La guerre de Tchécoslovaquie (1938)
Par
Michel Termier
Préface
Une uchronie est un exercice intellectuel qui essaye d'évaluer les conséquences sur l'Histoire (tellequ'aurait pu entrainer la modification de certains faits.
Un excellent exemple d'uchronie nous vient de Blaise Pascal, lorsqu'il a écrit à peu près ceci : "Le nez de Cléopâtre, eût-il été plus court, la face du monde en eut été changée’’.
Il sous-entendait ainsi que la beauté de cette reine avait ensorcelé successivement deux importants chefs Romains et, parce que le premier des deux, Jules César, en tombant amoureux de cette reine, avait semblé abandonner la République pour la Monarchie, il avait été horriblement assassiné.
Dans mon esprit, ’intérêt d'un tel exercice n’est pas de pleurer sur notre défaite de Juin 1940, qui aurait pu être évitée, mais d'identifier, parmi les comportements de nos dirigeants, ceux qui ont abouti à cette défaite et doivent, de ce fait, être proscrits impérativement et définitivement.
En cela, l'uchronie revient à une simulation dont les résultats nous obligent à réfléchir aux conséquences de nos actes, voire de nos inactions.
Je me suis efforcé de rendre la 3ème version de ce texte plus vivante (certains diront romancée) et plus claire.
A la fin de cette uchronie, une postface explique comment j'évalue les victoires aériennes.
Empêcher la défaite de Juin 1940
Le 24 Juin 1940, les Alliés (i.e. Polonais, Néerlandais, Belges, Britanniques et Français) ont subi une terrifiante défaite matérialisée par le honteux armistice signé par les chefs militaires (Huntziger et Darlan) aux ordres des chefs politiques (Pétain et Laval).
De jolies uchronies, récemment écrites, situent leur envol le 16 Juin 1940, voire peu après.
De ce fait même, parce que la France a perdu, en moins de 2 mois, de 50 à 80 000 morts (suivant les sources) et près de 2 millions de soldats prisonniers d’Hitler, ces constructions intellectuelles actuelles impliquent une forte intervention des USA, donc de Franklin D. Roosevelt, pourtant parfait prototype du politicien strictement anti-Français, retors et fourbe.
Ceci revient donc à offrir aux USA un rôle de Gendarme Universel dont, certes, ils adorent le prestige, mais dont le passé Vietnamien, Irakien, voire l'actualité Afghane (Septembre 2021) et d’autres faits encore, démontrent qu'ils n'en sont, en réalité, ni dignes ni capables.
Or, en 1940, les USA, sur le plan militaire comme industriel, en étaient encore aux premiers vagissements.
Historiquement, le gouvernement Français a supplié les USA de venir nous aider.
Par contre, notre défaite de Juin 1940, comme toute défaite foudroyante, était due à de multiples défaillances affectant simultanément chacun des Alliés mentionnés précédemment.
- Incompétence des "grands" chefs militaires (Gamelin, Georges, Huntziger),
- Insuffisances absolues dans l'emploi de la force aérienne chez tous nos alliés,
- Totale insuffisance du renseignement tactique,
- Mauvaise préparation des hommes (à l'inverse des Allemands).
- Certaines arrière-pensées diplomatiques,
- La corruption de certains acteurs des corps techniques,
- Quelques rigidités intellectuelles et, aussi, une bonne dose de paresse (i.e. qui consiste, lorsqu'une question se pose, à se ranger à un avis certes tranché mais non étayé plutôt qu'à rechercher de vrais arguments reposant sur de vraies expériences).
Je dis anormal parce que cet avion était :
- Incapable d'intercepter les bombardiers Allemands,
- Totalement dominé par le Bf 109 (même lorsque celui-ci ne disposait que d'un moteur de 700 Cv),
- Tellement long et difficile à construire que, à aucun moment, nous n'avons eu un effectif suffisamment important d'avions et de pilotes.
Pour autant, cela ne nous aurait pas garanti la Victoire.
Sur ce point, en particulier, l'uchronie de l'internaute DMZ est très convaincante.
Du rôle de la Politique
Il y avait donc, dans notre pays, un évident déficit de contre-propagande.
Fortement influencés par l'Appeasement politik (= renversement des alliances) menée par les Anglo-Saxons, les dirigeants Français ont baissé leur garde face à l'Allemagne et ont naïvement cru aux innombrables conférences de désarmement, qui, curieusement, n’ont désarmé que la France.
Cela a bien sûr impacté nos matériels, mais cela a surtout amoindri la qualité d'entraînement des hommes dès lors que l'on voulait, en plus, économiser de l'argent sur tout.
Une partie de la classe politique Française - dite modérée (donc, en dehors des communistes) – était, en même temps, et très bizarrement, séduite par certaines des conceptions soviétiques, oubliant que, sous Staline, l'URSS était, avant tout, une dictature où la vie humaine n'avait strictement aucune valeur (alors, SVP, évitons de parler des droits de l’homme !).
D'un autre côté, certains jeunes ingénieurs juste sortis d'écoles (= Grandes Ecoles) s'imaginaient (sans aucune raison) avoir des capacités innées de gestion de l'Industrie Aéronautique, juste parce qu'ils avaient passé des concours certainement très difficiles (mais qui, à la réflexion, n’étaient en rien pertinents sur le sujet).
Un de leurs haut faits fut de choisir un chasseur standard (le MS 406) qui, par ses innombrables insuffisances, induisit la fausse nécessité d'acheter des avions US hyper-couteux (2 300 000 FF (de 1938), alors que les chasseurs Français coûtaient de l'ordre de 800 000 FF), entraînant donc un nombre très insuffisant de chasseurs qui, par ailleurs, étaient insuffisamment performants et armés.
Pire encore, ces avions-là n’étaient même pas conçus pour pouvoir évoluer en fonction d’éventuels besoins futurs.
Tout aboutissait à nous mettre dans l’incapacité de protéger nos troupes comme nos aérodromes et nos industries.
Ces accidents détruisaient en général l’avion et, en outre, étaient trop souvent mortels.
Evidemment, vu le contexte, lors des départs en mission, les pilotes étaient rarement détendus !
Les minuscules dérives de cet avion rendaient son instabilité dangereuse pour un pilote moyen et sa masse excessive réduisait son autonomie
Elle avait été favorisée par la paresse de nos grands décideurs militaires issus de l'Armée de Terre qui n'avaient jamais expérimenté sérieusement les solutions suivantes :
- L'ensemble des notions liées à la guerre de mouvement, peut-être parce que, en 1936, on expérimentait encore au moyen de chars Renault FT (~10 km/h max.), certes excellents en 1918, mais définitivement inopérants 18 ans plus tard.
- Bien sûr, utiliser à leur place des AMR 33 – cinq à six fois plus rapides - aurait complètement changé la façon de penser.
- S'il avait eu le minimum de sens expérimental, lors des RETEX sur les manœuvres de 1937, le général Giraud aurait pris le colonel De Gaulle aux mots et, face à sa suggestion de lancer son unité dans un déplacement jusqu'à Bars-Le-Duc à 80 km de là où ils discutaient, il en aurait exigé la démonstration. Nos décideurs militaires auraient alors compris que l'ère du Renault FT (qui n'avait que 35 km d'autonomie) était terminée.
- Les notions de camouflage général, à la fois des cantonnements et des positions de résistance fixes, mais encore des unités en mouvement, étaient encore de simples sujets de discussions et n'étaient plus appliquées depuis 1918.
- Bien sûr, aucun de ces généraux n'avait jamais imaginé grimper dans un avion d'observation pour vérifier lui-même l'efficacité du camouflage de ses unités in situ.
- Ils donnaient l’impression d'avoir été définitivement enfermés dans des blockhaus de béton et de vouloir y rester.
- On sait que le général Patton, lui, faisait très souvent des virées aériennes avec son Piper Cub. De toute évidence, dans leur immense majorité, nos généraux avaient raté cette expérience.
Si ce fait est relativement bien connu, on parle beaucoup moins du très bon camouflage des aérodromes secrets de l'Aviation Polonaise en 1939 qui lui permirent de durer bien au-delà des 48 heures qu'Hitler et Goering avaient prévu.
Par contre, chez Hitler, l'emploi de l'aviation et de la guerre de mouvement étaient, sauf pendant la dernière année (1945), coordonnés, permanents et presque toujours pertinents, même pendant l'offensive von Rundstedt dans les Ardennes (lancée le 16 Décembre 1944...).
Divergences avec la Ligne Historique
Prérequis pour la France : Les choix indispensables
Faire une guerre impose un gigantesque changement des pratiques politiques.
Ce changement est déjà obligatoire du fait que le dirigeant d'un puissant pays étranger ait annoncé publiquement (Mein Kampf, 1924) sa volonté de faire la guerre à la France pour obtenir sa destruction.
Cela impose déjà qu'en France, les discours pacifistes délirants doivent cesser instantanément.
Aux petits calculs politiciens, qui soutendent ce type de discours, doivent immédiatement succéder la recherche du rendement, de la production, de la logistique ainsi que du développement technologique.
Le tout doit se faire sans bruit (et c'est loin d'être évident !).
Pour notre pays, cette guerre devra se dérouler le moins possible sur son territoire, mais surtout sur le territoire du Reich Hitlérien et, en aucun cas quelque part de l'autre côté de la planète !
Il nous faut produire du matériel moderne, mais aussi former nos hommes à tous les matériels nouveaux et aux méthodes les plus récentes de l'art de la guerre.
Entre 1936 et Juin 1940, nos hommes politiques n'ont rien fait dans le sens que je viens d'indiquer.
Certains, comme Georges Bonnet, ministre des affaires étrangères et théoriquement radical-socialiste, ont tout fait pour favoriser les desseins des nazis.
Par contre, d’autres politiciens, comme Edouard Daladier, ont parfaitement vu arriver la catastrophe.
Ils ont cependant accepté de signer les Accord de Munich pour deux raisons :
- La première était la conscience qu’ils avaient de l’absolue médiocrité de la préparation de notre pays à la guerre future. On peut leur reprocher de ne pas avoir tout fait, à temps, pour renverser la vapeur.
- La seconde était que le Premier Ministre Anglais Neville Chamberlain les avait honteusement trompés en les assurant de la puissance militaire Britannique, en particulier dans les airs, où, depuis ce moment jusqu’à la mi-1941, cette puissance était asymptote à zéro (je vais revenir sur ce point crucial)..
Chose qui n’arrangeait en rien nos affaires, nos politiciens avaient choisi de confier nos armées, non pas à des généraux talentueux (la suite des faits historiques montra pourtant que nous n’en manquions pas), mais à de vieux chevaux de retour, seulement connus pour leur capacité à ne pas faire de vagues et qui, en plus, devaient être bien notés aussi par les dirigeants Anglais !
Autant essayer de ne pas faire comme eux.
{Attention, la partie qui suit concerne l’ensemble des modifications techniques qui m’apparaissent nécessaires pour mener Hitler à la défaite.
Cependant, cet aspect technique n’en est pas forcément très passionnant.
Les parties du scénario moins purement techniques commencent à la section IV - Objectif stratégique de cette guerre.}
Les Armes
A - Aviation
L'Aviation Française, sortie victorieuse de la Grande Guerre, possédait, en 1919, les avions les plus rapides, les plus fiables et les mieux armés du monde.
Et, en Janvier 1936, par chance, tout se passait comme si, de nouveau, tout était prêt pour disposer réellement d'une aviation militaire opérationnelle de très haut niveau.
Cependant, nos décideurs des années 30 n'ont pas démontré aucune capacité à agir pour vaincre l'Allemagne.
Dans cette uchronie, cette curieuse atonie doit être éliminée.
1 - Refus de toute nationalisation des industries aéronautiques. Dans l'Histoire, dès 1936, la CGT, qui exigeait ces nationalisations, n'a démontré strictement aucune capacité à faire tourner l'industrie aérienne Française que, pourtant, elle voulait cogérer.
Résultat : Une production trop faible qui n'a augmenté que lorsque la phase active de la guerre était devenue aveuglante (en Mai et Juin 1940), donc bien trop tard.
Pour qu’il y ait eu une véritable chance de victoire, ces fameux "bons chiffres" de production auraient dû, au minimum, tomber deux ans et demi plus tôt.
Simultanément, ceux qui devaient choisir les avions indispensables à la lutte contre la Luftwaffe ont démontré une incompétence terrifiante.
Ils avaient favorisé le choix des nationalisations uniquement pour prendre des places de direction.
Rien n'a démontré ensuite qu'ils en avaient les capacités.
2 - Refus de la subordination de l’Armée de l’Air à l’Armée de Terre
L'Armée de l'Air doit déjà obtenir sa totale indépendance en faisant sauter les Zones Aériennes en tant qu'organes de subordination de l'Aviation aux officiers supérieurs de l'Armée de Terre simplement parce que ceux-ci ne comprenaient rien au fonctionnement de l’Aviation (parce qu'ils ne ne cherchaient pas du tout à en comprendre les rouages).
Pour autant, l'Armée de l'Air ne peut en aucun cas se désintéresser de l'Armée de Terre.
Elle doit donc la protéger en utilisant ses propres atouts et la connaissance de ses propres capacités.
Parce que les transmissions des forces terrestres, de 1936 à 1940, sont alors liées au téléphone à connexion entièrement manuelle (= par branchement de fiches, ce qui exige des opérateurs humains pour toutes les commutations !), nos forces terrestres ne sont alors que très rarement conscientes de leur situation réelle (après la défaite, on rapportera que « la demoiselle des postes hésitait à interrompre la conversation privée du député local ! » ).
En conséquence, les reconnaissances aériennes de l’Armée de l’Air restent le meilleur moyen de savoir si, où et par qui l'Armée de Terre est menacée.
Des officiers supérieurs de l'Armée de l'Air doivent donc être attaché à chacun des chefs de corps de l'Armée de Terre pour transmettre leurs informations à l’Armée de Terre et les informations de l’Armée de Terre à l'Aviation, le tout en temps réel.
Cela veut dire aussi que le nombre d'analystes des photographies aériennes doit augmenter drastiquement.
La lecture des revues Icare des années 1970 sur la guerre, comme celle des livres d’Arnaud Prudhomme sur les chasseurs-bombardiers en piqué LN 40 et sur le Bréguet 693 d’assaut, comme encore ce brillant témoignage sur les Amiot 143 bombardant Sedan, montrent indubitablement que la désignation d'objectifs - par l'Armée de Terre - accumulait alors un maximum d'incohérences (du style : "Allez donc me détruire tous les éléments blindés ennemis présents sur la route qui va de A à B entre 1100 et 1800 !").
L’imprécision de tels ordres n’aboutissait généralement pas à la moindre destruction d'éléments ennemis, l'itinéraire A vers B restant vide dans la période considérée.
C’était plus que gênant !
Plus grave, parfois, nos avions "tombaient" juste sur une concentration de Flak, et en subissaient les tirs !!!
Ces si fréquentes incohérences ne peuvent avoir que 2 interprétations :
- L'absence d'informations réelles, remplacées par de simples hypothèses basées sur une vague intuition, rendue encore plus vague par le fait que ces hommes refusaient d’admettre la vitesse de déplacement des blindés ennemis, toujours sous-estimée.
- Ou alors, un délai rédhibitoire avait été introduit par négligence entre l'arrivée de l'information et sa transmission à l'Armée de l'Air, transformant un ordre pertinent en ordre périmé (ce retard était provoqué par le nombre exagéré d'étapes de transmission).
Dans le présent scénario, nos aviateurs, volant souvent et partout, choisissent les objectifs à détruire et définissent eux-mêmes la méthode adéquate pour y parvenir.
Nos systèmes d'alerte anti-aérienne restent forcément localisés là où ils sont dans l'organisation du moment, juste parce que celle-ci a (quand même) l'avantage d'exister.
Tous ces systèmes doivent transmettre par radiophonie et en temps réel leurs informations au nouveau Centre Stratégique Aérien désormais situé à Avord, dans le centre de la France, et non plus à Reims, ville certes merveilleuse, mais bien trop proche des lignes Allemandes.
Bien sûr, les systèmes de détection, quels qu'ils soient, comme les personnels qui les mettent en œuvre, doivent être faciles à déménager pour éviter de tomber aux mains de l'ennemi.
Accessoirement, aucune demande de largage de tract ne sera acceptée par les unités dédiées au bombardement.
Pourquoi ? Parce qu’il est important d’employer les bombardiers pour bombarder l’ennemi.
Si une reconnaissance de nuit rapporte un important mouvement Allemand, l'officier de permanence doit pouvoir envoyer en moins d'une heure des bombardiers pour gêner ce mouvement aussi puissamment que possible, par exemple en bombardant la fin et le début d'un convoi presque en même temps.
En conséquence, des officiers aviateurs de haut rang dirigent la collecte des renseignements venant des anciennes Zones Aériennes.
Pour que la veille soit assurée H/24, ils se relaient toutes les 8 heures, voire encore plus souvent.
Le Comité Tactique Air se réunit tous les matins à 0400 pour décider des zones à attaquer comme de celles à protéger. Il va de soi que l'entraînement à l'usage de la radiophonie est obligatoire.
3 – Refus des choix de chasseurs et de bombardiers suivant quelques lobbying que ce soit et accélération des commandes
Une puissante et moderne Chasse Française, est obtenue par les moyens qui suivent :
- Refusant dès le départ que le Nieuport 160 soit motorisé par le "petit" moteur Hispano-Suiza 12 X de 690 Cv, il va voler dès Octobre 1935 avec le HS 12 Ycrs rétablissant 860 Cv à 2 400 t/min et à 3 150 m d'altitude (source : La notice Hispano-Suiza du 12 Y 47 (identique au 12 Y 31 aux pompes à essence près et publiée par Frank Devillers sur son excellent site sur le VG 33).
- Ici, par commodité, cet avion garde la désignation devenue habituelle pour nous, de Nieuport 161.
- C’est le Général Denain qui passe les premières commandes dès le 15 Janvier 1936. Cela concerne les 3 prototypes les plus avancés, juste après leurs démonstrations en vol historique pendant la tempête meurtrière du 10 Janvier 1936.
{Réalité historique : Les 3 prototypes de chasseurs (Nieuport 161, Loire 250 et Morane 405) avaient démontré leurs qualités de vol en faisant chacun une démonstration complète de voltige pendant une tempête particulièrement violente.
Dans le Figaro du 11 Janvier 1936, on pouvait lire que, la veille, cette même tempête avait tué 16 personnes en Angleterre et, au moins, 2 personnes et 9 blessés en Allemagne.}
La commande porte sur :
- 20 Morane 405 en version initiale (voilure de 18 m², 430 km/h) conservant l'ancien radiateur non rétractable : C’est le choix de la maniabilité pure.
- 40 Nieuport 161 en configuration initiale améliorée par les échappements propulsifs individuels pour chaque cylindre (480 km/h + 20 km/h = 500 km/h).
- Ces commandes doivent être tacitement renouvelées mensuellement dès livraison d'une certaine quantité d'exemplaires, sauf avis contraire.
- 10 Loire 250 (500 km/h, 2 canons de 20 mm), plus 30 Loire 251 en version embarquée avec le petit moteur GR 14 Mars et crosse d'appontage.
- Cela fournira au Béarn un ensemble aéronaval de 60 avions :
- 25 chasseurs Loire 251 (470 km/h, 2 mitrailleuses Herstal-Browning de 12.7 mm), Ces appareils sont plus légers de 400 kg et leur section est nettement plus fine.
- 20 torpilleurs Latécoère 299 (360 km/h – une torpille aéroportée 86DA ),
- 15 avions anti-sous-marins dédiés Levasseur PL 15 (235 km/h car les flotteurs y sont remplacés par un train à roues) destiné à être remplacés par autant de PL 108 (265 km/h).
PL 107 / 108 -Trop lents pour torpiller des flottes, bonne visibilité, très bonne manœuvrabilité :
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- Pour les 3 avions de chasse terrestres, la rapidité réelle de mise en fabrication de masse servira de critère pour les commandes suivantes. Cette information doit rester secrète (elle permettra d'éliminer en douceur le Morane 406).
- {L'Histoire réelle a montré que les 16 Morane, commandés en Juillet 1936, ne commencèrent à sortir qu'à la fin de 1938 (soit après 27 mois) tandis que les Nieuport 40 et 401 de série, commandés en Juillet 1938, sont sortis en moins de 12 mois dans des usines affectées à d'autres fabrications.}
- Par ailleurs, chaque constructeur doit pouvoir monter un réservoir standard largable (en contre-plaqué) de 250 litres sur chaque avion.
- Commande mensuelle supplémentaire de 20 Caudron Renault 710 Cyclone (475 km/h avec échappements propulsifs et deux mitrailleuses de 12.7 mm Browning à la place des 2 canons HS 9, pour un gain d’au moins 60 kg de poids à vide),
- Ces chasseurs serviront pour la couverture des bases aériennes, et aussi pour introduire une force de Chasse féminine pour la défense de l'espace aérien intérieur.
- 20 Mureaux 190 (520 km/h) sont commandés chaque année pour défendre le Maroc. Ces avions sont équipés d'une seule mitrailleuse de 12.7 mm tirant à travers l'hélice. Ces minuscules avions ne sont perceptibles qu’à moins d’un kilomètre de distance avant d’être à portée de tir, par contre leur tir est dévastateur.
- Une commande expérimentale de 20 chasseurs bimoteurs Hanriot H 221 (monoplaces) est lancée fin 1936.
L'Armée de l'Air va donc posséder :
Fin 1936, 9 N 161, 3 Loire 250, 1 Morane 405
Fin 1937, 218 N 161, 55 Loire 250 et 251, 10 Morane 405,
45 CR 710, 20 H 221
Juin 1938, 480 N 161, 175 Loire 250 et 251, 30 Morane 405,
275 CR 710, 90 H 221.
Soit un total de 1050 chasseurs modernes aptes à combattre les 600 Messerschmitt Bf 109 D (465 km/h).
4 - Rajeunissement du Bombardement
Nous partons d’environ 340 bombardiers commandés de 1932 à 1934 :
- Bloch 200 (285 km/h - 1 200 kg de bombes),
- Amiot 143 (300 km/h - 1 300 kg de bombes).
Un aussi faible nombre d’avions ne permet guère plus d'une semaine d'actions précises (donc de jour).
L’amélioration ne commencera qu’après la livraison par tranches annuelles des bombardiers de transition déjà commandés.
- Accélération de la production des 250 Bloch 210 (325 km/h – 1 500 kg de bombes) en même temps que leur affinement aérodynamique (pour atteindre 350 km/h, mais pas d'exemplaires supplémentaires de ce modèle qui est meilleur que son équivalent Allemand Junkers 86) ;
- Maintien de la commande d'Amiot 144 (360 km/h), passée de 40 à 100 exemplaires. L'intérêt de cet avion réside à la fois dans sa grande autonomie (4 000 km) et dans le tonnage élevé de bombes qu'il peut lancer (2 000 kg). Une fois remplacé en première ligne, il pourra servir au profit de la Marine Nationale. Ces avions s'ajoutent aux 138 Amiot 143 commandés antérieurement qui seront désormais réservés aux missions nocturnes.
- 25 Farman 222-2 (320 km/h - 4 500 kg de bombes) sont commandés pour les bombardements lourds nocturnes.
Ces 375 bombardiers récents, plus rapides, plus neufs et donc plus fiables, doivent permettre des missions moins longues et plus efficaces qui réduiront les pertes.
(Les commandes initiales et mensuelles des avions suivants ont vocation à augmenter rapidement, en fonction des prévisions de pertes.)
- Commande de 50 Bréguet 462 (420 km/h - 1 700 kg de bombes) ;
- Commande de 50 Amiot 340 B 3 (480 km/h - 1 300 kg de bombes) ;
- Commande de 30 Potez BN 5 (460 km/h - 6 tonnes de bombes) ;
L'entraînement des équipages consiste désormais à faire naviguer des formations de plus en plus étoffées qui volent à des altitudes augmentant au fur et à mesure de l'augmentation de maturité des équipages.
{Historiquement, nos bombardiers de 1940 employaient encore des viseurs de bombardement STAé datant de 1917 qui n’étaient utilisables que jusqu'à une vitesse maximale de 310 km/h (!).}
De nouveaux viseurs de bombardement sont donc développés pour lancer des bombes depuis 8 000 m d'altitude et à 400 km/h (ce qui exige, entre autres, des optiques de qualité très supérieure, associés avec des calculateurs analogiques).
(Les deux commandes suivantes visent à former une aviation d'assaut efficace.)
- Commande de 100 Potez 633-B (450 km/h – 400 kg de bombes, dans un premier temps) ;
- Commande de 60 Bloch 151 (460 à 480 km/h) modifiés en avion d'attaque au sol (4 mitrailleuses de 12.7 mm Browning avec 500 cartouches par arme).
- Ces deux types d’avions reçoivent un blindage léger (poste d’équipage et moteurs).
L'entraînement de ces flottes de choc se fait essentiellement en rase-mottes intégral en-dessous de la canopée des arbres en vue.
Les virages doivent donc être pratiqués "à plat".
En matière de bombardiers modernes, l'Armée de l'Air possède aux dates indiquées:
- Fin 1936, 4 Br 462, 1 Amiot 340, 1 Potez 633, 0 Potez BN 5 ;
- Fin 1937, 210 Br 462, 190 Amiot 340, 300 Potez 633, 90 Potez BN 5 ;
- Juin 1938, 480 Br 462, 320 Amiot 340, 600 Potez 633, 125 Potez BN 5.
Soit un total de 1 525 bombardiers, auxquels il faut ajouter les 300 Bloch 151 destinés à l'assaut.
5 – Aviation de Reconnaissance Stratégique et d'Observation :
- Commande initiale de 40 Bréguet 694 A 2 motorisés par des Hispano 12 Y (au moins 530 km/h) ;
- Affinement du Mureaux 200 à partir des concepts aérodynamiques du Mureaux 180 C2 (380 km/h). Commandé initialement à 50 exemplaires pour l'observation active.
- Pour l’Artillerie, 200 Hanriot 180 et 182 permettront une observation assez précise mais obligatoirement de faible durée.
- Une dizaine de bimoteurs Caudron 670 modifiés (415 km/h), permettent, à la fin de certains jours de grand beau temps, d’obtenir des photographies intéressantes de l'Allemagne depuis des altitudes de l’ordre de 4 000 à 5 000 m. Leur réel grand silence de fonctionnement est leur seule garantie de survie. Ils cessent d’être employés à partir de Juillet 1937.
