Problème d'échantillonnage
Plusieurs de mes lecteurs ont regretté ma sévérité face au Morane 406.
Comme j'ai complété mon dernier article sur le Dewoitine 520 par un texte (sur son aptitude au combat vu par des Allemands) qui en donne une vision plus directe et précise (et, ce qui ne gâte rien, singulièrement flatteuse pour notre avion), je vous propose ici de voir le Morane d'une manière quasi-similaire.
Pour cela, j'ai analysé l'ensemble des opérations menées pendant la Bataille de France, dont le bilan est d'ailleurs très complexe.
Ma source est essentiellement l'excellent livre de Mathieu Comas et al., Le Morane-Saulnier MS 406 de Lela Presse.
Pour ce qui est des comptes de victoires et de pertes, j'ai été amené à faire des choix en fonction de ce qui me paraissait le plus vraisemblable.
Par exemple, ayant constaté que les revendications de Pierre Le Gloan pendant la guerre de Syrie étaient toutes validées par C. Shores et C.J. Ehrengardt dans "l'Aviation de Vichy au combat", j'ai validé sa victoire probable.
Par contre, je n'ai pas validé une victoire d'un autre pilote sur un Henschel 126 dont rien, dans le texte, n'indique qu'il ait fini au sol.
Mais cela ne concerne, au plus, que quelques victoires éparses, donc les ordres de grandeurs ne varient pas.
Les destructions au sol ne sont pas des pertes au combat :
La première limitation à laquelle je me suis heurté, mais qui touche tous les types d'avions Français, est l'attrition des effectifs d'avions due aux attaques systématiques de nos aérodromes.
Cela a réduit plusieurs groupes de manière quasi-totale, amenant à les rééquiper complètement.
Ils ont ainsi été éliminés du champ de bataille aux moments cruciaux de la bataille.
Ainsi, une quarantaine de Morane furent détruits au sol entre le 10 et le 16 Mai. Cela correspond à un peu plus de 3 escadrilles complètes.
L'ordre de grandeur de ces destructions au sol est le même que celui des pertes en vol dans la même période.
Evidemment, les avions ainsi détruits ne représentaient plus aucun danger pour les bombardiers Allemands !
La seconde limitation, partiellement connexe, provient des abandons d'avions non réparés qui, dès lors, tombèrent aux mains de l'ennemi ou furent détruits pour éviter cette issue.
(Parenthèse "Terrestre" : Lors de la Bataille de chars de Hannut menée côté Français par la 3ème DLM, les chars Français endommagés furent définitivement perdus parce qu'ils étaient, eux aussi, restés sur place sans qu'on ait pensé à les ramener aussitôt à l'arrière.
Peut-être n'y avait-il pas assez de tracteurs de remorquage, mais cela aurait dû être prévu.
Les chars Allemands endommagés, eux, furent tous récupérés par leurs propriétaires, réparés, et se retrouvèrent pour la Bataille de Dunkerque !)
Ainsi, le 17 Mai, le GC III/2 s'était enfui de sa base en urgence (heureusement, mais juste à temps) pour aller vers un aérodrome parisien avec 11 Morane valides mais en laissant sur place 17 avions non réparés qui furent définitivement perdus.
Ces deux facteurs réduisirent considérablement le nombre d'avions susceptibles d'opérer efficacement contre l'aviation ennemie.
Cela n'aurait aucun sens de prendre ces pertes en compte dans les "vraies" pertes au combat, même si elles en dérivent obligatoirement.
Une DCA d'aérodrome parfois déficiente :
La plus grande partie de ces pertes eussent été évitées par un aménagement rationnel des bases incluant une DCA servie par des hommes compétents et courageux.
Ce courage et cette compétence manquèrent parfois, comme par exemple, le 16 Mai, lorsque la DCA de la base, censée protéger le Groupe II/6 qui y stationnait, resta muette pendant 20 minutes (une éternité au combat), temps pendant lequel dix-huit Dornier 17 bombardèrent puis mitraillèrent impunément le terrain, ne laissant que 4 Morane aptes au vol. Imaginez l'état d'esprits des pilotes et des mécaniciens !
J'ai idée que la responsabilité de tels fiascos est essentiellement celle du chef de l'unité de DCA et de certains de ses sous-officiers.
Cela a réduit plusieurs groupes de manière quasi-totale, amenant à les rééquiper complètement.
Ils ont ainsi été éliminés du champ de bataille aux moments cruciaux de la bataille.
Ainsi, une quarantaine de Morane furent détruits au sol entre le 10 et le 16 Mai. Cela correspond à un peu plus de 3 escadrilles complètes.
