modernes, qui étaient nettement mieux armés et plus rapides, sortirent sans problème et sans nationalisation.

Mais les pleureuses du CEMA ont fini par bloquer réellement la vraie préparation de notre aviation par un moyen inédit : par la prééminence de la réparation facile et pas chère, donc avec des bouts de ficelles !

La revue "la Science et la Vie", dans son numéro 211 du mois de Janvier 1935, avait publié un article de Mr José Le Boucher (pp.61 à 76). 

Cet article parlait des enseignements du Salon de l'Aviation de Paris de Décembre 1934. 

Vers la dernière partie de cet article apparaissait un chapitre intitulé "Mais...". Je cite :

"Mais qu'il s'agisse de monoplaces ou de multiplaces français, si réussi que soient certains types, (...), ils nous apparaissent tous frappés d'un même mal : la fabrication métallique intégrale.
Rien n'est plus fragile qu'un avion en temps de guerre.
Tous les pilotes ne sont pas pilotes d'essais. 
Tous les terrains ne sont pas des billards.
Tous les adversaires ne sont  pas des maladroits.

Que deviendront les appareils quand il leur sera survenu un "bobo", train faussé, aile plus ou moins "froissée", fuselage "sonné".

Il ne faut plus compter sur le parc pour réparer.

La construction métallique exige des spécialistes depuis longtemps formés à l'art de travailler la tôle (...).
(...)
C'est pourquoi les appareils anglais Hawker Super Fury (...etc...), construits de façon peut-être moins scientifique, mais beaucoup plus pratique et de réparation beaucoup plus facile que les nôtres - doivent retenir notre attention".

On pourrait s'étonner de la fragilité supposée des chasseurs Français construits pourtant au coefficient 17 !

On pourrait aussi être surpris par l'appréciation condescendante vis à vis tant de nos pilotes de combat que de nos mécaniciens d'aviation ! Les Allemands n'ont pas trouvé que nos pilotes étaient faibles, bien au contraire. 
Par contre, les MS 406 les ont bien fait rigoler. A ma connaissance, ils ne les ont pas employés dans leurs écoles, alors qu'ils y ont employés les Bloch et les D 520.

J'ai eu la chance d'avoir bénéficié pendant une dizaine d'année des services d'un ancien mécano de l'Armée de l'Air de cette époque là. Devenu chef de garage, il était un véritable magicien sur tous les plans de la technique.
 

Malgré cet article, les avions du programme de 1930, étaient tous, sauf le Morane 406, des monocoques, le plus souvent métalliques, et ils volaient bien, voire très bien. 
{Caudron et Arsenal étaient des monocoques construits en bois.}

Le Morane-Saulnier 405, comme sa version de série, fut le seul à disposer d'une construction type 1925 avec une structure en tubes soudés recouverts par de la toile et avec des ailes recouvertes de contreplaqué encollé de minces plaques d'aluminium.

L'article sur Jp. Wikipedia lui accorde une masse maxi de 2 720 kg. Je pense qu'il s'agit de la vraie masse de ce petit engin, car sa structure n'avait rien de léger. 

Des masses au décollage plus faibles existent bien dans la littérature, mais elles sont incohérentes avec les impressions des pilotes qui ont utilisé cet avion.

Mr. Le Boucher, et ceux qui ont inspiré cet article calamiteux, ont emmené notre chasse dans la voie du pire. 

Un avion de chasse, lent en vitesse horizontale comme en montée, sera irrémédiablement la proie de ses adversaires. 

Ne pouvant pas échapper à leurs tirs, il sera donc systématiquement endommagé à chaque combat, sauf s'il bénéficie d'une surprise totale.

Après 5 jours de combats depuis le 10 Mai, les groupes de Morane 406 virent leurs effectifs anormalement diminués. Cela ne fit qu'empirer.


Les dures réalités de la Bataille de France !

A l'occasion des combats aériens qui vont se produire du début de Septembre 1939 jusqu'au 24 Juin 1940, tous les pilotes opérationnels qui ont volé sur cet avion ont essentiellement éprouvé des déconvenues (voir mon article spécifique sur le MS 406 au combat) :
  • Le Morane 406 montait beaucoup trop lentement pour être capable d'intercepter les avions de reconnaissance,
  • Cet avion n'avait pas la vitesse permettant de rattraper les bombardiers Allemands qui fuyaient, et, encore moins, de rattraper les chasseurs ennemis, à moins d'arriver, par surprise totale, à les attaquer en piqué et par derrière,
  • Il était incapable de suivre tous les avions de bombardement ou de reconnaissance Français modernes que, par définition, il était censé escorter,
  • Le Morane 406 ne pouvait pas davantage fuir les attaques de chasseurs Allemands, par exemple lorsqu'il n'avait plus de munitions, 
  • Son moteur, particulièrement mal refroidi, interdisait de le pousser à fond plus de quelques minutes, 
  • Ses deux mitrailleuses gelaient régulièrement à haute altitude. De plus, on se rendit compte que leur type de montage, très médiocre, rendait leur précision très aléatoire

La maniabilité n'est pas tout

L'argument majeur de ceux qui ont imposé cet avion, était qu'il était manœuvrant (mais incapable de résister sur ce plan aux chasseurs Japonais) et facile à piloter. 

Ce fut l'argument principal du ministre Pierre Cot (responsable de sa commande) dans son article livré à Icare dans les années 1970

Et personne n'a jamais nié cela ! 

La voilure de 10.66 m d'envergure avait une surface de 17.10 m².

La longueur était de 8.13 m.

La masse à vide était à peine inférieure à 1 900 kg

La masse au décollage du Morane 406 (attention ! le MS 405 de 1936 pesait 200 kg de moins que la plus légère des variantes du MS 406) variait de 2 426 kg à 2720 kg suivant les sources.

Cela implique une charge alaire variant entre 142 et 152 kg/m² (le Morane 405 de 1936 avait une charge alaire de 124 kg/m², parce que :
  • il avait plus de voilure (18 m²),
  • il emportait trop peu d'essence (320 litres).

Pour autant, cette capacité de manœuvre n'en fit jamais l'égal du chasseur Mitsubishi A6M2 Zéro (107 kg/m²) ni d'aucun de ses contemporains Japonais, loin de là.

Confronté, à la fin 1940, en Indochine, au chasseur à train fixe Nakajima Ki-27 - dont la vitesse maximale n'était que de 470 km/h - il fut balayé instantanément, tellement le Ki-27 le dominait dans tous les compartiments du combat aérien. 



D'un autre côté, les MS 406 surpris à basse altitude par des Bf 110 n'avaient qu'une faible espérance de vie.

Tout le monde sait qu'un des buts de guerre de chaque belligérant est de provoquer le maximum de pertes chez l'ennemi.

Or, si un pilote très entraîné peut sans aucun doute tirer un très bon parti d'un avion manœuvrant (voir l'exemple célèbre des pilotes de la Marine Impériale Japonaise et de leur Zéro entre 1941 et 1942, voire plus tard), cette capacité s'affaiblit beaucoup à mesure que le temps d'entraînement des nouveaux pilotes se réduit. 


Et, à la guerre, il y a toujours des pertes.

Face aux pertes des pilotes présents au moment de l'entrée en guerre, la seule compensation est, était et restera l'entrée rapide en unité opérationnelle de jeunes pilotes, par définition considérablement moins entraînésCes derniers, n'ayant pas encore eu le temps d'arriver au top de leur entraînement, ne pourront tirer partie de leur avion que s'ils survivent aux premiers engagements.