6 - Création d'une aviation Militaire de Transport:
Cette arme, dans un premier temps, obtient les moyens nécessaires pour transporter le régiment (800 hommes), puis la brigade d’Infanterie de l’Air placées sous les ordres du Colonel Geilles.
Ce nouveau corps va prendre ensuite des capacités bien augmentées pour permettre la projection de nos armes, quelles qu’elles soient, loin de la métropole.
- 30 Farman 224 (300 km/h - une AMR 33 ou 40 paras) pour le transport de matériel lourd ; Provisoirement, 22 de ces avions sont marqués aux couleurs d'Air France.
- Un dérivé de cet avion, muni de moteurs bien plus puissants GR 18 R (1 300 Cv), est préparé pour transporter des chars Somua S 35 voire S 40.
- 50 Potez 65 (16 paras - 300 km/h) sont attribués aux parachutistes.
- Une version à 4 moteurs Renault R03 (450 Cv) du Caudron 570 Kangourou est lancée pour bénéficier de ses capacités de lancement de charges parachutées.
Elles comportent :
- Des commandos de sécurité.
- Des équipes de construction de merlons, améliorant la protection de chaque avion.
- Les concepteurs de camouflage des bâtiments constituant les bases et, aussi, des systèmes de sécurité et d’alerte
- Des sections de DCA formés par l'Armée de l'Air pour protéger ses bases. Chacune des sections dispose d’une cellule d’alerte, de canons de 25 mm et de quadruplets de 13.2 mm. Certaines disposent aussi de canons de 75 mm 1933 ou 1936.
D'anciens navigants peuvent postuler à des postes de commandement dans ces domaines.
B - Marine Nationale
La marine de Georges Leygues était conçue pour défendre les liens entre la France et son empire colonial.
Elle pêchait d'abord par sa bien trop faible composante aéronavale.
L'amiral François Darlan (créature de Georges Leygues et, malheureusement, artilleur avant tout) avait donc refusé de comprendre les enseignements des expériences US de Billy Mitchell : Sa flotte était donc sous-dotée en DCA (!).
Elle pêchait aussi par une quasi totale absence de moyen de détection anti-sous-marine, alors que l'ASDIC (= sonar actif) était principalement d'origine Française !
Enfin, les opérations de débarquement n'avaient pas beaucoup évolué depuis celles employées à Sidi Ferruch (Algérie) en 1830.
1 - Sous-marins
- Suppression totale des canons de pont de 75 mm ou de 100 mm (générateurs de trainée et de cavitation, donc de bruit).
- La place intérieure récupérée (disparition des artilleurs, de leurs affaires et de leurs obus) par cette mesure est occupée par quelques batteries électriques supplémentaires.
- Affinement des kiosques (qui deviennent des sortes d’ailes d'avion verticales avec un profil biconvexe - fermeture arrière et lissage total), pour réduire le bruit de la marche rapide en plongée. Les 2 mitrailleuses de DCA de 13.2 mm sont montées uniquement lorsque le sous-marin arrive au port.
- Doublement du nombre de capteurs sonores G 16 de chaque sous-marin.
- Deux "petits moteurs électriques" (80 Cv) sont montés en parallèle pour obtenir, en immersion, une marche plus silencieuse (et plus économique) à 5 kts ou moins.
- Réduction de 50% de la puissance des moteurs diesels, ce qui permet encore de se déplacer à 15 kts en surface.
- Les sous-marins de 600 tonnes équipés de diesels Allemands, achetés à cause des accords Briand-Stresemann (!) reçoivent des moteurs Français ou Britanniques.
Les 2 premières mesures, peu onéreuses, rapportent du silence et quelques points de vitesse maxi en plongée (passage de 11.5 à 15 (ou 16 kts) pour les 1 500 t).
{Historiquement, le sous-marin Artémis, de la classe Aurore (900 tonnes), terminé après la Libération, avait perdu son canon et son kiosque et avait été recarrossé suivant le dessin retenu pour la série des Narval.
Sa vitesse en immersion était ainsi passée de 9 kts à 14 kts - soit un gain de 5 kts - avec presque les mêmes modifications, vers 1954.}
Les 2 mesures qui suivaient amélioraient les chances de survie (détection plus précoce des ennemis), augmentaient l'autonomie en plongée qui passait de 110 nmi à environ 180 nmi à 5 kts (pour un 1 500 tonnes) et relançaient la recherche technologique.
La modification des 600 tonnes à moteurs Allemands évite aux malheureux sous-marins de ce type de tomber en panne au moment où la guerre deviendra effective. Accessoirement, elle modifie dans le bon sens leur signature acoustique.
2 - Escorteurs (= contre-torpilleurs dans le langage des années 30)
Ces navires doivent pouvoir créer un plafond balistique de protection anti-aérienne autour de l'escadre.
Dans le même temps, ils doivent pourchasser d'éventuels sous-marins hostiles. Cela implique de disposer d’un grand nombre d’escorteurs.
- Renforcement de la DCA par montage de 4 canons de 25 mm (V0 : 915 m/s – plafond AA de 3 500 m) et 2 canons de 75 mm mle 1933 (V0 de 850 m/s et un plafond opérationnel de tir AA de 7 500 m).
- Introduction de capteurs sonores type G 16 (équipant déjà nos sous-marins) sur tous les navires, en plus d'un ASDIC et d'une salle silencieuse pour l'écoute passive.
- Entraînement très renforcé à la chasse acoustique des sous-marins, quel que soit l'état de la mer, car tous devront affronter l'Hiver de la Mer du Nord ou de la Mer de Norvège, terrains de jeu de la Kriegsmarine.
3 - Navires de ligne, porte-avions et croiseurs
Les navires de ligne sont destinés aux combats d'artillerie en haute mer.
D'après ce que nous ont appris les données de la Seconde Guerre Mondiale, la conception de nos navire de ligne récents (à l’époque) avait été excellente car ces navires avaient une excellente aptitude à la manœuvre et pouvaient aller vite.
Par contre, leurs systèmes de détection (tant aérienne que sous-marine), tout comme leurs DCA, étaient terriblement insuffisants (et leurs équipes pas assez entrainées).
En conséquence :
- Tous les navires assignés aux combats d’artillerie de gros calibre reçoivent, au moins, de 1 à 3 hydravions de Chasse, pour défendre la flotte, mais aussi pour jouer un véritable rôle de reconnaissance, moyennant le montage d'un réservoir supplémentaire largable.
- Chacun de ces appareils est monté sur flotteurs (Loire 251 H - 390 km/h, pour l'instant).
- Les anciens Bernard H 52, remis en état, mènent des opérations de reconnaissance armée
- La ceinture de protection (trop faible - 225 mm) du Dunkerque est renforcée à l’identique de celle du Strasbourg (285 mm).
- La DCA de ces deux navires est augmentée en remplaçant, nombre pour nombre, les 32 mitrailleuses de 13.2 mm par autant de canons de 25 mm, ce qui triple le plafond de la bulle de protection et augmente sa létalité. {Les quadruplets de 13.2 mm démontés sont transférés à des navires légers (patrouilleurs ou chasseurs de mines).}
- Ces deux navires peuvent affronter des navires de ligne ennemis bien plus puissants qu’eux à condition de pouvoir utiliser pleinement leur vitesse et leur capacité de manœuvre.
- Les 2 cuirassés de 35 000 tonnes en projet sont abandonnés en faveur de 2 grands porte-avions de 27 000 tonnes équipés chacun de deux catapultes.
- Ces 2 nouveaux navires porteront chacun 40 Loire 251 à moteurs GR 14 Mars (ou Hispano 14 AB, lorsque ce moteur pourra développer 800 Cv). Ces avions seront capables des missions de Chasse, de Reconnaissance, voire de Bombardement en Piqué.
- Ces porte-avions auront aussi à leur bord 25 Latécoère 299 (360 km/h) pour le torpillage et 15 Levasseur PL 108 (265 km/h) purement anti-sous-marins, soit 80 avions à bord.
- Le Béarn perd les portes blindées de ses ascenseurs dont les treuils sont déplacés pour renforcer ceux des ascenseurs. Il reçoit une proue type Normandie (+ 3 ou 4 kts). Son pont d'envol devient plat. Ses huit canons de 155 sont débarqués.
Ascenseurs du Béarn, avec leurs portes blindées ouvertes : Comment faire simple quand on peut faire compliqué - Récupéré sur l'excellent poste des Choufs. |
Tous les navires de ligne sont équipés de systèmes électroniques destinés à localiser d'autres navires de surface la nuit ou par temps de brouillard.
Ce matériel est issu des détecteurs du Normandie de 1935 (photo ci-dessous). Il permet une détection de navires à 15 km et d'avions à 40 km.
Le couple de radars bi-statiques (l =16 cm) du paquebot Normandie |
Tous les croiseurs voient eux aussi leurs mitrailleuses de DCA de 13.2 mm remplacées par de pièces de 25 mm mais leur nombre est doublé. Cette nouvelle DCA leur permet d'établir un réel plafond de protection antiaérien autour de la flotte.
- Six nouveaux croiseurs de la classe Algérie sont mis en construction. Tous ces croiseurs lourds disposent de 16 canons de DCA de 100 mm.
- Les croiseurs légers type Emile-Bertin ou Primauguet (et eux seuls) reçoivent, en plus, des torpilles à très longue portée, type 23DT, dont la portée est de 9 000 m à 39 kts ou de 13 000 m à 35 kts.
- Ils peuvent ainsi jouer un rôle important face aux navires de ligne ennemis, en particulier lors d'attaques sous rideau de fumée et à grande vitesse.
- Une torpille à plus longue portée (18 000 m à 39 kts) est mise en expérimentation dans le même but.
- Chacun de leurs canons de 155 ou de 152 est remplacé par 2 canons de 100 mm à capacité anti-aérienne ET antinavires.
4 - Navires logistiques
Le bon succès technique du porte-hydravions Commandant-Teste a induit la création d'une quinzaine de navires de structure assez proche mais orientés essentiellement vers des actions maritimes.
Ces navires, très marins et très manœuvrants, sont destinés à mettre à l'eau des navires porte-chars (40 à 50 tonnes), assez légers, caractérisés par leur faible tirant d'eau et permettant de déposer des engins roulant ou chenillés sur des plages.
Ces navires sont officiellement lancés, à titre civil, comme navires d'assistance pour les Caraïbes, les Îles Françaises du Pacifique ou de l'Océan Indien, régions subissant fréquemment des ouragans.
Ils sont, en apparence, la propriété d'affréteurs commerciaux mais, en réalité, tous appartiennent à la Marine Nationale. Cela permet de mettre à terre, en plus des hommes, du matériel lourd, roulant ou chenillé.
Le Commandant Teste modifié prend l’aspect d’un petit porte-avion, avec un pont plat et un îlot déporté à droite.
Les catapultes, au nombre de 4, permettent de lancer des Latécoère 298.
Deux grues peuvent les alimenter.
Les canons de 100 mm sont remplacés par des canons de 75 mm mais 8 chasseurs légers Mureaux 190 améliorent la couverture de ce navire et de la Flotte.
C - Armée de Terre
1 - Des bataillons interarmes (infanterie, artillerie, arme blindé, Aviation, Marine) sont créés, ce qui amène à des entraînements en commun fréquents et intenses.
2 – Armement : Le fusil Lebel (mle 1886) est uniquement réservé aux forces de l'ordre (gendarmerie mobile), où que ce soit dans l'Empire Français. Quelques Lebel lance-grenades VB sont alloués aux unités d’infanterie motorisées. Des versions à chargeur (Berthier) sont livrées aux clients de notre pays.
Le fusil MAS 36, fabriqué en grande série, est livré aux régiments placés face à l'ennemi. Sa plus grande rapidité de tir comme sa précision supérieure, augmentent significativement la puissance de feu de l'Infanterie. 5% de ces fusils sont gréés avec une lunette de tir.
Le pistolet-mitrailleur MAS 38 est aussi fabriqué en grande série. Une partie est fournie aux troupes des fortifications (précision et puissance de feu sont de bon aloi en particulier dans les égouts, les couloirs ou les sapes). Cette arme est aussi fournie aux parachutistes de l'Infanterie de l'Air. On se prépare à le modifier pour obtenir une meilleure capacité d'impact de ses munitions pour le travail à plus longue distance.
3 - La Cavalerie regroupe désormais tous les chars, sauf les anciens Renault FT qui doivent juste permettre bloquer ceux des passages étroits (urbains ou autres) pouvant favoriser l'avance de l'ennemi, que ce soit en zone habitée ou en forêt. Une centaine de ces engins sont fournis aux chasseurs Ardennais Belges pour une bouchée de pain.
La production des autres chars est désormais continue sauf ordre d'abandon spécifié du type.
Le vieux canon de 37 mm L21 (V0 = 420 m/s), totalement inefficace, est démonté de tous les chars récents.
Il est remplacé par le 37 mm L33, apte à tirer l'obus de rupture 1938 de 700 gr et de V0 = 705 m/s, qui perce 30 mm de blindage à 400 m sous 30° d'inclinaison.
Sur certains chars légers Renault 35, les meilleurs tireurs peuvent bénéficier d'armes de même calibre issus de la DCA navale mais plus longues (L 50 donc V0 = 810 m/s) qui peuvent détruire tous les chars ennemis jusqu'à 1 km.
Sur les navires, ces canons sont remplacés par autant de canons de 25 mm Hotchkiss.
La construction du B1 normal est entièrement transférée aux FCM (sauf le moteur Renault). Une plaque de 20 mm de blindage est ajoutée à l'avant et le réservoir d'essence est agrandi de 100 litres.
La tourelle - très élargie, mais moins haute - récupère l'unique 75 mm.
(La variante B 1 bis est refusée pour éviter une perte de production rédhibitoire).
Le 47 mm SA 35 /L32 est récupéré pour être monté sur des automitrailleuses Panhard AMD 178 disposant d'une tourelle nouvelle.
Somua S 35 - enregistré par moi depuis le site Chars Français et pour la première version de cette uchronie en 2021 - |
Le châssis de l'automoteur Somua Sau 40 est également construit en grande série pour créer un nouveau char mieux adapté au tout-terrain, avec une tourelle centrale agrandie pour disposer d'un char plus à l'aise en terrain varié, le S 40, avec le canon 47 mm L48, efficace jusqu'à 1 500 m.
Les 200 premiers Renault D2 reçoivent eux aussi l’excellent canon de 47 mm L48.
La suite de la série est transformée en canons automoteurs de 75 mm, puis de 90 mm (livré soit en version AA, soit en version antichars) ou de 105 mm.
Le Hotchkiss H 35 est transformé en automoteur de DCA de 25 mm pour accompagner les unités blindées.
Le FCM 35 reçoit une tourelle améliorée qui porte le 37 mm L33 calibres.
4 - Le Génie est aussi une arme essentielle de mon plan.
Les régions de combat probables (Nord de l'Allemagne Occidentale, Prusse Orientale, monts Tatras, etc.…) sont humides, fourmillent de rivières ou de fleuves et sont très riches en étangs, en mares et en tourbières.
La boue y devient très éprouvante au Printemps, des systèmes adaptatifs (comme des patins de chenilles), qui diminuent fortement la pression de contact des trains roulants ou mixtes sont donc commandés.
Par ailleurs, durant l'Hiver, le froid peut venir très vite par des blizzards arctiques, ce qui peut provoquer la paralysie totale d'une armée qui n'y serait pas soigneusement préparée.
Il faut donc disposer aussi de vêtements d’hiver très isolants, d'engins de construction de routes, de capacités spéciales pour créer rapidement des systèmes de franchissement, et disposer de treuils particulièrement nombreux, puissants et solides.
La nouvelle guerre doit être une guerre de mouvement, donc les moyens de franchissement doivent être particulièrement abondants et variés.
IV - Objectif stratégique de cette guerre
Depuis 1820, l'Europe entière est confrontée à la politique très expansionniste et très agressive du Royaume de Prusse.
En 1938, la France va devoir résoudre cette question pour la troisième fois de son histoire en 70 ans.
Si, de son côté, l'Allemagne n'honore pas sa signature du Traité de Versailles, les USA et le Royaume Uni n'honorent pas d’avantage leurs signature de ce même traité pourtant entièrement conçu par le président Américain Woodrow Wilson.
Malgré sa lourde et indiscutable défaite de 1918, la Prusse, qui domine toujours la totalité de l'Allemagne, dispose d'une importante puissance industrielle, qui, comme tout son territoire, n’a connu aucune destruction.
Après l’arrivée au pouvoir d’Hitler, le retour de l’Allemagne Prussienne à la puissance militaire fut l'affaire d'une petite dizaine d'années comme l'annonçait, dès 1920, le maréchal Foch (in Le Mémorial de Foch, ensemble de propos recueillis depuis 1919 par Raymond Recouly et publiés en 1929).
Si la Wehrmacht de Hitler est déjà particulièrement réactive en 1938, elle n'est, cependant, pas encore tout à fait prête à la guerre.
Mieux vaudrait donc, pour la France, essayer de la prendre à la gorge sans tarder.
L'entraînement exceptionnel des cadres de la Wehrmacht, à tous les échelons, implique que la France conduise ses attaques rapidement, après un très haut niveau de préparation et une réelle connaissance du terrain.
La satisfaction de ces exigences, apparemment contradictoires, dépend beaucoup de la qualité de notre aviation de renseignement.
Les Alliés n'ont pas absolument pas les moyens économiques d'attendre que Hitler choisisse son meilleur moment pour lancer sa guerre.
L’initiative de la guerre doit donc revenir réellement, en particulier, à notre pays (ce qui est contradictoire avec le pacifisme sincèrement désiré par notre population).
L’arme blindée, développée par Heinz Guderian, est la base de la Wehrmacht.
Celle-ci compte nombre de blindés rapides, comme les SdKfZ (automitrailleuses), qui vont harceler nos troupes à pied.
Historiquement, en 1938, le gros de ses chars est alors constitué par des Panzer I, conçus en 1932 (avant l’arrivée des nazis au pouvoir) et construits à partir de 1934.
Ces petits chars (4 m de long, 2 m de large) pèsent 5.5 tonnes.
Equivalent de nos AMR 33, ils sont peu protégés (7 à 13 mm) et à peine mieux armés avec 2 mitrailleuses de 7.92 mm (ils sont moins rapides mais ils sont bien plus nombreux et certainement plus fiables).
Les Panzer II sont les chars Allemands endivisionnés les plus puissants de leur pays en 1938 et aussi les plus dangereux (armés de canons de 20 mm), mais, face aux nôtres, mieux blindés, ces engins ne peuvent avoir qu'un impact réduit.
Le lancement du Panzer III, nettement plus lourd et plus puissant, n'est pas encore d'actualité pour 2 raisons :
- Sa mécanique est encore fragile au niveau des suspensions et de la boite de vitesse.
- Son armement est encore en débat entre le 37 mm /L42 et le 50 mm / L45 qui, heureusement, ne deviendra standard qu'après le début de Barbarossa – fin Juin 1941 (et après quelques déboires contre des T 34 soviétiques).
- La version ''parfaite'' de ce char apparait à la fin du printemps 42.
Le Panzer IV, armé d'un canon de 75 mm, n’est apparu opérationnellement qu’à la fin de l’Eté 1939, et encore en très petit nombre.
La Luftwaffe comporte environ 600 chasseurs Bf 109 D (730 Cv – 460-465 km/h – source : De. Wikipedia 12 VI 2022).
Historiquement, en Juillet 1938, 50 % de ces avions étaient indisponibles.
Le moteur Daimler Benz DB 600 qui délivrait 900 Cv à 2400 t/m était déjà monté sur certains bombardiers (Do 215, He 111), mais il n’était pas fourni aux monoplaces de chasse Messerschmitt 109.
Il consommait 225 gr d’essence par cheval-vapeur et par heure au régime de croisière maximal, ce qui signifie qu’il consommait alors près de 240 litres/heure à puissance moyenne.
Seuls, les dérivés de ce moteur, le DB 601 (à injection directe) et ses descendants, seront montés sur le Bf 109, (le réservoir d'essence du Bf 109 E contenait 400 litres - soit environ 700 km d'autonomie - contre seulement 235 litres pour ses prédécesseurs, donc moins d'une heure de vol).
En 1938, les bombardiers les plus nombreux du Reich – 800 exemplaires – étaient des Junkers 86, bimoteurs lents (325 km/h - 800 kg de bombes) et d'un pilotage très délicat (voir Les Ailes, #860, du 09/12/1939).
Ces avions sont très inférieurs, en performances comme en capacités de vol, aux remarquables Dornier 17 (425 km/h – 600 kg de bombes), Dornier 215 (475-485 km/h - 600 kg de bombes) et également inférieurs aux puissants Heinkel 111 en vitesse, tonnage de bombes (390 km/h – 2 000 kg de bombes) et rayon d'action (1 200 - 2 500 km, suivant la charge de bombes).
L'ensemble comptait 2 000 bombardiers, ce qui était déjà la plus importante force offensive dans le monde occidental.
Par ailleurs, en 1938, la Luftwaffe commençait à fabriquer en série ses excellents radars Freya.
La Kriegsmarine possédait trois croiseurs très lourds (fallacieusement appelés "cuirassés de poche") qui n’étaient, en fait, pas réellement bien conçus, sauf le dernier, l’Admiral Graf Spee (sabordé à Montevideo en 1939).
Les navires suivants, beaucoup mieux conçus, n'étaient pas encore en service.
Si elle ne disposait, à cette date, d'aucun porte-avions, elle utilisait surtout des avions terrestres à long rayon d'action :
- Des Focke Wulf 200 Kondor (360 km/h, 21 000 kg, 3 600 km en vol de transfert et 1 600 kg de bombes) furent choisis,
FW 200 C3 en 1941 - un bel avion ralenti par des pustules navrantes. |
- Elle utilise aussi des hydravions Heinkel 115 (330 km/h) ou des Dornier 18 qui patrouillent en Mer du Nord comme en Baltique.
Ses sous-marins, encore peu nombreux, plongent profond grâce à leur coque soudée et apparaissent très silencieux.
Cette Marine maîtrise en outre parfaitement les outils électroniques d’alerte aérienne et sous-marine.
Son porte-avion, le Graf Zepplin, fut historiquement lancé au début Décembre 1939.
Un quidam lui avait alloué, hélas pour ce navire , un armement ''principal'' de 16 canons de 150 sous la forme de 8 tourelles doubles de 50 tonnes chacune !
Evidemment, ces canons n’avaient rien à faire là !
Mais ils expliquent parfaitement pourquoi le groupe aérien de ce navire (42 avions) n’avait qu’une valeur bien limitée.
Les Allemands ont expliqué l’échec de ce porte-avions par le refus de Göring de laisser des avions sous le commandement de marins.
En fait, les marins Allemands devaient majoritairement être issus de familles du Nord de l’Allemagne, c’est-à-dire de familles d’anciens marins Danois (Schleswig et Holstein).
La notion de bataille navale semble avoir complètement échappé au gros Dauphin du Führer.
Pour protéger efficacement sa Flotte, Hitler aurait dû disposer d’au moins 200 avions embarqués (Chasse, Reconnaissance, Torpillage, Bombardement en Piqué et réglage de tir)..
Heureusement, Göring ne le comprit jamais.
V - Des Alliances
C'est le point crucial, vu que, historiquement, le 3 Septembre 1939, notre pays est entré en guerre sans aucun allié opérationnel digne de ce nom :
- Nous avions perdus la Tchécoslovaquie l’année précédente, lors des accords de Munich, merci les Polonais, merci Lord Chamberlain !
- Nous avons constaté alors que le Royaume Uni ne pouvait envoyer que 12 divisions au combat, dont 11 d'infanterie, autant dire rien.
- Son armée ne disposait de rien de sérieux comme matériel militaire sur terre ou dans les airs :
- Sa seule unité blindée était une division de 250 chars constituée (à 80%) de chars Vickers Mk VI qui se révélèrent totalement inutiles. Donc, en fait, il n'y avait qu'une petite brigade blindée de 50 chars utiles.
- Dans la littérature récente, on raconte que le Royaume Uni a envoyé 500 avions en France. Mais ces avions y sont arrivés au compte-gouttes. Si autant d’avions étaient arrivés très vite et d'un seul coup, ils auraient permis de soulager les Polonais.
- Le nombre d’avions cité plus haut est seulement le nombre total d’avions ayant posé leurs roues à un moment ou à un autre sur le sol Français. Ils n’ont jamais eu l’impact qu’une force peut avoir lorsqu’elle est en nombre et qu’elle est aguerrie.
- Elle disposait évidemment de nombreux navires dont j’espère avoir démontré qu'ils étaient, pour la plupart, anciens ou mal conçus ou encore mal protégés contre l’Aviation moderne. Heureusement pour elle, ses marins, eux, étaient, excellents.
- Dès 1919, ce pays a payé très cher la construction de son énorme flotte de super-dreadnought (juste entre 1906 et 1917), puis de ses croiseurs de batailles devenus des porte-avions.
- Il a aussi souffert de la destruction d'une part importante de ses navires marchants.
- Pendant l'Entre-Deux-Guerres, les Britanniques se ruinent à rembourser les emprunts qu'ils ont contractés aux USA.
- Mais, pour autant, ils maintiennent une marine hors d'âge.
Historiquement, l’Italie, contrairement à ce qui est raconté couramment, ne se comporta pas en ennemie de la France pendant longtemps.
- Notre faiblesse face à l’Anschluss,
- Les innombrables discours antifascistes de nos politiciens, en particulier après l’attaque de l’Abyssinie, ont fait, peu à peu, fait basculer ce pays vers Hitler, ce qui était parfaitement évitable : Nous n'avions pourtant aucune raison de nous couper de cet Allié de la Grande Guerre.
La Pologne n’avait aucun poids militaire opérationnel même si son infanterie était bien formée et très courageuse :
- Elle manquait aussi cruellement de canons : Ses divisions d'Infanterie disposaient de 5 fois moins de canons que leurs homologues Allemandes.
- Ceux qui suivent, en cette année 2024, les nouvelles de la guerre Ukrainienne me comprendront.
- Elle n’avait pas de chars nombreux, blindés et puissants.
- Historiquement en 1939, les 148 tankettes 7TP, protégées seulement à 17 mm, ne tiendront pas face aux plus de 1 000 chars Pz II qu'elles rencontreront.
- Quoique réputée largement anti-Allemande, la Pologne avait signé, le 26 Janvier 1934, un pacte de non-agression avec l'Allemagne, totalement contradictoire avec son alliance avec la France (en fait, la Pologne était – et reste toujours – uniquement pro-Pologne et anti-Russe).