L'ordre de grandeur de ces destructions au sol est le même que celui des pertes en vol dans la même période.
Evidemment, les avions ainsi détruits ne représentaient plus aucun danger pour les bombardiers Allemands !
La seconde limitation, partiellement connexe, provient des abandons d'avions non réparés qui, dès lors, tombèrent aux mains de l'ennemi ou furent détruits pour éviter cette issue.
(Parenthèse "Terrestre" : Lors de la Bataille de chars de Hannut menée côté Français par la 3ème DLM, les chars Français endommagés furent définitivement perdus parce qu'ils étaient, eux aussi, restés sur place sans qu'on ait pensé à les ramener aussitôt à l'arrière.
Peut-être n'y avait-il pas assez de tracteurs de remorquage, mais cela aurait dû être prévu.
Les chars Allemands endommagés, eux, furent tous récupérés par leurs propriétaires, réparés, et se retrouvèrent pour la Bataille de Dunkerque !)
Ainsi, le 17 Mai, le GC III/2 s'était enfui de sa base en urgence (heureusement, mais juste à temps) pour aller vers un aérodrome parisien avec 11 Morane valides mais en laissant sur place 17 avions non réparés qui furent définitivement perdus.
Ces deux facteurs réduisirent considérablement le nombre d'avions susceptibles d'opérer efficacement contre l'aviation ennemie.
Cela n'aurait aucun sens de prendre ces pertes en compte dans les "vraies" pertes au combat, même si elles en dérivent obligatoirement.
Une DCA d'aérodrome parfois déficiente :
La plus grande partie de ces pertes eussent été évitées par un aménagement rationnel des bases incluant une DCA servie par des hommes compétents et courageux.
Ce courage et cette compétence manquèrent parfois, comme par exemple, le 16 Mai, lorsque la DCA de la base, censée protéger le Groupe II/6 qui y stationnait, resta muette pendant 20 minutes (une éternité au combat), temps pendant lequel dix-huit Dornier 17 bombardèrent puis mitraillèrent impunément le terrain, ne laissant que 4 Morane aptes au vol. Imaginez l'état d'esprits des pilotes et des mécaniciens !
J'ai idée que la responsabilité de tels fiascos est essentiellement celle du chef de l'unité de DCA et de certains de ses sous-officiers.
Des aérodromes trop près des lignes :
En plus, ceux des aérodromes qui ont fini par tomber aux mains de l'ennemi étaient tous restés occupés trop longtemps alors que les lignes ennemies s'étaient dangereusement rapprochées.
J'ai bien du mal à comprendre - il est vrai que je ne suis qu'un simple citoyen - que les commandants de ces groupes aient attendu indéfiniment l'ordre d'évacuation salvateur issu de leur hiérarchie plutôt que d'envoyer leurs avions en sécurité.
Toute forme d'obéissance aveugle, au point d'interdire toute initiative, était, est et sera toujours mortelle.
Mieux valait, à mon avis, risquer le conseil de guerre que de perdre des dizaines d'avions (je sais, j'exprime ici typiquement une pensée qui est à la fois celle d'un contribuable et celle d'un scientifique).
Rester bloqué sur une base risquant d'être saisie par l'ennemi est d'autant plus incompréhensible que les officiers en charge des aérodromes pouvaient facilement avoir une idée des derniers points où leurs pilotes avaient vu l'ennemi.
Accessoirement, tous ces commandants devaient savoir que l'Etat-Major de l'Air était complètement saturé d'informations désagréables.
Ils savaient aussi pertinemment qu'il n'y avait rien de prévu face à une telle situation.
Par ailleurs, en partant dans la panique du dernier moment possible, il devenait impossible de miner les terrains avant de les abandonner à l'ennemi.
Du coup, chasseurs et bombardiers Allemands n'avaient plus qu'à s'y installer tranquillement pour continuer leur sale boulot contre nous.
Si nos officiers avaient été réellement bien formés sur le plan militaire (et correctement renseignés), ils auraient du savoir que les Messerschmitt 109 ne pouvaient pas s'éloigner de plus de 200 km de leur terrain.
Des mines bien placées sur un terrain abandonné auraient peut-être détruit un ou deux avions (et c'était toujours ça de pris), mais surtout, elles auraient ralenti les Allemands (dès lors obligés de chercher ces fameuses mines partout, ce qui prend du temps lorsque l'opération se fait à l'échelle d'un aérodrome, soit environ 1 km² !).
Une telle inquiétude n'entrait pas du tout dans le schéma Hitlérien de la Campagne à l'Ouest.
Maintenant, vous pensez peut-être que ma vision est très "post-Afghanistan 2014" ?