L
ors de l'entrée en guerre, le Morane 406 était, et de loin, le chasseur le plus abondant de notre Armée de l'Air parce que tous les avionneurs (11 usines concernée !) avaient été obligés de le construire pour favoriser à tout prix la  standardisation tant désirée (voir ici)

Pourtant, à  cause de la longue durée de construction de ce (petit) chasseur, cette énorme mobilisation industrielle n'ayant pas suffit, d'autres avions durent être achetés, annulant, du coup, la fameuse standardisation

Bien évidemment, cette mobilisation de toutes les usines au profit du seul Morane 406 avait eu pour conséquence de bloquer pendant un an la sortie des avions de la génération suivante (le Dewoitine D.520, en particulier). 



C'était aussi 
 au fait que les 16 avions de présérie commandés en Juillet 1936 n'avaient commencé à sortir qu'au printemps de 1938, anomalie que l'on doit, en partie, aux grèves de 1936 (terminées certes fin Juin 1936, mais qui avaient laissé un état d'esprit catastrophique dans les entreprises), mais surtout à la structure archaïque de l'avion ! 

Il est à noter, d'ailleurs, que l'hebdomadaire Les Ailes, le 11 Février 1937, rapporte la colère du ministre de l'Air, Pierre Cot, à cause du retard de livraison de ces avions de présérie, aboutissant à une réquisition de l'usine Morane-Saulnier au 4 Janvier 1937. Un contrôleur militaire allait donc surveiller la production et on prévoyait de nationaliser l'entreprise au sein de la SNCAO.

L'entreprise répondit en disant que la commande, passée 6 mois plus tôt - donc fin Juin 1936 - était à livrer en Juillet 1937 et qu'elle n'était pas en retard. 

En fait, cet incident est intéressant à plus d'un titre : 
  • D'abord, il montre que la commande du Morane 405 préexistait à l'essai officiel du Nieuport 161, ce qui était, en soi, à la fois illégal et totalement anormal.
  • Ensuite, l'intervention de Pierre Cot était consécutive à des licenciements, suggérant fortement que la CGT était intervenue au plus haut niveau. 
  • Enfin, cette intervention très politicienne du syndicat, dans le style des commissaires politiques chers au régime stalinien, peut, en partie, expliquer l'absence d'évolution dans la définition aérodynamique de l'avion jusqu'à la fin de 1939, comme si les décideurs de l'entreprise avaient pensé : Vous voulez vous occuper seuls de cet avion, OK, débrouillez-vous et assumez !
On peut comparer au sujet de la rapidité de production, le sort de trois autres avions : 
  • Dewoitine 520 : Premier vol le 2 Octobre 1938, commande en Mars 1939, sortie des premiers exemplaires de présérie Décembre 1939 (14 mois et demi). 
  • Loire-Nieuport 40 : Premier vol  en juin 1938, sortie des avions de présérie en Juillet 1939.
  • Dewoitine 551 : Premier vol en Juin 1939, sortie des premiers exemplaires en Juin 1940 (12 mois, mais l'avion n'apparaissait pas comme prioritaire).

Plus stupidement encore, les MS 405 de présérie n'avaient même pas été employés pour réaliser de vraies expérimentations opérationnelles.

On s'était juste contenté de tester diverses configurations sans aucun intérêt tactique (lance parachute, par exemple, pour tester différents modèles de parachutes à de "grandes vitesses"). 

Les premiers modèles de série, désignés MS 406, identiques à 99.9% au MS 405 initial, avaient commencé à apparaître seulement en toute fin de 1938, soit plus de 3 ans après le premier vol du prototype. 



Donc, au minimum, notre système composé du CEMA et du STAé avait perdu plus de 2 années à ne rien faire (comme ce fut aussi le cas pour l'hydravion de chasse Loire 210 du côté de la Marine).

Concernant le chasseur Morane 405 / 406, on ne peut en aucun cas évoquer une quelconque mauvaise volonté de l'avionneur. 

On peut plutôt fustiger le caractère exagérément tatillon de ces administrations et leur résistance à perdre la main sur un avion qui les avait particulièrement séduits.


Un échec stratégique total

Les 187 victoires revendiquées par ses pilotes (nombre que j'ai obtenu en décortiquant à la main la remarquable monographie consacrée au Morane 406  par l'équipe de la revue Avions - Lela Presse) sont quasi confirmées par les 175 victoires Françaises reconnues par le site Wikipedia de langue Allemande consacré à ce chasseur (en Mai 2011). 

Mais ces victoires avaient été obtenues au prix exorbitant de 375 à 385 (donc en gros 400 avions abattus ou mis hors de combat, ce qui revient exactement au même, puisqu'ils ont été ensuite absents du ciel) ! 


Cela signifie que chaque victoire d'un Morane 406 avait été payée par au moins 2 Morane mis hors jeu !!!

Autrement dit, le Morane 406 n'a jamais été apte à disputer la maîtrise du ciel aux Bf 109 E !

{Le décompte de ces pertes est, de nos jours, différent de ce qui fut compté en 1940. 

Ainsi, il est maintenant d'usage de compter comme perdu tout avion incapable de repartir rapidement au combat, alors qu'autrefois, on acceptait de définir comme perte uniquement les avions entièrement détruits pendant le combat ou immédiatement après. 

C'est plus honnête, 
mais je ne suis pas sûr que l'on ait autant d'exigences vis à vis de nos adversaires de l'époque, comme vous pouvez le voir .}

Le Morane-Saulnier 406 fut donc, indiscutablement
, un échec dramatique à la fois sur les 2 plans tactiques et stratégiques puisque, de mon point de vue, la perte de la maîtrise de l'air est une défaite stratégique


Les raisons d'un échec 

Tout chasseur dépend, avant tout, de sa qualité aérodynamique et, sur ce plan, le Morane 406 était d'une qualité "résolument médiocre". 

Pire encore, personne n'essaya de l'améliorer entre 1936 et 1939, contrairement à tous les autres avions de Chasse de cette période.

C'est, bien sûr, une critique gravissime vis à vis de l'équipe de conception 
qui l'avait élaboré, mais c'est plus encore la critique de ceux qui entérinèrent le choix de cet avion. 


Le prototype MS 405 de 1936 était donné par la presse aéronautique de 1937, pour atteindre, en altitude, une vitesse de pointe de 443 km/h, voire seulement de 435 km/h pour l'Ingénieur Bonte lui-même dans son Histoire des essais en vol, Docavia #3, où il faisait explicitement référence à la vitesse de l'avion équipé du réducteur 49/51.


{Parenthèse : Les réducteurs sont des systèmes d'engrenages insérés entre le moteur et l'arbre d'hélice
Ils ont pour but de réduire la vitesse de rotation de l'hélice pour éviter que les extrémité
s de leurs pales atteignent des vitesses transsoniques ou supersoniques car, dans ce cas, leur rendement s'affaiblit considérablement. 

Avec une hélice de 3 m de diamètre associée à un moteur tournant à 2 400 t/min, la vitesse de l'extrémité des pales atteint 377 m/s (soit 1357 km/h) tant que l'avion est à l'arrêt moteur tournant. 

Elle dépasse donc déjà nettement la vitesse du son, soit ~320 m/s à 4 500 m et -11°C, ce qui en réduisait très fortement le rendement.