- Par ailleurs, elle démontrait alors un antisémitisme étonnamment proche de celui exprimé par Hitler.
La Belgique s'était déclarée neutre en 1936.
Elle démontrait alors son incompréhension du plan Schlieffen, pourtant déjà mis en œuvre en Août 1914.
{Rappel : Le plan Schlieffen a été conçu contre la France essentiellement. A la différence de la Suisse, la Belgique n’est pas considérée comme un obstacle par l’Etat Major Allemand.}
Ce pays, neutre et bien plus petit à tous les niveaux que la Grande Bretagne, avait une armée de 615 000 hommes !
- Elle possédait un assez faible nombre d'avions, une petite partie d'entre eux étaient relativement modernes.
- Ses fortifications étaient dépourvues de toute défense anti-aérienne.
- Ses barrières antichars étaient dispersées et n’étaient appuyées ni par de l’artillerie ni par des mines.
De 1936 à Décembre 1938, la France n’avait donc qu’un seul allié, heureusement très fiable : La Tchécoslovaquie.
- La grande force de ce "petit" pays (14 000 000 d'habitants) est, alors, son excellente industrie d'armements qui fabrique :
- d'excellents avions,
- d’excellents moteurs,
- d'excellents chars et
- d'excellents canons.
- De plus, ses fortifications étaient efficaces (quoi qu'en ait dit le général Guderian qui ne les a jamais combattues) et ses soldats étaient bien formés.
- Le grand homme de ce pays, Thomas Masaryk, père de l'indépendance, très âgé, quitte le pouvoir en Décembre 1935.
- Edvard Beneš le remplace. Il est caractérisé par une haine violente des Habsbourg et de l'Autriche et il montre une grande amitié avec Joseph Staline.
- Jan Masaryk, fils de Thomas, devient ministre des affaires étrangères.
Retour sur l’allié Britannique
Historiquement, jusqu'à Décembre 1936 (abdication d'Edouard VIII), le Royaume-Uni maintenait une attitude essentiellement consacrée au renforcement des moyens militaires de l’Allemagne, puis du IIIème Reich (histoire de contrer la France, comme l’a démontré sa condamnation de la France et de la Belgique pour leur occupation de la Rhénanie en 1923, puis le Traité Naval de Londres du 25 Mars 1936).
Cette politique était fortement poussée par le Premier Ministre socialiste Ramsay MacDonald puis par ses deux successeurs conservateurs Stanley Baldwin puis Neville Chamberlain.
Que voulez-vous, la Grande Bretagne était, est et sera avant tout une nation tournée vers le commerce et, pour elle, l'Allemagne était avant tout un excellent client !
A ce moment précis, d’ailleurs, la valeur technique de l'armée Britannique apparaît vraiment médiocre (historiquement, elle ne s'améliorera que vers le milieu de 1941).
En plus, l'absence de conscription lui interdisait toute mobilisation efficace.
- Ses très nombreux navires dataient, pour la plupart, de la Grande Guerre, voire d'avant 1914.
- Ils ne brillaient pas par leurs capacités guerrières par rapport aux navires des autres marines: La plupart des navires de ligne étaient trop lents et, surtout, leurs canons manquaient à la fois de portée et de capacité destructive.
- Leurs porte-avions existants ne portaient pas beaucoup d’avions.
- Ses chars étaient médiocres :
- Le Vickers (6.5 tonnes) et le Cruiser (12 tonnes) roulaient à plus de 50 km/h, mais le blindage du premier culminait à 14 mm (!) et son armement était une simple mitrailleuse de 12.7 mm.
- Le blindage du Cruiser (26 mm) était moins nul et il portait un canon de 40 mm (QF 2 pounder), correct contre des Panzer III et IV à 500 m, du moins en Mai 1940, mais très peu efficace contre l'infanterie.
- Les chars lourds Mathilda I (11 tonnes - 13 km/h) étaient de très lentes araignées chenillées, bien blindés (60 mm), mais seulement armées d’une plus que médiocre mitrailleuse de 7.7 mm.
- Le char Mathilda II (30 tonnes – 25 km/h), considérablement plus moderne, bien blindé, utilisait le petit 40 mm du Cruser Il. Impossible donc pour lui de détruire un Panzer III ou IV avec un seul obus, par contre son blindage (60 mm) lui permettait de tenir plus longtemps.
- La RAF était également mal lotie, malgré tous les éloges très grandiloquents qui ont fleuri à son endroit depuis 1940, en particulier après la guerre.
- En 1938, la Chasse commençait juste à être équipée de Gloster Gladiator (400 km/h), qui ne présentaient aucun avantage sur nos Spad 510 de 1935-36, au contraire.
- Ils avaient donc encore moins de chances que nos Spad face à un Bf 109, puisqu’ils grimpaient nettement moins vite.
- Elle attendit bien sagement ses Hurricane Mk I (490-500 km/h) jusqu’au Printemps 1938.
- Il lui fallut attendre 2 ans supplémentaires pour toucher ses premiers Spitfires Mk I bis (560 km/h), encore peu efficaces à Dunkerque, si du moins cette version y était présente (probablement juste par manque de pratique réelle).
- En plus, les missions d'escorte lui étaient très peu familières parce que très rarement demandées. Cela eut des conséquences tactiques graves.
- Les ensembles émetteurs-récepteurs radars de la Chain Home étaient intransportables.
- Par contre, les pilotes de la RAF étaient bien entraînés au tir et à la radiophonie.
- Le Bombardement Britannique avait des avions et des conceptions bien peu testés expérimentalement:
- Un bombardier de jour monomoteur léger, le Fairey Battle (415 km/h), incapable de se défendre seul une seule mitrailleuse (Colt-Browning) de 7.7 mm, à V0 de 850 m/s, à l’avant, et une autre, Vickers K, à V0 de seulement 760 m/s, à l’arrière.
- Il eut été facile d’améliorer ce point en doublant chacun de ces postes de tir.
- Ralenti par une voilure de surface trop importante (39 m², 25% de plus que celle du Bréguet 693 de même masse), il portait une personne de trop (= 300 kg de trop).
- Il portait 1 000 livres de bombes (= 454 kg). Personne n'avait imaginé de blinder cet avion, même légèrement.
- Avec une voilure réduite de 10 m², un équipage réduit à deux hommes et en gagnant 2 mitrailleuses supplémentaires (2 à l'avant et 2 à l'arrière), l'avion aurait gagné à la fois en capacité de manœuvre et en vitesse (de l'ordre de 40 km/h). Il eut été alors bien plus dangereux en masse pour les Allemands.
- Par contre, il avait été construit à un rythme remarquable (1 000 exemplaires livrés au 1er Septembre 1939, soit 2 fois le nombre des Hurricane Mk I !). Cet avion pouvait donc réaliser des attaque massives, donc saturantes, avec des pertes faibles :
- A aucun moment, ces avions, potentiellement très efficaces, n'ont été employés en masse de plusieurs centaines d'avions, ce qui, alors, aurait tout changé.
- {Historiquement, employé en formations de 30 ou 35 avions, le taux de pertes devenait presque acceptable (de l'ordre de 40 à 50 %), même sans escorte, mais, le plus souvent, employé en formations limitées à seulement 5 ou 6 avions, le taux de perte frisait, voire atteignait, les 100 % !
- Il est facile de comprendre qu'employés à 150 exemplaires, leur impact sur les colonnes de blindés auraient été spectaculaire.}
- Un bimoteur plus célèbre, le Bristol Blenheim (425 km/h) aurait pu faire le job correctement si on l’avait accepté dans sa forme initiale (Britain first 480 km/h).
- Mais les décideurs voulurent en faire un mouton à 5 pattes.
- Ils augmentèrent sa traînée, son autonomie, sa masse, puis sa puissance… Il resta donc jusqu’au bout de la guerre un bombardier raté.
- Les bombardiers moyens, eux, portaient heureusement des charges bien supérieures :
- Le Handley-Page Hampden (425 km/h, 1 500 kg de bombes) était très manœuvrant. On lui reprocha son inconfort.
- Mais il se comporta magnifiquement jusqu'à son retrait, fin 1942, avec des pertes très raisonnables.
- Le Vickers Wellington, bien plus gros, bien mieux motorisé (RR Merlin) et très bien défendu, était plus lent de 50 km/h et incomparablement moins manœuvrant que le Hampden.
- Il devait donc, impérativement, être employé de nuit. Pour ne pas avoir compris cela, la première mission sur la Baie d'Allemagne coûta une grave défaite aérienne à la RAF en 1939 (60 à 75 % de pertes) et il fit cadeau au bimoteur Messerschmitt 110 de ses premières belles victoires.
- Un unique, mais honnête, bombardier lourd de nuit, l'Armstrong-Whitworth Whitley, volait entre 350 et 400 km/h, suivant le modèle. Il pouvait porter 1 200 kg de bombes sur plus de 2 500 km ou 3 200 kg sur 750 km. Transformé en quadrimoteur, il aurait pu approcher le succès des célèbres Lancaster, Stirling et Halifax.
Les "Grands Chefs" Anglais énonçaient, avec leur habituelle suffisance, que leurs bombardiers passeraient toujours ("the bombers will always get through"). Quelle blague, Mr. Stanley Baldwin !
La qualité du commandement y était donc aussi navrante que chez nous.
- Montgomery, que l'histoire officielle a retenu comme meilleur stratège Britannique (parce qu’il a gagné la Bataille d'El Alamein, 23 Oct. 1942), n'a jamais supporté la comparaison avec aucun des autres stratèges Alliés comme Patton, de Lattre, Leclerc de Hautecloque ou Joukov.
- De lui, je garde surtout en mémoire ses bizarres difficultés en Sicile (1943), sa très lente libération de Caen (60 jours) et sa désastreuse bataille d'Arnhem (17-26 Septembre 1944).
- Les plans de bataille ahurissants si généreusement attribués au général Gamelin (bombardement des sites pétroliers de Bakou, débarquement de Narvik) furent l'œuvre du seul état-major Britannique, depuis longtemps bien plus habitué que le nôtre aux opérations tordues et surtout très lointaines, ce qui fut très rarement le cas de nos chefs militaires de l'époque.
- De 1936 à la fin de 1939, l'industrie Britannique de Guerre semble amorphe, puisqu'aucun de ses points faibles n'est jamais rattrapé.
Pour gagner contre Hitler, la France doit donc impérativement trouver des alliés nouveaux, donc a priori improbables pour le Führer.
La Russie soviétique était, pour nous, un allié idéal
Après le pacte Franco-soviétique, étonnamment signé en 1935 par Pierre Laval, une remarquable coopération avait commencé au niveau des troupes aéroportées (qui avait débouché sur la création de notre Infanterie de l'Air) et par la vente des techniques des moteurs Hispano (avec l'ingénieur Klimov) et Gnome et Rhône (avec l'ingénieur Toumansky).
{Parenthèse Historique : On sait que Staline, bien après la signature des accords de Munich, s'est tourné vers la signature d'un pacte secret Germano-Soviétique, sa résolution, en cela, ayant été fortement renforcée par la très négative évaluation de la puissance militaire soviétique par les Britanniques (sur En. Wikipedia, de Septembre 2021) et qu’il faut lire ici :
On 24 April 1939, the [three] Chiefs of Staff submitted their report and rated Russia's military effectiveness low.
The next day, Chatfield gave the Cabinet Committee on Foreign Policy a summary of this report:
"Russia, although a great Power for other purposes, was only a Power of medium rank for military purposes... Her assistance would be of considerable, though not of great, military value".
On 16 May 1939, Lord Halifax said that the political reasons for not allying with Russia were stronger than the strategic reasons for such an alliance.
Chatfield responded: "...if for fear of making an alliance with Russia we drove that country into the German camp, we should have made a mistake of vital and far-reaching importance".
Ma traduction : Les chefs d'état-major rendirent leurs rapports le 24 Avril 1939. Pour eux, le niveau militaire de la Russie était faible :
Le lendemain, Lord Chatfield résuma ce rapport devant le cabinet de Politique Internationale : "Par certains aspects, la Russie est une grande puissance, pourtant, au niveau militaire, elle n'occupe qu'un rang moyen. Elle peut être d'une aide importante mais non décisive."
21 jours plus tard, Lord Halifax décida que les raisons politiques de refuser l'alliance Russe l'emportaient sur celles poussant à cette alliance.
Chatfield lui répondit : "Si, par crainte de nous allier à la Russie, nous la poussons tout entière dans le camp Allemand, c'est une erreur mortelle qui aura des conséquences à long terme."}
Cette ''évaluation militaire’’ de la Russie par des officiers Anglais était, pour le moins, de qualité exceptionnellement médiocre.
Mais nous devons admirer l’intelligence stratégique de Lord Chatfield, homme qui avait remarquablement manœuvré son battle-cruiser HMS Lion à la tête de l’escadre de l’Amiral Beatty pendant toute la Bataille du Jutland, en 1916.
Oui, les purges de 1937 avaient affaibli (et continuaient d'affaiblir) l'Armée Rouge. Mais cette armée disposait en abondance :
- D’un matériel d'usage aisé, increvable et fonctionnant dans toutes les conditions météorologiques possibles.
- Les soldats Russes, doués d'une incroyable capacité de résistance aux pires conditions de vie, étaient d'une inventivité tactique très intéressante. Je rappelle que ce sont les soviétiques qui ont inventé les parachutistes !
- Le territoire soviétique était aussi, par sa dimension même, un formidable ennemi que Napoléon avait expérimenté à ses dépens.
Il est donc nécessaire de trouver le moyen de s'allier solidement à ce pays, moyennant une monnaie d'échange qui puisse changer sérieusement la vie des peuples soviétiques, et donc apte à intéresser sérieusement leurs dirigeants.
La longue lutte du Tsar Pierre le Grand, de 1694 à 1721, pour ouvrir l'accès des mers à son pays, avait ainsi abouti à la création de ports russe sur la Mer Noire puis sur la Baltique. Ce fut une des clefs de la situation économique de la Russie.
Les Russes purent enfin échanger des richesses et des informations avec d'autres pays, ce qui renforçait leur économie tout en diminuant la vulnérabilité de leur Empire face aux Turcs et aux Suédois.
Mais les ports Russes de la Baltique continuaient à geler tous les hivers (voir carte ci-dessous). Il est donc bien possible que, en 1936, la Russie soit encore intéressée par la possession d'un nouveau port en eau libre.
Moyenne du taux d'embâcle glaciaire au 1er Mars en Baltique (début du Printemps). Le Sud de cette mer est navigable. Königsberg, sur la péninsule W-E située à l'intersection du méridien 20° et du 55ème parallèle, est presque libre de glaces |
En cas d'agression du Reich contre la Tchécoslovaquie, il serait donc raisonnable de proposer aux soviétiques, une puissante attaque sur la Prusse Orientale, et en particulier sur Königsberg, ville située sur la longitude 20°, juste au Sud du 55ème parallèle.
Les plus importants généraux Allemands, en particulier ceux faisant partie du Grand Etat-Major Général (OKW) étaient des Prussiens.
Une attaque sur leur province-mère était donc la pire offense qui pouvait leur être faite.
De ce fait, une telle offensive ne serait pas de tout repos, parce que (historiquement) l'Armée Rouge avait subi, après l'élimination de Mikhail Toukhatchevsky (1937), des purges catastrophiques, en particulier au niveau des officiers supérieurs.
De toute façon, l'attaque soviétique ne pourrait en aucun cas intervenir en ouverture du conflit, les Allemands étant encore à leur meilleur niveau et n’ayant pas engagé l’essentiel de leurs armées.
Une très grande majorité des unités de la Luftwaffe et de la Wehrmacht devraient être concentrées contre la France et la Tchécoslovaquie, la Russie ne devant intervenir qu'au moment où Français, Tchèques et Slovaques commenceraient à souffrir.
Si l'attaque Russe intervenait trop tôt, il y aurait fort à parier que Hitler envoie toutes ses forces contre l'Armée Rouge, ne laissant qu'un faible maillage défensif face aux Forces de la Petite Entente.
La première attaque, qui, pratiquement, doit être réalisée par surprise, doit donc concerner l'Ouest du Reich, par une série de bombardements des bases industrielles, des raffineries et des dépôts de carburant, des voies de chemins de fer, des ponts et des aérodromes Allemands.
L'attaque Française doit être aérienne pour affaiblir en priorité la Chasse Allemande. De cette manière, la Chasse Allemande a toutes les chances de se concentrer sur l'Ouest du IIIème Reich.
Cependant, pour être significatif, l'affaiblissement du Reich nécessite encore au moins un front supplémentaire.
Encore le cas Anglais
Dans toutes les affaires importantes (et une guerre est toujours une affaire importante), du Royaume Uni surgit toujours la vieille Angleterre : Ce pays a toujours eu la volonté que l'Europe soit désunie, histoire d'être l'unique gagnante de toutes les compétitions commerciales et donc, également, de toutes les guerres.
Par exemple, la belle montée en puissance de la Marine de Napoléon III explique parfaitement pourquoi l’Angleterre, que nous avions pourtant puissamment aidé face aux Russes en Crimée, ne nous a pas soutenus face aux menaces, puis à la guerre que Bismarck avait lancé contre la France en 1870 (l'immense Rudyard Kipling avait d’ailleurs très violemment critiqué le comportement mesquin de son pays).
Cela peut expliquer ensuite, en retour, la création, au sein de la Marine Nationale Française, de la fameuse Jeune École autour de l'amiral Hyacinthe Aube.
Celui-ci avait parfaitement anticipé le (futur) prodigieux potentiel de destruction des torpilles Whitehead (qui restent toujours une des armes clé de la guerre navale).
Sa pensée était remarquable, mais nos ingénieurs maritimes ne lui avaient pas consacré une attention suffisante. Ils bâclèrent leurs projets de torpilleurs et de sous-marins.
Du coup, nos premiers (et minuscules : 60 tonnes) torpilleurs, de 1885-1890, provoquèrent donc de longs éclats de rire chez nos amis Britanniques, mais une fois que ces navires et leurs torpilles eurent démontré un semblant d'efficacité, l'Amirauté Anglaise lança, contre eux, une "arme absolue", le destroyer.
Lorsque l'Amiral Alfred von Tirpitz lança ses lois navales en 1898, c’était dans l’idée que les cuirassés Germaniques, bientôt construits, sécurisent les voies maritimes entre les colonies africaines Allemandes et leur mère patrie.
Ces cuirassés devaient dissuader l'Angleterre, alors première puissance navale du Monde, d’attaquer la nouvelle flotte Allemande, même si celle-ci ne cherchait pas (encore) la confrontation directe.
Les maîtres politiques de la Grande Bretagne commencèrent alors à changer de position, ce mouvement aboutissant à la célèbre "'Entente Cordiale" Franco-Britannique, qui vit effectivement une coopération assez efficace entre nos armées.
La réponse Britannique à Tirpitz fut claire : En 1914, la flotte Anglaise comptait 35 dreadnoughts.
A ce moment-là, la flotte du Kaiser comptait seulement 17 dreadnought, soit moins de la moitié de la flotte Britannique.
Pourtant, la bataille de Coronel (Chili), 1ère bataille navale de la 1ère Guerre Mondiale, fut très brillamment gagnée par la flotte conduite par l'Amiral Graf von Spee et il fallut une très puissante désinformation Britannique pour que la flotte de l’amiral Allemand soit détruite aux Malouines
Après 1917, les commentateurs Britanniques annoncèrent que Tirpitz avait perdu son pari.
{Cette opinion coincide avec la vérité historique, mais il eut suffi que l’amiral Prussien ait - correctement - déployé tous ses U-Boots aux bons endroits pour détruire la flotte Britannique pendant la bataille du Jutland.}
En 1936, l'accession au pouvoir du Roi Edouard VIII renforça le parti favorable aux thèses nazies (dite Appeasement Politic) parce qu'elles lui donnaient l'impression que cela allait permettre d'en finir rapidement avec l'URSS, sans même faire couler le si précieux sang Anglais.
C'est l'habituelle illusion des Anglo-Saxons qui, déjà pendant le règne de Louis XIV, pensaient que les Russes pourraient constituer leurs pires concurrents, alors qu'en réalité les citoyens de cette nation, bien que très brillants, avaient besoin de manger encore beaucoup de soupe avant d'avoir une parfaite expérience d'hommes de mer.
Déroulement de l'Hypothèse 4836 : La guerre pour la Tchécoslovaquie
{A - Une partie de ce qui suit se déroule en territoire Prussien ou, plus exactement, ex-Prussien. Les localités y auront donc encore des noms Allemands.
Comme les Polonais n’ont pas du tout joué un rôle amical vis-à-vis de la Tchécoslovaquie en 1938 (c'est le moins que l'on puisse dire !), je n’ai aucune raison d’employer les noms Polonais qu’ils emploient actuellement et qui sont les noms définitifs.
B – Ce texte ne couvre évidemment qu’un petit nombre de théâtres d’opérations. Je n'ai pratiquement pas traité les opérations des armées Tchécoslovaques, par manque de documentation.
C – J'ai besoin, à ce stade de mon récit, d'un personnage couteau-Suisse, le Général Modeste Ortant, que j’invente pour combler mes lacunes sur les personnages historiques Français.}
Jusqu’à une période récente, ce général a surtout travaillé dans nos services de renseignement.
Maintenant, Ortant a réintégré l'Armée de l'Air et tutoie même la plupart de ses collègues des autres armes.
Personne ne se souvient de comment il est arrivé à ce poste, au début de 1933, mais on lui reconnait des compétences étendues.
Etonnamment, il a réussi, très discrètement, à réconcilier De Gaulle et Pétain.
Pour cela, il était allé voir le lieutenant-colonel De Gaulle.
- Alors, De Gaulle, Pétain vous énerve ? Expliquez-moi pourquoi.
- Cet homme n’a aucun scrupule ! D’abord, il a laissé tomber Lyautey face à Abd el Krim. Maintenant, il veut que notre doctrine reste bloquée dans une ruineuse guerre de position avec la ligne Maginot.
- C’est exact. Mais il me semble que vous avez un grief particulier contre lui. Est-ce que je me trompe ?
- Non. Vous… Vous savez peut-être que j’ai écrit quelque petits bouquins.
- Oui, je crois les avoir tous lus. Je les ai bien aimés.
- Je vous remercie de votre appréciation, mon général.
- Mais quel rapport avec Pétain ?
- Il veut que je lui serve de nègre en partant de mon futur livre, que j’ai intitulé : La France face à toutes ses guerres.
- Vous voulez dire qu’il veut le signer en premier ?
- J’ai plus l’impression qu’il veut en être le seul auteur ! Vous vous rendez compte !
- Seigneur ! Pourquoi ?
- Je n’en sais rien.
- Bien sûr, il ne veut pas partager la signature avec vous ?
- Evidement.
- Expliquez-moi ce que vous ressentez, sur ce problème.
- Je veux que mes lecteurs soient bien conscients de ce qui est imposé à notre Nation par sa géographie, à la fois physique et ethnique. Je veux qu’ils comprennent l’immuabilité des guerres.
- C’est un peu déprimant. Pourquoi écrivez-vous cela ?
- Pour préparer mes lecteurs à mon prochain livre.
- Qui va traiter de quoi ?
- De l’Arme Blindée et des putains de nouvelles contraintes qu’elle va nous imposer : Elle imposera de former des soldats professionnels particulièrement bien entraînés.
- Je comprends très bien votre point de vue.
- Je vous en remercie…
- J’approuve totalement vos buts. Mais je n’approuve certainement pas votre fâcherie avec le Maréchal ! Mon ami, vous devez de bien réfléchir. Si vous publiez votre travail sur la France et sa Défense sous votre seul nom, ce livre aura certes un succès d’estime, mais sans plus. Il n’aura aucun impact sur les politiciens. Par contre, je vais voir comment je peux obtenir une volte-face du Maréchal.
- Vous n’y arriverez pas, je le crains.
- Si, parce que lui-même y a grand intérêt !
Ortant obtint un rendez-vous auprès du Maréchal pour le surlendemain.
- Monsieur le Maréchal, je vous remercie de me recevoir aussi vite.
- J’entends beaucoup parler de vous et je me réjouis de cette occasion de faire votre connaissance. De quoi voulez-vous m’entretenir ?
- Du programme guerrier que le chancelier Hitler est en train de mettre en œuvre.
- Vous savez, cet Hitler n’est qu’un modeste caporal.
- Permettez-moi d'être moins affirmatif sur ce point.
- Pourquoi ?
- Croyez-vous vraiment le Maréchal Hindenburg laisserait l’Allemagne entre les mains d’un chancelier d’opérette ?
- Ah ? C’est vrai, c’est un argument troublant. Je n’avais pas réfléchi de cette manière !
- Rappelez-vous que, en 1924, lors du putsch de la Brasserie de Munich, Hitler était déjà soutenu par le général Ludendorff !
- C’est vrai que, par cette conjonction, vous soulignez quelque chose de vraiment très inquiétant.
- C’est d’autant plus inquiétant que son programme d’armement est brillant et les hommes qu’il nomme aux postes importants pour le mettre en œuvre sont remarquablement efficaces.
- Avez-vous une idée sur ce fameux programme ?
- J’ai juste des nominations inquiétantes de gens peu connus mais dont les compétences semblent impressionnantes.
- De qui parlez-vous, en particulier ?
- D’un officier d’état-major né en Poméranie, donc dans le corridor Polonais, et qui se fait une grande réputation sur un domaine dont il ne connaissait rien du tout en 1918 : La motorisation et les chars. C’est un remarquable expérimentateur.
- Et donc ?
- D’après les rumeurs discrètes, il prépare une armée de chars et de canons automoteurs.
- Ses chars vont de fracasser le nez face à la ligne Maginot !
- Il est en train de mettre au point des bunkers épais qu’il attaque avec leur nouveau canon de 88 mm.
- Combien de calibres ?
- De 55 à 76. Le projectile sort de la bouche à une vitesse comprise entre 840 et 900 m/s !
- Diable ! que préconisez-vous ?
- Une force blindée étroitement associée à une force aérienne d’un type nouveau.
- C’est un peu ce que je voulais faire dans l’offensive de 1918 !
- Exact, Monsieur le Maréchal. Mais, en 1918, vous pouviez récupérer tous les Français conducteurs de chars que vous vouliez. Dans les deux années à venir, il faudra en former des tout neufs, et cela va prendre du temps, comme en Aviation. Donc, il nous faut une forme d’Armée d’Active pour les troupes blindées et leur infanterie.
- On va avoir du mal à faire passer cela, croyez-moi.