En l'occurrence, ce n'est pas le cas.
Il suffit de lire les récits de ceux de nos officiers qui avaient vécu l'offensive terrestre de la Sarre en 1939 et qui connaissaient parfaitement l'importance des pièges explosifs qui les avaient fortement freinés : Ils l'avaient fidèlement raconté.
L'effectif initial de l'Armée de l'Air métropolitaine en Morane-Saulnier 406, au petit matin du 10 Mai 1940, était de 10 groupes de chasse pouvant, en théorie, aligner chacun de 25 à 30 avions. Soit un total de l'ordre de 275 avions.
Maintenant, vous pensez peut-être que ma vision est très "post-Afghanistan 2014" ?
En l'occurrence, ce n'est pas le cas.
Il suffit de lire les récits de ceux de nos officiers qui avaient vécu l'offensive terrestre de la Sarre en 1939 et qui connaissaient parfaitement l'importance des pièges explosifs qui les avaient fortement freinés : Ils l'avaient fidèlement raconté.
Une période "pertinente"
L'effectif initial de l'Armée de l'Air métropolitaine en Morane-Saulnier 406, au petit matin du 10 Mai 1940, était de 10 groupes de chasse pouvant, en théorie, aligner chacun de 25 à 30 avions. Soit un total de l'ordre de 275 avions.
Mais leur disponibilité réelle, relativement médiocre, faisait qu'il valait mieux compter 20 avions par groupes.
Soit donc 200 avions.
Un groupe (le I/6) étant encore dans le Midi, cela signifie que seulement 180 Morane purent faire face aux premières attaques de la Luftwaffe.
Les pertes furent importantes, aussi bien en avions qu'en pilotes, surtout à partir de 2ème jour, lorsque la Jagdwaffe (Chasse Allemande) fut devenue très présente.
Je me contenterais donc de donner les résultats pour ces ~180 Morane dans la courte période allant du 10 à l'aube au 14 Mai à minuit (soit pendant seulement 5 jours).
Les Morane ont abattu 60 avions Allemands, y compris deux avions abattus en coopération, l'un avec des Bloch 152 du II/8, l'autre avec des Hurricane. Vous pouvez donc chipoter à 59 avions si cela vous plait...
La plus importante part de ces victoires est constituée de 27 Heinkel 111, suivi logiquement par 13 Dornier 17 (ou 215) qui sont inutilement distingués par nos pilotes mais qui ne sont que de simples variantes d'un même avion, le Do 215 étant, cependant et de loin, la variante la plus rapide.
Ces bombardiers-là constituèrent toujours des cibles très difficiles pour nos Morane.
Très rares sont ceux qui furent abattus par un seul pilote, et quand ce fut le cas, il s'agissait d'un excellent pilote - connu en plus comme très bon tireur - et qui deviendra un as (par exemple, Pierre Le Gloan).
Dans la plupart des cas, nos pilotes devaient se regrouper pour abattre les avions ennemis.
Le cas le plus caricatural fut celui d'un groupe d'une vingtaine de Heinkel 111 qui, à 08:30 le 11 Mai, avait survolé, à 5 000 m d'altitude, la base de Luxeuil.
Le commandant Durieux du GC II/7, alerté à temps, fit décoller ses 21 chasseurs pour éviter qu'ils soient détruits au sol.
Enfin une excellente réaction !
Heureusement, les bombardiers Allemands ne s'intéressaient pas (encore) à cette base.
Cinq Morane restèrent en couverture à Luxeuil.
Les 16 autres se lancèrent à la poursuite des bombardiers qu'ils ne purent rattraper que peu avant Dijon, après environ 110 km de poursuite.
Les Heinkel 111 P4 de cette période avaient une vitesse de croisière de 290 km/h (source Wikipedia en langue Allemande).
Leur trajet, avec le vent, les feintes et une préparation au retour rapide vers l'Allemagne leur avait probablement pris à peine plus de 25 minutes.
Du côté Français, j'admets que les Morane 406 aient décollé pile au moment où les bombardiers Allemands passaient au-dessus de Luxeuil.
Du côté Français, j'admets que les Morane 406 aient décollé pile au moment où les bombardiers Allemands passaient au-dessus de Luxeuil.
Il leur avait fallu environ 10 minutes pour monter à 5 000 m, à une vitesse de l'ordre de 200 km/h.
Pendant ces 10 minutes, les Heinkel avaient donc un excès de vitesse de 90 km/h sur leur poursuivants, ce qui leur avait accordé une avance de 15 km.
