Félix Amiot : Un cas désespéré pour les bureaucrates
Ayant déjà parlé du Lioré-Olivier 451, il me faut bien sûr parler de l'avion qui fut son concurrent, l'Amiot 350, ou plus exactement les Amiot 351 / 354.
Cet avion semble avoir cristallisé contre lui toute la viscosité administrative de la France de 1938-40.
On ne peut que se demander pourquoi des hommes intelligents - car nos bureaucrates le sont, malgré le ridicule achevé de leurs démarches - ont pu dépenser tant d'énergie dans des polémiques stupides au lieu d'aider sérieusement à la mise au point d'avions de combat dont la France avait le plus urgent besoin.
Cela a tout à voir avec des problèmes de pouvoir : Embêter un très grand chef d'entreprise devait donner à certains de profondes et sulfureuses satisfactions .
Il semble que Mr. Félix Amiot ait été considéré comme le cas désespéré d'un authentique patron, donc un homme à abattre à tout prix.
Fin 1936, on l'avait spolié de son usine de Caudebec en Caux au prétexte de nationalisation et il n'en avait été indemnisé (très mal) que deux ans plus tard.
Comme il avait protesté, cela en avait fait un constructeur désagréable, d'autant plus qu'il avait refusé la nationalisation du bureau d'étude qu'il avait créé et qui fonctionnait parfaitement.
Crime de lèse-bureaucratie, il avait aussi refusé d'employer de confiance les moteurs prototypes Hispano que les décideurs et experts en chambre du STAé voulaient lui imposer (pour les dénigrer sans arrêt par la suite).
Il avait exigé de les essayer sur un de ses anciens et très solides bombardiers Amiot 143 qui volaient très bien (démarche qui est devenue tout à fait courante de nos jours).
Ainsi, le prototype Amiot 340 monodérive (voir mon article ici) avait pu voler très correctement avec des Gnome et Rhône moins puissants mais plus fiables.
Félix Amiot avait donc eu raison ?
Oui ? alors il fallait le lui faire payer, comme aussi sa forte personnalité et son inventivité ! A lui de se débrouiller tout seul. Non mais !...
Pour qui se prenait-il donc ?...
Que personne ne se trompe : ces comportements hyper-autoritaires ont été, dans tous les pays du monde, caractéristiques de cette époque, qui était, plus que tout autre à la suite, celle des dictateurs les plus brutaux.
Bien sûr, il y a eu pire : En URSS, Nicolaï Polikarpov, père des chasseurs I 15 et I 16, passa les quinze dernières années de sa vie au Goulag et ne fut réhabilité que 13 ans après sa mort et uniquement après la mort de Staline (rapport Khrouchtchev au PCUS, 1956/1957).
Plus étonnant, dans ce pays réputé "démocratique" qu'est la Grande Bretagne, le génie mathématique Alan Turing - inventeur de l'ordinateur et du système qui cassa les codes Allemands - fut conduit au suicide, après la guerre, par la stérilisation forcée qu'il avait dû subir pour "son comportement sexuel déviant".
Revenons en France où, apparemment, un lobby voulait alors faire main basse sur toutes les industries du pays et n'avait négligé aucun moyen pour arriver à ses fins.
La monstrueuse sanction de la défaite a ensuite un peu calmé ses ardeurs, mais c'était trop tard pour notre pays.
L'intérêt de la France comptait comme tellement négligeable pour ces gens-là !
Un avion vraiment bien pensé
(Disons le tout de suite, les données techniques que j'emploie dans la suite sont extraites du livre très sérieux et très documenté LéO 45, Amiot 350 et autres B4 de J. Cuny et R. Danel, Docavia n°23, Ed. Larivière.)Cet Amiot 350, avion superbe s'il en était, résultait de la transformation de l'Amiot 340 - bombardier triplace (dont j'ai déjà parlé) - en un authentique B4, c'est à dire en bombardier quadriplace.