Le bureau d'étude Morane-Saulnier avait choisi un réducteur 49/51 qui ne ralentissait que d'environ 4% la vitesse des extrémités des pales, mais qui devait être plus léger.

En plus, on l'avait associé à une hélice de 2.60 m de diamètre, également très légère

Il me paraît donc vraisemblable que cela ait résulté d'une volonté d'alléger au maximum ce chasseur, mais aussi, semble-t-il, pour minimiser le couple moteur au décollage.

Toujours est-il que la vitesse de l'extrémité des pales tombait alors à 314 m/s à vitesse 0 (1130 km/h), ce qui restait quand même problématique.

On se souvient que le Morane volait à un peu plus de 125 m/s en pointe à 4 500 m (vitesse qui se composaient avec la vitesse des pales).

La meilleure des vitesses de cet avion fut obtenue avec une hélice de 3.00 m de diamètre tournant très nettement moins vite (réducteur 2/3, voir le schéma sur ce site), ce qui amenait les bouts de pales de l'hélice à 251 m/s (905 m/s) et améliorait réellement le rendement de l'hélice.


Pour mémoire, le Rolls-Royce Merlin du Spitfire avait un rapport de réduction inférieur à 1/2 qui amenait l'extrémité des pales à parcourir seulement 236 m/s (850 km/h) à l'arrêt.}




Morane-Saulnier MS 406 - ces avions sont en Syrie (1941) et amusent des soldats Britanniques.
Ils sont en bon état, mais on distingue bien les rides créées par les tubes du fuselage. Chaque rupture brutale de la surface en contact avec le vent de la vitesse induit des tourbillons qui réduisent la vitesse. 




Pourtant, les vitesses publiées officiellement pour l'avion de série étaient bizarrement très supérieures : 
  • 486 ou 488 km/h à 5 000 m, 
  • 400 km/h au niveau de la mer. 
Ces annonces avaient pour but de faire croire que le Morane 406 répondait très largement à l'exigence du programme qui l'avait fait naître (au moins 450 km/h en vol horizontal). 

Déjà, en dehors du cas de cet avion, une telle amélioration des performances n'arrive jamais, elle est donc particulièrement suspecte.

{Bien des concurrents furent impactés plutôt par des baisses de performances.
 
Le Spitfire fut donné pour :
  • 560 km/h en 1936 sans arme et en employant une hélice en bois à pas fixe, très légère, 
  • 590 km/h en 1939 armé et avec l'hélice à 2 pas De Havilland,
  • Il finit à 570 km/h en Juillet 1940 pour la version Mk I b is de la Bataille d'Angleterre avec l'hélice à vitesse constante Rotol (à excursion angulaire de 35°) et l'emploi d'essence à 100 d'octane permettant une augmentation de puissance de 310 Cv pendant 5 minutes (jusqu'à 3 000 m).

De son côté, si le Bf 109 V1 (le premier de tous) fut donné pour 473 km/h, avec 695 Cv, les 109 B, C ou D de série ne dépassaient guère les 460 km/h. 

Par contre, ils avaient enfin et leur armement et leur radio.

Quant au Bf 109 E 3, de 1 050 Cv en altitude, il atteignait 560 km/h pendant 5 minutes puis il devait ralentir ensuite à 520 km/h pour éviter de griller son moteur.

Chez les soviétiques, le Lagg I à moteur Hispano-Klimov, annoncé pour 600 km/h, perdit environ 60 km/h en passant au stade opérationnel. 

Là, on touche du doigt le prix dont l'URSS paya la destruction de l'excellente équipe Polikarpov et la mise en place de dirigeants inexpérimentés mais 
politiquement très bien vus.

Chez nous, le Dewoitine 520 vola initialement à 480 km/h, puis 500 km/h avant de passer à 527 km/h puis fut annoncé à 550 km/h pour finir,
 opérationnellement, à 540 km/h. 

L'augmentation de puissance à 1 000 Cv (HS 12 Y 51) fit monter la vitesse à seulement 562 km/h

Enfin, le bombardier LéO 451, annoncé à 502 km/h, vit sa vitesse opérationnelle descendre à 480 km/h, voire 462 km/h.}


Si la vitesse de 485 km/h du Morane avait été vraie, il aurait fait l'affaire.

En effet, les Hurricane Mk I Britanniques, qui ont correctement travaillé pendant les Batailles de France et, surtout, d'Angleterre, bien qu'annoncés pour 510 km/h, démontrèrent en moyenne une vitesse maximale de 20 km/h inférieure (305 mph, donc 490 km/h, d'après Lord Dowding, cité in Famous fighters of the second World War, vol I, W. Green, Macdonald, 1960), non significativement supérieure aux 486 / 488 km/h revendiqués pour le MS 406.

(02 01 2021) Dans les Carnets de René Mouchotte, vous trouverez à la date du 21 Août 1940, que l'auteur, instructeur sur MS 406 et juste entrée dans la RAF pour combattre l'ennemi, s'émerveillait de piloter le Hurricane Mk I qui volait à 480 km/h (300 mph), donc beaucoup plus vite que le Morane !

Pour fixer les idées, les vitesses maximales opérationnelles des bombardiers bimoteurs Allemands étaient, pour la période de la Campagne de France {Source Wikipédia en langue Allemande 2017}:
  • Dornier 17   : 415 km/h, 
  • Heinkel 111 : 390 km/h, 
  • Junkers 88 : 450 km/h.
Pendant l'occupation puis après la guerre, on ne publia que les valeurs correspondants aux avions en service en 1942 :
  • 440 km/h pour le Heinkel 111,
  • 470 km/h pour le Junkers 88. 
Si la vitesse officielle du MS 406 à 486 km/h avait été vraie, elle aurait donc  lui permettre de rattraper strictement tous les bombardiers Allemands.

Cependant, d'après nos pilotes, même les Dornier s'étaient révélés trop rapides pour notre chasseur "national", sauf lorsqu'il pouvait les attaquer en piqué. 

Cherchez et, surtout, trouvez l'erreur !

{Autre donnée, publiée par Serge Joanne à la page 498 de son livre, dans le rapport sur les  combats simulés entre les Bloch 152 et un Morane 405, ce dernier est le MS 405 n°13 équipé d'un moteur HS de 1 000 Cv (donc un 12 Y 51). 

Ce MS dopé montait à 4 000 m en 5' 11" et à 8 000 m en 13' 12". 

Pour autant, il ne l'emportait qu'en piqué. 

Et ces Bloch 152 étaient cependant équipés du mauvais capot-moteur de 1 m de diamètre qui limitait leur vitesse de pointe à 482 km/h à 5 500 m !}


Mon ami Pierre-Yves Hénin a publié cette note qui donne les vitesses exigées du Morane 406  telles qu'elles étaient encore en Juin 1940, après la livraison de 1041 MS 406.



photo publiée par P-Y Hénin sur son site (non sécurisé)


On y voit que les vitesses exigées (= de rebut) étaient bien inférieures aux fameux 486 km/h, quelque soit l'hélice employée. Elles tournent entre 465 et 457 km/h.

De même, les montées à 4 000 m sont toujours réalisées en plus de 6' 28", les temps de montée à 8 000 m oscillent de 16'32" à 18' 10" ! 

Cela signifie que l'on a accepté des chasseurs qui n'avaient aucune chance de jouer leur rôle principal, l'interception des avions hostiles.  