Une fois les Morane arrivés à la bonne altitude, la poursuite a dû être mené à environ 400 km/h, une différence de vitesse de 110 km/h favorisant cette fois nos chasseurs. L'arrivée à portée de tir étant obtenue en un peu plus de 9 minutes, temps d'accélération compris.
Cela donne un temps de poursuite total de l'ordre de 20 minutes...
Le combat sur place ne concerna qu'un traînard dont le train d'atterrissage s'était déverrouillé.
Ce bombardier isolé fut abattu près du lac des Settons (environ 50 km plus loin, soit 10 minutes plus tard) après le tir conjoint des 16 Morane (!), pendant que les autres Heinkel revenaient chez eux sans être inquiétés.
J'y reviens plus loin.
Les victoires par type d'avion ennemi :
Si le Dornier 17 reste très connu pour sa grande maniabilité, qui lui valut d'être employé préférentiellement dans les attaques d'aérodromes à basse altitude, le Heinkel 111 a démontré que bien piloté, il pouvait, lui aussi, assurer un combat tournoyant.
Ainsi, le 10 Mai, le S/Lt Steunou a attaqué un He 111 esseulé vers 05:30.
Le pilote ennemi manœuvrait très bien (j'imagine que le bombardier avait déjà largué toutes ses bombes).
A l'arrivée en renfort de l'Adj Diaz et du S/Lt Capdeville, le He 111 profita de son avantage de vitesse pour s'enfuir.
Le combat avait duré 25 minutes, sans résultat victorieux !
No comment !
Voilà qui démontre l'incapacité absolue du MS 406 à voler à plus de 450 km/h.
Deux Junkers 88, les plus rapides bombardiers de la Luftwaffe (officiellement 450 km/h), ont également été abattus dans cette courte période.
Deux Junkers 88, les plus rapides bombardiers de la Luftwaffe (officiellement 450 km/h), ont également été abattus dans cette courte période.
Le premier, qui avait bombardé le terrain du III/1 au petit matin du 10 Mai, fut abattu parce qu'il avait traîné sur place pendant un bon moment (de l'ordre d'une heure) : Il l'avait donc bien cherché !
Six Henschel 126 font bien sûr partie de cette charrette, mais il est intéressant de constater qu'il fallait souvent une patrouille de 3 Morane (voire plus) pour abattre certains d'entre eux, ce qui montre l'excellente maniabilité des Hs 126 ainsi que l'excellence de leurs pilotes.
En effet, par leurs manœuvres brutales, ils évitaient l'essentiels des coups portés.
Dans certains récits, on peut même lire que nos pilotes les pensaient blindés. Je n'y crois pas, par contre les mitrailleuses du MS 406 étaient, elles, mal montées.
Aucun Junkers 87 n'a été rencontré dans cette période, ce qui est normal, puisque les engagements de ces premiers jours n'ont pas eu lieu près du front.
Enfin 12 chasseurs Messerschmitt sont à comptabiliser, à part égale entre Bf 109 et Bf 110.
Il est à noter que, face au monoplace Allemand, ces victoires montrent que le Morane pouvait tirer son épingle du jeu face à un avion pourtant très supérieur en performances.
Encore fallait-il que le pilote Français ne soit pas surpris.
Or, évidemment, l'entame des combats étaient déterminante.
Cela fut vrai pour tous les chasseurs Français - y compris les Curtiss et les Dewoitine - dont la visibilité arrière, quasi-nulle, interdisait l'anticipation des manœuvres vitales (que le Nieuport 161 aurait parfaitement assurée).
Aucun Junkers 87 n'a été rencontré dans cette période, ce qui est normal, puisque les engagements de ces premiers jours n'ont pas eu lieu près du front.
Enfin 12 chasseurs Messerschmitt sont à comptabiliser, à part égale entre Bf 109 et Bf 110.
Il est à noter que, face au monoplace Allemand, ces victoires montrent que le Morane pouvait tirer son épingle du jeu face à un avion pourtant très supérieur en performances.
Encore fallait-il que le pilote Français ne soit pas surpris.
Or, évidemment, l'entame des combats étaient déterminante.
Cela fut vrai pour tous les chasseurs Français - y compris les Curtiss et les Dewoitine - dont la visibilité arrière, quasi-nulle, interdisait l'anticipation des manœuvres vitales (que le Nieuport 161 aurait parfaitement assurée).
Les pertes au combat, premières constatations
La violence de l'attaque Allemande est attestée par la perte définitive de 43 Morane en 5 jours, qui s'est accompagnée, hélas, de la disparition de 13 pilotes tués.
Il y a eu aussi, bien sûr, des pilotes blessés et d'autres prisonniers.