- Sauf si vous disiez que c’est indispensable. Qui verriez-vous commander nos chars ? Il faudrait un gars qui ait un sens inné de l’action juste et qui soit aussi un gros travailleur.
- Prenez De Gaulle !
- Vous êtes sûr ? Je croyais que vous étiez en colère contre lui.
- Il a eu l’intelligence de s’excuser hier. Cela m’a soulagé. Mais ce jeune a une vraie vision du coup d’après, en plus d’une assez bonne culture, pour quelqu’un qui ne sort pas de l’X.
Par la suite, Ortant sembla disposer d'un grand pouvoir sur les dépenses militaires.
C’est à lui que fut confiée la lourde tâche de réaliser la mise à niveau matérielle de la Défense Nationale de la France.
Dès son entrée en fonction, il avait demandé à visiter ses collègues Tchécoslovaques, ce qui devint possible en Août 1933.
L'arrivée d'Hitler au pouvoir avait conduit directement Ortant à Prague. Il connaissait exactement le programme délivré dans "Mein Kampf".
Ses interlocuteurs Pragois comprirent rapidement qu'il avait pris pleinement la mesure du danger nazi.
Il fut reçu avec beaucoup d'égards et de gentillesse parce qu’il avait conscience du renforcement nécessaire à apporter aux moyens militaires Français et Alliés.
A son retour, il avait alors exigé la commande simultanée de 100 Dewoitine 500, d'autant de Spad 510 et d'une vingtaine de Mureaux 170.
Il était aussi passé voir l’Amiral Lartigue à Paris.
- J’ai entendu que vous vouliez créer des hydravions de chasse attachés aux navires de ligne et aux croiseurs.
- Cela vous choque ?
- Bien au contraire. Mais je sais que la maison Bernard a commencé la construction d’un chasseur correspondant à votre idée.
- Et ?
- Ils ont fait voler des hydravions de record à de grandes vitesses. Vous pourriez en commander une vingtaine d’exemplaires pour faire de multiples essais à grande distance des mers et des terres habituelles.
- Où voyez-vous ces essais ?
- Vous les commencez au large du Morbihan, vous en ferez ensuite à Oran puis en mer de Norvège.
- Mais je dois lancer un concours !
- Vous le lancez tout de suite et les maquettes devront être examinées dans un mois.
- Ils n’auront pas le temps !
- Ceux qui le voudront vous présenteront leur projet à la fin du mois prochain.
- Mais je court-circuiterais mes collègues !
- C’est vous le patron. Vous ne définissez rien en termes de choix techniques ou de performances. Vous leur donnez les différentes situations tactiques que ces engins devront régler, en pleine mer, cela va de soi.
- Comme lutter contre les avions torpilleurs, les avions de réglage de tir, comme notre Besson 35…
- Mais aussi contre les avions de surveillances maritime à très longue portée. Ou, encore, effectuer de reconnaissances rapides, voire lancer des bombes sur des navires comme des croiseurs légers
- Je n’arrive pas à avoir cela en tête !
- Prenez un Savoia-Marchetti S 55, il a une autonomie supérieure à 4 000 km. Il a un bon équipement radio. Il peut détecter tout trafic sur son trajet : Cela signifie qu’il peut détecter une flotte à 2 000 km de son point d’envol.
- Et que peut faire notre petit hydravion avec ses deux pétoires de 7.5 mm, face à cet avion de 10 tonnes ?
- Il peut en tuer le pilote, percer les réservoirs, mais aussi vous annoncer sa présence et sa route.
- Mais le S 55 va bientôt voler encore plus vite !
- En pointe, oui, peut-être, mais pas bien longtemps.
- Pourquoi ?
- Parce qu’il est conçu pour voler lentement et que la vitesse consomme énormément de carburant. Lorsqu’il est en panne, il doit se poser rapidement.
- Ah ! C’est vrai.
La commande de 15 hydravions de chasse embarquée Bernard H 52 fut passée le mois suivant, le type d’avion commandé comme la rapidité de cette commande avait surpris la totalité du monde maritime terrestre.
La firme Bernard avait bien essayé de refuser le marché, mais Ortant fit comprendre à tous les proches d'Adolf Bernard qu'ils subiraient un contrôle fiscal particulièrement sévère si la firme se révélait n'être qu'un système de dissimulation de revenus illégaux.
Les Britanniques firent rédiger quelques véritables thèses universitaires pour ridiculiser cette initiative.
Les manœuvres menées, pour la première fois, par notre Royale en Mer de Norvège, démontrèrent toutefois que les trois premiers hydravions étaient efficaces.
Clou de ces manœuvres, ils avaient découvert deux avions-torpilleurs Fairey Swordfish, arrivés "par hasard" au ras des flots, à moins de vingt nautiques de notre flotte
Celle-ci manœuvrait alors à un peu plus de vingt milles à l'Ouest de l'Île de Torghatten.
Les aéronefs Britanniques voulaient observer nos manœuvres. Mais nos chasseurs marins, considérablement plus rapides et manœuvrants les avaient escortés jusqu’à leur propre porte-avion dont, bizarrement, aucun chasseur n’avait encore décollé.
On apprit, bien plus tard, que les aviateurs Britanniques avaient compris soudainement que si les Français l’avaient voulu, tous auraient terminé prématurément leur carrière sans que personne n’ait pu le savoir.
Grâce à cet incident, les commandants des navires Français avaient, eux, enfin, pris conscience de la menace aérienne.
La solution bricolée d’une version à roulettes de l'hydravion-torpilleur PL 15 se révéla étonnamment efficace dès ses premiers vols à partir du Béarn : L’ex-hydravion volait maintenant à 235 km/h et tournait dans un mouchoir de poche.
La réussite opérationnelle des hydravions de chasse avait permis de former une cinquantaine d'hydro-aviateurs de chasse en une seule année.
On s’aperçut aussi que cela avait notablement modifié les tactiques des flottes Françaises qui naviguaient dans des zones jusque-là inaccessibles.
Parallèlement, les Norvégiens, eux aussi séduits par ce concept, avaient acheté une douzaine de ces mêmes hydravions qu’ils avaient motorisés avec des moteurs Pratt and Whitney plus puissants.
Quelques mois après ces évènements, on s’aperçut que les nouveaux avions militaires Français étaient commandés dans les 3 mois suivant leur entrée en essais officiels au lieu des 2 ou 3 ans habituels.
Le 27 Janvier 1934, Ortant découvrit dans son Figaro quotidien, sous la plume de Mr. Donnadieu, la signature d'un pacte de non-agression Germano-Polonais.
Il compris tout de suite ce que cela signifiait : La Pologne, qui s’était sentie flouée par le Pacte de Locarno d’Octobre 1925, et qui voyait dans la ligne Maginot un désengagement de la France vis-à-vis de ses alliés situés à l’Est de l’Allemagne, tentait d’amadouer cette dernière pour conjurer toute tentative d’invasion soviétique.
Il comprit que Hitler venait d’enfoncer un coin dans la défense de la France.
D’autres renseignements montraient aussi que la Pologne tentait de déstabiliser l’URSS, en particulier en Ukraine et en Biélorussie, rien de cela n’allant vraiment dans le bon sens.
Ortant discuta avec les amiraux Français pour que leurs cuirassés anciens et le porte-avions Béarn disposent du même type d'étrave que le paquebot Normandie.
Initialement, sa suggestion sembla peu considérée, mais le capitaine de frégate Pierre Barjot la soutint vigoureusement.
Ces travaux furent réalisés bien plus rapidement que prévu parce que ces proues étaient fabriquées par avance et que leur montage ne prenait que quelques semaines.
À moindre frais, tous ces navires gagnaient de l'ordre de 4 kts en vitesse maximale, ce qui était très intéressant pour aponter sur le Béarn mais, également, parce que tous ces navires gagnaient en autonomie.
Du coup, à la conclusion de l'année 1934, certains généraux de l'Armée de Terre venaient discuter avec Ortant, maintenant surnommé le "Templier bleu marine"...
La réoccupation de la Rhénanie par la Wehrmacht s'effectua sans que le gouvernement Français réagisse, du moins en apparence, et uniquement parce que la Grande Bretagne refusait de s'engager à ses côtés.
Ortant avait rencontré un brillant pilote Italien, Bruno Mussolini, fils du dictateur Italien. Ils avaient discuté avec plaisir. Tous les deux partageaient une grande méfiance vis-à-vis d’Hitler.
Peu de temps après, Ortant avait réussi à modifier le service d’essai des avions militaires, entièrement passé au Centre d’Essais Aérien Militaire (CEAM).
Il avait demandé – et obtenu - que ce CEAM soit transféré de Reims à Nantes-Château-Bougon et que le CEMA devienne un pur centre d’expérimentation des techniques aérodynamiques et structurales (NDR : sur le modèle de l’actuelle ONERA).
Simultanément, il avait fait déplacer l’école de pilotage Morane-Saulnier de Villacoublay à Montargis pour que l’aérodrome militaire Parisien ne soit plus le lieu de rencontre entre les milieux mondains et politiques Parisiens pour la plus grande joie de tous les agents de renseignement étrangers pouvant exister.
L’aérodrome de Villacoublay était désormais dédié essentiellement à la défense de la région parisienne ; Secondairement, il servait de point d’envol pour les membres du gouvernement lors de leurs déplacement aériens.
Peu après, ce fut encore Ortant qui réussit à désamorcer la bombe sociale de la nationalisation des industries de guerre.
Pour cela, il avait obtenu de parler aux deux étoiles montantes du Parti Communiste Français, Maurice Thorez, orateur puissant et inspiré, et Jacques Duclos, qui paraissait si facile d’accès.
Il les avait entretenus de la guerre à venir et leur avait apporté un exemplaire Allemand de ʺMein Kampfʺ.
- Chers amis, voici un exemplaire du catéchisme nazi. J’aimerais que vous y lisiez ce qu’il dit des relations internationales de son Reich. Vous avez sûrement des camarades Lorrains, Alsaciens, voire soviétiques, capables de vous aider avec l’Allemand.
- Que voulez-vous que nous en fassions ?
- Vous avez à résoudre un problème sérieux : Si notre pays est battu par Hitler, tous ses moyens serviront à aider puissamment l’Allemagne pour détruire l’URSS.
- Vous ne voudriez quand même pas que nous fassions la guerre à votre place, non mais des fois !
- Réfléchissez, discutez avec le secrétaire général du Parti soviétique, votre camarade Joseph Staline. Si vous continuez à vouloir gérer vous-même l’industrie aéronautique, le résultat est garanti.
- Mais nous mettrons des polytechniciens à la tête des usines !
- Ceux qui vous paraissent sympathiser avec vous n'ont jamais construit un seul avion et n'ont aucune expérience de la chose.
- Et nos militants ?
- Rappelez-vous le plus important : Que pourrez-vous faire une fois la France détruite ?
- Pensez-vous ! Avec la ligne Maginot, la France ne risque pas d’être détruite…
- Oh que si ! Une fois la France détruite, nos productions industrielles et agricoles renforceront celles de l'Allemagne. Vos camarades devront travailler pour la Wehrmacht et, alors, l’URSS risque de tomber entre les mains d’Hitler.
- C’est impossible.
- Ah, vous faites grande confiance aux ministres en place et au général Gamelin.
- Vraiment ? Et vous ?
- C’est pour cela que je suis venu vous voir et que nous discutons sur cet aérodrome désert. Le pacifisme sert uniquement l’intérêt d’Hitler. Une France désarmée n’a pas la moindre chance de résister à la Wehrmacht.
- Et nos autres alliés ?
- Sérieusement ? A part la Tchécoslovaquie, nous sommes seuls !
- Et les congés payés, la réduction du temps de travail, nos revendications, quoi ! Vous voudriez que nous nous asseyions dessus ?
- Non, certainement pas, je ne les ai d’ailleurs pas mentionnées une seule fois. Par contre, ne dites rien de ce que je vous ai dit à vos amis socialistes et radicaux.
- Ils ne sont pas vos amis ?
- Non, en aucun cas. Je les gène. Ah ! Encore une chose. Nos ennemis feront tout pour casser notre production industrielle, y compris par le sabotage. Si vos camarades voulaient bien repérer les agents ennemis, voire les empêcher d’agir, ce serait épatant.
- Vous voulez qu’ils soient livrés aux flics ?
- Je veux surtout que vos hommes soient discrets dans ce domaine.
Les groupes de pressions liés soit à des associations financières soit à des lobbies politiciens éprouvèrent de grosses difficulté à maintenir leurs influence.
Ainsi, un beau matin de Juillet 1936, l’ingénieur Louis Bonte vint plaider pour la commande du Morane 405 :
- Général,…
- Pour vous, ce sera Mon Général, monsieur l’ingénieur en chef. Je vous écoute.
- Mon Général, j’insiste pour que nous standardisions notre aviation militaire sur un modèle unique pour chaque fonction. Cela permettra une industrialisation plus facile.
- Et votre modèle idéal est ?
- Le Morane 405.
- Votre rapport d’essai ?
- Le voici, cet avion est épatant à piloter.
- Certes mon ami, mais n’y a-t-il pas quelque chose qui vous gêne, dans votre rapport ?
- Vous voulez parler des performances ?
- Vous lui attribuez une vitesse de pointe de 435 km/h. L’état-major exigeait 450 km/h au minimum pour les chasseurs et 470 km/h minimum pour les bombardiers. Votre avion perd d’emblée 40 km/h sur nos bombardiers qu’ils ne pourront donc même pas escorter ! Les Britanniques font voler leur Hurricane à 507 km/h et leur Spitfire à environ 550 km/h. Votre Morane aurait été intéressant en 1933. Aujourd’hui, il est totalement périmé.
- Mais, avec un moteur plus puissant, de 1 000 Cv, par exemple, il passera l’épreuve haut la main !
- Cher ami, ce moteur sera nettement plus lourd, il consommera plus d'essence et changera le centrage. Mais, allez-y, ça vaut le coup d’avoir une moindre vulnérabilité pour nos chasseurs en termes de moteurs. Mais vous devez faire le deuil de l’uniformité en matière de chasseurs : Ces avions ne sont ni des fusils ni des obus ! Par ailleurs, sa structure est hypercomplexe, donc il faudra bien plus de 20 000 heures de travail pour en fabriquer un seul.
- Si nous en fabriquons plusieurs milliers, ils seront construits deux fois plus vite !
- Je n’en crois rien. sa structure s'y oppose totalement. De toutes manières, il faut des avions légers pour faire les patrouilles de routine.
- Vos choix, s’il vous plait, mon Général ?
- Le Nieuport 161…
- Mais il n’est pas plus rapide ! il ne fait qu’un peu plus de 470 km/h en vitesse maxi ! Ce n’est pas significativement plus rapide !
- D’abord, il passe les 480 km/h.
- Je voudrais bien voir ça ! Qui pilotait ?
- Moi, sauf votre respect ! J’ai passé 484 km/h à 4 400 m, atteints en moins de 5 minutes. C’est 49 km/h de plus que votre avion chéri. Les Allemands ont éliminé un candidat chasseur, pourtant plus maniable, parce qu’il volait 30 km/h moins vite que le Messerschmitt 109 avec le même moteur.
- Je vous garantis que personne ne peut mettre en danger notre Morane.
- D'accord. Nous allons refaire le match : Nous allons faire une épreuve commune à tous nos avions de chasse. Initialement, je pensais que nous allions décoller ensembles pour nous poser à Nantes, soit 340 km. A 4 000 m, nous ne gênerions personne.
- Je ne connais pas la région.
- Moi si. Mais, rassurez-vous, j'ai changé d'avis. J'ai idée d'une épreuve plus significative. Nous partons pour Cannes-Mandelieu.
- Tout de suite ?
- Evidemment.
- Je n'aurais jamais assez d'essence !
- Nous ferons le plein à Salon de Provence, cela devrait aller.
- Pourquoi aller à Cannes ?
- Parce que c'est un vol plus opérationnel qui nous y attend !
- Vers où ?
- Ce sera la surprise.
Mené à 300 km/h, le transfert ne posa aucun problème, hormis le fait que Bonte s'était fait remplacer par Kostia Rozanoff.
Ils étaient suivis par le Potez 630 confié à Georges Détré.
Le Morane se posa à Salon, sur une piste bien propre tandis que les deux autres avions continuaient calmement leur voyage. Le temps était calme et ensoleillé.
Les deux avions se posèrent à Cannes-Mandelieu, aérodrome de facture récente. Les pleins furent refaits.
Une fois le trio reconstitué, il redécolla rapidement vers le vrai but, Annecy, situé à près de 300 km de là, en suivant un cap proche du 350.
Arrivé à 5 000 m, Ortant avait accéléré jusqu’à 460 km/h. Alors, il regarda avidement le paysage. Le vent d'Ouest l'obligea à corriger son cap de temps en temps.
L'Italie n'était vraiment pas très loin, même s'il devinait plus qu'il ne voyait la plaine du Po, largement embrumée.
En dessous de lui défilaient des crêtes recouvertes de forêts, donc d'altitude inférieure à 2 000 m.
Mais il se rapprochait rapidement de montagnes bien plus hautes et encore complètement enneigées.
Il avait vite repéré le Mont Blanc mais, bien avant cela, sur sa route, il y avait une montagne menaçante. Il se dit que cela pouvait être la fameuse Barre des Ecrins. Il augmenta son altitude de 400 m.
Les différences thermiques au niveau du sol se ressentaient par des variation d'altitudes sèches.
Il repéra vite les deux lacs, à l'Ouest, le grand lac du Bourget, bien régulier, puis, plus à l'Est, le lac d'Annecy, plus petit et à la forme plus complexe, comme brisé en deux par son milieu.
Il restait juste une trentaine de kilomètres à faire.
Il obliqua plus à l'Ouest, fit le tour d'une longue et haute "colline" très boisée et se présenta devant la piste qui lui paru correcte, mais peut-être un peu courte. Il réussit cependant à s'arrêter à 100 m du bout de piste.
Le vol avait duré 38 minutes.
Détré se posa 4 minutes plus tard.
- Dis-donc, Modeste, tu avais le feu aux fesses !
- 442 km/h, cela n'est pas si brillant !
- Tu fais semblant d'oublier la montée et la manoeuvre d'encadrement puis d'atterrissage. Tu as volé à plus de 500 !
- Dis-toi que le Messerschmitt 109 sera aussi rapide que moi, voire un peu plus !
- Qu'est-ce qui arrive à Rozanoff ?
- Son avion ne refroidit pas correctement.
- Pourquoi ?
- Mauvais dessin du radiateur et de l'avion lui-même !
Rozanoff posa son MS 405 avec 22 minutes de retard.
- Mon général, voilà, j'ai fait ce que j'ai pu. Il m'a déjà fallu 5' 30" pour monter à 3 000 m. Je ne suis pas monté plus haut, car le moteur commençait déjà à chauffer. J'ai dû contourner certains massifs. Là, c'était très amusant.
- Donc vous n'auriez jamais réussi à intercepter des avions photographiques en plein exercice d'espionnage !
- J'en avais déjà prévenu le père Bonte : Le parcours choisi se rapproche étonnamment d'un vol réel d'interception. Dans cette région, il faut vraiment monter très vite. Vous refusez de lésiner sur la vitesse ascensionnelle. Vous avez raison à la fois tactiquement et stratégiquement, mais vous avez empêché les essais du Ni 161 à Cazaux.
- Il y retournera quand la commande sera signée et que le 02 aura volé.
Les aviateurs repartirent vers Villacoublay après un nouveau plein.
L’ingénieur Bonte et son collègue Du Merle présentèrent leurs démissions le lendemain matin et s'esquivèrent très discrètement .
La France, en abandonnant la construction de ses deux cuirassés de 35 000 tonnes, montra qu’elle ne menacerait pas les intérêts coloniaux Italiens ni les lignes commerciales Britanniques.
En supprimant les canons installés sur les ponts de tous ses sous-marins, elle montrait aussi son abandon de toute menace sur le commerce maritime, au moins pour un bon bout de temps.
Par contre, Ortant exigea que tous les prototypes des futurs chasseurs soient d'emblée construits en trois exemplaires, dont au moins deux simultanément, et qu’aucun vol ne soit tenté avant que les 2 premiers exemplaires aient été capables de rouler.
Ainsi, les 2 Nieuport 161 de présérie furent les premiers à voler fin Octobre 1935, quinze jours avant les 2 Loire 250 (l’un à moteur Hispano AA, l’autre à moteur GR 14 N 1). Les 2 Caudron 710 Cyclone volèrent ensuite, précédant d’un mois les 2 Morane 405.
Deux mois plus tard, 2 Mureaux 190 se présentèrent (l’un avec un moteur Renaut R 01, l’autre avec le moteur Salmson V 12), suivis simultanément par les 2 premiers Hanriot 220 monoplaces, les deux Bréguet 690 et les deux Potez 630.
Les essais démarraient seulement un peu plus tard mais progressaient extrêmement vite.
Lorsqu’un avion semblait satisfaire à la fois ses concepteurs et ses essayeurs, le général Ortant faisait venir un pilote de chasse en activité et lui demandait son avis.
Aux premiers jours de cette pratique, tout le monde semblait enchanté par la monture essayée puis dominée. Ensuite, il demandait à des pilotes en activité de participer à des combats simulés à des altitudes qu’il fixait au dernier moment.
Les Nieuport remportèrent presque tous les combats, les Caudron se révélèrent parmi les plus manœuvrants, les Mureaux, aussi manœuvrants mais plus rapides, surprirent par la difficulté que les pilotes adverses avaient à les repérer. Ces essais se passaient à Cazaux, pour limiter drastiquement le nombre de témoins.
Si les Morane étaient effectivement très dociles, ils avaient plus à voir avec des avions de perfectionnement qu’avec des avions de chasse. L’un d’entre eux fut équipé d’un moteur Américain P & W 1830 de 950 Cv et se montra bien plus rapide que ses frères à moteur Hispano, sans pour autant atteindre les performances des Caudron 710. La licence de construction de cet avion fut vendue à la Suède.
Lors de la préparation des commandes, la nouvelle surprise vint encore d’Ortant, qui voulait que presque chaque type d’avion soit construit en série.
L’ingénieur-général Caquot lui reprocha :
- Mon ami, vous êtes très compétent dans votre domaine, mais je ne pense pas pouvoir vous donner tout ce que vous voulez ! Vous multipliez à plaisir les types différents !
- Certes, mais ce n’est qu’une apparence. Une très large part de nos chasseurs seront des Nieuport 161, parce qu’ils répondent à la plus grande partie de nos exigences. Mais j’ai besoin de chasseurs d’arrière-zone pour protéger nos aérodromes des mitraillages par des chasseurs ennemis. Dans un premier temps, des Caudron CR 710 me suffiront.
- Pourquoi ? les Nieuport en seraient incapables ?
- Non, mais les Nieuport consomment environ deux fois plus d’essence et ils sont un peu moins manœuvrants. Des Mureaux 190 pourront remplacer les Caudron lorsque les Allemands sortirons des chasseurs plus rapides.
- Que ferez-vous des Caudron 710 à ce moment-là ?
- Ils serviront à l’entraînement ou nous les vendrons à nos amis.
- Et le Bloch ?
- J’embête Mr Bloch à cause de la surface insuffisante de ses ailes. Je veux 19 m². Mais ses avions doivent avoir 2 canons Hispano. Cela va servir à certaines actions impossibles aux chasseurs dont je vous ai entretenus.
- Par exemple ?
- Attaquer les bombardiers bien défendus, du moins dans le premier temps.
- Et pour le second temps ?
- Attaquer des concentrations de blindés ou d’artillerie.
- Ils vont se faire descendre !
- Sauf si la combinaison de notre doctrine, du matériel employé et de l’entraînement suivi permet de ramener la plupart du temps les hommes à la maison !
- Vous n’aimez pas la standardisation.
- Les êtres humains sont tout sauf des produits standardisés, tel pilote qui était à son meilleur niveau avec un Spad 510 aura du mal à bien profiter du futur Bloch 150 et il sera bien plus heureux, donc bien plus efficace, avec le Nieuport ou le Mureaux. Rappelez-vous : Nungesser a piloté presque jusqu’au bout des Nieuport et, l’as Britannique Albert Ball préférait lui aussi voler sur son Nieuport 17 plutôt que sur un SE5 de son propre pays.
- Donner un seul type d’avion me permet d’en sortir plus, c’est simple.
- Oui, mais, contrairement aux obus, les avions n’ont pas tous les mêmes qualités. Certains sont parfaits dans certains compartiments opérationnels et nuls dans d’autres.
- Je ne vous convaincrais pas, je le crains.
- D’autant plus que vous ne pourrez jamais employer du 75 mm pour détruire un cuirassé mais vous préfèrerez du 25 mm pour tirer sur un avion arrivant à 1 000 m au-dessus de vous !
- Ça va, je vous accorde le point. Vous êtes sacrément têtu !
- On m’a toujours dit que j’avais une part d’ascendance Bretonne ! J’en suis très fier.
Parmi les bimoteurs légers, le plus rapide des biplaces se révéla être le Bréguet : Il volait à plus de 520 km/h avec ses 2 moteurs HS 12 X.
Dix d’entre eux furent commandés immédiatement pour la reconnaissance tactique, ils devaient être suivis d’une centaine d’autres pour l’année entière.
Une version affinée par un allongement important du fuselage fut commandée pour la chasse et la reconnaissance maritimes jusqu’à 1 500 km des côtes.
Le Potez 630 fut consacré au nettoyage du champ de bataille terrestre, avec un canon de 25 mm de DCA et de sérieux compléments de blindage.
Un autre modèle, armé de la même manière et désigné 631-N2, était commandé en 80 exemplaires pour la chasse de nuit.
Le Hanriot, désormais uniquement monoplace, fut intégré à 150 exemplaires pour l’escorte des bombardiers devant parcourir plus de 400 km à l’intérieur des lignes ennemis.
A la mi-Mars 1936, au Royaume Uni, une vive discussion opposa le tout nouveau Roi d'Angleterre, Edward VIII, à son frère.
Le souverain voulait convaincre son frère, très actif dans la RAF, de le soutenir activement pour favoriser le renforcement du régime Hitlérien, histoire d’en finir une fois pour toutes avec l'existence du régime communiste Russe.
Son frère Albert lui reprocha une attitude qui ne pouvait que ruiner les liens vitaux que leur grand-père Edouard VII avait patiemment tissés avec la France.
Traumatisé par ce qu'il avait vu dans les tranchées de la Grande Guerre, le Roi insista pour que l'Allemagne soit lancée d'emblée contre l'URSS, avec toute la sympathie agissante du Royaume Uni.