Cela n'a rien à voir avec l'acceptation de bombardiers dont les performances utiles se situent au niveau de la vitesse de croisière !


Marge de vitesse nécessaire à la destruction des bombardiers


En tant que scientifique de formation comme 
de pratique professionnelle, la recherche de la vérité toujours été, est et restera toujours la base de ma démarche. 

Si un chasseur est incapable de rattraper un avion théoriquement moins rapide de 70 km/h, c'est obligatoirement que la vitesse réelle du chasseur est très inférieure à celle publiée.

Cette vitesse "publiée" est donc fausse.

Pour rattraper un bombardier, le chasseur doit impérativement voler plus vite que lui. 

De quelle marge de vitesse doit-il donc disposer ? 

En 1938, le contrôle au sol (= radar) étant quasi-inexistant en France (il ne démarra opérationnellement que dans la 1ère semaine de Juin 1940), l’interception pure (par le secteur avant) était très improbable, sauf si nos MS 406 étaient déjà en vol à une altitude moyenne (entre 3 000 et 5 000 m). 

Pour détruire des avions, il leur fallait commencer par les poursuivre pour s'en rapprocher et avoir une bonne chance de les toucher. 

Prenons, par exemple un groupe de 36 bombardiers ennemis (d'environ 15 m de long chacun) disposés en 3 rangées de 3 pelotons de 3 avions chacun (voir cet article). 

Il était détectable à un peu plus de 10 km de distance. 

Cela dépendait alors de la forme de l'avion, de son camouflage, des conditions d'éclairage et de transparence de l'atmosphère. 

Pour rejoindre en moins de 10 minutes ce groupe de fuyards, il fallait donc au chasseur une supériorité de vitesse d’au moins 60 km/h, qui offrait 1 km gagné par minute (si la différence n’était que de 10 km/h, il eut fallu une heure, soit 6 minutes pour gagner chaque kilomètre / heure, ce que vous pouvez traduire aussi par 166 m gagnés par minute).

La vitesse totalement fantaisiste annoncée par le CEMA...

Malheureusement, en fait, la vitesse réelle du Morane était très significativement inférieure aux 486 km/h annoncés.

Il est bien possible que la série ait été "rêvée" avec un moteur Hispano 12 Y 29 de 920 Cv à 3 600 m. 


Justement, ce moteur avait été essayée au début de 1937 sur le MS 405-02 et lui avait effectivement permis d'atteindre 483 km/h. 
(Sources : le Fanatique de l'Aviation, n¨100, Mars 1978, article de Gaston Botquin : Le MS 405 était le meilleur chasseur du Monde en 1937, p.31, donne l'information brute ; Le petit livre Fighters, volume I, de W. Green, 1960, en donne cette explication p. 54 : Le MS 405-02 différait de son prédécesseur en ayant une voilure de forme différente et un moteur 12 Y amélioré).

Certains - probablement ceux qui fournissaient et transportaient l'essence - avaient préféré (ou exigé) pouvoir utiliser l'essence de 85 d'octane, ce qui interdisait l'emploi d'un moteur ne fonctionnant qu'à l'essence à 100 d'octane. 

Les négociateurs de Morane-Saulnier n'avaient pas de compétence reconnue en avions rapides qui leur eut permis de contrer ce choix (cette société ne s'était jamais intéressée ni aux courses ni aux records de vitesse pendant l'entre-deux-guerres) 


Les Finlandais - utilisateurs de ce chasseur contre les armées de Staline - déçus par ses prestations, ont 
systématiquement mesuré la vitesse de tous leurs Morane en 1942, tous équipés de leur moteur Hispano d'origine. 

Ils constatèrent avec surprise qu'aucun de leur MS 406 ne dépassait 450 km/h en altitude et restaient à 377 km/h au niveau de la mer (un nombre significatif n'atteignaient même pas 400 km/h en altitude). 

02 06 2019 - Un de mes critiques me reproche (chez un de mes confrères) de ne pas donner la valeur d'incertitude des vitesses calculées. Je m'en voudrais de ne pas lui donner une idée de cette incertitude, en précisant qu'on ne peut donner sérieusement l'idée de cette valeur que lorsque l'on dispose d'un échantillon de données. 

Le seul échantillon connu de vitesses maximales est celui des Morane 406 possédés par la Finlande vers 1942 (de l'ordre de 50 appareils). 
Mais cet échantillon n'est pas publié, ce qui interdit de calculer une variance et donc de calculer un écart type. 

Toutefois, l'étendue de cet échantillon est pile de 50 km/h, entre 399 et 449 km/h. 

On peut s'amuser à en tirer une vitesse moyenne (pour l'échantillon) proche de 424 km/h, bien loin des 486 km/h des soi-disant données officielles. 

Bien évidemment, les vitesses que je calcule en fonction de la puissance doivent être comprises toutes choses égales par ailleurs.

Ceux qui imaginent un MS 406 de 1 300 Cv oublient qu'un moteur qui gagne en puissance prend du poids et que la quantité de son liquide de refroidissement doit être augmentée (en 1938, on comptait 100 litres de liquide pour 1 000 Cv, soit près de 90 litres pour le 12 Y 31 de 860 Cv, ce qui amènerait à 130 litres pour 1 300 Cv, donc le radiateur devait être aussi agrandi).


Lorsque ce fait a été rendu public chez nous, nos édiles, bien sûr, ont suggéré que ces avions Finlandais n'étaient plus en bon état

Ce que vous pouvez encore lire un peu partout. 

Mais, cette explication arrogante, donc stupide, était bien sûr fausse et évidemment propagée par ceux qui avaient imposé le Morane 406 en France (donc le CEMA). 


C'est le type de mensonge d'Etat destiné uniquement, dans ce cas précis, à protéger les quelques technocrates, 
décideurs et bons copains, totalement incompétents, qui, pourtant, sont tous morts et enterrés maintenant. 

La persistance dans cette attitude pourrait faire croire que les institutions en sont encore pleines !


Vers la vitesse vraie du MS 406 de série

Quelque soit la méthode que l'on utilise, un Morane 406 de série, en excellent état, avait une vitesse de pointe à 4 500 m d'altitude qui ne dépassait guère 460 km/h.

Méthode I : on part de la vitesse de 493 km/h mesurée sur le prototype n° 12 équipé du moteur Hispano 12 Y 45 - moteur qui équipa le Dewoitine 520, plus puissant 
de 60 Cv que le 12 Y 31 et augmentant l'altitude de rétablissement de puissance de 1 000 m (elle passe donc de 3 150 m à 4 150 m).

La vitesse réelle de l'avion de base (de 860 Cv) ressort, au mieux, à 460 km/h pour un avion neuf en parfait état, probablement non peint (la peinture alourdit significativement l'avion et ne favorise pas une bonne pénétration dans l'air : Elle mange de 10 à 15 km/h). 

(Base du calcul : 
Le gain de 1 000 m en altitude entraîne un gain en vitesse d'à peu près 20 km/h (soit 2 km/h par 100 m gagnés). 

On les enlève aux 493 km/h mesurés ce qui donne 473 km/h.

D'un autre côté, la différence de puissance de 60 Cv permettait, mécaniquement, au MS 406 de gagner 11 km/h.

Lorsqu'on enlève ces 11 km/h, on ramène la vitesse maxi du Morane à 462 km/h, arrondie ici à 460 km/h.)