Cela peut se dire autrement : Cela représentait l'anéantissement complet de 2 groupes entiers, ou encore de 20% de l'effectif total de Morane... en juste 5 jours.
Treize pilotes survivants durent quitter leur chasseur en flamme. Cela représente environ 30% des pertes.
Ce qui m'a interpellé fut que l'essentiel de ceux-là avaient été abattus par les mitrailleurs arrières des bombardiers.
Il paraît donc évident que le radiateur d'huile, qui présentait une surface importante de la face avant du fuselage, était particulièrement vulnérable.
L'huile surchauffée d'un moteur très mal refroidi pouvait s'enflammer, comme le savent celles et ceux qui, en cuisine, font chauffer de l'huile dans une poêle au-dessus d'un feu.
Néanmoins, le fait qu'un seul avion (MS n°67 du II/6, piloté par l'Adj Leclercq) ait été rapporté comme ayant explosé en vol, signifie que les 2 réservoirs d'essence superposés étaient correctement protégés.
Ceci contraste avec le Hurricane MK I de la Bataille de France dont on sait maintenant que près de la moitié des pertes furent causées par l'explosion de leur réservoir central de 127 litres.
Les attaques infructueuses : Le gros problème du montage des mitrailleuses
Ce qui étonne, c'est le nombre étonnant d'attaques infructueuses, même lorsque les moteurs de leurs proies avaient déjà commencé à brûler.Ainsi, le 10 Mai vers 15:00, 5 Morane du GC I/2 attaquent 6 He 111 du KG 55 non protégés par leur Chasse.
Deux bombardiers sont attaqués chacun par une patrouille. Le premier Heinkel attaqué ralentit, mais sa formation aussi.
Le second bombardier met la gomme et s'enfuit.
Les Morane rentrent bredouilles !
Le lendemain, une mésaventure identique arrive à une patrouille du GC II/2 avec un Do 215, puis aussi au GC III/2 avec un Do 17, ces avions étaient réputés moins rapides que les Heinkel, mais cette réputation était fausse.
Au total, pour ces 5 jours de combat, 25 avions Allemands engagés par des MS 406 - je veux dire que les pilotes Français ont tirés sur eux - sont rentrés à la maison.
Il va de soi que c'est une proportion anormalement élevée pour un chasseur.
Elle explique la fable qui a couru après le 24 Juin 1940 sur "des avions Allemands blindés".
Mais cette fable nous apporte une partie de l'explication de l'ampleur du phénomène.
Il s'agit de problèmes d'armes et d'armement.
Nos ingénieurs de l'armement avaient décidé (programme de Juillet 1934) que les chasseurs porteraient un armement de 1 canon de 20 mm et 2 mitrailleuses de 7.5 mm type MAC (Manufacture d'Armes de Châtellerault).
Le canon (Hispano-Suiza HS 404) tirait des obus de 125 gr à 880 m/s au rythme de 700 coup/min, ce qui était très destructeur pour tout avion attaqué jusqu'en 1945.
Par contre, il n'était approvisionné qu'à 60 obus, ce qui représentait moins de 8 secondes de tir. La pièce pesait 60 kg à vide.
Il a été dit que les obus de 20 mm explosaient trop vite. Je n'en suis pas totalement persuadé.
Les mitrailleuses de 7.5 mm disposaient de 300 cartouches stockées dans un chargeur dit "spirale Châtellerault". Cela représentait environ 16 secondes de tir.
Pour mémoire, le Dewoitine 520 disposait de 4 mitrailleuses en plus du canon et chacune d'entre elles était capable de tirer réellement 675 balles.
Le Bloch 152 avait le même nombre de mitrailleuses que le Morane, mais elles pouvaient tirer 500 cartouches, et ce chasseur disposait aussi d'un canon supplémentaire.
A noter que les Loire-Nieuport 401 étaient équipés de mitrailleuses Darne employant les mêmes cartouches de 7.5 mm mais dans un système d'alimentation à bandes : Ils bénéficiaient de 600 coups par arme, soit 30 secondes de tir.
Autant dire qu'un pilote de MS 406 devait vraiment être un excellent tireur pour abattre des bimoteurs de 10 tonnes en charge dans ces conditions !
Dans un numéro du journal Aéronautique Britannique Flight datant d'un peu après la Bataille d'Angleterre, vous pouviez lire des extraits d'un rapport Allemand sur les armements montés sur les avions Alliés abattus : La structure de montage des mitrailleuses du Morane y était jugée particulièrement mal pensée et mal réalisée.
Cela suggère que leur tir était très imprécis, à quoi se rajoutait un important retard introduit par la commande pneumatique...