Amiot 350-01 - Un avion bien conçu |
Seuls le fuselage et la voilure étaient conservés quasiment tels quels.
Toute la structure de l'avion avait été pensé de manière modulaire pour en faciliter la construction rapide en grande série.
Un premier problème était posé par les moteurs, parce qu'il avait fallu supporter les innombrables atermoiements du STAé dans ce domaine.
Les moteurs en étoile à refroidissement par air ont toujours posé un problème d'encombrement et de coefficient de traînée (voir mon article sur ce sujet).
Par définition, ils sont larges parce qu'ils s'inscrivent dans un cercle et impliquent que la partie structurale qui les contient soit cylindrique.
C'est ce qui définit le maître-couple minimal des parties en question.
La seule possibilité d'améliorer les choses consiste donc à uniquement en améliorer la forme et l'état de surface pour en diminuer la traînée.
C'est très facile à dire.
Pas si facile que cela à réaliser, parce que le refroidissement du moteur par l'air implique que beaucoup d'air passe pour emmener énormément de calories.
Chez Lioré et Olivier, l'ingénieur Pierre-Etienne Mercier avait dessiné, puis breveté, un capotage sophistiqué qui donnait de très bons résultats aérodynamiques.
Malheureusement, tous les usagers - y compris Allemands - s'aperçurent à l'usage que le refroidissement obtenu ainsi était très insuffisant.
Le pire défaut de ce système était qu'il rendait les opérations de maintenance extrêmement longues et délicates, ce qui n'est pas acceptable pour un avion militaire qui reçoit des coups presqu'à chaque sortie.
Au début de la vie du prototype Amiot 350, il était sorti avec les vilains capots de l'Amiot 143, bien peu aérodynamiques, mais qui suffisaient pourtant à refroidir des moteur de 850 Cv d'un avion lent.
Menés à des vitesses très supérieures, les turbulences qu'ils engendraient diminuaient le flux d'air frais et les moteurs recommençaient à chauffer.
Alors, on a monté sur l'Amiot 350 des capots beaucoup plus fins, en partant de l'idée parfaitement démontrable que plus l'avion va vite, plus la quantité d'air entrant dans le capot moteur sera importante et meilleur sera le refroidissement (en fait, le Dr. Meredith découvrit vers le milieu des années 30 que le refroidissement s'améliorait encore si l'air entrant pouvait être refroidi en lui faisant subir une décompression avant d'entrer dans la zone à refroidir).
Pourtant, pendant un séjour au CEMA, une montée plein gaz effectuée à une vitesse insuffisante aboutit à détériorer un moteur sur un autre bombardier.
Personne ne s'est penché sur cet incident, mais il aurait été intéressant de connaître la pente et la vitesse de cette montée - autrement dit, cela ressemble comme deux gouttes d'eau à un petit sabotage entre amis.
Curieusement, on retrouve les mêmes exigences qui avaient obligé Marcel Bloch à monter une entrée d'air de 100 cm de diamètre sur ses chasseurs MB 151 et 152, leur mangeant une bonne partie de leur vitesse de pointe (de 30 à 40 km/h).
Amiot, à qui le CEMA avait demandé d'installer un capot possédant une prise d'air de 98 cm de diamètre extérieur, refusa, à juste raison, d'ouvrir davantage ses capots moteurs.
Le bureau d'étude Amiot sortit des capots moteurs très ajustés, avec une prise d'air de 76 cm de diamètre seulement, joliment dessinés et aérodynamiquement très efficaces.
Cela se payait, évidemment, d'une interdiction de traîner au sol pendant le roulage, sous peine de chauffer exagérément.
Cette obligation de décoller rapidement, soit dit en passant, était extrêmement saine pour un avion destiné à faire la guerre : Soit il était en maintenance, soit il attaquait.
Se dandiner pesamment sur le sol, donc à découvert, ne pouvait en aucune manière lui assurer une sécurité durable.
Il eut été vraiment intéressant de voir ce qu'auraient donné les Bloch 151 et 152 avec les capots des Amiot.