Certes, ce serait très lourd pour les petits pays d'Europe Centrale, mais il serait certainement possible de les reconstituer, tant bien que mal, par la suite.
A peine deux jours plus tard, tomba la nouvelle que le coordinateur de la Défense Nationale Française, récemment nommé, le général Modeste Ortant s’était exprimé dans une interview exceptionnelle accordée au Figaro
Il y refusait que la France accueille à nouveau des combattants Britanniques sur son sol, disant que ce peuple, comme, également, les peuples du Commonwealth, avaient déjà assez souffert sur le sol Français.
A ceux qui lui demandaient si cela signifiait qu'il n'envisageait plus de conflit avec l'Allemagne, il avait éclaté de rire :
"L'Allemagne Hitlérienne veut devenir la maitresse absolue de toute l'Europe, et, pourquoi pas, du Monde. Il est hors de question que nous, Français, acceptions cela.
Par contre, les gracieux sujets du Roi Edouard VIII semblent pouvoir s'en accommoder. Grand bien leur fasse. A chacun de faire son devoir".
Au Foreign Office, cette position Française fit l’effet d’une bombe. Comment un petit général Français pouvait-il prendre une position aussi choquante ?
Fin Mars 1936, une conférence Franco-Britannique se réunit donc au château de Blois, à la demande du Minister for Coordination of Defence, fortement tancé par les états-majors de la Royal Navy, de la RAF et de la British Army.
Le ministre Britannique, le juriste Sir Thomas Inskip, était épaulé par ses trois chefs d'état-major.
Il demanda pourquoi la France se coupait maintenant de l'alliance Britannique, qui lui avait cependant permis de gagner la guerre en 1918.
Le général Ortant, bien que chapeauté par Gamelin, se leva pour répondre :
- Vous venez de parler de l'Entente Cordiale. Je m'étonne que vous en fassiez tant de cas ! Vos prédécesseurs lui ont fait subir beaucoup de coups de canifs depuis notre victoire commune.
- Certes, les Britanniques ont perdu 800 000 morts pendant la Grande Guerre, et c’est tout à fait tragique. Mais les Français, eux, en ont perdu 1 700 000, donc deux fois plus que vous, pour une population bien plus faible que la vôtre.
- Ainsi, en 1923, vous n’avez soutenu ni les Français ni les Belges lorsque les Allemands refusèrent d'exécuter le paiement des réparations qu’ils nous devaient pour compenser l'ensemble des immenses destructions qu’ils avaient eux-mêmes commises chez nous. Vos arbres fruitiers à vous n’ont pas été sciés systématiquement. Les nôtre, si !
- Par ailleurs, j’ai quelques doutes sur le sérieux de l'évaluation des menaces extérieures réalisés par les officiers Anglais :
- Qui, en 1920-21, à part votre Air-Marshall Trenchard, pouvait croire sincèrement qu'une France dont les terres les plus fertiles venaient d'être ravagées par 4 ans de feu ininterrompu et amputée de plus d'un million et demi d’hommes tués, soit 25% de sa jeunesse, pouvait-elle vouloir attaquer l'Angleterre ?
- Qui, à part un aveugle, peut croire que l'Allemagne suit actuellement un ‘’réarmement pacifique’’ ?
- Plus grave, la sympathie Britannique pour la remilitarisation de la Rhénanie par les nazis est un coup de poignard dans le dos de la France, de même que l'accord naval de Londres de cette année.
- Certes, nous avons des colonies. Notre petite Marine Nationale est tout juste adaptée à la sauvegarde de toutes nos communications maritimes. Et vous voudriez encore la réduire !
- Je doute donc que, pour l’instant, votre alliance soit compatible avec les intérêts réels de la France. J’imagine sérieusement que votre haine ancestrale de la Russie tsariste s’est combinée avec votre légitime inquiétude face aux courants marxistes.
- Si, un jour, par quelque extraordinaire hasard, les Britanniques se décidaient à participer à une action anti-Hitlérienne efficace, alors on pourra se revoir. Toutefois, cela impliquera au préalable que la Grande-Bretagne soit déjà capable de remplir nombre de conditions militaires, encore toutes absentes à ce jour :
- La mise en œuvre simultanée de la production en masse des trois seuls chasseurs Britanniques modernes en lieu et place des biplans déjà périmés produits actuellement,
- La construction de vrais chars de combat portant de vrais canons, et non vos pétoires de 2 livres,
- L’acquisition d’armes anti-aériennes réellement puissantes.
- Je vous présente mes respects. Adieu.
Le général Ortant quitta la conférence immédiatement, en claquant la porte, laissant des Anglais médusés.
Le ministre de l'Air Français, après avoir tâté les opinions des principaux visiteurs, vint dans son bureau temporaire pour lui faire part de son mécontentement.
- Ortant, je vous estime beaucoup, mais, là, je ne vous comprends plus.
- Mm... ?
- Ces gens sont prêts à se battre pour nous et vous faites la fine bouche ?
- Je doute vraiment qu’ils veuillent se battre, et donc mourir, pour nous, Monsieur le Ministre. Mais, si Dieu le veut, ils peuvent maintenant se poser les vraies questions. Vous autres, les hommes politiques, vous vous effarouchez pour un rien.
- Tant que la situation militaire reste montée comme elle l’est actuellement, c’est nous qui ferions la guerre à leur seul profit, et dans les pires conditions. Je n’en veux en aucun cas parce que ce serait une défaite dont nous ne nous relèverions jamais.
Leur discussion dut s'arrêter parce qu'un général de la RAF demandait à parler au Coordinateur de la Défense Nationale Française.
Le ministre sortit de lui-même par une porte dérobée, pendant que le général Anglais entrait par la grande porte. Il constata in petto que cette intrusion inattendue montrait que Ortant avait, peut-être, eu raison.
Ortant, un peu surpris, accepta de discuter un peu plus avant avec cet officier qui, à l'évidence, était de bonne volonté, mais qu'il n'avait jamais rencontré jusque-là.
- Général Ortant, je vous bien ai écouté, vous me changez beaucoup de nos politiciens qui ne cessent jamais de mentir. Cela m’est aussi agréable d’entendre quelqu’un qui n’a pas peur de notre puissance. J’aimerais discuter avec vous de notre production d’avions de Chasse.
- Je vous remercie mais le dossier est bien plus compliqué !
- Certes, mais il faut bien commencer par un bout !
- Vous parlez magnifiquement le Français !
- C’est de famille. Allez y, s'il vous plait !
- Pour commencer, le seul chasseur susceptible d’être construit instantanément est le Hurricane mais il faut que cet avion dispose tout de suite de quatre mitrailleuses Colt-Browning de 12.7 mm, seul armement permettant de détruire rapidement les bombardiers modernes.
- Vous pensez que les 8 mitrailleuses ne servent à rien ?
- Oui, sauf si vous voulez mitrailler des fantassins !
- Sans cela, vous l’auriez accepté ?
- Hmm ! Pas avec des ailes entoilées. Cela le ralentit, d’autant plus qu’elles sont très épaisses.
- Et pour le Spitfire ?
- Vous rigidifiez ses ailes, vous installez juste deux mitrailleuses de 12.7 mm et vous augmentez l'autonomie en mettant des réservoirs, disons de 20 gallons pour chaque aile. Cet avion sera essentiel s’il sort en série dans les 6 mois, mais si Vickers le ralentit, le Royaume Uni perdra beaucoup de son influence mondiale au profit des USA.
- Le Spitfire sera-t-il optimum, s'il sort plus vite ?
- Vous m’en demandez trop. Je ne suis pas persuadé que son train très étroit soit adapté à la guerre. Il devra donc être piloté par des gamins bien plus entraîné que moi !
- Est-ce la raison de votre intérêt pour le chasseur F5/34 ?
- Rendez-vous compte : Avec le moteur du Gladiator, il est déjà un peu plus rapide que le Hurricane qui dispose de 200 Cv de plus ! Remplacez ce moteur par le Pratt & Whitney 1830, vous diminuez la section frontale du fuselage de 20% et vous gagnerez 200 Cv, voire plus. L’avion gagnera de 40 à 60 km/h !
- Je vais le faire sur mes fonds propres. Vous le baptiseriez comment ?
- The Gloster Ghost.
- Epatant ! Que pensez-vous de nos chars ?
- Vous avez, me semble-t-il, deux problèmes. Le premier concerne le choix de vos canons : Vous avez privilégié le canon QF 2 pounds. Or, d’une part ce canon a une faible portée en anti-personnel, nettement inférieure à 600 m, d’autre part il perce difficilement les blindages au-delà de 400 m.
- Quel est le second problème ?
- Vickers a inondé l’Europe de son Tank Mk VI. Sa seule qualité est sa vitesse. Par contre, son blindage de 14 mm est inexistant, même pour nos nouveaux fusils mitrailleurs. Le Matilda I est bien blindé mais il est épouvantablement lent et il est étonnement mal armé. Je pense que ce n’est pas un engin efficace. Le Cruiser, bien mieux adapté au combat, semble avoir des ennuis avec son canon de 2 livres. Ainsi, je me suis laissé dire qu’il ne peut blesser aucun fantassin, faute d’obus explosifs !
La conversation continua de cette façon en évoquant la DCA, la Royal Navy, etc
L'officier Anglais apparaissait de plus en plus détendu :
- A votre avis, qu’est-ce qui pourrait encore poser problème entre nos deux pays ?
Ortant le regarda avec amitié et lui dit :
- Nous en venons enfin au plus grave de tous les problèmes pouvant nous diviser.
- Vous m’inquiétez !
- Hitler veut parachever le fantasme pangermanique du Drang nach Osten, qui consistait à coloniser furtivement des peuples Européens. Contre cela, la France, après la Grande Guerre, s'est très logiquement alliée aux Tchécoslovaques. Ces derniers sont peu nombreux dans l'absolu, avec leurs 14 millions d'habitants. Par contre, ils présentent une puissante capacité industrielle et technique qui s'ajoute à une position stratégique évidente et à des fortifications sérieuses. Evidemment, je comprends parfaitement que vous, Britanniques, auriez beaucoup de mal à intervenir aussi loin de la mer. Par contre, la Russie ne peut pas laisser passer une telle agression. La France, pas davantage. La seule solution sera le retour au Reich de tous les colons Allemands d’Europe.
- Vous voulez sérieusement vous allier avec Moscou, la Mecque du Communisme !
- Avant de condamner la France, vos collègues devraient envisager les pires risques à venir ! Je sais bien que votre état-major refuse obstinément de voir ce problème depuis 1919. Maintenant, si nous refusons l’alliance avec les Russes pour lutter contre Hitler, celui-ci va avaler successivement l’Autriche, la Tchécoslovaquie et la Pologne, exactement comme le dernier des Horaces a battu les trois Curiace.
- Vous ne croyez pas que vous exagérez sa puissance ?
- Vos attachés militaires, comme les nôtre, se sont fait avoir. L’Armée de 100 000 hommes de la République de Weimar a été créée uniquement pour battre la France. Les hommes de troupes ont reçu la formation d’adjudant-chefs. Les sous-officiers ont reçu une formation d’officiers et les officiers ont la formation de généraux.
- Oui, peut-être, mais le matériel de guerre n’existe pas.
- Désolé, il existe : les Russes ont récupéré la fabrications de chars, les Finlandais et les Néerlandais ont récupéré la fabrication des sous-marins et ils ont aussi des ingénieurs aéronautiques excellents.
- Vous êtes sérieux ?
- Très sérieux. Une mobilisation partielle menée tambour battant permettra de remplir l’armée à l’égale des plus grandes mais avec des doctrines dernier cri ! Alors, avec sa Wehrmacht bien au point, bien entraînée, équipée d’un matériel fiable et puissant, Hitler va pouvoir imposer une guerre de mouvement à des armées Alliées devenues incompétentes sur ce point, depuis les tranchées : La Pologne et la France seront battues et le Lion Britannique rentrera bien gentiment dans sa cage.
- Vous ne faites pas confiance à votre ligne Maginot ?
- Nous avons mis 10 ans pour la construire, son armement a été pensé en 1920. Les Allemands ont eu tout leur temps pour l’étudier. Mais permettez-moi d’anticiper la suite. Nous serons battu bien plus gravement qu’en 1870 ! La totalité de l’Europe Atlantique sera conquise, à l’exception de l’Espagne et du Portugal. La flotte Allemande se développera et n’aura plus à se préoccuper de vos fameux verrous Islandais pas plus que de la Manche.
- Vous pensez que c’est possible ?
- En douteriez-vous ? Alors, Hitler aura deux possibilités ouvertes à sa volonté de conquête : L’Est Russe ou l’Ouest Américain du Nord. Trop terrien pour partir en mer et sûr de sa force, il choisira la première solution : Partir sur les traces de Napoléon vers Moscou puis vers l’Oural. Mais, à mon avis, la Russie soviétique sera un morceau bien trop énorme pour que Hitler puisse le croquer, d’autant plus que la standardisation de ses matériels de guerre empêchera l’adaptation à des terrains dont il ignore tout.
- Et alors ?
- Et alors l’Armée Rouge le battra une fois que ses propres fautes initiales auront été rectifiées. Les Français devront donc leur libération aux seules armées bolchéviques !
- Quoi ?!
- Voyez-vous une autre solution ?
- Je vais y réfléchir très sérieusement.
Le général Anglais, profondément secoué, repartit vers Londres, après avoir assuré Ortant que la politique Anglaise d'Appeasement allait bientôt passer de vie à trépas.
Trois jours plus tard, Ortant reçut ce même interlocuteur Britannique dans un des magnifiques châteaux de la Vallée de Chevreuse. L'Anglais demanda :
- Vous avez ébranlé mes convictions. Qu’est-ce que le Royaume Uni peut faire pour sécuriser la France lorsque l’inévitable guerre commencera.
- Si cela vous est possible, sécurisez le ciel de la Belgique, voire celui des Pays-Bas, aussitôt que les tensions seront évidentes, ce qui soulagera sérieusement le travail de l’aviation Française.
- La Flandre peut être accessible, mais pas la Wallonie, quant aux Pays-Bas, je n’imagine pas un seul de nos avions de chasse volant au-dessus. Nos avions n’ont pas la capacité de voler si loin.
- Si vous ajoutez un réservoir extérieur en contre-plaqué et très profilé sous vos chasseurs, vous pouvez leur accorder au moins une heure de vol de plus. Ce sont les Allemands qui ont inventé cela. Les avions de chasse Britanniques pourraient alors décoller de l'Est de l'Angleterre en utilisant d'abord ce réservoir, puis en le jetant dès qu'il a été vidé tout en réactivant le réservoir habituel. Voilà qui devrait leur donner la capacité de voler jusqu'à Aix la Chapelle.
- Que Dieu vous entende.
- Il vous entendra si vous imposez beaucoup d'expériences !
Quelques jours plus tard, le gouvernement Britannique exprima son refus que le Roi Edouard VIII épouse une femme divorcée dont les deux maris précédents étaient toujours parfaitement vivants (quel manque de savoir vivre !).
Le Roi Edouard VIII abdiqua le 2 Juillet 1936. Le Roi Georges VI le remplaça dans l'heure qui suivit.
Trois jours plus tard, Ortant eut une réunion avec les généraux Gamelin, Georges et Billotte.
Gamelin lui demanda :
- Veux-tu maintenant prendre ma place, vu que tu es déjà le dictateur du matériel ?
- En aucun cas. Je fais juste mon travail. Toi et Georges, vous devez continuer à faire des discours rassurants, vous allez voir les chefs d’Etats, vous discutez avec les politiques, vous discutez avec vos homologues.
- Et qui commandera pendant la guerre ? Parce que, au train où tu vas, nous serons en guerre d’ici peu.
- En apparence, rien ne changera. Mais dans la réalité, ce sera différent. Billotte peut avoir une rôle plus central, mais ce n’est pas sûr. Tous les trois, vous êtes vraiment un élément clé de notre dispositif. Lequel d’entre vous sera d’accord pour lancer la constitution d’armées blindées, tout en les baptisant d’un nom lénifiant ?
- Moi, mon fils est dans les chars, il est passionné par cela. Je les appellerai DCM, Division de Cavalerie Motorisée.
- Merci, général Billotte. Mettez une unité de chevaux à l’intérieur, cette unité disparaîtra le moment venu.
- Donc tu fondes en apparence la guerre future sur mes choix tactiques actuels, qui sont raisonnables et sûrs, mais tu n’en feras qu’à ta tête !
- Ce n’est pas idiot. Hitler et son OKW risquent d'être désorientés pendant au moins quelques jours !
- Dans tous les cas, vous trois, vous gardez vos privilèges et vous seuls gouterez la gloire des victoires et la descente des Champs Elysées. Mais votre silence doit être chirurgical, quoique vous pensiez du développement de la situation.
Ortant repartit à Prague. Le président Beneš l'y assura de sa fermeté.
Le général Français demanda que le pays de son hôte fabrique un maximum de ses chars de tous les types disponibles et que tous les soldats soient intensivement entraînés aux déplacements silencieux et aux techniques de camouflage.
Surtout, il demanda, si cela était possible à son hôte, de provoquer une réunion très discrète entre lui, des militaires tchécoslovaques et des militaires Russes.
Cette conférence se réunit en Janvier 1937, à 0700, dans un très ancien couvent de Bohème, particulièrement glacial en hiver.
Outre le président Beneš, trois généraux du pays-hôte étaient là, ainsi que deux généraux soviétiques dont Ortant n'avait, évidemment, jamais entendu parler.
Le général Français exposa le problème de la nocivité extrême de la doctrine de Hitler et du risque mortel que courraient la Tchécoslovaquie et, dans la foulée, la France.
Il montra les conséquences de ceci sur la survie de tous les pays d’Europe en soulignant l'enthousiasme inquiétant des soldats Allemands pour Hitler, à la fois en tant qu’homme mais aussi pour ses théories.
Il démontra que l'ensemble trouvait son origine dans la délirante volonté Prussienne du haut état-major du Reich depuis des décennies.
De ce fait, seule la destruction de la Prusse pouvait assurer la Paix en Europe. Les regards des officiers Russes furent instantanément beaucoup plus vifs.
Pour une telle opération, il faudrait disposer d'une force extrêmement importante et complexe, dotée de chevaux pour passer les marais du Pripiat, voire les terres de Mazurie, mais aussi de chars très rapides, de canons très puissants, d’avions nombreux et de navires.
Seule la Russie soviétique disposait d'une force aussi diversifiée et aussi importante.
D'un autre côté, la prise de Königsberg pouvait s'avérer une très bonne affaire pour la marine Russe.
A cet instant, le moins gradé des deux généraux Russes, se leva, s'excusa en Russe, quitta la salle, prit la voiture qui les avaient amenés lui et son collègues et se fit déposer dans un petit hôtel. De là, il téléphona à un ami vivant en Estonie qui, lui-même, téléphona ailleurs.
Deux heures et demie plus tard, deux nouveaux officiers généraux Russes apparurent. C'étaient les maréchaux Vorochilov et Thoukhatchevsky. La discussion, amicale et très minutieuse, dura jusqu'au lendemain 0300.
Tous ces hommes se couchèrent sur des lits Picot en très bon état, chacun dans une cellule de moine propre mais toujours aussi glaciale.
Le travail recommença le lendemain à 0800. A la fin de la journée, un accord avait été trouvé :
- Pour que l'Europe vive une paix durable, la Prusse devait perdre beaucoup de sa puissance, donc de sa substance. L'élément clef serait sans aucun doute la prise (puis l’annexion complète) de la Prusse Orientale et de Königsberg par la Russie soviétique.
- Pour déboussoler l'OKW (centre de commandement de la Wehrmacht), une attaque multi-fronts paraissait indispensable.
Le premier front, maritime et Français, devait entrer en action quelques heures avant le jour J par l'intermédiaire de mines à retardement déposées par des sous-marins.
- Les meilleurs sous-marins Français seraient envoyés pour être à poste dès le jour J, sur différents sites maritimes Allemands, à savoir :
- Kiel,
- L’embouchure de l'Elbe,
- Le débouché du canal de Kiel,
- Wilhelmshaven.
- Quatre sous-marins poseurs de mines seraient chacun placés au plus près d’un ces sites stratégiques pour y mouiller le plus intelligemment possible ses 32 mines.
- Toutes ces mines seraient des mines à activation retardées de 1 à 4 jours. Rien ne devait exploser avant le jour J. Dans la nuit précédente, elles devraient être posées en une ou plusieurs lignes, au gré de chacun des commandants, puis les sous-marins rentreraient pour s’approvisionner en mines et recommencer.
- Six 1 500 tonnes resteraient en retrait d'une centaine de nautiques pour couvrir les mouilleurs de mines puis, le cas échéant, pour augmenter la facture de la Kriegsmarine.
- Ils resteraient sur zone pour éliminer tout navire Allemand essayant de rentrer à son port d'attache.
carte modifiée par moi en Schéma d’attaque du Reich: Jour 1 : Mauve, Jour 6 : Bleu ciel, Jour 12 : Rouge |
L'attaque serait menée par les Tchécoslovaques que personne, en Allemagne, ne devait imaginer capables d'être aussi agressifs contre ceux qui se considéraient depuis toujours comme leurs seigneurs et maîtres.
Elle impliquerait quasiment toute l'aviation Tchécoslovaque qui aurait reçu, quatre jours plus tôt, une importante documentation photographique Française sur les cibles potentielles.
Pendant cette attaque, des commandos de l’armée de terre devraient miner les plus importantes routes donnant accès à leur territoire national.
Au matin suivant, l'Armée Française agirait de la même façon avec une attaque sur Pforzheim tout en conduisant aussi d’importantes préparations d'artillerie lancées sur divers sites.
Au début du sixième jour, la France devait lancer une attaque aéronavale sur Sylt, importante île de la Frise.
Cela devrait donner, initialement, l'impression d'une simple diversion : Après bombardement, un régiment de parachutistes s'emparerait par surprise de l'aérodrome, dont la piste, orientée au 280, était en plaques de béton standardisées, comme les chaussées des nouvelles Auto-Bahn.
Ensuite, les nouvelles barges légères de débarquement de la Marine Nationale allaient devoir déposer, au Nord et au Sud de l'île de Sylt, des véhicules blindés (constituant l'équivalent de deux gros GRDI, avec chacun 60 FM Mle 1924-29, 12 canons de 25 AA, 6 mortiers de 81, 25 automitrailleuses, 40 chars légers Renault 35, 250 motos, 45 voitures et 80 camions de 3.5 tonnes).
De longues discussions entre Ortant et les amiraux Français avaient déjà concerné Sylt.
La simple idée d’une projection de leurs forces pour soutenir un débarquement en Baie d’Allemagne rendait ces officiers très nerveux. Par contre, le commandant Barjot et l’amiral de Laborde s’étaient montrés enthousiastes.
Darlan avait souligné que l’île d’Helgoland était un nid de sous-marins et d’avions qui ne demandaient qu’à en découdre, ce qui était parfaitement vrai.
De Laborde rappela alors que le Béarn, même de loin, pouvait détruire les avions basés sur cette île et que les hydravions-torpilleurs du Commandant Teste pouvaient agir violement contre n’importe quel sous-marin.
Darlan annonça que le Dunkerque allait devoir tester les tirs à très grande distance avant l’opération.
Ortant avait promis que tous les aérodromes côtiers Allemands seraient bombardés entre Flensburg et Wilhelmshaven depuis le Jour 1.
Par contre, il admettait parfaitement que l’aérodrome d’Helgoland puisse être neutralisé par l’artillerie des croiseurs de bataille, dans la mesure où leurs tirs seraient tentés en limite de portée et réglés par avion.
Les amiraux, très inquiets pour leurs navires, avaient fini par aboutir à un consensus : Cette manœuvre ne serait qu’une diversion très sophistiquée qui ne dureraient pas plus d’un mois, au grand maximum.
Il leur paraissait évident qu’Hitler allait lancer des forces considérables pour reprendre l’île qui allait devenir le terrain de jeu de nos hommes.
Parce que Ortant avait emprunté en personne la digue Hindenburg quelques années auparavant, il put décrire sa structure étroite, donc nécessairement fragile, qui supportait une unique voie de chemin de fer pour des trains lents qui, sur un trajet total de 11 km s’étalant sur près d’une heure, avaient à traverser de l’ordre de 6 kilomètres de mer.
Il était donc hors de question de transformer ce passage en instrument de haut débit.
Quant à une contre-invasion Allemande depuis le continent, elle ne paraissait possible, si la digue était bloquée, qu’au moyen de barques à fond plat, certes capables de passer au-dessus des hauts fonds, mais incapables de transférer des armes puissantes.
Voilà qui ne faciliterait pas la reconquête Germanique.
Par ailleurs, les terres continentales proches, souvent inondées pendant les grandes marées, ne devenaient vraiment fermes qu’à environ 10 km du rivage de la côte Est de l’île de Sylt, ce qui rendait peu évident une présence sérieuse de batteries de canons lourds, à l’exception, peut-être, du 150 mm sFH 36, et encore, à condition de monter des patins de chenilles sur les jantes de leurs roues.
Le douzième jour, enfin, Staline devait envoyer son aviation et sa marine pour attaquer le cœur de la Prusse Orientale.
Dès la nuit, des cuirassés soviétiques, type Gangut, rajeunis depuis peu, devaient bombarder les plus importants points de résistance Allemands, en particulier près de Königsberg.
La totalité des bombardiers ANT 40 (ou SB) disponibles (environ un millier) devaient commencer leurs bombardements au lever de soleil aéronautique. Ils viendraient d'Ukraine ou de Biélorussie.
Ces bombardements seraient menés sans discontinuer. Ils allaient alterner avec des bombardements réalisés par des bombardiers lourds TB3 (255 km/h - 5 tonnes de bombes), dont environ 100 seraient employés initialement.
Les dés sont jetés
Le Lundi 1er Août 1938, le Président Edouard Daladier, en même temps qu'Henri de Kerillis, directeur du Figaro et député appartenant aux Républicains Nationaux, furent reçus par le général Ortant qui leur expliqua son problème :
- La France doit impérativement entrer en guerre contre l'Allemagne maintenant.
- En êtes-vous sûr ?
- Tout à fait !
- Quelle est l’urgence ?
- La nouvelle provocation du dictateur du Reich à propos des Sudètes Germanophones ne donne que deux possibilités :
La guerre maintenant, et alors nous pouvons la gagner, ou alors,
La paix, qui reviendrait à lui donner tout notre pays gratuitement.
- Mais nos alliés ?
- L’Angleterre n’a rien envie de faire pour nous, elle n’est vraiment pas très loin de la position Victorienne de 1870. En plus, elle n’a pas vraiment de force armée efficace.
