dimanche 15 janvier 2012

Le Bréguet 690, un avion d'assaut à fort potentiel pour la reconnaissance, meilleur que le très bon Potez 637. (Révisé le 24 / 12 / 2020)

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L'idée initiale - bien mal venue - des chasseurs bimoteurs


Le Bréguet 690 avait pour vocation avouée d'être un chasseur bimoteur triplace (mais pourquoi diable voulait-on 3, voire même 2 places ?) et apte à de - relativement - longs trajets. 


Il était en concurrence sur ce plan avec le Potez 63.



Pour ces avions, les décideurs avaient choisi des moteurs en étoile de 700 Cv. 

Certes, ces moteurs étaient légers, ce qui améliorait le bilan de masse des avions qui devaient les porter, mais, quel que soit leur profilage, ils présentaient un maître-couple important qui allait inéluctablement freiner l'avion. 




Le Potez 63 : Premier prêt, premier servi


Le chasseur Potez 630 reçut très vite ses moteurs, des Hispano-Suiza 14 AB prototypes de 100.15 cm de diamètre

Il effectua son premier vol le 25 Avril 1936.

Il atteign
it rapidement son objectif de vitesse (460 km/h pour 450 km/h demandés) et démontra d'honnêtes capacités ascensionnelles pour un bimoteur (4 000 m en 7' 10", donc de l'ordre des capacités du MS 406).

Il avait démontré en même temps une très grande agilité, vraiment exceptionnelle pour un bimoteur. 

En conséquence, il fut commandé relativement rapidement, mais bien après le Morane Saulnier 405 / 406.


Pourtant, il sortit véritablement en grande série dès la mi-1938, juste une année après sa mise en production. 

Les moteurs Hispano-Suiza 14 AB initiaux, un peu trop fragiles (on avait juste oublié d'en refroidir les culasses !), durent être remplacé par des Gnome et Rhône 14 Mars, plus légers de 70 kg, de puissance (alors) comparable et de 96 cm de diamètre.


On en sortit aussi une version de reconnaissance, le Potez 637, à peine plus lent que le chasseur à cause de la petite gondole ventrale réservée à l'officier observateur. 


A la masse de 4 122 kg au décollage, les vitesses de cette version étaient :

  • 367 km/h           au niveau de la mer,
  • 403 km/h             à 2 000 m,
  • 439 km/h             à 4 000 m,
  • 448 km/h             à  5 000 m,
  • 446 km/h             à 6 000 m,
  • 428 km/h             à 8 000 m,
La vitesse de croisière économique de 320 km/h permettait de franchir 1 435 km.

Plein gaz, donc à 448 km/h, il pouvait franchir 740 km.

A 80 % de la puissance maximale, il pouvait franchir 1 390 km à 415 km/h.

Les temps de montée étaient tout à fait corrects :
  •   3' 02"              pour 2 000 m,
  •   6' 09"             pour 4 000 m (comme un MB 152),
  •   9' 14"              pour 6 000 m,
  • 16' 48"              pour 8 000 m,
Le plafond dépassait 9 500 m.

Cet avion était irrattrapable pour des Bf 109 B, C ou D.

Sa maniabilité en faisait une cible difficile à très basse altitude par la variante Emil.

Cet avion eut l'immense honneur d'identifier la percée des Panzer dans les Ardennes, dans la nuit du 12 Mai 1940.

Le compte-rendu exemplaire de son officier-observateur (Lieutenant Gavoile) fut rejeté par l'état major de la 9ème Armée.

La conséquence de cette arrogante (et tenace) imbécillité fut la percée des blindés Allemands à Sedan le 14 Mai 1940 !

Cette reconnaissance à basse altitude en ambiance particulièrement hostile est un sacré titre de gloire à la fois pour le Potez 637 et pour les trois hommes de son équipage !



Le ministre Pierre Cot avait bloqué les moteurs du Bréguet 690 pendant un an !



Le Bréguet 690, concurrent du Potez 630, était censé recevoir les même moteurs mais les ennuis de ceux montés sur le Potez à cause de fissurations des culasses (insuffisamment refroidies) avaient induit des délais considérables. 