En tout cas, à partir de 240 km/h - vitesse atteinte quasi-immédiatement après le décollage - l'avion n'avait plus aucun problème de surchauffe et fut plébiscité par tous les pilotes opérationnels qui l'ont piloté.
Des performances excellentes
- La vitesse de pointe était de 485 km/h à 5 000 m,
- la vitesse de croisière économique était de 420 km/h,
- le plafond était de 9 000 m.
- Chargé de 1 350 kg de bombes, il pouvait franchir 2 500 km
- Son temps de montée à 4 000 m était donné pour 8'42", ce qui correspondait à une vitesse ascensionnelle moyenne, depuis le sol, de 7.7 m/s (~1 500 ft/min), tout à fait efficace.
En Août 1938, on monta une bi-dérive sur l'avion pour le renommer Amiot 350.
Tel que, cet avion fut attribué au patron de notre Armée de l'Air, le général Vuillemin, pour qu'il puisse visiter à ses homologue Germaniques.
Le 16 du mois, il fit le trajet Villacoublay - Staaken à la moyenne de 440 km/h, exceptionnelle à cet époque. Le trajet de retour fut effectué 5 jours plus tard.
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Mais, pour que l'avion soit un B4 acceptable pour le Service Technique de l'Aéronautique, il fallait absolument y introduire la fameuse double dérive et un canon pour le mitrailleur arrière.
Et c'est là que les choses commencèrent vite à se gâter.
Commençons par ce fameux empennage bi-dérives. Lorsque le prototype arrive au CEMA, l'avion récemment "bi-dérivisé" fut - à juste raison - très fortement critiqué, car instable et présentant un fort lacet inverse.
Cela n'avait pourtant pas empêché le voyage à Berlin de se faire sans problème.
Un nouvel empennage fut réalisé qui supprimait le lacet inverse mais le vol sur un seul moteur exigeait encore du pilote un très gros effort au pied.
Un nouvel empennage fut réalisé qui supprimait le lacet inverse mais le vol sur un seul moteur exigeait encore du pilote un très gros effort au pied.
L'Amiot 351 était un peu moins bon grimpeur que le 340 mais on peut extrapoler qu'il montait à 4000 m en environ 12 minutes 30 secondes (W. Green annonce 8' 42" dans son petit BOMBERS and RECCE ACFT. Vol. 7).
Le temps de montée du LéO 451, donné pour 14', était celui du prototype dont les performances étaient nettement supérieures à celles de l'avion de série et dont la masse à vide était supérieure de 800 kg à celle de l'Amiot de série.
Il fallut donc concevoir de nouvelles dérives nettement plus grandes et placées plus haut dont le bilan CEMA du 19 Août 1939 ne dit rien de précis à part qu'elles présentaient de nombreux défauts (?!).
Par contre, curieusement, tous les pilotes militaires trouvèrent l'avion ainsi gréé agréable et efficace.
Il en résulta que les Amiot furent gréés soit d'un empennage bi-dérives (Amiot 351), soit d'un empennage mono-dérive (Amiot 354).
On eut gagné un temps précieux (six mois au moins) en abandonnant la bi-dérive.
Je rappelle à mes courageux lecteurs que personne, au CEMA, n'osa critiquer la mono-dérive installée de construction sur tous les bombardiers US achetés à grands frais et qui s'enflammaient si facilement, puisqu'ils n'avaient pas de réservoirs auto-obturants (montés sur les bombardiers Français) que nos négociateurs avaient totalement "oubliés" d'exiger.
Malgré toutes les critiques du CEMA, la bi-dérive de l'Amiot n'a provoqué aucun accident, contrairement à celles du LéO 451 qui durent être modifiées dès Septembre 1940, puis de nouveau en 1945 puis en 1946, ce qui démontre que, pour le moins, elles présentaient des défauts rédhibitoires !