Dans leur excellent livre sur (L'Aviation de Chasse Française, 1918 et 1940, Jean Cuny et Raymond Danel, Docavia #2) se demandaient pourquoi nos chasseurs n'avaient jamais été pensés pour des mitrailleuses lourdes de calibre 12.7 mm ou 13.2 mm.
Bien évidemment, de telles armes montées à la place des MAC de 7.5 mm eussent sans aucun doute augmenté très fortement les succès de tous nos chasseurs sans les alourdir inconsidérément.
Mais nos ingénieurs de l'armement voulaient tout standardiser et, par ignorance des aléas du tir air-air (et probablement sous l'influence des artilleurs de Marine), pensaient que le canon de 20 mm était la panacée.
Je me souviens avoir lu, sous la plume de Gaston Botquin, il y a pas mal de temps, que les mitrailleurs qui défendaient les bombardiers Allemands avaient payé un lourd tribu pendant la Campagne de France.
Le déficit de victoires des Morane n'implique donc pourtant pas obligatoirement une relative innocuité pour le corps de bombardement Germanique.
Un commandement resté étrangement inerte
Ce qui peut surprendre, dans cette période, c'est l'envoi de notre chasse en Belgique.Il était tout à fait logique d'envoyer en Belgique nos Curtiss dont l'autonomie était de 1 000 miles (= 1 609 km) pour y escorter nos avions de renseignement ou de bombardement.
Encore eut-il fallu que leurs aérodromes restassent en France.
Par contre, envoyer nos autres groupes de chasse en Belgique était un pari stupide.
Nos Morane avaient un rayon d'action plutôt modeste, même si les Bloch étaient encore plus mal lotis sur ce plan. Ils étaient tous des chasseurs défensifs purs.
J'ai déjà dénoncé la stupide inféodation des chasseurs à des zones géographiques (Il va de soi que nos bombardiers étaient logés à la même enseigne).
Nous le savons depuis longtemps, nos aviateurs de Reconnaissance avaient parfaitement identifié le point d'attaque de Guderian dès le 12 Mai au soir (voir cet article).
Il eut été normal de préparer une très grosse offensive aérienne dans les Ardennes.
Je veux dire : Une noria incessante de tous nos bombardiers, y compris les Bloch 131 (bien plus adaptés à ce rôle qu'à la Reconnaissance).
Et pour aider, il fallait y envoyer aussi toute notre chasse, laissant la protection du territoire aux seuls Potez 631 et aux Caudron Cyclone Polonais (qu'il fallait forcément rendre opérationnels instantanément).
Les pertes aériennes Françaises auraient, en quelques jours, atteint un sommet monstrueux. Les pertes Allemandes n'auraient pas été moins monstrueuses.
Mais, surtout, les chars de Guderian et de Rommel ne seraient pas passés, ce qui changeait tout.
Dans ce contexte, il est tout de même difficile de comprendre que le I/6 soit resté à Marignane du 10 au 17 Mai et que le I/7 soit resté au Liban pendant toute la campagne !
Cela signifiait que nous nous sommes privés de 50 à 60 avions, donc 5 escadrilles...
Un chasseur très insuffisant
Mes critiques quant aux performances du Morane restent intactes, elles sont plus que validées par la poursuite de 160 kilomètres nécessaire au GC II/7 pour abattre un seul malheureux Heinkel 111 volant à 5 000 m.Si ce groupe avait été équipé de Nieuport 161, la poursuite eut été réglée en moins d'une dizaine de minutes, permettant à nos chasseurs de passer le temps récupéré pour attaquer d'autres groupes ennemis.
{détails : La montée aurait pris 6 minutes à 220 km/h, laissant aux He 111 une avance de 7 km.
Ensuite, la poursuite à 5 000 m aurait été effectuée, au moins, à 426 km/h (soit une différence de vitesse positive de 136 km/h), permettant le contact en à peine plus de 3 minutes.}
De même, les pertes liées aux mitrailleurs ennemis eussent été considérablement réduites, car nos pilotes auraient eu en permanence cet avantage d'altitude qui permettait la surprise.
L'importance de la surprise pour les chasseurs est bien illustrée par le fait d'armes d'une patrouille du II/6 et du III/3 le 15 Mai (même si ce combat s'est joué juste en dehors de la période que j'ai choisie) :
Le chef de cette patrouille était l'A/C Leblanc, il emmenait le S/Lt Bévillard et le Sgt Gouz.
Tous volaient à 5 000 m.
Leblanc, chef de patrouille à l'évidence remarquable, ayant repéré un Do 17, ne fonça pas directement sur lui mais monta avec ses équipiers à 6 000 m et vers l'Est pour être dans le soleil de l'ennemi.