- Même la RAF ?
- Elle doit avoir quelques escadrilles de Hurricane, mais ils ne sont pas aussi brillants que vous l’imaginez.
- Et la Pologne ?
- Elle déteste les Tchèques, ses voisins du Sud.
- Pourquoi entrer en guerre, dans ce cas ?
- Parce que la Wehrmacht est encore un peu en-dessous de notre niveau et parce que nous garderons l’alliance de la Tchécoslovaquie, pays qui est bien armé et qui dispose de fortifications très utiles.
- Quand voulez-vous entrer en guerre ?
- Cela devrait être fait dans un délai assez proche. Président Daladier, s’il vous plait, du fait de la propagande du Dr. Goebbels, le Premier Britannique va tenter d'obtenir une apparence de paix. La France ne doit certainement pas aller dans ce sens, je vous garantis que cette ‘’paix’’ ne durera même pas six mois.
Ortant s'adressa ensuite à de Kerillis :
- Vous êtes un excellent orateur. Si vous en êtes d'accord, Henri, j'aimerais que vous interpelliez le Président du Conseil sur la question Tchécoslovaque.
- Et vous voudriez que cette interpellation prenne plutôt une forme de suggestion, j’imagine ?
- Vous m’ôtez les mots de la bouche ! J’ai besoin que vous suggériez que la Tchécoslovaquie renvoie au Reich, et sans aucune brutalité, tous les citoyens Sudètes qui se veulent Allemands, mais en soulignant que, pour autant, ces gens ne peuvent en aucun cas être les propriétaires des territoires périphériques de la Bohême-Moravie qui permettent actuellement à ce pays de défendre correctement son territoire.
- Hitler ne va pas vraiment aimer !
- Ce n'est pas fait pour cela, monsieur le Président, bien au contraire. C'est juste pour préparer une déclaration de guerre qui devra être réalisée seulement quand je vous le demanderai.
- Vous voulez obtenir une surprise. C'est clair. Quand saurai-je la date de cette entrée en guerre ?
- Ne soyez pas trop impatient. Est-ce que 24 heures avant vous suffiraient ?
- Serons-nous meilleurs que pour la Bataille des Frontières de 1914 ?
- Nous l'espérons bien. Nous et nos Alliés sommes la main dans la main. Mais, de toutes les façons, nous n’avons pas le choix, c’est soit la bataille maintenant ou soit une épouvantable défaite l’an prochain.
Le Mercredi 10 Août, Henri de Kerillis interpela le Président du Conseil comme convenu. Edouard Daladier donna l’impression de découvrir cette proposition. Il la qualifia d’avancée très généreuse et promit d’y donner suite.
La surprise des parlementaires était évidente. A part Pierre Laval, tous les députés applaudirent debout.
Le soir même, l’ambassadeur Français à Berlin transmettait cette proposition au ministre Allemand von Ribbentrop qui cacha sa très mauvaise humeur sous une violente quinte de toux.
Le lendemain, le Volkische Beobachter exprima que la France ne voulait décidément pas d’amitié avec l’Allemagne Moderne.
Hermann Goering exprimait sa rage à qui voulait l’entendre.
Une semaine plus tard, toutes les permissions furent suspendues dans l’ensemble des armées Françaises.
Des manœuvres importantes étaient annoncées pour le 26 Août, certaines dans le département du Nord, près de Dunkerque, d’autres en Lorraine et d’autres encore dans les Vosges.
Les trois quarts des réservistes étaient rappelés pour y participer, l’objectif de ces manœuvres étant de ‘’familiariser les hommes avec des matériels nouveaux et des méthodes de combat nouvelles’’.
Les journalistes Britanniques accrédités-Défense en France furent étonnés de voir quelque chose qui ressemblait à une mobilisation partielle mais la décontraction évidente des officiers de haut rang ne les amenait pas à découvrir quoique ce soit.
L’amiral Canaris, parfaitement au courant de cette agitation, ne nota alors aucun signe d’une réelle mobilisation.
Dans son rapport envoyé à Hitler le dimanche 14 Août, il stipulait : ‘’Rien de vraiment nouveau n’affecte l’Armée Française nulle part’’.
Il signala juste que les performances réelles du chasseur Nieuport 161 semblaient avoir été un peu sous-estimées par ses services. A partir des observations de ses agents, il évaluait la production totale de ce chasseur à moins de 400 exemplaires opérationnels, dont il fallait probablement retrancher une cinquantaine d’avions perdus par accidents et ceux en réparation.
Il consacrait l’essentiel de son rapport à analyser les qualités des nouveaux cuirassés Britanniques. Ces navires pourraient menacer les nouveaux croiseurs de bataille de la classe Scharnhorst, parce que leur blindage de protection était particulièrement épais.
Il soulignait la faiblesse de leurs système anti-aérien.
Jour -1
Espace aérien au-dessus des côtes de la Frise Allemande – Côté Alliés
Les Bréguet 694 A2 des escadrilles 1 et 2 de la 33ème escadre de reconnaissance stratégique décollèrent à 0800 respectivement de Dunkerque et de Prague. Ils avaient passé toute la semaine précédente à photographier minutieusement les zones bordant les frontières Tchèques et Slovaques.
Ceux du 1er Groupe partaient photographier les deux îles d’Helgoland et la plus grande partie des aérodromes qui étaient au Sud-Est de cette île.
Ils arrivèrent du Nord-Ouest, comme s’ils venaient des îles Féroé, et, leurs photos enregistrées, ils repartirent pendant quelques minutes dans la direction de l’Ecosse avant de piquer à grande vitesse au Sud-Sud-Est pour revenir en France.
Ceux de l’autre groupe partaient traiter les aérodromes qui étaient au Nord et à l’Est de Helgoland.
Ils s’envolèrent depuis Prague plein Nord, passèrent à l’Ouest de Dantzig en atteignant une haute altitude.
Ensuite, ils coupèrent la côte Est du Jutland à la hauteur correspondant à la meilleure trajectoire de survol de leur objectif puis, les photos prises, ils prirent le cap de retour le plus sûr pour assurer leur survie.
En début de soirée, Hitler dit à Hermann Göring :
- Tu te souviens, Hermann, des manœuvres Françaises qui ont été annoncées récemment ?
- Evidemment !
- Canaris m’a informé ce soir qu’elles ont été reportées. Tu te souviens, Raeder était si inquiet ! Tu vois, les Français ne feront rien pour la Tchécoslovaquie, je te l’avais dit. Tu peux te détendre ! La proposition de Daladier de nous renvoyer nos Sudètes sans leurs terres trahissait juste l’inquiétude des Français devant notre Wehrmacht.
- Et, encore, ils ne savent pas tout des capacités que notre IIIème Reich est en train de s’assurer. Loin de là !
Jour 0
Au large des côtes de la Frise Allemande – Côté Alliés
Les 4 sous-marins Français mouilleurs de mines disponibles étaient en place près des différents sites Allemands. Ils devaient agir très silencieusement pendant la nuit précédant le jour 1.
Le Rubis était arrivé devant Kiel après une longue route nocturne en partie sous-marine par le grand Belt. Il posa ses mines en 3 lignes très peu denses pour éviter un dragage trop facile.
La Perle était postée au débouché du canal de Kiel, de l’autre côté du Jutland. Elle y déposa ses cadeaux sur une longue ligne qui présentait quelques trous.
Le Nautilus avait la lourde tâche de miner l’Embouchure de l'Elbe, puis d’en ressortir en évitant, lui-même, de sauter sur les mines déposées par la Perle. Il mena sa mission à son terme avec brio.
Le Diamant devait miner les accès à Wilhelmshaven et Bremerhaven. Son commandant remonta une partie de l’estuaire de la Weser et plaça 4 lignes de 8 mines de manière assez dispersée.
Cette première mission de guerre fut un succès et tous ces navires retournèrent en France pour se réapprovisionner.
Espace aérien au-dessus des côtes de la Frise Allemande – Côté Allemand
Le général Kesselring fut informé le lundi 15 Août que plusieurs avions très rapides avaient volé, isolément, chacun à la verticale d’un des aérodrome du Schleswig ou du Holstein.
Il trouva une telle coïncidence très surprenante.
Le radar Freya d’Helgoland avait détecté un objet volant venant apparemment d’Islande mais qui était reparti vers l’Ecosse à plus de 500 km/h. C’était totalement inattendu !
Quelques ‘’vieux’’ Bf 109 B s’étaient bien envolés à sa poursuite, mais, très vite, ils avaient rebroussé chemin tellement la supériorité de vitesse de l’objet poursuivi était impressionnante pour leurs pilotes.
La vitesse-même de cet avion interdisait d’imaginer qu’il soit Tchécoslovaque, car le prototype du nouveau chasseur n'avait pas encore fait ses vols de performance.
On pouvait rêver qu’il se soit agi d’un seul et même avion, donc un prototype, mais les heures de chacune des observations d’avions dans des zones assez éloignées les unes des autres s’étalaient dans un laps de temps bien trop court pour coller à cette théorie.
Kesselring, très surpris, n’imagina pas une seconde que des Français aient pu avoir un tel culot, surtout dans l’atmosphère de conflits sociaux très durs qui caractérisaient encore leur actualité.
Il admettait la possibilité d’une action d’origine Britannique mais le premier ministre Chamberlain lui paraissait incapable d’une telle duplicité. Il décida de s’en ouvrir au Dr Goebbels, dont il connaissait la vive intelligence.
Celui-ci le remercia d’avoir porté ces faits à sa connaissance. Il élimina une origine Italienne ou Américaine. Alors, il se posa la question d’une origine Japonaise : Les Japonais disposaient de puissants porte-avions et d’avions très modernes volant très haut.
Le jour suivant ne vit aucune activité aérienne Française au-dessus du territoire Allemand.
Jour 1
En France, à 1300, le Mardi 16 Août 1938, le gouvernement déclencha une mobilisation partielle et, au même moment, l'ambassadeur de France André François-Poncet remettait la déclaration de guerre de la France à son Excellence Joachim von Ribbentrop, Ministre des affaires étrangères du IIIème Reich, dont il nota l'extrême surprise.
Le personnel de l'ambassade fut évacué très calmement par voie aérienne.
Une alerte maritime fut émise par le Foreign Office Britannique à destination des sujets du Royaume effectuant des voyages par mer ou par air vers l’Allemagne soient différés sine die.
De son côté le Ministre Ribbentrop avait déboulé à la Chancellerie. A sa grande surprise, il y était déjà attendu par Hitler et tous les ministres importants du Reich. Il comprit pourquoi en voyant l’amiral Canaris.
Hitler, souriant, lui fit remarquer :
- Mon cher Joachim, vous êtes venu nous annoncer que la France est en état de guerre avec nous, mais Canaris déjà m’avait prévenu depuis quelques jours de cet état de fait irréversible. Qu’en est-il de l’Angleterre ?
- Pour le moment, je dirais que c’est le calme total. Le premier Chamberlain est injoignable.
- Pensez-vous que ce soit une conséquence de nos manœuvres ?
- Je dirais que le Mur de l’Ouest, nos manœuvres et les Sudètes peuvent avoir constitués une bouchée indigeste. Ce qui m’étonne, c’est que Gamelin ait très bien reçu notre attaché militaire hier matin.
- Canaris, êtes-vous sûr que Gamelin commande encore l’armée Française ?
- Le système Français n’a rien avoir avec le nôtre. On n’y démet pas le patron de l’Armée sans de nombreuses consultations préalables.
- A la bonheur !
- Cependant, mon Führer, je vous fais remarquer qu’ils ont déjà fait revenir une partie de leurs réservistes et que notre système d’écoute a beaucoup de difficulté à dessiner la situation tellement les ondes radios Françaises sont saturées.
- Mais vous me disiez le mois dernier qu’ils n’employaient jamais les ondes Hertziennes !
- Cela a changé très récemment. En plus, aucun de nos 7 Dornier 215 qui avaient été envoyés photographier leurs diverses fortifications dans les trois derniers mois n’est rentré à la maison.
- Ça, c’est très inquiétant, Hermann ! Cela signifie que nos ennemis ont la maîtrise de l’air.
- Je n’en suis pas vraiment persuadé. Nous avons noté des décollages de Spad 510 à chaque fois.
- Mais ce sont des biplans périmés !
- Oui, mais ils montent très vite très haut, donc ils peuvent rattraper nos Dornier juste en piquant dessus à 600 km/h.
- Vous croyez à cette théorie, vous, Udet ?
- Pour un Do 17, pourquoi pas, mais pour tous les 7, non.
- Expliquez-vous.
- Ce n’est pas un seul de nos avions-espions qui a disparu, mein Führer, c’est l’effectif d’une escadrille complète. Ses avions partaient d’endroits différents et à des heures sans aucune relation. Il y a un côté systématique qui ne cadre pas avec une simple multiplication de mauvaises rencontres dues au seul hasard. Nos avions étaient donc attendus, et c’est le signal que le Français refuse de nous voir survoler son territoire. Il a donc mis des avions en vol à des altitudes moyennes, il entend venir nos engins et alors il dépêche ses intercepteurs pour les détruire. Comme nos avions photographes volent très haut, une fois détériorés, leurs occupants ont peu de chance de survivre.
- A quelle altitude volent-ils ?
- A plus de 8 000 m, j’imagine environ 8 500 m. Il fait vraiment très froid et l’oxygène est quasi absent.
- Est-ce que le nouveau système Freya ne pourrait pas nous fournir des images plus précises de ces interception ?
- Nous allons le réussir, mein Führer !
Au large des côtes de la Frise Allemande – Côté Alliés
Les six 1 500 tonnes de la classe Redoutable s’étaient formés en 2 groupes, deux sous-marins surveillant le trafic sortant du Skagerrak (sortie de la Baltique vers la Mer du Nord) et les 4 autres s’occupant des navires Allemands venant de la Mer du Nord.
A 0500, donc en fin de nuit, le Casabianca repéra un sous-marin Allemand de 750 tonnes qui naviguait en surface vers Helgoland et le commandant Sacaze lui décocha une torpille qui fut mortelle.
Ce fut un véritable coup de chance car plusieurs navires ennemis furent lancés aussitôt contre lui, dont le croiseur léger Leipzig et 5 destroyers. Le croiseur reçut la seconde torpille du Casabianca alors qu’il était encore relativement éloigné de Wilhelmshaven. Le navire, très endommagé, essaya de rentrer au port mais il s’échoua sur un haut fond. La thèse du torpillage n’était pas contestable.
Deux des destroyers qui l’escortaient foncèrent sur un innocent sous-marin Hollandais qui avait eu le malheur d’avoir fait un peu trop de bruit et dont l’histoire prit fin prématurément sans que personne ne le sache vraiment (l’histoire ne fut connue qu’un peu plus tard, lorsque ce sous-marin fut découvert, remonté, et que l’on découvrit que toutes ses torpilles étaient encore à poste).
Le Casabianca rajouta un des deux destroyers à son palmarès.
Quatre autres U-Boot sautèrent sur des mines avant la fin de la journée. Pour le coup, les sorties de chaque port Allemand furent draguées.
Les autres 1 500 tonnes Français ne réussirent aucun joli coup ce jour-là, uniquement parce que l’alerte avait été donnée partout. Ils se rattrapèrent dès le lendemain, éliminant 4 nouveaux sous-marins.
Tchécoslovaquie - Côté Alliés
La première attaque, Tchécoslovaque, commença, le Mercredi, à 1800, par de nombreux bombardements d'aérodromes et de parcs militaires Allemands situés à moins de 30 kilomètres de la frontière Tchèque.
Trois cents bombardiers Letov 328 et cinquante bombardiers Bloch 200 construits sous licence avaient fait un long détour soit au-dessus de la Pologne, soit au-dessus de l’Autriche pour revenir par leurs cibles
Une douzaine de bombardiers Amiot 144 venus de Nancy avaient également participé à cette action.
Impliquant toute l'aviation Tchécoslovaque sur des cibles identifiées par les Français, cette offensive déclencha beaucoup d'incendies dans la partie Nord-Est de l'Allemagne.
Peu de canons de Flak étaient armés au moment de l’attaque. Du coup, leurs servants et leurs cadres, très surpris, n'avaient apparemment pas eu le moyen de savoir qui étaient leurs attaquants ni d’où ils venaient.
Des projecteurs avaient illuminé brièvement la nuit tombante mais la plupart d’entre eux avaient été aussitôt détruits par les tirs de mitrailleurs des bombardiers.
La Flak, tirant donc de manière quasi aléatoire, n’obtint guère de résultats tangibles : Un Letov fut abattu, 12 endommagés, de même que 5 Bloch 200 dont les équipages ne déploraient aucun blessé.
Profitant de cette attaque, des commandos d’infanterie Tchécoslovaques avaient miné l'essentiel des grandes voies d'accès terrestre à leur territoire national.
Lorsque l'Aviation Tchécoslovaque fut rentrée chez elle, les commandos terrestres s’étaient déjà repliés en sécurité chez eux sans aucune perte.
Ils ne s’étaient pas fait remarquer, ce qui allait être essentiel pour la suite des opérations.
Tchécoslovaquie - côté Allemand
A 1840, le général Walter von Reichenau, chef de la 6ème armée, avait enfin compris que l’attaque était venue des Tchécoslovaques eux-mêmes. Il apprit 10 minutes plus tard que le IIIème Reich avait enfin lancé sa mobilisation générale.
Maintenant, et après ce que ses hommes venaient de subir, il était devenu particulièrement méfiant.
Cette attaque surprise venait de gens dont il était, et avait toujours été convaincu, jusqu’à ce jour, qu’ils aimaient, ou, tout au moins, qu’ils acceptaient l’Allemagne.
Il réunit son état-major. Son plan initial comportait trois actions, les deux premières devaient être simultanées :
- Une action suivant un axe Nord-Sud de Dresde vers Prague,
- Une seconde action de Nuremberg vers Pilsen,
- La troisième action, bien plus sophistiquée (mais très risquée), se placerait à l’intérieur même du territoire proprement Tchèque. Mais elle ne pouvait être lancée qu’après la réussite des deux autres.
Ces trois actions étaient initialement destinées à disperser les forces Tchèques, parce qu’il pensait, comme beaucoup de ses collègues, qu’une attaque surprise puissante détruirait la cohésion des armées ennemies.
La troisième action devait être un lâcher de parachutistes sur les arrières ennemis, vers Teplice. Mais, si les Tchèques employaient leurs chars contre ses hommes, ces guerriers longuement et brillamment entraînés disparaîtraient de la surface terrestre sans avoir donné au Reich tout ce dont il avait besoin : Une éclatante victoire.
Il décida de tester l’ennemi et, pour cela, il lança un régiment de blindés contre la soi-disant ‘’Ligne Maginot Tchécoslovaque’’. Pour cela, à 1900, il déclencha une préparation d’artillerie de canons de 150 mm K 16 directement contre les fortifications dont toute la Wehrmacht connaissait la position exacte.
La ligne de feu illumina 4 ouvrages qui ne pouvaient pas répliquer à des tirs de batteries aussi lointaines, capables de tirer à plus de 20 km.
Dix minutes plus tard, Reichenau lui-même entendit les moteurs des petits bombardiers Letov 328 et ordonna instantanément de cesser le feu et de s’abriter.
Les Tchèques avaient donc réarmés leurs bombardiers avec une remarquable célérité ! Ils avaient donc prémédité tout cela de longue date !
Les avions lancèrent au jugé les bombes légères dont ils étaient chargés sur les zones dont les pilotes avaient le souvenir visuel.
Cela n’augurait pas d’une grande précision, ce qui se confirma rapidement, d’autant plus que chaque homme s’était abrité, comme l’entraînement les avait préparés à le faire.
Cependant, une cinquantaine d’artilleurs furent blessés, en général légèrement.
Deux heures plus tard, une trentaine de blindés Allemands en provenance de Dresde se lancèrent à titre exploratoire sur la route de Prague, orientée à peu près Nord-Sud.
Reichenau avait en même temps envoyé un message très précis au Führer, recommandant une très grande prudence face aux pays de la Petite Entente qui semblaient avoir accumuler une puissance morale totalement inattendue.
Il observa la manœuvre après avoir imposé que les véhicules soient espacés de trente mètres les uns des autres. La colonne avançait à 30 km/h. La route elle-même s’élevait doucement par des courbes majestueuses.
Les 2 attaques de von Reichenau (au Nord) et de Höpner (à l’Ouest) – Cette carte, modifiée par moi, est issue d'un atlas du National Geographic |
Cent mètres après l’entrée dans la première zone forestière, une explosion retentit et l’automitrailleuse piégée commença à brûler d’un feu d’enfer. Des hommes criaient.
La colonne revint immédiatement en arrière, ce qui n’empêcha pas un char Pz I de sauter à son tour, mais cette nouvelle mine avait seulement coupé la chenille droite, blessant très légèrement un des deux occupants.
La chenille fut vite réparée, l’ennemi étant maintenu sous la menace de tirs aléatoires de 150 mm.
Tous les rescapés rentrèrent rapidement.
Von Reichenau fit avancer quatre mortiers de 81 mm pour bombarder la route. Les 50 marmites tirées déclenchèrent 3 explosions sur une distance de 150 m, ce qui laissait prévoir une distance moyenne de 50 m entre deux mines.
Il envoya ses pionniers pour voir s’ils pouvaient détecter puis désamorcer ces mines. Bien sûr, certains de ses collègues l’accuseraient de faiblesse, mais lui, il savait qu’une guerre est un monstre anthropophage. Alors, mieux valait préserver la vie de ses hommes.
Une heure plus tard, une cinquantaine de mines avaient été désamorcées quand un obus fracassa le camion qui devait emmener toutes ces dangereuses marmites en sécurité. L’explosion eut des conséquences tragiques pour 26 démineurs.
Reichenau, excédé, ne voulait pourtant pas perdre trop de temps.
Son chauffeur personnel, très habile en conduite sportive, lui proposa une solution hardie consistant à utiliser la Mercedes Benz 770 blindée du général pour monter à grande vitesse sur un ou deux kilomètres cette route qu’il connaissait par cœur. Il pensait que les 4 tonnes de cette puissante voiture lancée à plus de cent kilomètres / heure suffiraient pour faire détonner les mines.
- Je connais votre remarquable habileté, Kurt, mais vous ne pourrez rien faire contre les 37 mm antichars qu’ils n’auront pas oubliés de placer de part et d’autre de cette route. Mais je pense que nous allons faire comme eux.
Il se tourna vers les micro de transmission de ses ordres :
- Quatre compagnies de front vont remonter l’environnement de la route, chacune sur 300 m de large de chaque côté. Vous arrosez les environs tous les 100 mètres avec vos armes automatiques, ensuite vous écoutez pour savoir ce qui est autour de vous. Deux bataillons vont vous suivre pour vous aider, chacun avec deux compagnies d’artillerie de cavalerie.
Reichenau fit avancer un régiment d’élite. Ces hommes avançaient en rampant lentement dans la forêt. Ils utilisaient des instruments acoustiques et des chiens.
Les accrochages furent nombreux.
A 5 heures du matin, les champs de mines tchèques n’existaient plus.
Maintenant, les blindés pouvaient passer !
Le général lança enfin la colonne blindée qui avait pour mission de trouver des zones protégées sur le trajet.
Trente neufs minutes plus tard, il était arrivé en terre de Bohème et en prévint l’OKW.
Il voyait enfin dans ses jumelles les lumières des bâtiments de Teplice.
Ensuite, il appela par radio un de ses lieutenants qui disposait d’une bonne brigade blindée à Nuremberg :
- Erich, là où je suis, les Indiens ont placés sur mon chemin de magnifiques feux d’artifices pour nous souhaiter la bienvenue.
- Donc, tu espères que je vais en bénéficier aussi ?
- Ce serait mérité, je pense que tu vas te régaler.
- Quelle joie ! Donc, je vais me dépêcher de les rejoindre.
- Tu as raison. Eux aussi en seront vraiment très heureux.
Le général Erich Höpner décida donc de lancer ses blindés en direction de Pilsen.
Ses chars passeraient en seconde ligne, les automitrailleuses devant ouvrir la route rapidement jusqu’à ce que l’artillerie des fortifications soit trop dangereuse pour elles.
L’attaque commença parfaitement, mais après un peu plus d’un kilomètre, certains des véhicules découverts reçurent des bouteilles d’essence enflammées. Les dernières voitures de la file tournèrent casaque : Les équipages voulaient que leurs voitures soient couvertes avant de repartir à l’assaut. Qui aurait pu leur en faire grief ?
Les Panzer I avaient avancé et tiraient avec entrain.
L’Infanterie de couverture ennemie recula.
Höpner était très satisfait et en informa son chef
Tchécoslovaquie - côté Alliés
A Prague, le président Beneš, déjà satisfait de l’efficacité de son aviation, avait été informé à 1905 des actions menés par la Wehrmacht contre les fortifications.
Il lança la mise en position des forces de réponse rapide. La surprise des assaillants serait intéressante à observer.
Le général Pavel Novotny, défenseur désigné de la ville de Teplice, avait organisé une zone de résistance articulée sur 12 batteries de canons de 75 mm Français organisés en quinconce lâche.
Ces batteries protégeaient des batteries antichars de 47 mm. La plupart des canons étaient pointés, globalement, vers le Nord.
En plus, il disposait, heureusement, de 140 chars LT-35 qu’il divisa en 2 groupes.
Un premier groupe était placé derrière la rivière Bilina pour pouvoir protéger ses arrières immédiats et l’autre, derrière l’Ohre, pour protéger la route de Prague.
Le tout était admirablement camouflé.
Jour 2
Tchécoslovaquie – Teplice – côté Alliés
A 0420, les élément d'avant-gardes des forces Allemandes d'Höpner devinrent enfin visibles.
Ils avançaient normalement, sans tirer. Les soldats Allemands n’avaient donc pas détecté leurs adversaires. L’essentiel des véhicules étaient des semi-chenillés et des Pz I, bien connus depuis leur emploi dans la Guerre d’Espagne.
Novotny ordonna le tir de l’artillerie moyenne sur les arrières des éléments Allemands les plus proches. Les 48 canons de 75 mm tirèrent en feu continu, au rythme relativement élevé de 12 coups / minute.
Dans le tohu-bohu de la bataille, personne n’avait remarqué les tirs très précis (mais bien moins bruyants) des canons antichars Tchécoslovaques.
Après 20 minutes de folie, le feu perdit de son intensité. La colonne Allemande avait perdu bon nombre de ses véhicules qui brûlaient en obstruant tout passage.