Amiot 354 - Ligne fine et finition de grande qualité expliquent les performances et les qualités de vol obtenues. |
Dans le même temps, ce constructeur, spolié d'une somme faramineuse et des machines-outils qu'il avait payé lui-même, devait emprunter pour acheter les mêmes machines, mais neuves, des terrains, etc.
Les sommes dont il disposait étaient ridiculement faibles par rapport à celles qu'il devait investir et les banques ne favorisaient pas l'investissement (ce sont elles qu'il eut mieux valu nationaliser.).
Par ailleurs, Amiot avait voulu un système trop sophistiqué pour réduire la traînée en configuration soutes ouvertes (ce qui était pourtant une pensée opérationnellement très utile) mais la grande taille des trappes, en favorisant leur déformation par le vent relatif, interdisait le bon fonctionnement du mécanisme retenu.
Que Félix Amiot ait éprouvé du mal à réaliser tout simultanément était inévitable.
Justement, il était criminel que nos bureaucrates n'aient pas commencé par mettre l'accent sur la meilleure mobilité des trappes de la soute à bombe.
Concilier aérodynamisme et défense contre la chasse
D'un autre côté, il avait été décidé par nos pilotes "en chambre" que l'essentiel de l'équipage soit réuni sous une même verrière (le bombardier étant le plus en avant). Cette verrière était donc obligatoirement assez longue.Avec la volonté d'obtenir une faible traînée, l'équipe du constructeur avait dessiné la partie arrière de cette verrière aussi effilée que possible.
En conséquence, dès que le fameux canon et son volumineux chargeur furent présents pour de bon, cela posa des problèmes.
Canon HS 404 et cannonier - cette vue de LéO 451 montre que seule une cible venant depuis le centre arrière au secteur gauche du canonnier pouvait être engagée |
J'ai déjà dit dans un autre article à quel point privilégier le côté "bi-dimensionnel" du combat aérien était, à tout le moins, totalement inadapté (car utilisable uniquement par des guerriers installés sur une surface plane horizontale, la surface marine, par exemple).
C'est exactement ce que représentait l'introduction d'un canon pour défendre nos bombardiers contre des chasseurs.
Déjà, introduire le canon aurait impliqué, si la France avait eu des services techniques à la hauteur, qu'un canon inerte (et sûrement pas une maquette en bois) et son affût orientable ait été fourni d'avance aux avionneurs.
Je ne doute évidemment pas que cela ait été le cas pour le petit chouchou, le Lioré-Olivier 451. Mais pour les vilains autres, non...
Vu la disposition de sa verrière, le canon ne pouvait pas être monté sur l'Amiot, mais ce n'était sûrement pas un drame.
L'avioneur proposa qu'il soit remplacé par deux mitrailleuses de 13.2 mm, mais personne de chez Hotchkiss ne lui répondit !
Il proposa alors un affût de trois Darne de 7.5 mm, alimentés par bandes et qui ne gênaient pas la visée.
Juste un petit rappel à ce sujet : Lorsque les nazis furent confrontés au déferlement des assauts de l'infanterie soviétique, ils introduisirent à toute vitesse la mitrailleuse MG 42 qui impressionna les Russes et nos Alliés Anglo-Saxons par sa cadence de 1 200 coups/min.
La Darne modèle 33 tenait facilement cette cadence et pouvait monter à 1 600 coups/min, en cas de besoin.
C'est exactement ce que représentait l'introduction d'un canon pour défendre nos bombardiers contre des chasseurs.
Déjà, introduire le canon aurait impliqué, si la France avait eu des services techniques à la hauteur, qu'un canon inerte (et sûrement pas une maquette en bois) et son affût orientable ait été fourni d'avance aux avionneurs.
Je ne doute évidemment pas que cela ait été le cas pour le petit chouchou, le Lioré-Olivier 451. Mais pour les vilains autres, non...
Vu la disposition de sa verrière, le canon ne pouvait pas être monté sur l'Amiot, mais ce n'était sûrement pas un drame.
L'avioneur proposa qu'il soit remplacé par deux mitrailleuses de 13.2 mm, mais personne de chez Hotchkiss ne lui répondit !