Méthode II : En prenant le raisonnement à l'envers, si on part un avion de 860 Cv volant au maximum à 486 km/h, lui donner 60 Cv de plus l'aurait d'abord emmené à 497 km/h.

Le gain d'altitude de 1 000 m aurait rajouté 20 km/h, donc le MS 405 n°12 aurait dû voler à 517 km/h, une valeur presque de même ordre que celle d'un D 520 si on y ajoute l'échappement propulsif (517+15 ==> 532 km/h), ce qui est totalement impossible : Assez gênant, non ?

Si l'on confronte la vitesse du MS 405-12 (493 km/h) à celle du MS 405-02 (483 km/h), tous les deux disposant de moteurs de même puissance mais à des altitudes de rétablissement différentes de 600 m, la différence de 10 km/h "colle" parfaitement à la différence de ces altitudes, aux erreurs de mesure près. 

Vous trouvez que je donne beaucoup d'importance à ces (presque) 30 km/h qui manquent à l'appel ?  

Cet écart entre la vitesse annoncée du Morane et sa vitesse réelle ne constitue pas la différence réelle avec le Nieuport 161 qui volait à 490 / 495 km/h (voir mon article de 2016). 

La différence entre les deux chasseurs était écrasante, comprise entre 40 et 50 km/h en faveur du Nieuport 161.

Car un pilote de chasse n'a jamais de temps à perdre lorsqu'il poursuit l'ennemi. 

Passer une demi-heure à cet exercice lui interdit d'abattre un ou plusieurs avions ennemis supplémentaires

Par ailleurs, en maintenant longtemps le chasseur dans une attitude de poursuite avec une faible supériorité de vitesse fait que toutes ses manœuvres sont prévisibles, il devient une proie facile à abattre par les mitrailleurs des bombardiers ennemis


Une différence de vitesse de pointe en palier de seulement 30 km/h permit au Messerschmitt Bf 109 de l'emporter sur le Heinkel He 112, alors même que ce dernier était initialement en position de favori parce que beaucoup plus facile à piloter. 

Les Allemands, eux, ont fait le bon choix (à ce moment-là, en tout cas).


La différence entre la vitesse de pointe réelle et la vitesse publicitaire implique aussi une baisse comparable de la vitesse de croisière. 

Les 315 km/h annoncés en croisière correspondent à ce que l'on obtient à 32% de la puissance pour une vitesse de pointe de 460 km/h. 

Pour 70%, on trouve, par le calcul, 408 km/h, mais tenir cette vitesse devait probablement se faire au prix d'un échauffement rapide du moteur.

Dans le Fana de l'Aviation #100, Gaston Botquin rapporte que le 405-01 fut présenté au meeting du salon de Bruxelles du 21 Juin 1937 et qu'il en est revenu le lendemain en 44' 36", à la vitesse moyenne de 430 km/h. 

Cette vitesse est incompatible avec les nombreux récits de poursuite de Dornier 17 en 1940.

Pour autant, je pense qu'elle a été réalisée, au moyen d'une astuce élémentaire : L'emploi d'un carburant à 100 d'octane (ce qui réduisait automatiquement l'échauffement du moteur). 

Les Ailes du 19 Janvier 1939 ont rapporté que le major Seversky, pilotant un P 
35 à moteur PW 1830, avait battu ce record en juste 35', à la moyenne de 470 km/h. 




Seversky P35 - Ce chasseur, mafflu et plus ancien, vola 40 km/h plus vite que le MS 406 sur le même trajet entre Paris et Bruxelles. Son fini de surface n'a rien à voir avec celui d'un Morane 406. 



Enfin, les 460 km/h, que j'admets comme vitesse maximale absolue du Morane, ne constituaient certainement pas la moyenne des vitesses maximales des Morane 406 en service qui, pour des raison liées à la structure de l'avion, devait être encore inférieure d'une vingtaine de kilomètres heures (440 km/h). 

{Parmi les facteurs structurels freinant cet avion, il y a la structure tubulaire entoilée de la partie du fuselage qui suit la racine de la voilure. On y détecte des solutions de continuité qui mangent de la vitesse. 
Il en va de même d'autres assemblages inélégants des divers constituants de l'avion. }

Une part importante de cette nouvelle perte de vitesse, liée au nombre d'heures de vol, était causée par des déformations du revêtement (ajustage médiocre, multitude de panneaux de visites aux charnières de mauvaise qualité) et même à la mauvaise qualité de la peinture de camouflage qui, trop mate, mangeait des kilomètres / heure .

(J'ai lu, dans un "Aviation Magazine" des années 1960, que les commandants de groupes demandaient aux mécaniciens de polir la peinture mate de leurs avions (à la peau de chamois), ce qui rendait les avions un peu plus "brillants", à tous les sens du terme. 

Par ailleurs, la peinture "mangeait" 10 mph - 16 km/h - sur la vitesse de pointe des premiers De Havilland Mosquito.)

J'imagine donc que les Morane 405 / 406 destinés au CEMA devait recevoir une jolie couche de vernis.


Données manquantes

Curieusement, la vitesse de rebut du Morane 406, en-dessous de laquelle l'Armée de l'Air devait refuser ces avions, ne se trouve dans aucune publication à destination du public

Ce n'est pas le cas pour le Dewoitine 520 dont les 535 km/h publiés partout constituaient justement la vitesse de rebut de ce chasseur (Le Dewoitine  D.520, R. Danel & J. Cuny, Docavia, ed. Larivière).


De même, la vitesse de 462 km/h publiée maintenant partout pour le Caudron Cyclone n'était justement que sa vitesse de rebut... Deux poids, deux mesures.

{A l'Automne 2015, j'ai reçu de P-Y Hénin l'information que la vitesse d'acceptation du MS 406 était exactement de l'ordre de grandeur de celle du Caudron. .}

Evidemment, tous les pilotes de chasse, de bombardement ou de reconnaissance confirmèrent que le Morane était bien incapable de tenir la vitesse de croisière des avions Français qu'ils devaient escorter l'exception notable des Amiot 143 périmés envoyés sur Sedan le 14 Mai 1940)


Là encore, c'était bien gênant et cela explique bien des pertes de Potez 63-11...


Un bon chasseur doit pouvoir grimper haut et vite


La vitesse ascensionnelle du Morane 406, essentielle pour tout avion de chasse, allait évidemment dans le même mauvais sens. 


Le programme de 1934 exigeait moins de 6 minutes pour atteindre 4 000 m et moins de 15 minutes pour 8 000 m. 

Pour sa part, Morane-Saulnier annonçait 13 m/s : Voilà qui aurait impliqué une montée à 4 000 m en moins de 5' 10". 

Une telle valeur aurait alors été tout à fait comparable aux valeurs démontrées par le Messerschmitt 109 E (5' 05"). 

{J'en profite pour souligner que la vitesse ascensionnelle initiale, donnée en m/s ou en ft/min (10 m/s = 2 000 ft/min), trop souvent publiée dans les publications Anglophones, n'a aucun intérêt, parce qu'elle est relativement facile à falsifier : 

Vous décollez, vous rentrez le train immédiatement en tenant un court palier horizontal, donc votre vitesse va
 vite augmenter, et vous commencez la montée, qui sera bien plus rapide pendant quelques centaines de mètres. 

Par contre, pour comprendre l'évolution de la montée, l'analyse de la vitesse moyenne par tranche d'altitude est très intéressante.}


Malheureusement, cette vitesse ascensionnelle a été strictement démentie par absolument tous les pilotes qui ont combattu avec leur Morane - ou contre lui. 