Il piqua ensuite sur le Dornier à la plus grande vitesse possible et Gouzi, plein de fougue, réussit à donner le coup mortel de tout près, ouvrant son palmarès, et cela sans recevoir aucune balle dans son avion !
Grâce à l'intelligence de son chef de patrouille, il a attaqué le Dornier comme l'aurait fait (en routine) un Nieuport 161.
Ceci est une confirmation de ce que le sergent Boillot avait écrit dans son rapport consécutif à ses 2 victoires d'Avril 1940.
Cela montre que, employé intelligemment (donc avec un réel sens tactique), le Morane pouvait donner de meilleurs résultats que ce qui a pu en être obtenu en moyenne.
Ceci est une confirmation de ce que le sergent Boillot avait écrit dans son rapport consécutif à ses 2 victoires d'Avril 1940.
Cela souligne les deux avantages du MS 406 :
- Une maniabilité supérieure à celles des avions Allemands (Pour autant, le MS 406 ne tournait ni ne bouclait pas aussi serré qu'un Mitsubishi A6M2 qui aurait été un adversaire terrifiant pour le pauvre Bf 109 Emil).
- Une accélération en piqué suffisante pour battre les bombardiers Allemands, à condition de voler au moins à 5 000 m.
Cela confirme aussi que la transformation aérodynamique des MS 406 en MS 410 - échappements propulsif et radiateur fixe aérodynamiquement correct, sans changer de voilure ni faire aucune des autres modifications chronophages - aurait enfin permis de voler à la fameuse vitesse de 486 km/h et de gagner 2 minutes pour grimper à 5 000 m.
Voilà qui aurait bien amélioré la vie de nos pilotes.
Les généraux Français très émus des mauvaises conditions de combat imposées à leur pilotes de MS 406, les ont fait escorter par des chasseurs plus rapides (j'en parle dans cet article de Juin 2020).
Le palmarès Finlandais, indicateur des capacités des différents chasseurs
La Finland avait reçu une collection très hétéroclite de chasseurs entre 1937 et 1944.
La liste des différents chasseurs employés dans des missions de chasse est extraite de Wikipedia en Anglais.
Elle concerne l'ensemble des chasseurs employés réellement en combat par les Finlandais contre les soviétiques pendant la Guerre d'Hiver puis pendant la Guerre de Continuation.
J'ai choisi d'en donner le nombre mis en service et le nombre total de victoires que chaque type a réussi à décrocher.
chasseur | effectif | Nb. victoires tot. | Nb. victoires / avion | |
Fokker D.XXI | 97 | 116 | 1.2 | |
Gloster Gladiator Mk. II | 30 | 19 | 0.6 | |
Fiat G.50 Freccia | 35 | 66.5 | 1.9 | |
Morane-Saulnier M.S.406 / 410 | 87 | 70 | 0.8 | |
Brewster 239 "Buffalo" | 44 | 432 | 9.8 | |
Curtiss Hawk 75 | 37 | 136 | 3.7 | |
Messerschmitt Bf 109G | 159 | 592 | 3.7 |
- Le Brewster Buffalo de l'US Navy - dénavalisé, donc bien plus agile - gagne avec environ 10 victoires par chasseur (intervention en 1941),
- Devant le Bf 109 G (qui n'intervint qu'à partir de 1943),
- Le Curtiss H 75 (1941),
- Le Fiat G 50 (1941),
- Le MS 406 (1941),
- le Fokker D XXI,
- Le Gloster Gladiator (lequel - à une victoire près - intervint uniquement pendant la Guerre d'Hiver en 1939-1940).
On voit que le taux victoires/avion du type du Curtiss H 75 est double de celui du G 50 et quadruple de celui du Morane, pourtant bien plus fréquent.
Pourtant le Morane 406 ne devait pas avoir beaucoup de problèmes de surchauffe, vu la météorologie locale...
Le plus grand as Finlandais sur le MS 406, Urho Lehtovaara, fut crédité de 15 victoires.
Il est le seul a avoir un nombre de victoires à deux chiffres sur cet avion, tandis que le Buffalo a fait bénéficier 13 pilotes du titre d'as (pour un effectif divisé par 2).
Le nombre d'as ayant piloté le Morane est 13. Celui des as ayant piloté le Fokker D XXI est de 35.
La place du MS 406 dans la hiérarchie mondiale est donc facile à trouver : L'avant-dernière !
Bonjour,
RépondreSupprimerCe billet est très intéressant, comme toujours, et il montre que si le choix du matériel est vital son emploi correct l'est encore plus... Sans compter la stratégie !