Il proposa alors un affût de trois Darne de 7.5 mm, alimentés par bandes et qui ne gênaient pas la visée.
Juste un petit rappel à ce sujet : Lorsque les nazis furent confrontés au déferlement des assauts de l'infanterie soviétique, ils introduisirent à toute vitesse la mitrailleuse MG 42 qui impressionna les Russes et nos Alliés Anglo-Saxons par sa cadence de 1 200 coups/min.
La Darne modèle 33 tenait facilement cette cadence et pouvait monter à 1 600 coups/min, en cas de besoin.
La mise en place de ce dispositif ne posait aucun problème mais le STAé voulait des MAC, celle des forts de la ligne Maginot et dont la plus haute comportait un gros chargeur qui bloquait la visée : C'était ubuesque.
Du coup, les avions sortis d'usine étaient laissés à l'abandon dans des zones de stockage, comme au Bourget par exemple.
Un de ses amis travaillant au Ministère de l'air qui passait par là, décida de l'accompagner.
L'officier-bureaucrate de service tenta de les dissuader de "risquer ainsi leur vie dans un avion aussi dangereux".
Ils n'en n'eurent cure et s'envolèrent : Pour ces deux hommes, ce vol fut une révélation.
Ils trouvèrent l'avion littéralement génial, très facile à piloter, très performant et même très maniable.
Il est vrai qu'ils n'évaluèrent pas ses aptitudes aux loopings ni aux tonneaux.
Ils parlèrent en vrais pilotes de bombardiers qu'ils étaient.
Pire encore, ils allèrent raconter leur expérience au ministre !
Dès ce moment, le ministre de l'Air voulut que l'Amiot bénéficiât d'une priorité absolue mais le retard pris ne fut jamais rattrapé.
Les unités apprenant cela avec intérêt, envoyèrent des pilotes récupérer ces avions laissés volontairement incomplets et donc non réceptionnés.
Tous ces pilotes furent d'accord pour trouver que l'avion était excellent, y compris pour les vols de nuit.
Ils allèrent même prendre des risques insensés, comme pendant le vol qui fut fatal au colonel Dagnaux, en volant à 600 m d'altitude, de nuit, dans les lignes Allemandes, oubliant que 2 moteurs de 1 050 Cv font un très fort bruit et éjectent des flammes visibles de loin !
L'avion fut évidemment abattu et Dagnaux y perdit la vie.
Du coup, les avions sortis d'usine étaient laissés à l'abandon dans des zones de stockage, comme au Bourget par exemple.
Heureux hasard
Oui, mais le hasard existe et un pilote qui passait au Bourget se mit dans la tête de piloter cet avion dont l'aspect hypermoderne l'interpellait.Un de ses amis travaillant au Ministère de l'air qui passait par là, décida de l'accompagner.
L'officier-bureaucrate de service tenta de les dissuader de "risquer ainsi leur vie dans un avion aussi dangereux".
Ils n'en n'eurent cure et s'envolèrent : Pour ces deux hommes, ce vol fut une révélation.
Ils trouvèrent l'avion littéralement génial, très facile à piloter, très performant et même très maniable.
Il est vrai qu'ils n'évaluèrent pas ses aptitudes aux loopings ni aux tonneaux.
Ils parlèrent en vrais pilotes de bombardiers qu'ils étaient.
Pire encore, ils allèrent raconter leur expérience au ministre !
Dès ce moment, le ministre de l'Air voulut que l'Amiot bénéficiât d'une priorité absolue mais le retard pris ne fut jamais rattrapé.
Les unités apprenant cela avec intérêt, envoyèrent des pilotes récupérer ces avions laissés volontairement incomplets et donc non réceptionnés.
Tous ces pilotes furent d'accord pour trouver que l'avion était excellent, y compris pour les vols de nuit.