C'est aussi meilleur que la valeur mesurée du Bloch 152 dont tous les acteurs opérationnels du moment affirmaient qu’il montait considérablement plus vite que le Morane 406.

Une valeur de 5’56" pour la montée à 4 000 m traîne sur le net. Je ne doute pas qu’elle provienne d’une publication honorable. 

Mais elle est fausse : C'est presque la valeur publiée pour le Potez 631, qui, lui, était universellement vu comme un excellent grimpeur

C'est une valeur donnée uniquement pour faire croire que cet avion tenait les spécifications du programme de 1934.


Pire encore, vu la malhonnêteté du CEMA dans cette affaire, je me permets de faire remarquer que cette valeur est juste dix secondes moins bonne que celle du Dewoitine 520, universellement reconnu comme incomparablement supérieur au Morane dans tous les domaines de performance, et, en particulier là. 

Gaston Botquin (Album du Fana # 100), annonce qu'une fois arraché au décollage à 140 km/h, le MS 406 monte à 200 km/h indiqués et au taux de 12 m/s. 
Cela contredit les prétentions du constructeur.

Voilà qui devrait convaincre toute personne sensée de l’invraisemblance totale de cette valeur publiée uniquement pour faire croire que l’engin avait tenu ses spécifications.

{Les Finlandais mesurèrent :
  • 1 000 m en 1' 48" (soit une vitesse instantanée moyenne de 9.26 m/s) ;
  • 3 000 m en 5' 30"  soit une vitesse sur 2 000 m de 9.0 m/s, le temps que mettait l'hydravion de chasse Loire 210 avec son gros flotteur, son gros moteur en étoile de seulement 720 Cv et ses innombrables mâts ;
  • 5 000 m en 10'  (soit une vitesse instantanée sur 2 000 m de 7.41 m/s)...}

Le meilleur temps de montée pour 4 000 m était de l'ordre de 6' 40" (seule donnée qui ait un sens), soit 400", ou encore 10 m/s de moyenne. 


Je note que dans l'excellent Docavia #2 : L'Aviation de Chasse Française, de J. Cuny et R. Danel, le MS 406 y était crédité d'une montée à 4 000 m oscillant entre 6'27" et 6' 47".

La différence avec le temps annoncé correspond à 3 m/sec (soit 200 m/minute ou encore 658 ft/min) : C'était, malheureusement, une différence irrattrapable.

La notice US du Curtiss H 75 est disponible sur ce site (qui devrait rester stable). 

Dans la notice Française qui a étonnamment disparu du Web (!), au chapitre procédés de combat, chapitre I, on trouve même que, si le Curtiss montait à 7 000 m en 11 minutes, le Morane 406, lui, exigeait 18 minutes pour en faire autant (soit presque 2 fois le temps d'un Nieuport 161 pour la même montée). 

Cela implique que les 8 000 m ne pouvaient sûrement pas être atteints en moins de 24 minutes.


J'en profite pour rappeler que les pilotes de Morane se sont souvent plaints de la faible autonomie du Morane-Saulnier 406, bien qu'il 
ait disposé de la même quantité de carburant que le D 520, devait consommer  moins puisque son moteur était moins puissant

Deux caractéristiques de cet avion peuvent expliquer cet état de fait. 
  • Son mauvais aérodynamisme général, qui réduisait fortement la vitesse de croisière ;


Cette photo que j'ai récupérée montre le MS 405-01 en Juillet 1936, avec son radiateur escamotable dont la gigantesque entrée d'air aux contours délirants avait une indéniable capacité d'aérofrein.  
Le MS 406 aurait dû être utilisé pour le bombardement en piqué (;-)). Un aérodynamicien compétent n'aurait jamais sorti semblable monstruosité !


  • La faible vitesse de montée, qui induisait une très forte consommation pendant un temps trop important (ceci peut également expliquer l'excès d'usure des moteurs qui n'est jamais évoqué pour les Dewoitine 520).
Ce qui m'a beaucoup surpris, c'est que, en fait, cette vérité, déjà connue, mais elle est restée soigneusement cachée au public. 

Cela dit, dans les meilleurs sites et ouvrages français et étrangers, vous lirez, recopiées religieusement depuis environ 90 ans, les fausses performances pour le Morane 406, alors qu'en général les performances des autres avions sont correctes - et je ne chipote pas sur quelques km/h en plus ou en moins.

Si quelqu'un en savait la raison, je serais aux anges qu'il m'en fasse part. 



Le cas navrant du Morane 410, gâché par le perfectionnisme

Un de mes lecteurs m'a suggéré de parler de la seule évolution du Morane 406 sur le plan aérodynamique. Il a eu tout à fait raison. 

C'est donc en Février 1940, en pleine drôle de guerre, après quatre mois de remontée des plaintes des pilotes dans les méandres de la hiérarchie, que l'on commence enfin à se dire que le Morane manque de performances et qu’il faudrait y remédier (G. Botquin, Album du fanatique de l’Aviation n°109, 1978). 

La même décision aurait du être prise dès la fin Novembre 1939.

Une fois encore, la loi du mieux, ennemi du bien s’est imposée grâce aux bureaucrates. 

Trois possibilités, ressortant toutes de l'Aérodynamique, permettaient d'améliorer la vitesse :
  • Monter un échappement propulsif (gain estimé de 9 % de la puissance, soit ~15 km/h) ;
  • Remplacer le radiateur escamotable par un radiateur fixe soigneusement caréné (gain estimé de l’ordre de 15 km/h) ;
  • Affiner la proue de l’avion en utilisant un réducteur allongé, type Hispano 12 Z.
Si tout cela avait été fait, on pouvait gagner près de 50 km/h, ce qui n’aurait rien eu de négligeable.

Le point 3 aurait demandé un délai pour changer les moules de réducteurs et créer des arbres d'hélices allongés que nous n’avions pas encore industrialisés. 

Il aurait aussi induit une augmentation des effet moteurs qui auraient rendu l'avion un peu moins facile à décoller.

Par contre, les 2 premiers points étaient faciles à réaliser, il suffisait de copier la concurrence Allemande ou Britannique… Et cela pouvait donc se réaliser très vite.



Les  sacro-saintes commissions techniques veillaient... 

Nous étions en guerre depuis 6 mois, l’urgence aurait dû commander de choisir les modifications simples réalisables tout de suite en escadrille.

Pour justifier leur existence, nos commissions décidèrent qu'il fallait absolument augmenter la puissance de feu de 2 mitrailleuses alimentées par bandes. 

Ces nouveaux modèles étaient alimentés comme les Darnes abandonnées 4 ans plus tôt, mais on prenait de nouvelles MAC fabriquées par l’Etat… donc forcément meilleures.

Malheureusement, elles commençaient tout juste à sortir en nombre suffisant.

Il fut donc décidé de créer de nouvelles voilures (!) et il fallut attendre les échappements propulsifs en acier inoxydables type D.520 qui, en plus, évitaient le gel des mitrailleuses en altitude 
On aurait pu se dire : A quoi bon, vu la faible capacité ascensionnelle de l'engin.

On voulut aussi changer d’hélice et de collimateur.