Il est aussi exact que Louis Bréguet avait, à juste titre, refusé la nationalisation de son entreprise.  


Décideur à très courte vue (comme beaucoup de politiciens), Pierre Cot n'avait pas admis cela, ce qui n'arrangeait rien . 

Le vrai scandale est que cela avait interdit au Bréguet de voler pendant un an



Lorsque, enfin, le Br 690 reçut enfin ses moteurs
, en Mars 1938 (avec presque 2 ans de retard !), on s'aperçut enfin que cet avion était bien plus rapide que le Potez déjà commandé... 

Il atteignait :

  • 390 km/h      au niveau de la mer (23 km/h plus vite que le P 637),
  • 430 km/h      à 2 000 m (27 km/h plus vite que le P 637),
  • 475 km/h      à 4 000 m (36 km/h plus vite que le P 637),
  • 490 km/h      à 5 000 m (42 km/h plus vite que le P 637),
Pour l'époque, c'était absolument remarquabl.






Bréguet 693
 d'assaut 



Curieusement, il fut d'emblée désigné pour l'assaut antichars. 

On peut dire - compte tenu de l'inexpérience totale de tous nos aviateurs de 1939 dans ce domaine - que cet avion a très honorablement tenu son rang dans ce domaine face à une Flak exceptionnellement efficace (j'y reviens sur cet autre post). 


Même en 1945, de trop nombreux aviateurs alliés payeront de leur vie la volonté de pratiquer une seconde passe de bombardement à basse altitude (ce fut hélas le cas d'Edmond Marin-La Meslé, sur un P 47 Thunderbolt, entre autres, aussi tard qu'en Février 1945). 


Au début de la Bataille de France, malheureusement, cette leçon n'avait encore jamais été apprise nulle part.




L'autre destin possible, voire souhaitable



Au lieu d'attendre ces fameux moteurs qui ne venaient pas (pendant une année complète), on aurait pu (et dû) monter sur cet avion des moteurs en ligne Hispano-Suiza 12 X.

Ces moteurs, d'une fiabilité exemplaire, étaient construits en série également dans les arsenaux de la Marine et par la firme Peugeot.

La vitesse de pointe du Br 690 aurait été encore plus forte (diminution du maître-couple des fuseaux moteurs et amélioration de leur forme, donc du coefficient de pénétration dans l'air). 
De 490-495 km/h, on serait passé à environ 515-525 km/h.


Dans ce cas, l'emploi du Bréguet comme avion de reconnaissance à moyenne et longue distance eut été judicieux car il eut été bien plus difficile à rattraper que le Potez 637. 


Une anecdote rapportée dans Icare puis reprise par A. Prudhomme dans son récent livre sur le sujet (le Bréguet 693, le lion de l'aviation d'assaut, Histoire et collections) montre que, tel quel, il était déjà très difficile à rejoindre pour un Hurricane, pourtant théoriquement plus rapide de 20 km/h. 



Par ailleurs, ses missions durant moins longtemps, il n'aurait pas été confronté à autant d'ennemis. 

Son taux de survie eut donc été bien supérieur, en particulier en comparaison avec celui du Potez 63-11. 
La forme de son fuselage aurait aussi permis une meilleure installation de l'observateur (assis à l'avant, juste un peu en dessous du pilote) que sur ce Potez en évitant la dramatique régression aérodynamique induite par l'énorme ouverture béante de l'espace mitrailleur et au recul excessif du poste de pilotage. 

En effet, la vitesse de ce Potez avait chuté à 425 km/h, ce qui avait contribué à faire de cet avion de reconnaissance la victime n°1 de la chasse allemande pendant la bataille de France (220 avions détruis dont 106 abattus en vol sur 730 produits).



Les Suédois commandèrent, pour ce rôle précis, le Bréguet 694 qui, pour effectuer son rôle d'avion de reconnaissance, aurait dû emmener 1200 l d'essence au lieu de 900 l. 


Les Belges devaient en hériter mais, devant l'invasion de leur pays, c'est notre Marine Nationale qui récupéra le bébé (article de Jean Moniot dans Aviation Magasine, au début des années 60).