Ils allèrent même prendre des risques insensés, comme pendant le vol qui fut fatal au colonel Dagnaux, en volant à 600 m d'altitude, de nuit, dans les lignes Allemandes, oubliant que 2 moteurs de 1 050 Cv font un très fort bruit et éjectent des flammes visibles de loin !
L'avion fut évidemment abattu et Dagnaux y perdit la vie.
Il ne fallait quand même pas tenter le Diable, d'autant plus que les radars Freya veillaient efficacement sur cette zone.
La mission Weygand
Deux Amiot furent employés le 21 Mai 1940 pour transporter le nouveau général en chef Maxime Weygand dans la zone côtière de la Mer du Nord pour y rencontrer les généraux Alliés.Ils étaient escortés par une escadrille de Bloch 152 et ce vol surréaliste se termina bien pour tout le monde.
- Ceci montre d'abord que les Allemands, à ce moment là, ne disposaient pas de la maîtrise absolue de l'air qu'ils revendiquaient pourtant bruyamment.
- Cela montre aussi que, pendant une journée cruciale, les armées Françaises n'ont pas été commandées.
- Cela montre surtout que, bien qu'en plein jour, l'Amiot 350 ne traînait pas en l'air.
Le bilan
Pendant la Campagne de France, l'Armée de l'Air eut en service environ une grosse soixantaine de ces Amiot 351 qui furent employés de nuit pour des reconnaissances offensives (donc avec des bombes).Les pertes furent de 13 avions détruits parmi lesquels 5 abattus et 6 incendiés au sol car devant être réparés avant tout nouvel envol. Ces pertes sont dérisoires.
Plus de 80 avions étaient sortis d'usine et 198 étaient en cours de fabrication le 25 Juin 1940.
Les 45 avions qui restaient disponibles après l'armistice furent employés essentiellement à des transports vers les colonies.
Le bilan est donc complexe, pas totalement bon, certes, mais l'avion n'avait jamais bénéficié d'un parcours serein.
Si les armées Alliées avaient tenu bon, il aurait donné une bien meilleure image de lui même.
Pierre Cot eut-il commandé tel quel l'Amiot 340 B3 en fin 1937, cet avion serait entré en service au printemps 1939.
On aurait eu tout le temps voulu pour mettre au point son armement.
Pendant ce temps-là, tout en continuant la fabrication de la version initiale, on pouvait passer en douceur à la version B4, si, du moins, elle apportait un véritable plus.
Par contre, la pertinence de l'emploi n'était jamais garantie : Il aurait fallu pour cela que le commandement fasse un gros travail de recherche et de recyclage pour rester véritablement compétent.
Cliquer ici pour lire le post sur les avions de bombardement stratégiques
Bonjour ! Cela fait plusieurs jours que je lis votre blog, et je dois dire que je suis conquis, c'est l'un des meilleurs, sinon le meilleur, que j'ai eu la chance de lire à propos de l'aviation ancienne. Surtout continuez c'est vraiment excellent !
RépondreSupprimerJe me demandais si vous feriez un jour un billet spécifiquement sur la série de chasseurs Bloch 15x, avions pour lequel j'ai un faible...
Je ne résiste pas à la tentation de vous livrer une petite anecdote relative aux "déboires" de Félix Amiot avec ses commanditaires - documents vus de mes yeux vus auxarchives du SHAA à Vincennes.
RépondreSupprimerA l'hiver 1939-1940, Félix Amiot était scandalisé de voir son bimoteur freiné par les bureaucrates, et notamment de s'entendre reprocher le mauvais refroidissement de ses capots ultra-fins de moteurs en étoile (il en était si fier qu'il les avait fait breveter...), notamment parce que le CEMA avait grillé deux Gnome-Rhône lors des essais du 341.
Pour en avoir le coeur net, il fit démonter un 14N qui venait de lui être livré, et constata qu'avant même toute utilisation opérationelle, le moteur avait dejà serré !!! - sans doute lors des essais finaux chez le motoriste.