Du coup, les avions sortirent au compte goutte et les très rares à être prêts ne furent jamais livrés à ceux qui les attendaient mais à des aviateurs très peu expérimentés qui durent les évacuer en urgence vers le Sud du pays (voir La chasse Française inconnue, Avions Hors-Série, Mathieu Comas, Lela Presse).

Les modifications 1 et 2, prises ensemble, devaient améliorer un peu la vitesse ascensionnelle et, ensemble, donner de bien meilleures chances à la chasse aux bombardiers. 

Elles pouvaient probablement aussi améliorer la capacité du Morane à surprendre les Bf 109 en maraude.

La meilleure vitesse publiée pour le Morane 410 fut de 509 km/h. L’avion-témoin, qui ne disposait d'aucun de ces dispositifs, avait été crédité de 467 km/h.
{Notez que cet avion-témoin volait 20 km/h moins vite que les fameux 486 km/h publiés partout
Il y a quelque chose de dérisoire à donner une vitesse au km/h près : On doit simplifier : L’avion témoin volait à 465 km/h et le MS 410 à 510 km/h.}

Ces 510 km/h représenteraient une amélioration de 45 km/h. Super ! Et pourtant, voilà qui paraît bien exagéré au chat échaudé que je suis. 
Je n'y crois pas.

C’est que le Mörkö Morani Finlandais, équipé du moteur Russe Klimov M105-P (étroitement dérivé du HS 12 Ycrs) de 1 100 Cv - soit 240 Cv de plus - ne dépassait pas 525 km/h à 5 000 m, alors qu’il était équipé d’un radiateur fixe bien caréné, d’échappements propulsifs individuels pour chaque cylindre, bien plus sophistiqués, et d’un nez plus fin. 

Si on calcule les performances d'un Mörkö Morane rétrogradé au moteur 12Y31 en bon état, mais gardant ses échappements propulsifs, on voit que sa vitesse redescendrait à 483 km/h.


C'est intéressant, car ses échappements apportaient l'équivalent de 40 Cv de plus que ceux montés sur le MS 410. 

Si on les enlève, on descend la vitesse de l'avion nu à 463 km/h ! Pouvez-vous croire encore aux 486 km/h de l'avion initial ?

Donc il est impossible que le Morane 410 de 860 Cv ait jamais pu atteindre les 510 km/h.

Par contre, le MS 410 pouvait voler, enfin, à la fameuse vitesse contractuelle de 485 km/h du MS 406, ce qui représentait un progrès à ne pas négliger et surtout, à réaliser à toute vitesse.


Le plaidoyer de Pierre Cot en 1971

Il me semble quand même plus que surprenant que l'ancien ministre de l'Air, Pierre Cot, ait pu croire jusqu'à sa mort qu'il avait commandé un bon chasseur. 

Il restait donc des gens qui refusaient de lui dire la vérité, mais peut-être refusait-il, plutôt, de se la dire à lui-même.

Mr Cot commit un article dans la somptueuse revue Icare (# 57, Printemps-Été 1971) où il réduisait la différence de vitesses entre le Bf 109 et le MS 406 à 80 km/h alors qu'elle valait au moins 110 km/h. 

Et il ajoutait : "Mais il était plus maniable, ce qui compte aussi en combat aérien". 

Il oubliait juste de dire que, avant de pouvoir manœuvrer brillamment autour d'un avion ennemi, il faut déjà le rattraper.

Il avait beau insister sur les merveilleuses statistiques de sorties d'usine des avions au 10 Mai 1940 présentées par des ingénieurs de l'Armement (juges et partie), il passe sous silence le 
monstrueux temps de fabrication du moindre Morane 406 ou du moindre Léo 451

Si nos pilotes avaient eu leurs avions une pleine année avant le déclenchement de la guerre, ils auraient mieux connu ses faiblesses et auraient pu, en conséquence, faire remonter en haut lieu la nécessité de passer au modèle MS 410, certes très inférieur au Nieuport de 1938, mais tellement supérieur au Morane 406.

Il critique enfin les chefs militaires, mais il ne s'est pas s'opposé à leur nomination...


Enfin, un acteur de cet époque, très célèbre de 1937 à 1954, a participé aux essais du Morane Saulnier 406 et l'a présenté très brillamment lors des meetings en France et à l'étranger (notamment à Bruxelles en 1939) : Le capitaine Constantin Rozanoff.

Très étonnamment, lorsqu'il voulut revenir dans l'Armée de l'Air en 1940, comme chef d'escadrille puis comme commandant de groupe, il a 
alors choisi le Groupe II/4, équipé de Curtiss H 75.

Si son avion de meeting soi-disant chéri avait été le fameux super-chasseur que l'on a dit, nulle doute qu'il aurait tout fait pour le piloter.

On m'opposera qu'un pilote était affecté en fonction des besoins et non de ses choix personnels. 
Quiconque prétendant cela a le droit de le penser : nous sommes en Démocratie. 

Mais en fonction de ma bonne connaissance de la IVème République (qui n'était que la simple continuation de la IIIème République), les gens très bien notés (comme c'était le cas de Rozanoff) obtenaient toujours ce qu'ils voulaient.



Conclusion

Le seul rôle pour lequel cet avion eût été adapté (après une transformation en biplace et une motorisation par un moteur moins épais) aurait été le perfectionnement des futurs pilotes de chasse.

Le moteur Renault 12 R 01 de 450 Cv, par exemple, lui aurait assuré une vitesse de l'ordre de 370 km/h, bien plus intéressante que les quelques 200 km/h des Morane 230 employés à cet usage.
L'entraînement, de la partie ab initio jusqu'à l'entraînement pré-opérationnel, auraient été bien plus rapide, comme le Fouga Magister en illustra brillamment le concept entre 1955 et 1995.


Le choix d'un mauvais matériel dans une Armée est toujours lourd de conséquence. 

La préférence donnée par l'Infanterie (en 1914) au canon de 37 mm plutôt qu'aux mitrailleuses avait été stupide. Mais ce fut plus que contrebalancé par l'excellent canon de 75 mm. 

Le maintien des pantalons rouges dans notre infanterie, pendant au moins 6 mois, au début de la Grande Guerre (cliquer ici), avait coûté fort cher en morts et en blessés graves. 

Les pertes (200 000 hommes tués) subies à ce moment-là jouèrent un rôle essentiel dans la perception de la guerre, y compris lorsque l'agressivité de Hitler obligea la France à repartir en guerre. 

L'Histoire - quoiqu'en pensent les vrais historiens - ne peut donc pas éviter de s'intéresser au bien fondé des choix techniques des outils militaires : L'artillerie de Gribeauval avait été décisive dans le succès des armées de Napoléon. 
Le canon à chargement par la culasse fut la cause de la victoire de Bismarck contre notre pays en 1870.

Quand les outils militaires sont désastreux, il devient important - du point de vue de la simple Démocratie - d'essayer de comprendre pourquoi on continue à le cacher plus de trois quarts d'un siècle plus tard, vu que les décideurs responsables sont tous morts depuis très longtemps ! 

Il est possible que le scandale qu'apporterait la vérité soit insupportable pour certains groupes de pression présents à l'époque, mais jamais disparus depuis.



Cliquez ici pour lire l'opinion des pilotes du Morane 406 sur leur monture.

Cliquez ici pour vous faire une idée sur son comportement au combat (de chasse) pendant la Campagne de France.