Novotny modifia sans perdre de temps les emplacements de ses batteries, s’attendant à des tirs de contre-batterie par des canons lourds. Mais ces tirs ne vinrent pas. Vers 1300, il demanda à une escadrille de chasse de vérifier ce qui constituait son environnement.
Il apprit, en milieu de la nuit suivante, que des escarmouches avaient eu lieu à l’entrée de la route menant de Nuremberg à Pilsen. Finalement, sa journée était très positive.
Washington – USA - Neutres
Le téléphone sonna désagréablement dans le bureau du Secrétaire d’Etat.
- Cordell Hull à l’appareil…
- Je suis Ed. Murrow, de la CBS. Je ne suis pas sûr que vous soyez au courant des derniers développements de ce qui se passe dans la crise des Sudètes
- Vous parlez du voyage du premier Britannique à Bad Godesberg pour sauvegarder la Paix ?
- Non, d’ailleurs, ce voyage n’a plus aucune de chance d’avoir lieu.
- Pourquoi ? Vous devez savoir pourtant que le Président soutient totalement cette avancée pour la Paix.
- Les Tchèque et les Français ont déclaré la guerre au IIIème Reich !
- Comment cela ! C’est officiel ?
- Absolument. Et les opérations militaires ont commencé.
- Pourquoi n’en sommes-nous pas informés ?
- La couronne Britannique a déconseillé formellement à ses ressortissants de voyager vers le Reich. D'un autre côté, Hitler n’a pas voulu entacher sa réputation d’homme irrésistible ! Donc personne n’en a parlé. Il y a déjà eu des contacts très chauds depuis 2 jours, en particulier en mer, nous pensons que les Français ont coulé des navires Allemands avec des mines. La déclaration de guerre a eu lieu le 16 Août à 13 heures, heure de Berlin. Les hostilités sérieuses ont commencé sur l'heure.
- Alors la Wehrmacht est entrée en Tchéquie comme elle était entrée en Autriche en Mars dernier…
- Pas du tout, Cordell… Les opérations importantes ont été lancées par l’aviation Tchécoslovaque contre une série de bases militaires Allemandes.
- Cela a-t-il donné quelque chose ?
- Ils ont fait sauté des dépôts de matériel et d’essence. L’armée du général von Reichenau a perdu entre 100 et 300 hommes, selon mes sources.
- C’est insignifiant !
- Peut-être pour vous, mais pour Hitler, c’est très humiliant, car, pour la première fois ‘’on lui a renvoyé la monnaie de sa pièce’’ comme disent les Français.
- Justement, que font les Français ?
- Ils ont symboliquement participé à la sauterie d’hier-soir en Bohème, mais il semblerait qu’ils aient eu un rôle plus important ailleurs.
- Mes service n’ont rien vu !
- C’est normal. Nous, les radio-journalistes, nous avons beaucoup de monde partout en Europe, mais vos agents, comme Robert Murphy, sont présents essentiellement à l’intérieur des colonies Française.
- C’est la politique de Franklin, que voulez-vous ! Comment avons-nous pu être aveugles à ce point ?
- Je n’en sais rien.
- Que font les Polonais ?
- Ils sont fuyants. Ils n’aiment pas les Prussiens mais ils les connaissent et croient savoir les amadouer. Par contre, ils haïssent franchement les Russes.
- Et vis-à-vis des Français ?
- Ils en profitent très souvent mais ils n’iront jamais en guerre pour eux !
- Donc les Français vont être défaits…
- C’est possible, mais alors, pourquoi se lancent-ils dans cette guerre !
- Bon, Ed, merci de votre appel ! J’ai beaucoup de travail à rattraper.
Cordell ne lâcha pas son téléphone.
- La Maison Blanche ? Ici Cordell, passez-moi Franklin !
- Bonjour Cordell, avez-vous de bonnes nouvelles pour moi ?
- Des nouvelles, sûrement. A vous de les qualifier.
- Allez-y !
- La France et la Tchécoslovaquie ont déclaré la guerre à Hitler et ont commencé les opérations dans la foulée.
- Daladier et Beneš sont devenus fous. Ils n’en ont pas les moyens !
- Pourtant, ils l’ont fait.
- Que fait Chamberlain ?
- Le connaissant, il enrage silencieusement. Mais il n’a rien exprimé. Les Français, en agissant ainsi, ont détruit toute relation avec les tenants de l’Appeasement-Politik.
- Serait-ce lié à l’abandon de leurs gros cuirassés ?
- Pour le Richelieu et le Jean-Bart, ils ne sont plus prioritaires, mais leur construction reste possible. Ce sont les six suivants qui sont abandonnés définitivement.
- Mais ne croient-ils plus à la Marine ?
- Si, mais ils croient davantage dans les porte-avions. Et puis, l’Allemagne est à leur contact immédiat. Mais, par les British, je sais que leur flotte manœuvre souvent autour de l’Islande et de la Norvège, même en hiver !
- Avez-vous eu un contact avec le sénateur de La Grange ?
- Non, aucun. Cela m’étonne. Et les huiles de chez Curtiss n’ont encore reçu aucune offre après l’essai que vous aviez accordé à Mr Rozannoff.
- C’est bizarre. Que fait Mussolini ?
- Il a fait un discours devant le Grand Conseil Fasciste. Il n’y critique ni la France, ni la Tchécoslovaquie. Il regrette fortement que le Reich ait soulevé la question des Sudètes dans un monde déjà instable.
Londres – Royaume uni (Neutre)
Au Royaume Uni, la nouvelle du déclenchement de la guerre Européenne fut particulièrement mal vécue par le Premier Chamberlain.
Il demanda audience au Roi Georges VI qui l’accueillit à 0600 avec son exquise éducation habituelle.
- Mon ami, vous avez une petite mine. Est-ce vous allez bien ?
- Votre Majesté, c’est effrayant ! Tout va mal ! La Petite Entente combat contre le Reich du Chancelier Hitler depuis cette nuit même, sans même m’en avertir, et, tout cela alors que j’avais tout organisé à Bad Godesberg, pour aller rendre visite au dirigeant du Reich dans deux jours. Maintenant, et à cause de ces imbéciles de Français, la Paix, notre Paix, n’est plus possible !
- Oui, je le sais, mais ce que vous appeliez très justement ‘’votre Paix’’ était un faux semblant qui cachait l’esclavage auquel vos amis et vous condamniez tous les Européens.
- Comment cela ?
- Reconnaissez-le, nos troupes ne sont plus concernées, donc vous ne risquez pas de voir votre nom associé à des listes de soldats Britanniques perdus au feu : C’était bien ce que vous vouliez, non ?
- C’est vrai, mais maintenant, nous n’allons plus avoir la moindre influence sur le règlement du conflit !
- Exact, en tout cas si la France gagne, car le droit de parler repose toujours sur le sang versé au combat. Pourquoi pensez-vous que le Président Wilson, il y a 21 ans, avait eu l’idée d’envoyer ses boys combattre en France ?
- Je ne me suis jamais posé cette question !
- Cela n’avait rien à voir avec la dette de sang due aux Français envoyés par Louis XVI pour battre nos ancêtres. Mais cela avait tout à voir avec l’idée que Wilson avait de mettre les USA à la première place dans le Monde, exactement comme l’avait fait, avant lui, son prédécesseur Théodore Roosevelt.
- C’est donc un pure calcul…
- Absolument. Maintenant, réfléchissez un peu, cher ami, si la France perd cette nouvelle guerre, comme tous vos amis partisans de l’Appeasement le souhaitent ardemment, cela va faire, illico presto, cadeau du port d’Anvers à Hitler, ce qui serait loin de faire nos affaires, j’imagine que vous comprenez cela, quand même ? Non ?
- Cela ne peut pas arriver, voyons !
- Que pensez-vous pouvoir faire si Hitler lance un plan Schlieffen passant par les Pays Bas et la Belgique ? Vous n’avez vraiment jamais l’air de comprendre les conséquences stratégiques de votre politique ! Si vous voulez éviter que Anvers ne devienne ‘’Hitlershafen’’ dans les quinze jours qui viennent, je vous conseille de préparer une puissante assistance militaire à la Belgique !
- Seigneur, mais pourquoi cela arriverait-il ?
- Allez le demander à vos généraux, ils devraient être capables de vous l’expliquer. Mes amitiés à votre si délicieuse épouse !
Le Premier Chamberlain s’esquiva, déconcerté. Son nouveau Roi ne semblait pas du tout partager son avis sur la politique Britannique suivie depuis 1919 !
Son ministre de la Défense l’attendait au 10, Downing Street, visiblement tendu, et flanqué de ses 3 chefs d’état-major.
- Lord Chatfield, pensez-vous vraiment que la Belgique puisse être attaquée par Hitler ?
- Oui, cela va arriver incessamment et nous n’avons rien pour aider les Belges.
- Nos avions, nos chars, ce n’est pas rien tout de même !
- A ce jour, les Allemands possèdent 592 chasseurs ultra-modernes Messerschmitt 109. En face, nous avons trois squadrons de Hurricane, soit 54 avions, les seuls qui puissent être efficaces pour l’instant, et quatorze squadrons de Gladiator soit 252 avions qui semblent issus de la dernière guerre mais qui descendront probablement des bombardiers Allemands.
- Et pour les Spitfire ?
- Nous en avons juste 11 exemplaires susceptibles de combattre, mais ils ne sont vraiment pas au point. Leurs ailes se gondolent pendant les tirs, ce qui rend ceux-ci inopérants 2 fois sur trois
- Et le Gloster Ghost ?
- Nous en avons déjà deux squadrons dont les pilotes sont satisfaits. Donc, au total, 353 avions dont seuls 101 peuvent être efficaces sur le continent. Dans le meilleur des cas, nous serons à un contre deux. Mais nous avons 400 Fairey Battle et…
- Et, pour les chars ?
- Nous avons exécuté les ordres reçus du comité, vous avez 200 Cruiser à blindage avant renforcé, mais ils ont toujours des QF 2.
- Vous en donnez 90 à l’armée Belge dès demain matin et vous entraînez tous nos tankistes sur les autres de manière à ce que tout nouveau tank produit soit immédiatement opérationnel, chez nous ou en Belgique.
- A vos ordres.
Vittel – côté Alliés
A 0650, l'Armée Française frappa l’Allemand de façon similaire à celle employée par les Tchécoslovaques. Cela concerna les casernements de Pforzheim, mais aussi tous les aérodromes Allemands situés à moins de 150 km de la frontière Alsacienne.
Un peu plus de deux cents bombardiers Bréguet 462 participaient à cette action, protégés par huit groupes de 20 Nieuport 161.
La Luftwaffe n'eut pas le temps de réagir efficacement car les Nieuport avaient ouvert leur palmarès instantanément au détriment des Bf 109 Dora rencontrés par grappes parcimonieuses.
La Flak de 20 mm avait beaucoup tiré, bien sûr, mais des Potez 633-B, légèrement blindés, avaient aussitôt visé chacun des postes qui avaient ouvert le feu, ce qui les avait rendus bien plus silencieux.
Cinq bombardiers Français avaient quand même été abattus.
Une importante préparation d'artillerie lourde Française fut également lancée sur diverses positions Rhénanes, en particulier sur des fortifications, des voies ferrées et même sur deux trains qui passaient à portée des canons 194 GPF.
Les troupes Allemandes stationnées dans cette région avaient été très surprises. Ce bombardement causa de lourdes pertes en leur sein.
Une tentative de contre-attaque aérienne fut tentée par la Luftwaffe l'après-midi même par 144 Junkers 86, rangés en six formations assez serrés de 24 bombardiers.
Chacune de ces formations était protégée par 12 Messerschmitt 109 B, C ou D.
Ces bombardiers visaient officiellement Nancy, mais aucun n’y arriva.
Par contre, à la fin de cette première journée de guerre, un joli bouquet de 112 victoires avait été offert par la Luftwaffe aux pilotes de Nieuport 161 dont quatre étaient devenus des as en une seule sortie.
Le soir-même, Ortant reçut un coup de fil du Commandant Murtin.
- Général, le général d'Astier de la Vigerie m'a demandé de vous rendre compte des opérations de cette journée.
- Je vous remercie. Commencez donc par les mauvaises nouvelles.
- Sept de nos Nieuport ont subi d'importants dégâts et un de nos pilotes, qui avait pu rentrer à sa base bien que blessé à la tête, est actuellement entre la vie et la mort.
- Espérons dans le talent de nos chirurgiens et de nos médecins. Est-il seul à avoir été aussi gravement blessé ?
- Oui, et cela étonne nos anciens.
- Pourquoi ?
- Ils s’attendaient à des pertes en personnels considérablement plus fortes, eu égard au nombre des victoires.
- Quid des avions très endommagés ?
- Tous réparables d'ici 24 heures, mais, évidemment avec des mécaniciens à mettre au vert très rapidement
- Et nos bombardiers ?
- Cent quatre-vingt-seize sont rentrés, mais, bien sûr, une bonne vingtaine ont reçu des dégâts très sensibles et sont en réparation. Parmi les équipages, il y a 6 blessés qui sont en cours de soins, mais sans inquiétude sérieuse.
- Qu'est-ce que nos pilotes pensent de leurs chasseurs ?
- Ils en sont réellement très satisfaits. Nos Nieuport dominent vraiment le combat dans tous les domaines, c’est un immense soulagement. Les miroirs de sorcière nous évitent toute surprise désagréable, nous volons plus vite que leurs meilleurs avions, nous montons aussi considérablement plus vite. Les tirs avec les seules mitrailleuses sont très rentables contre ces Messerschmitt !
- Vous avez des nouvelles des Morane 405 ?
- Là, le paysage est bien différent. Leurs mitrailleuses sont mal montées, l’avion grimpe à un train de sénateur et on ne voit rien derrière soi. Résultat, cinq victoires, quatre Morane abattus et deux pilotes tués. Cet avion ne sert à rien. Le Caudron 710 réservé aux dames l’écrase dans tous les aspects du combat aérien.
- Pas de suggestion ?
- Tous les chasseurs classés actuellement ‘’en priorité absolue’’ sont préférable au MS 405. Si vous voulez les employer ou les vendre, montez un radial dessus avec un bon capot NACA.
- Excellente idée. Dites-moi, capitaine Lecarme !
- Oui ? Avez-vous des relations de camaraderie avec l’ingénieur Mercier ?
- Bien sûr…
- Serait-il capable, avec l’aide du sénateur Amaury de Lagrange, de faire monter un moteur Pratt & Whitney sur le MS 406 en le capotant avec le nouveau capot Mercier ?
- C’est comme si c’était fait. L’engin devrait voler dans la semaine.
Berlin - Côté Allemand
Le même jour et quasiment à la même heure, le Reichsmarschall Hermann Goering recevait le compte-rendu du général Hans Jeschonnek, visiblement affecté.
- Alors, Hans, comment se sont passées nos opérations à l'Ouest ?
- Pas du tout comme nous l'espérions. Les combats sont acharnés, vraiment très, très durs, rien à voir avec l’Espagne.
- Hans, parlez-moi de mes bombardiers.
- Monsieur le Maréchal, les Ju 86 ont subi des pertes telles qu’elles nous interdisent de les employer à nouveau, sauf de nuit.
- Combien de bombardiers avons-nous perdus ?
- 84 tombés sur le sol ennemi, les 52 qui se sont posés chez nous seront très difficiles à réparer, c'est épouvantable.
- Et le reste ?
- Tombés dans nos lignes.
- Et les équipages ?
- Au moins 98 tués, 132 blessés, 190 disparus que j’espère seulement prisonniers.
- Pourquoi cette hécatombe ?
- Ces avions sont bien trop lents, volent très moyennement et sont très mal défendus. Ce ne sont pas des bombardiers utiles !
- Comment ça, mal défendus ?
- Nos MG 15 ont des chargeurs de seulement 75 balles. Voilà qui donne à nos mitrailleurs bien peu de temps pour descendre un chasseur supérieurement rapide et très agile. Une fois un chargeur vidé, il faut le changer, et ce n'est pas du tout facile pendant un combat, car l'avion manœuvre.
- D'accord, nous allons changer cela. Et vos chasseurs ?
- Presque tous ont pris du plomb, mais nous n'avons que 27% de pertes au niveau des avions.
- Comment ? ‘’Que 27% de pertes’’ ! Mais, enfin, Hans, êtes-vous fou, c’est énorme ! Comment est-ce possible ? Et les victoires, alors ?
- Monsieur le Maréchal, 27% de pertes m'était apparu tellement faible face au 94% de pertes des Ju 86 ! Nos pilotes déclarent 17 victoires. Nous en homologuons seulement 6, mais je pense qu'en fait, elles sont peut-être encore moins nombreuses.
- Tout cela est catastrophique. Avez-vous une suggestion ?
- Oui, une seule, mais impérative : Bombarder avec du Dornier 215. Par rapport au Junkers, cet avion est bien plus agile, bien plus rapide et tellement moins difficile pour le roulage et l'atterrissage ! Ce serait sûrement moins risqué pour nos chasseurs comme pour nos bombardiers.
- Que pensez-vous de nos chasseurs ?
- Ils sont faciles à piloter, mais un peu inférieurs aux Nieuport, dont on nous avait pourtant dit qu’ils étaient bien inférieurs aux Morane 405.
- Vous savez, 27% de pertes, c'est épouvantablement mauvais, surtout pour des chasseurs ! A propos, dites-moi, ce pourcentage collationne-t-il toutes les pertes ?
- Non, seulement les pertes totales d'avions définitivement irréparables. Sinon vous devez ajouter 35% d’avions touchés mais revenus.
- Quelle horreur ! Donc, en réalité, nous avons 62 % de pertes ! Seul le chiffre de 27% doit être livré au Dr Goebbels, en disant qu’il s’agit de nos pertes totales. Mais, en réalité, les Nieuport nous dominent totalement. Avez-vous une idée des raisons de cette domination ?
- En combat, nous sommes toujours rattrapés et nous n'avons aucun moyen de fuite ! Même un excellent pilote a du mal à tenir, ne serait-ce que parce qu'ils volent plus longtemps que nous et, en plus, les Français ne nous permettent jamais de les rattraper.
- Pourquoi donc ?
- Il va falloir comprendre comment ils ont pu avoir un truc qui agit comme notre Freya, mais orientée vers l'arrière.
A ce moment-là, le général Udet entra dans la discussion.
- Enfin, Hans, as-tu jeté un œil sur cette photo de profil du Nieuport ?
- Non.
- Regarde, qu'est-ce que tu vois, là ?
- La verrière. Et alors?
- Alors ? Alors le pilote peut voir tout ce qui se passe derrière lui car le fuselage ne lui cache aucun angle de vue ! Pas besoin d'un Freya ! Juste des rétroviseurs, plus légers et bien moins chers !
- Ernst, tu as raison, nous n'y avons pas, pardon, je n’y ai jamais prêté la moindre attention. Quelle ânerie ! J'ordonne que ceci soit introduit sur le Bf 109.
- Il va falloir d’abord mettre cela au point structurellement et aérodynamiquement, Hermann. Willy ne te laissera pas faire n'importe quoi avec son bébé, mais il te fera du bon travail. Fais lui confiance ! Par contre, il y a un problème avec Canaris.
- Pourquoi ?
- Lorsque nous avons su que le Morane était poussé par certains groupes de pression pour équiper la Chasse Française, nos agents ont poussé dans le même sens, parce que nous avions tout de suite compris que le Nieuport était qualitativement nettement au-dessus du lot. Nos pilotes n’auraient jamais dû pouvoir croire la connerie que notre propagande servait aux Français ! Maintenant, les nôtres sont démoralisés.
- Tu as raison.
La mise en posture défensive des unités terrestres Allemandes ne tarda pas, rendant les nouvelles attaques Françaises moins rentables : Hitler avait donc très probablement une autre carte dans sa manche.
Jour 3
Espace Aérien au-dessus des Côtes de la Frise – Côté Alliés
Ce Vendredi 19 Août, à 0530, les 45 Amiot 144 disponibles s’étaient envolés de Dunkerque. Tous volaient à pleine charge au-dessus de la Mer du Nord. Ils volaient en direction de Blåvand, petite ville Danoise située sur la côte Sud-Ouest du Jutland.
Lorsque les pilotes eurent repéré la découpe presque carrée de cette partie Sud-Ouest de la côte Danoise, chacun d’entre eux fit le large virage qui allait l’amener vers celui des aérodromes Allemands qu’il devait bombarder avec ses collègues de la même unité.
Les avions bombardaient de 3 200 m d’altitude, puis repartaient dans la plupart des cas vers l’Ouest pendant cinq à dix kilomètres, avant de tourner au Sud-Sud-Ouest et de descendre en piqué léger.
A Helgoland, une petite dizaine de Messerschmitt 109 eurent le temps de s’envoler, mais ils furent immédiatement coiffés et descendus par les Hanriot 221 qui escortaient les bombardiers Français.
Moins de 30 minutes plus tard, 90 Bréguet 462 firent exactement la même manœuvre initiale que les Amiot 144 mais ils s’intéressèrent aussi à des aérodromes supplémentaires.
En plus, ils restèrent bien moins de temps sur zone. Leur passage au-dessus d’Helgoland n’entraîna aucun décollage…
Si, à ce jour, les pertes humaines étaient supportables pour la Luftwaffe, les dégâts matériels, par contre, étaient considérables. Des soutes à carburant et d’autres, à munitions, avaient sauté.
La plupart des avions de chasse avaient été réduits en poussière et les dégâts affectant les avions plus volumineux exigeraient des réparations complexes.
A la fin de toutes les opérations de la journée, la Luftwaffe avait perdu, dans cette zone, 92 monoplaces Messerschmitt 109, la plupart détruits au sol, et 34 hydravions ou avions amphibies multimoteurs. La station Freya d’Helgoland avait été anéantie.
Berlin – Côté Allemand
Informé de bombardements Français sur la façade Frisonne du Reich, Albert Kesselring rassembla toutes les informations dont il disposait et comprit que les Français avaient très bien joué contre les armes du Reich, lequel avait, non seulement, perdu une grande quantité de matériel, mais aussi au moins 2 500 hommes mis hors de combat ou décédés.
Il fallait trouver une solution pour éviter une défaite cinglante. Il s’en ouvrit à ses amis proches. L’un d’entre eux demanda que Ernst Udet participe à ce séminaire.
Lorsque le grand pilote fut parmi eux, on lui montra les statistiques qui traitaient des 3 premiers jours de la Guerre Franco-Allemande. Il demanda à prendre quelques instants pour réfléchir.
Lorsqu’il revint dans la pièce, presque timidement, il proposa :
- Nous avions préféré commander les Messerschmitt 109 plutôt que les Heinkel He 112 début 1936. Mais Heinkel a profondément amélioré son avion. Celui-ci a beaucoup gagné en vitesse. Nous pouvons l’utiliser pour épauler les Bf 109 existants, il a une évidente supériorité en maniabilité, en autonomie et en facilité de pilotage à basse vitesse. Cent de ces chasseurs viennent de sortir de l’usine pour aider le général Franco en Espagne. Mais Franco va gagner très bientôt : Notre Reich a bien plus besoin de ces avions que lui.
- On m’a dit qu’il montait mal ?
- Ce n’est pas tout à fait exact. En réalité, il monte un peu moins vite que le Messerschmitt 109 parce qu’il est un peu plus lourd. De toute manière, il va surprendre le Français, et rien que cela, c’est bien !
- Très bonne idée ! Mais, dis-moi, Ernst, quand ces He 112 vont-ils être sur le front ?
- Pas avant quinze jours, mais, au plus tard dans un mois. Nous devons préparer le terrain auprès de Franco.
- Donc, d’ici-là, nous allons souffrir !
- Au moins, vous allez avoir des motifs d’espoir.
Washington – Côté Neutre
Dans le jardin de la Maison Blanche, le Président des USA interrogeait son Secrétaire d’Etat.
- Comment n’as-tu pas senti que les Français se préparaient à la guerre contre le IIIème Reich, Cordell, enfin !
- Je connais tous les politiciens Français qui comptent. Je connais aussi les grands chefs de leurs armées.
- Je n’en doute absolument pas.
- Qu’est-ce qui te choque ?
- Aucun n’oserait entrer en guerre sans nous en prévenir !
- Tu sais, l’urgence peut conduire les hommes à se lancer dans des actions désespérées.
- Mais j’ai tenu à rassurer tout le monde depuis mon élection !
- Comment peux-tu rassurer les Français que tu détestes cordialement ?
- Je peux leur fournir des armes !
- A part sur mer, on m’a dit que nous n’avions rien d’équivalent aux armes des Allemands !
- Tu as hélas raison. On va regarder ce qui marche dans cette guerre et sortir de meilleurs armes.
Jour 4
Espace aérien du massif des Ardennes – Côté Alliés
Le 19 Août, e n début de nuit (2320), un Bréguet 694 de reconnaissance du GR II/3 rentrant d’Allemagne découvrit deux tracés routiers faiblement lumineux venant d’Allemagne et traversant presque parallèlement le Luxembourg et la Wallonie.
Les lueurs des phares de milliers de véhicules constituaient ces tracés. Ces deux tracés étaient superposables avec les routes d'un nouveau morceau de Plan Schlieffen orienté pour passer plus au Sud, par les Ardennes.
L’observateur du Bréguet envoya le message : "C'est Robert qui parle. La tour a roqué… deux fois".
Ce message signifiait que 2 lignes d’attaque menaçaient la France par les Ardennes.
Le général François, dès réception de ce message, lança l'alerte sur toutes les bases de bombardement situées au Sud de Reims. Ensuite il averti le général Ortant de la nouvelle situation.
Document original de l'auteur : Samedi 20 Août 1938, 2320, les unités de Rommel et de Guderian roulent plein phares dans les Ardennes |
Chaque bombardier portait vingt-quatre bombes de 50 kg à bord.
Ils décollèrent à 0100 et, suivant les directives prévues, ils montèrent à 5 000 m pour réduire leur bruit vis à vis d’éventuels observateurs au sol, puis ils se dirigèrent vers le Massif Ardennais.
En vue de la première colonne, les bombardiers se scindèrent en 4 groupes.
Les groupes 1 et 2 utilisaient des Bloch 210, les groupes 3 et 4 employaient des Amiot 143.
Le groupe 1 fonça vers la partie Ouest de la colonne la plus au Nord, le groupe 2 prit pour cible la partie Est de cette même route.
Tous les moteurs furent réduits à 1 500 t/m pendant que les avions descendaient presque silencieusement à 360 km/h jusqu'à 2 500 m d'altitude.