Inutile de préciser que l'affaire ne fit qu'augmenter la rancoeur des officiels envers lui : outre son comportement "séditieux" - disaient les dignes représentants du Ministère - , il s'était mis en porte à faux, le moteur appartenant à l'Etat et non pas à l'avionneur !
Au lendemain de la guerre, Félix Amiot dégôuté de l'esprit qui régnait dans ce milieu, quitta l'aviation pour se lancer dans la construction navale...
Et, autre petite anecdote bien postérieure, il n'est pas très connu que les fameuses "vedettes de Cherbourg" qui empoisonnèrent les relations entre la France (plus exactement, le gouvernement de Gaulle) et Israël en 1967/1968, sortaient des ateliers Amiot...
Cordialement
Alain Breton (qui n'a toujours pas compris comment faire pour ne pas être classé "anonyme"...)
Merci Alain, quelle extraordinaire illustration de nos bureaucrates ! J'apprécie en particulier le terme "séditieux". Et certains disent que le ridicule ne tue pas. En l'occurrence, il a favorisé la défaite !
SupprimerA force de placer des copains aux "bons" postes, il peut arriver que l'on place des nuisibles (juste par incompétence). J'ai vu le cas d'une personne - sympa au demeurant - qui avec juste une licence d'Anglais devenir responsable des achat d'ordinateurs dans un ministère, à une époque où il fallait vraiment mettre les mains dans le cambouis.
Pour ne pas être anonyme, vous devez définir un pseudonyme dans Google. Drix est mon pseudo, évidemment.
Bonjour Drix,
RépondreSupprimerJe dois vous dire que je suis toujours autant passionné par la lecture de votre blog.
Ayant beaucoup aimé cet article sur l'Amiot 350, et la première photographie que vous employez pour l'illustrer m'ayant interpellé, je suis allé chercher de plus amples renseignements sur Internet.
Et voilà ce que j'ai découvert : http://1000aircraftphotos.com/Contributions/CrupiRay/11080.htm
La photo est celle d'un Amiot 341 dont la verrière est bien décalée sur la gauche afin d'en réduire les dimensions au maximum pour réduire la traînée, une idée ingénieuse et qui, au vu des performances de l'Amiot, semble bien fondée (bien que c'est l'ensemble de son aérodynamique poussée qui contribue à ses performances et non cette seule spécificité). Il est précisé que cet appareil vola pour la première fois le 6 décembre 1937.
Cette configuration m'a interpellé car j'ai connaissance d'un appareil russe : l'Ermolaev Er-2, qui présente exactement la même configuration avec la verrière sur le côté gauche de l'appareil. Présenté sur bien des sites comme étant le premier avion avec cette spécificité et comme étant un des plus rapides bombardiers de la seconde guerre mondiale ; il n'a cependant volé que le 14 mai 1940, c'est-à-dire plus de deux ans après l'Amiot.
Voilà, tout ça pour souligner la créativité de nos ingénieurs français, le bien fondé des solutions techniques qu'ils apportèrent et les possibilités de cet avion fantastique qu'était l'Amiot 340-350 et qui aurait pu devenir en évoluant un des bombardiers les plus rapides de la seconde guerre mondiale.
Cordialement,
M.A.D.
A propos de défauts constatés, le 6 juin 1940, le colonel François écrira au général commandant de la 6eme division aérienne à propos des 15 Amiot 351 bi-dérives et 10 Amiot 354 mono-dérive que possédait le GB 9 :
SupprimerCes appareils de qualités de vol remarquables présentent de nombreux inconvénients provisoires au point de vue de leur utilisation militaire.
Ces inconvénients proviennent uniquement de la lenteur avec laquelle le matériel nécessaire à certaines modifications arrive en formation.
Trois grosses modifications sont actuellement à effectuer pour permettre à cet avion d’exécuter les missions qui lui sont dévolues.