Je me pose une question cependant, concernant le Morane 405 : son moteur est le HS 12yCrs, si je ne trompe pas, alors que celui du 406 est le 12y31. Tous à 860 ch bien entendu. S'agit-il du même moteur avec une nomenclature différente ou bien de deux 12y distincts ?
Une remarque que je me suis faite en lisant votre billet : vous dites qu'il était stupide d'envoyer nos avions en Belgique... C'est vrai, mais c"était tout aussi stupide d'envoyer nos forces principales se faire encercler en Belgique. Dans le fond ce qui nous à perdu c'est que nous avons voulu rejouer 1914 en 1940...
Pour ce qui est du moteur, le 12 Ycrs, en général, est annoncé quasiment identique au 12Y31, à quelques détails près qui n'en changent pas les performances. Par contre, le MS 405 01 avait des entrées d'air à l'emplanture des ailes.
SupprimerPour votre dernière remarque, je suis entièrement de votre avis, et tout l'état major Français de 1940 aussi. C'était une demande Britannique entièrement irréaliste que Daladier n'a pas su rejeter...
Je ne suis pas un spécialiste de la campagne de France mais pourquoi rejeter la faute sur les anglais alors que le Généralissime était français (Gamelin) que le plan de l'état major était bien de "sortir" de France (variante Breda)pour ne pas renouveler 14-18 ?
RépondreSupprimerLe plan de Gamelin a été très fortement influencé par les exigences du Premier Ministre Anglais Chamberlain, relayées par ce pauvre Daladier, et qui voulait, à tout prix, empêcher le port d'Anvers de tomber entre les mains d'Hitler (voir la revue Histoire de Guerre - GBM qui en a fait l'entame d'un de ses premiers numéro).
SupprimerJe suis incapable de comprendre pourquoi les Britanniques tenaient plus à Anvers qu'à la France.
De cette stupide manœuvre Dyle-Breda est sortie l'envoi de notre VIIème armée en Belgique et Hollande, où elle a progressivement tout perdu, tout ce que Hitler désirait le plus au monde.
Il est certain que le plan Escaut aurait posé bien plus de problèmes aux Allemands, même si tout n'en aurait pas été résolu pour autant.
La manœuvre d'Arnehm, fin 1944, était un peu du même genre, et Gamelin n'y fut pour rien. Le résultat fut techniquement aussi catastrophique, mais la France était solidement tenue, cette fois.
L'entrée des armées alliées en Belgique me semble plutôt correspondre à un consensus Franco-Anglais pour répondre à une redite d'un plan Schlieffen. Les français imaginant se battre hors du sol national et peut être, oui, les anglais désirant défendre Anvers.
RépondreSupprimerMais je ne vois pas les Anglais tordre le bras de l'état majors français. Il y a eu faute et on doit en prendre notre part non pas comme faible comparse mais comme co-décideur à égalité.
En partant du principe que ce serait un plan Schlieffen bis je comprends le partie d'avancer vers l'ennemi.
Loin de moi l'idée que nous ne prenions pas nos responsabilités.
RépondreSupprimerPar contre, nos alliés Britanniques, eux, n'ont jamais - officiellement - reconnu leurs immenses responsabilités dans cette défaite. Dans ses mémoires de guerre, Churchill, lui, le reconnait sans ambages.
Nos Daladier, Sarault et autres politiciens des années 30 n'étaient pas de mauvais hommes, mais, échaudés par l'absolue manque de solidarité Anglo-Saxonne face au refus Allemand de payer les réparations, ils ont démontré un suivisme total.
Daladier voulait sincèrement défendre la Tchécoslovaquie en 1938, mais Chamberlain l'a convaincu du contraire.
Dans le n°75 de GBM, les réponses de Gamelin (aux questions de la commission d'enquête sur la défaite de Juin 1940) sont claires sur les volontés Britanniques.
Nos amis Britanniques aiment bien diriger et y arrivent plus facilement qu'ils ne le devraient.
Là où je suis d'accord avec vous, c'est que la responsabilité est alors celle de celui qui cède.
Mais le cerveau de Dyle-Breda est typiquement Britannique.
La IIIème République s'est refusé le luxe d'avoir de vrais stratèges à la tête de ses armées, par peur du fantôme de Napoléon (!).
Comme, en plus, elle avait mis trop de temps à mettre son industrie en ordre de bataille (voir le premier refus du plan des 1500 avions en ligne), elle a, bien sûr, toute sa part de responsabilités.
Mais le plan Dyle-Breda était rejeté par tous nos généraux (sauf leur patron).
Gamelin, homme-lige du pouvoir politique, était (bien trop) obéissant face à Daladier, lui-même trop influencé par le cabinet Britannique.