Cliquez ici pour avoir une idée sur les 2 accidents qui éliminèrent les 2 prototypes du Morane ainsi que sur le dernier accident qui plomba définitivement le Nieuport 161

Cliquez ici pour lire mon articlesur le chasseur Nieuport 161 qui aurait dû (et qui a bien failli) équiper notre Chasse à la place du Morane 406.


Cliquez sur ce lien pour comprendre l'esprit qui a amené à la conception d'un MS 406 lent et lourd.

Cliquez ici pour voir ce qu'aurait apporté au Morane 406 un moteur de masse identique mais plus puissant, puisque tous les décideurs "Moranistes" ont pleurniché sur leur moteur manquant de puissance (!) : Ils ont bien tort.


Cliquez ici pour établir une comparaison du Morane avec le Spitfire, cliquez  pour le comparer avec le Hurricane, et, enfin, comparez-le avec son adversaire principal, le Messerschmitt 109 E.
 
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9 commentaires:

  1. Bonjour,

    Vous êtes un peu sévère avec le MS 406. C'était un bon chasseur... en 1935, même s'il était mal conçus (on a confondu vitesse et précipitation). Mais je pense que l'objectif des décideurs était d'avoir en nombre rapidement des chasseurs "modernes", pour faire contrepoids à l'Allemagne. Peu importait la qualité, de toute façon, d'autres, meilleurs, allaient bientôt suivre et prendre la relève. Malheureusement, on a oublié que concevoir et mettre au point un avion prenait du temps... et qu'on en avait peu.
    Quoiqu'il en soit le MS 406 n'aurait pas dû être en première ligne en cas de conflit avec l'Allemagne. Nos pilotes le payèrent chèrement.

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    Réponses
    1. Bonjour,
      le MS 405/6 était un agréable avion de tourisme permettant de faire de la voltige de qualité. Je conteste que cet avion soit vu comme un chasseur, car il n'en avait aucune des qualités dynamiques, même en 1936 (1er vol en Août 1935).
      Sa vitesse de piqué plein gaz de 740 km/h était 100 km/h de moins que celle du Bf 109, gaz réduits. Yves Roccard explique dans sa "dynamique des vibrations"(Masson ed.) que, avant l'équilibrage qu'il avait dû calculer pour cet avion, il était limité à 695 km/h.
      Je lis encore dans les forums la légende du moteur trop faible.
      La firme Morane Saulnier, sélectionnée, n'a pas industrialisé son avion avec la rapidité que Hawker a démontré pour un avion de qualité exactement comparable. L'année 1937 n'a pas vu sortir les 16 MS 405 de présérie. En 1938, si le STAé avait été dirigé par des gens responsables, le D. 520, le Bloch 151 et le Caudron 714 auraient dû commencer à sortir d'usine, pendant que, pourquoi pas, on sortait quelques dizaines de MS 405/6 supplémentaires.

      Mais ma sévérité est bien plus orienté sur le CEMA, dont les dirigeants étaient d'une arrogance et d'une cécité incroyable.
      C'est très probablement son influence qui a entraîné Morane à abandonner la construction monocoque qui était celle du Morane 325 de 1932 (obéré par une voilure bizarre) pour revenir au système employé sur le Morane 225 / 227.

      Le CEMA a demandé des modifications totalement insipides alors que le radiateur rétractable était le type même de la fausse bonne idée. Peut-être était-il la matérialisation d'une idée de l'ingénieur Du Merle, ancien du CEMA...

      Nos pilotes ont, certes, été héroïques, mais l'avion n'avait pas les capacités annoncées.

      Juste pour illustrer la chose, sur les 87 Morane pris en compte par la Finlande, le nombre de pilotes Finlandais tués au combat se monte à 24 (~28 % des effectifs), nombre auquel il faut ajouter au moins autant d'avions abattus sans pertes humaines + 2 pilotes faits prisonniers, alors que les avions soviétiques qui leur faisaient face étaient loin d'être les plus performants, même en 1944.

      En 1936, le choix de cet avion fut une erreur stratégique monumentale.

      Mais, consolez-vous, lorsque les USA ont choisi le Lockheed P 38 alors que le P 51 volait déjà depuis l'Automne 1940, ils ont fait exactement le même type d'erreur.



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  2. Bonjour ,
    N'étant pas spécialiste, et par ailleurs très intéressé par votre blog, c'est avec prudence que je relève une difficulté dans votre raisonnement.
    En calculant que la vitesse du MS 406 passerait des 486 'officiels' à 502 km/h pour un gain de puissance de 30 cv, vous considérez que la puissance requise en régime permanent est fonction quadratique de la vitesse. Or, je crois comprendre que la puissance a la dimension d'une force ( compensation de la trainée totale) multipliée par une vitesse. Il en résulterait que la puissance requise serait fonction cubique de la vitesse à atteindre.
    Que pensez vous de cette remarque?

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  4. J'ai bien l'impression que votre raisonnement est le bon.

    Dans ce cas, la position du Morane 406 est évidemment encore pire, puisque sa vitesse, dans le cas d'une augmentation de 60 Cv (le moteur 12 Y 29 donnait 920 Cv), la vitesse passe à environ 497 km/h, donc le gain est seulement d'environ 11 km/h.

    Je vais devoir refaire tous mes calculs.

    Mais je vous remercie pour votre remarque.

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  5. Une question puisqu'ils sont morts et enterrés, qui sont les gens du Cema qui ont pris cette décision et l'ont ensuite défendue pendant de nombreuses années ?

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  6. Ceux qui ont signé les commandes sont des administratifs.
    Ceux qui sont responsables sont ceux qui ont conseillé les ministres.
    Les seuls dont j'ai connaissance sont l'ingénieur Louis Bonte, son ami Guy Du Merle et le colonel Delaitre.

    Les deux premiers ont publié leurs opinions dans le Docavia #3, l'Histoire des Essais en Vol (1974). L'ayant acheté à l'époque, j'ai été étonné des redites et de la forme un peu bizarre (pas très pédagogique...).
    En réalité, j'ai compris que ce livre avait été écrit essentiellement pour justifier les commandes des MS 405/406 et du LéO 451.
    Il attaque aussi presque tous les autres constructeurs et ne reconnait qu'un seul précurseur : Le capitaine Ferber, qui pensait que les avions devaient disposer d'un foc pour être stables...

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  7. Bonsoir,
    Une piste pour cette histoire de moteurs en retard pour le MS 406. La page wikipedia de Safran hélicoptères raconte l'histoire de Turbomeca (sans sourcer l'info), mais en effectuant une recherche google, j'ai finis par retrouver l'information sur le site des amis de Turbomeca. Cette entreprise, a été fondée le 6 septembre 1938, par Joseph Szydlowski en 1938, pour fournir des compresseurs S39 pour le moteur 12Y. La première année, il n'a pu en produire que quelques uns, puis en a produit 300 en 1939, puis 1200 en 1940. Au passage, il a fait appel à Salmson pour sous traiter une partie de la production. Ce fait pourrait expliquer le retard pris par Hispano Suiza pour fournir son moteur pour le MS406 et le décollage ultérieur de la production, une fois ce goulot levé.

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    1. Il eut été utile que le MS bénéficia de ce compresseur. Malheureusement, il ne fut associé qu'aux seuls Hispano-Suiza 12 Y 45 et 49 (il imposait alors d'augmenter la taille du capot moteur).
      Ces moteurs exigeait, au minimum, de l'essence à 90 d'octane.
      Le moteur du MS 406 était le 12 Y 31, carburant au 85 d'octane...

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