Et la Chasse ?


Peut-être le Bréguet 690 eut-il même pu donner un avion de chasse plus efficace que le joli Potez 631 dont les escadrilles ne purent réclamer que quelques victoires aériennes (mais certainement parce que la manière de l'employer fut également bien mal comprise). 

Encore eut-il fallu le spécialiser dans les attaques de bombardiers. 



L'idée germait en 1938 de sortir le très rapide Bréguet 697 qui volait à 570 km/h 
(malgré un lest de 300 kg à l'arrière !).

Il devait déboucher sur le formidable Bréguet 700 puis le très affiné Bréguet 820 (à voir sur le site de l'aérophile http://aerophile.over-blog.com/article-un-projet-celui-du-breguet-820-48349675.html) qui (à mon avis) préfigurait remarquablement  le ravissant De Havilland Hornet.





Cliquez ici pour lire mon post sur la reconnaissance et le Potez 63


Cliquez ici pour lire mon post sur le Bréguet 693 dans l'Aviation d'Assaut

Cliquez ici pour mon post sur le Potez 631 de Chasse, et ses successeurs, dont le Bréguet 697.


4 commentaires:

  1. Bonjour
    Que valait le romano r110 par rapport au potez 630 et au breguet 690 ?

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    1. Le Romano 110 n'a pas été essayé du tout par le CEMA.

      La lecture du journal Les Ailes atteste cependant qu'il avait subi une série de vols d'essais à Canne avant de partir pour Villacoublay.

      Etienne Romano avait réalisé le plus rapide de nos hydravions de chasse, le plus manœuvrant de nos avions de perfectionnement à la voltige (son pilote passait son temps à faire des virages serrés à moins d'un mètre du sol !). C'était un avionneur excellent.

      Mr Bonte, patron réel du CEMA, n'évoque en rien les qualités de vol du R 110 mais dénigre cet avion en disant qu'il avait fait ce vol train sorti.

      A l'époque, que ce soit le MS 405 / 406 ou le Dewoitine 520, les trains d'atterrissage avaient bien du mal à se verrouiller en position escamotée !

      C'était juste une manière de ne pas faire son travail.

      Il reste que l'étude de Romano était très sérieuse, que son avion était le plus léger des bimoteurs C3 (3 300 kg au décollage), que ses 24 m² de voilure lui assurait une charge alaire de 138 kg au m² et que ses moteurs Renault de 450 Cv lui assuraient une bonne finesse.

      Je ne le vois pas dans la Chasse, car son cockpit en escalier n'aidait pas la finesse.

      Par contre, il était, pour ces mêmes raisons, idéal pour réussir un excellent T3, permettant à un observateur idéalement placé à l'avant de voir parfaitement le tableau du champ de bataille tout en assurant une vitesse et une manœuvrabilité suffisantes pour échapper à la Chasse ennemie.



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  2. Perso je suis arrivé à la déduction que le sieur Bonte avait jusqu'en 35 quatre firmes "ami" Morane Saunier, Dewoitine, Bloch et Lioré Olivier. Avec le D513 Dewoitine a perdu ce statut et heureusement qu'en 38, le SATé et ce triste sir ont perdu leur capacité de nuisance, le responsable technique du gouvernement ayant enfin les coulées franche pour les choix. Il est malheureusement passé à côté des LN161/2 et de l'Amiot 340. Ils auraient pu être présent en 40 et modifier un peu la domination germanique dans les airs.

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    1. Je trouve que votre déduction est solide. Maintenant, je n'arrive pas à comprendre sur quels principes cet homme fondait ses opinions.
      Il n'est pas impossible qu'il ait été influencé par des acteurs extérieurs.
      J'ai remarqué qu'il avait tué les tentatives d'intercepteurs à réaction chez Morane-Saulnier après 1945.
      Il est vrai que Dassault avait échappé de justesse à la mort en camp de concentration (grâce à la CGT) tandis que le MS 406 avait consacré l'effondrement aérien de notre pays.
      Dewoitine a été condamné par le Royaume Uni parce que ses avions avaient combattu les Britanniques au profit de Vichy...


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