─ 1°/ Réalisation et montage d'un dispositif d’ouverture correct des portes de soutes à bombes. La majorité des avions (19) ne possède aucun moyen d'ouverture de ces portes. Les 6 autres possèdent l'ouverture hydraulique par pompe qui ne donne que des déboire : grippage des vérins, fuites sur les canalisations, impossibilité d'ouvrir les portes à haute altitude, etc, etc. Il semble qu’un simple dispositif mécanique à manivelle donnerait toute satisfaction.
─ 2°/ Poursuivre activement l'amélioration de la visibilité et de la facilité de manœuvre en vol de nuit :
a) ouverture de la glace chauffante au poste navigateur,
b) Meilleur éclairage de la planche de bord à réaliser,
c) déplacement sur le manche de la commande des volets,
d) meilleure visibilité à la place pilote par le montage d'une glace ouvrante formant déflecteur.
─ 3°/ Armement général de l'avion : deux cas se présentent :
a) Amiot 354 : remplacement de l’affût Blanchet-Pilain inutilisable pour un affût de Boysson, avec 3 mitrailleuses M.A.C. à alimentation continue, armement vers l'avant par 2 mitrailleuses fixes, renforcement de l'armement inférieur arrière à l'aide de mitrailleuses fixes, ou de préférence le montage d'un jumelage.
b) Amiot 351 : Adaptation à l' affût de Boysson des 3 mitrailleuses M.A.C. à alimentation continue, armement vers l'avant par 2 mitrailleuses, par renforcement de l'armement inférieur arrière à l'aide de mitrailleuses fixes ou de préférence par le montage d'un jumelage.
Dans l'état actuel des choses, l'avion Amiot 350 ainsi équipé ne peut servir qu'à effectuer l'entraînement des pilotes. Il est à remarquer que si les modifications concernant l'aménagement ne sont pas réalisées, la transformation de nuit est assez dangereuse. Par contre avec un avion modifié, elle est remarquablement simple et sans risques de casse du matériel.
J'ai donc l'honneur de vous demander votre appui pour la livraison rapide du matériel nécessaire à ces modifications à mes Groupes.
Les Commandants de Groupe ont par ailleurs établi par la voie de ravitaillement toutes les demandes nécessaires.
Je vous suggère vivement de lire la section sur les défauts de la Darne sur le site SAM40.fr: http://sam40.fr/forces-et-faiblesses-des-armements-aeriens-mitrailleuses-legeres-et-canons-de-20-mm/
RépondreSupprimer"L’expérience de l’aéronavale, qui avait récupéré les Darne déclassées par l’Armée de l’Air devait confirmer ces défaillances : « leur fonctionnement était erratique au point que nous avions renoncé à espérer en tirer mieux que les 10 ou 12 premiers coups avant l’enrayage irrémédiable en vol », devait écrire l’amiral Mesny au sujet des Darne montées comme armement fixe sur les Vought 156, et donc ne pouvant être réarmées manuellement."
Si vous vous rapportez au texte de l'amiral Mesny tel qu'il est écrit dans le Icare de Février 1972, vous verrez qu'il met en cause le montage des 2 Darnes d'ailes (assuré "hâtivement et insuffisamment") qui induisait un enrayage fréquent. De la Darne arrière, qualifiée de "sûre", il regrette qu'elle ne soit pas plus efficace, donc il met en cause soit le fait qu'elle soit unique, soit qu'elle soit d'un calibre insuffisant. La Darne n'est donc pas en cause en elle-même.
RépondreSupprimerPour mémoire, la mitrailleuse AN 52 des années 50 descendait directement des Darne.
les bureaucrates socialistes je suppose????
RépondreSupprimerle front populaire a été une catastrophe pour la production d avion de combat
j ai aussi entendu dire par mon pére aspirant observateur en 1940 que des avions avaient ete sabotés, je sais il n est pas correct de le dire
Nous assistons actuellement, sur le plan sanitaire, à une démonstration des problèmes d'impuissance que le "juridisme extrême" additionné à une bureaucratie tatillonne (également radicale) peuvent entraîner.
SupprimerLes incapables toxiques mentionnés ont eu de le descendance...
RépondreSupprimer