Les 80 bombardiers qui attaquaient la colonne Nord larguèrent leurs bombes vers 0300 et rentrèrent en France par une route initialement orientée vers Londres. Tous les bombardiers rentrèrent à la maison, la plupart en parfait état. Ils furent réarmés et repartirent à 0530 vers le même endroit .
Les groupes 3 et 4, en retard de 8 minutes, allaient devoir en faire autant pour la colonne la plus au Sud. Mais, du fait de leur relative lenteur, ils ne reviendraient pas en fin de nuit.
Une demi-heure plus tard, 80 bombardiers lourds Farman 222-2 et Amiot 144, venant de l'Est, survolèrent les zones encore intactes et lancèrent de nombreuses bombes de 100 kg.
Massif des Ardennes – Côté Allemand
La grande colonne Allemande qui se déplaçait la plus au Sud avançait un peu plus vite que l’autre. Le général Heinz Guderian, dit Heinz le rapide, commandait ce corps d'armée blindée d’élite.
Il avait profité de son goût pour les escapades solitaires pour prendre deux kilomètres d’avance sur sa colonne.
Et, maintenant, son char roulait lentement, tous feux éteints. Il ordonna sa mise à l'arrêt.
Il sourit au souvenir de l’expression unique peinte sur les visages de ses collègues lorsqu’il avait proposé sa manœuvre Ardennes : Ils semblaient horrifiés et n’hésitaient pas à l’exprimer. Le risque qu’il prenait en ce jour était énorme et il le reconnaissait. Rien ne justifiait ces angoisses puisque la lenteur de décision des généraux Gamelin et Georges était proverbiale, même au sein de leur propre état-major. Hitler avait approuvé sa proposition des deux mains.
Tiens, il y avait un très léger ronronnement quelque part… Ah ! Non, pas ici ! Pas maintenant !
Guderian avait bien détecté les avions qui arrivaient sur lui. Quelle horreur, c’étaient bien des Français !
Il eut juste le temps d’ordonner par radio l’arrêt total du trafic et l’extinction des feux de toute la colonne.
Les avions du groupe 3 n’étaient pas bien loin, ils furent témoins de la disparition du trajet lumineux. Les opérateurs-bombardiers décidèrent de lancer leurs bombes à l’estime sur la tête de la colonne.
Le plan Guderian – Rommel (Samedi 20 Août 1938) - tracé par moi sur une carte issue d'un atlas du National Geographic |
Palais Royal de Laeken – Bruxelles – Belgique - Côté Alliés
Le téléphone international sonna dans le bureau privé du Roi Léopold. Le colonel Pierre van Peteghem décrocha.
- Colonel Van Peteghem, Bureau 22.
- Général Ortant, Armée Française depuis Avord, Alerte niveau R.
- Je vous passe votre correspondant.
- Je vous remercie vivement !
- Ici Léopold. Un problème, Général Ortant ?
- Votre Majesté, pardonnez mon intrusion, je tiens à vous prévenir que les Allemands ont envoyé deux importantes colonnes de chars dans vos Ardennes.
- Importante comment ?
- Chaque colonne s’étale sur 50 à 60 km.
- Leur direction ?
- Sedan, chez nous, et Dinant chez vous !
- Vous pouvez peut-être les arrêter ?
- Voilà, l’ordre est parti.
- J’espère que ce n’est pas trop tard.
- Moi aussi, mais vous allez devoir traiter deux dangers simultanés : Celui des chars Allemands, bien sûr, et peut-être aussi celui d’un gros incendie de forêt dans les Ardennes qui s’est déclenché au moment-même où nous avons découvert leur passage…
- Quelle information inestimable ! Je vais profiter de votre suggestion pour envoyer mes avions y jeter de l’essence ! Les Allemands apprécieront ! Mes arbres repousseront d’ici 3 ans. Avez-vous une autre suggestion à me faire ?
- Majesté, vous avez des tankettes et des ACG Renault qui portent vos excellents canons de 47 mm. Tout cela pourrait appuyer efficacement vos chasseurs Ardennais.
- Et les Barrières Cointet ?
- Mmm. Je ne connais pas du tout. Cela fonctionne comment ?
- Ce sont des obstacles verticaux qui empêchent une file de chars de foncer dans une plaine…
- Oh ! Vous en avez combien ?
- Je ne sais pas exactement, 2 ou 3 000, plus, même, peut-être.
- Je les placerais en barrière continue, je placerais des mines un peu en avant et je ne laisserais qu’un orifice d’une centaine de mètres bien battu par de l’artillerie de tous calibres. Mais cela ne pourra pas tenir très longtemps.
- Les Britanniques ont promis de nous envoyer 100 Battle !
- Il vaudrait mieux en avoir 300, ils doivent en avoir bien assez pour cela. Il faudrait envoyer de l’ordre de 100 bombardiers pour bombarder simultanément une division blindée, tout en protégeant vos bombardiers avec votre Chasse.
- Vous croyez que la Chasse est indispensable ?
- Absolument. Sans cela, la Jagdwaffe vous dira merci, ses pilotes deviendront tous des as en une journée et, demain, vous n’aurez plus aucun bombardier.
- A Gembloux ?
- Pourquoi pas !
- Merci de m’avoir rappelé que j’aimais autant pratiquer la chasse à courre !
Massif des Ardennes – Côté Allemand
Le général Guderian pestait contre la Luftwaffe qui avait oublié de verrouiller la route aux bombardiers Français. Le secret de l’opération Frederic étant levé, il fallait sortir de ce guêpier de tout urgence.
Il envoya l’ordre Z de retour au Vaterland. Il se sentit vieux et fatigué.
Chaque équipage motorisé s’éloignait de la route en s’efforçant autant que possible de passer par les fonds de vallées sombres cachés par une abondante végétation.
Par contre, les fantassins devaient prendre les chemins les plus proches des crêtes. Ils allaient éviter les bombes mais leurs voyage de retour serait un enfer.
Guderian eut la satisfaction d’entendre des bombardiers Français repasser sur la route pour en anéantir la base même. Normalement, ils devaient taper dans le vide…
Un motard rigolard vint lui rapporter que cette route serait bien plus large, une fois reconstruite !
Guderian donna l’ordre à ses chars les plus puissants, les Panzer II, d’emprunter cette route devenue piste de terre et de rouler aussi vite que possible.
Mais les soldats placés près des crêtes devraient quand même annoncer tout passage d’avion, pour pouvoir recommencer les dispersions. Ce ne serait certainement pas facile pour eux.
Le général Rommel commandait la colonne la plus au Nord, qui comptait 700 chars, autant de SDKFZ et plus un millier de camions. Le tout était organisé en deux divisions blindées.
Il avait vraiment très mal vécu l'élimination de l'essentiel de son avant-garde.
Certes, beaucoup de ses soldats avaient mis en œuvre les concepts qu'il leur avait inculqués. Dès la perception de l'attaque aérienne Française, ils avaient engagé leurs véhicules de part et d'autre de la route.
Si cela avait permis de sauver nombre de vies, peu de blindés avaient pu être récupérés intacts.
L'attaque de ses arrières avait considérablement empiré les choses, d'autant plus que les radios n'avaient plus fonctionné pendant une vingtaine de minutes, probablement à cause du masque créé par les crêtes Ardennaises.
Depuis, des avions avaient même lancé des réservoirs d’essence pleins !
Plus d’une centaine de chars brûlaient encore là-bas… l’odeur y était insoutenable !
Île de France – Côté Alliés
Sur une des bases Françaises de bombardiers de jour, près d’Orléans, les sirènes réveillèrent pilotes, mécaniciens et armuriers à 0500 : Pour la première fois, les concepts du bombardement escorté seraient employés avec les avions les plus modernes du moment.
Seuls les équipages avaient pu manger. Les mécanos attendraient la fin des décollages pour les imiter.
Les 36 Amiot 340 de la première vague s'envolèrent à 0545 avec chacun six bombes de 200 kg. Sur une piste peu éloignée, en fait, une ancienne route départementale, 36 Nieuport 161 décollèrent pour les suivre dans un ciel presque sans nuage.
12 autres chasseurs identiques suivaient leurs compères en volant 2 000 m plus haut et étalés sur 2 km de large, donc particulièrement peu visibles.
Une autre escadre de bombardement prit le relais, sur une autre base, 10 minutes plus tard.
Massif des Ardennes – Côté Allemand
A 0800, le jour s’était bien installé sur le paysage dévasté de la colonne Rommel. L’incendie de forêt se développait maintenant à quelques centaines de mètres du général. Les hommes utilisaient les canons PAK (antichars) pour souffler les flammes pendant que des équipages descendaient vers les ruisseaux et les étangs environnants pour refroidirent leurs véhicules surchauffés.
A ce moment-là, les Amiot 340 arrivèrent. Les servants de Flak, fatigués par leur longue nuit, éblouis par les flammes, assourdis par les craquements de l'incendie, n'entendirent même pas le bruit rageur des Amiot lancés à pleine vitesse.
Rommel, lui, entendit le sifflement des bombes et se jeta au sol, imité par tous ceux qui l'entouraient.
Washington – USA – Côté Neutres
Cordell Hull reconnut instantanément la voix de celui qui le réveillait à 0300.
- Bonsoir Ed, quelle nouvelle de votre merveilleuse Europe ?
- Hitler a lancé avant-hier deux grosses armées blindées dans les Ardennes contre la France. Les Français s’en sont aperçu juste à temps au début de la nuit dernière, ils ont lancé des flottes de centaines de bombardiers et ils ont alertés les Belges. Les Allemands essayent de se retirer des Ardennes, le chef d’une des armées, le général Erwin Rommel, est grièvement blessé, voire mort. Le général Heinz Guderian, chef de l’autre armée, a perdu un certain nombre de chars, de camions et d’obusiers. Mais il a retraité en bon ordre
- Donc les Français ne plaisantent pas !
- C’est le moins que je puisse dire. Et les Belges adorent le pillage qu’ils viennent de réaliser sur les deux divisions blindées.
- Qu’en est-il des pertes ?
- De l’ordre de 10 à 12 000 hommes perdus sur 40 000.
- Franklin sera furieux !
- Mais il n’aime pas Hitler, quand même ?
- Chaque victoire Française le met en rage. Celle-là, en plus, semble stratégiquement décisive ! En plus, il comptait sérieusement sur la Wehrmacht pour liquider Staline ! Bon, Ed, je vais lui donner cette nouvelle ! A bientôt !
- Bon courage, Cordell.
Il appuya sur le bouton rouge de la ligne directe avec le Président.
- Franklin, pardonne-moi ce réveil.
- Bonjour Cordell, quelle nouvelle, cette fois ?
- Hitler a lancé une puissante armée blindée pour surprendre les Français dans les Ardennes.
- Cet homme est un vrai stratège, les Français ne s’y attendaient pas ! C’est très brillant !
- Oui et non. Oui, c’est brillant, mais non, parce que ces armées ont été repérées et détruites de nuit, justement par l’Aviation Française.
- Ah ! merde ! Nous n’avons vraiment pas de chance !
- Tu veux savoir comment détruire Staline sans l’aide d’Hitler, donc tu veux trouver un plan B ?
- C’est presque exactement la question, mais la destruction du communisme et de Staline exige que la France soit très affaiblie.
- Les Français ne sont pas communistes, loin de là !
- Mon plan est de détruire tout ce qui s’oppose à notre avènement en tant qu’Empire Terrestre définitif. Les Français sont des gens compliqués, tout le monde doit savoir parler leur saleté de langue, langue des nobles et des lettrés !
- Mais toi-même, tu parles très bien cette langue !
- Ils ont une devise démagogique qui les rend ingouvernables. Je ne laisserai subsister qu’une Europe germanophone, ce sera plus simple pour tout le monde.
- Tu crois que les Suisses et les Belges te laisseront faire ?
- Tout à fait. Et, en plus, je me suis arrangé avec le Roi Saoud d’Arabie et son fils pour faire sauter les colonies Française d’Afrique du Nord.
- D’un coup ?
- Non, lentement. J’arme tout le monde et je laisse filtrer des bruits effrayants sur les uns et les autres. C'est de cette manière que Benjamin Franklin a battu les Français au Canada.
- Tu es Machiavélique.
- Je veux la fin de la France et de l’Europe. Et je vais réaliser le rêve de mon oncle Théodore Roosevelt : Le monde sera Américain ou ne sera pas.
- Le Japon, l’URSS, la Chine et l’Inde, qu’en feras-tu?
- Ils n’auront pas la capacité de nous battre avant mille ans !
Massif des Ardennes – Côté Alliés
Une heure après le passage des bombardiers Français sur son armée, une ambulance militaire Belge emmenait le général Rommel, grièvement blessé, pour le faire soigner à Bruxelles.
Les Chasseurs Ardennais venaient de capturer 5 000 soldats de la division Rommel, la plupart profondément choqués.
Un millier de ces soldats étaient très sérieusement brûlés. Environ 2 000 autres avaient déjà perdu la vie sans même avoir pu répondre au feu ennemi.
Des chasseurs Renard 38 Belges et des Gloster Ghost Britanniques patrouillaient un ciel vide, 1 000 m au-dessus de 3 escadres comptant chacune 30 bombardiers Battle.
Une demi-heure plus tard, la plupart de ces avions pénétrèrent au-dessus du Reich Allemand et lancèrent des bombes sur des usines situées dans la périphérie de Düsseldorf.
La Luftwaffe ne s’attendait pas à une attaque Belge, donc ses chasseurs étaient occupés plus à l’Est contre les Français.
Par contre, la Flak, bien réveillée, descendit une petite dizaine d’avions dont certains déclenchèrent des incendies lorsqu’ils touchèrent des bâtiments.
Les avions Belges rentrèrent fièrement au pays, leurs pilotes gardant en tête la violence des images des destructions qu’ils avaient provoquées.
A 1035, Modeste Ortant vit débarquer à Avord le général Gamelin et le général Georges.
- Que faites-vous, enfin, Ortant ? les Belges se couvrent de gloire en capturant Rommel et des milliers de tankistes et vous laissez notre infanterie faire la grasse matinée !
- Ce succès accroche les Belges à notre cause. Je ne vais pas poursuivre l’Allemand que nous avons écrasé depuis le ciel. Je n’ai pas assez de troupes ni d’armes pour le faire. L’Armée de l’Air a gagné, hier, dans les Ardennes, une bataille stratégique, elle n’a rien à démontrer de plus pour l’instant et l’Armée de Terre a déjà démontré, il y a plus de 20 ans, son exceptionnelle qualité. Croyez-vous que ces hommes ne soient pas à la hauteur de leurs pères.
Les deux généraux comprirent qu'ils n'auraient pas gain de cause et se retirèrent en marmonnant.
Trois heures plus tard, une cinquantaine de chars survivants de la division Rommel et un millier d’hommes démontés, échappés du désastre, se joignirent aux troupes de Guderian qui retraitaient.
Jour 5
Heidelberg puis Berlin – Côté Allemand
Le lendemain soir, dans la sécurité relative d’un vieux fort impérial proche d’Heidelberg, Heinz Guderian apprit la capture de Rommel par les Chasseurs Ardennais : Ce brillant officier avait apparemment été abandonné par sa chance insolente.
Le moral de Guderian venait d’en prendre un gros coup. Pourtant, cette offensive par les Ardennes aurait vraiment pu décrocher le gros lot.
Mais la préparation n’avait pas pris en compte l’hypothèse d’une découverte intempestive par l’ennemi.
Cette microfaille, les Français l’avaient exploitée tout de suite, et brillamment, même, comme lui-même l’aurait fait s’il avait été à leur place.
Et, en plus, ils avaient été aidés par les Belges qui avaient intensifié l’incendie de leur propre forêt.
C’était le monde à l’envers ! Mais cela avait marché ! Lui-même avait perdu 1 500 hommes.
Après juste trois heures de sommeil, son ordonnance vint le réveiller : Hitler le voulait, lui, à Berlin au début de la journée.
A 0800, une discrète "voiture populaire" dont le moteur pétaradait à l’arrière, vint l’amener sur un relativement court tronçon de route assez large construite en plaques de béton, comme les nouvelles Auto-Bahn.
Un bimoteur plutôt petit, mais très racé, semblait dormir sous des arbres. Il reconnut un Messerschmitt 110. Un officier l’aida à grimper dans l’avion où il fut sanglé très solidement.
Le pilote lança successivement les deux moteurs qui faisaient un bruit d’enfer, malgré le casque qui lui avait été fourni.
L’avion s’envola très rapidement et prit un cap Est-Nord-Est. Il volait très vite à une altitude guère supérieure à cent ou deux cents mètres au-dessus du sol. La sécurité était donc minimale pour les avions Allemands, signe que les Français disposaient d'une évidente maîtrise du ciel, quelle très sale nouvelle !
Guderian observait avec beaucoup d’intérêt le paysage qui défilait.
Une heure et demie plus tard, l’avion fit une manœuvre serrée, plutôt inconfortable pour son passager de marque, et atterrit sans incident à Tempelhof, au Sud de la capitale du Reich.
Une voiture blindée l’emmena dans un bunker, non loin du Tiergarten. De là, il fut guidé vers une salle sise dans les sous-sols.
Ce bunker était très impressionnant par sa taille, mais aussi par l’intelligence de son agencement intérieur. Guderian admira sans réserve le grand talent du conseiller Albert Speer qui l’avait conçu.
A l’intérieur d’une assez grande salle de réunion, il découvrit Hitler et tous les responsables militaires du Reich. Tous les visages étaient fatigués et tendus. Tous scrutaient un tableau lumineux qui affichait une grande carte de toute l’Europe et diverses informations qui se superposaient les unes aux autres.
Le Führer se leva et annonça que son plan initial avait subi un très sérieux contretemps qui imposait de reconsidérer les priorités en cours.
Il demanda à Guderian pourquoi il avait fait demi-tour.
Celui-ci rappela que le plan Ardennes avait été choisi parce qu’il était vraiment très improbable que l’ennemi imagine sérieusement d’avoir à le contrer.
Et, en effet, pendant 24 heures, tout avait merveilleusement fonctionné. Puis le hasard avait mis un grain de sable dans l’opération : Un simple avion de reconnaissance Français qui rentrait chez lui !
Il expliqua ensuite que la destruction de l’armée Rommel, en plus du fait que ce brillant général était hors de combat, très grièvement blessé et retenu prisonnier des Belges, comme les destructions moindres, mais tout aussi réelles, que le corps d’armée Guderian avait éprouvées, démontraient que leur plan était éventé.
La Bataille des Ardennes avait déjà coûté des centaines de précieux chars, au moins autant de blindés, de canons, et pire encore, de l'ordre de 10 000 hommes parfaitement entraînés mais déjà perdus pour cette guerre.
Depuis, les Armées de Terre Française et Belges étaient en train de rendre ce terrain inexpugnable.
En plus, l’Armée de l’Air Française ne ressemblait pas du tout à la description misérabiliste qu’en avait donnée l’Abwehr : Elle détenait indiscutablement la maîtrise de l'Air, et, en conséquence, la Luftwaffe avait été totalement mise en échec.
Hermann Goering essaya aussitôt de le contrer :
- Les Français n’ont pas la maîtrise de l’air, voyons, Heinz, sans cela vous ne seriez pas venu jusqu’ici, et justement, par avion !
- Si vous déteniez vraiment la maîtrise de l’air, mon cher Hermann, expliquez-moi donc pourquoi le Messerschmitt 110 qui m’a amené d’Heidelberg à Berlin (et qui était, d’ailleurs, merveilleusement piloté) a sans cesse volé à juste 100 m au-dessus du sol et à une vitesse probablement très supérieure à 400 km/h !
Un lourd silence accueillit la réponse particulièrement précise de l’homme des chars.
Guderian reprit ses démonstrations : Au moins, on venait d’apprendre qu’il était désormais impossible de faire avancer les chars sur le champ de bataille sans une ombrelle efficace de chasseurs et de bombardiers, y compris de nuit.
L’Armée de l’Air Française avait, semble-t-il, plusieurs mois d’avance sur la Luftwaffe à ce niveau-là.
A son avis, étant donné que l’ensemble des forces blindées Allemandes avaient perdu près de 20 % de ses effectifs sans avoir tiré un seul coup de feu sur l’ennemi, qu’il soit Français, Tchèque, Belge ou Britannique, cela augurait plutôt mal de la suite des événements, du moins dans les Ardennes Françaises ou Belges. Bien sûr, si le Führer l’ordonnait, ses hommes et lui-même repartiraient au même endroit pour essayer de finir le plus efficacement possible l’opération entamée.
Hitler le remercia, exprima qu’il partageait pleinement le sentiment du général Guderian sur l’impossibilité de repartir dans les Ardennes.
Il fallait donc passer à autre chose et il demanda à chacun des présents de regarder la carte de l’Europe et de tenter de définir une voie d’entrée rapide en France.
Tous ces hommes se mirent à examiner attentivement telle ou telle partie de la carte en relief.
Cette analyse collective dura longtemps, trop longtemps, même.
Parfois un regard s’éclairait, mais, après quelques instants de supputation fiévreuse, les deux bras retombaient.
- Von Rundstedt, enfin, mouillez-vous, que Diable ! Pour l’instant, ce n’est encore qu’un Kriegspiel !
- Bien, j’ai regardé le côté Ouest de la Belgique. L’avantage : Pas de ligne Maginot. L’inconvénient, c’est Dunkerque, qui possède certaines caractéristiques de la ligne Maginot et qui est inévitablement sous surveillance Anglaise. Même s’il y a des agents à nous en Flandre, la distance à parcourir est trop importante. Nos panzers seraient incapables de franchir les lignes Françaises en moins de deux jours en passant par là. Donc le risque serait démesuré
- Votre idée ne manque pas de finesse. A vous, Raeder !
- Je suis très perturbé par la perte, que je viens de vivre, de 17 de mes sous-marins, d’un croiseur et d’un destroyer. Et je ne parle pas des milliers d’hommes qui sont morts dans tous ces torpillages et d'autres explosions meurtrières. Les Français ont littéralement pavé nos surfaces aquatiques de mines, et aussi de sous-marins munis de torpilles. Ils ont en plus détruit certains de mes chantiers de construction avec leurs avions. Sans suffisamment de sous-marins, nous sommes extrêmement fragiles. Je pense que les Français ont dû inventer un sous-marin inaudible et j’aimerais savoir comment nous avons pu louper cela.
- Ce genre de déconvenue arrive tout le temps pendant une guerre et cela doit être moins grave que vous ne le pensez.
- Maintenant, pour ce que nous faisons ici, notre problème, c’est le temps qui nous reste disponible. Je peux certes faire accoster chez nous des navires de commerce neutres, Grecs, par exemple, parce ces gens-là sont d’excellents marins et qu’ils ont un incroyable besoin d’argent. Nous chargerions ces navires de blindés et d’artillerie légère, Pak et Flak. Voilà qui prendrait de l’ordre de 30 heures et on les enverrait carrément s’échouer sur plusieurs plages de la côte Nord du Cotentin. On devrait faire ce débarquement vers Minuit. Un parachutage de fantassins permettrait de prendre quelques localités proches presque dans le même temps.
- Pardonnez mon intrusion, Grand Amiral. Votre idée est sûrement valable pour les navires, mais des avions transportant nos parachutistes ne passeront jamais à travers la Chasse Française aussi loin à l’intérieur des frontières Françaises, même de nuit. Leur nouveau Potez 631-CN2 intègre maintenant un puissant canon de 25 mm et lance des fusées éclairantes qui explosent 1 000 m devant lui.
- Pardonnez-moi, général Udet, je n’en ai pas été informé. Cependant, un travail de même ordre pourrait se faire sur le Rhin, à échelle plus modeste, évidemment. On chargerait des péniches avec des chars et des blindés que l’on déchargerait un peu en amont de Bâle, à la nuit tombée. Ces engins, montés sur des chenilles en caoutchouc, traverseraient silencieusement quelques kilomètres de Suisse et fonceraient vers des points faibles Français pour en capturer le plus possible. Bien montée, cette offensive pourrait nous donner un point fort.
- Raeder, vous me donnez l'idée de multiplier la constitution de ce type de points chauds en France. Hermann, de combien de parachutistes disposes-tu ?
- 8 500, auxquels tu peux ajouter 4 000 hommes aptes à être transportés en planeurs.
- Les planneurs ne sont-ils pas très dangereux ?
- Si, bien sûr, mais c’est uniquement parce qu’ils atterrissent assez vite et que la percussion d’obstacles à 100 km/h sera toujours un sport très risqué !
- Où peuvent-ils se poser sans casse ?
- Dans ceux des aérodromes où existent des pistes en herbe !
- Tout ceci n’est pas très rentable. Que fait von Reichenau en Bohème ?
- Son armée a été victime de l’attaque-surprise Tchécoslovaque du 16 Août. Elle a perdu initialement très peu d’hommes… 45 morts, je crois, et 163 blessés. Après son offensive vers Teplice, elle a connu des pertes supplémentaires beaucoup plus fortes, environ 1 200 hommes hors de combat. Mais, dans les attaques initiales, en moins d’une nuit, elle a perdu plus du tiers de ses véhicules, de ses canons lourds et de ses avions.
- Et alors ?
- Von Reichenau avait discuté avec Rommel qui lui avait conseillé d’y aller avec la cavalerie. Il progresse prudemment et n’a pas encore conquis un seul fort de la ligne Tchèque. Mais il en a détruit 7 !
- Heinz, que voudriez-vous faire ?
- Je ne suis pas aviateur, mais je me demande si nous ne pourrions pas demander au Professeur W. Messerschmitt s’il ne lui serait pas possible d’améliorer les performances de son Bf 109 ?
- Udet ?
- L’an dernier, un Messerschmitt 109 expérimental a battu le record du monde vitesse pour avion terrestre à plus de 600 km/h. Certes, le moteur ne développait pas moins de 2 000 Cv, mais l’avion lui-même avait aussi beaucoup gagné en finesse : Il avait atteint 611 km/h au ras du sol !
- C’est important, l’altitude ?
- Très important, mein Führer. Avec la même puissance, mais 5 000 m plus haut, l’avion de record aurait probablement dépassé les 750 km/h. Je vais voir Willy pour qu’il introduise cette modification très vite, non pas pour employer le moteur de record, mais pour que l’on puisse voler 50 km/h plus vite à 5 ou 6 000 m. Ce serait décisif.
- Adolf, moi, je vais aller voir Kurt Tank, il veut me présenter un tout nouveau chasseur révolutionnaire.
- Encore un chasseur ? Pfff !
- Relis les comptes-rendus opérationnels, Adolf : Beaucoup de nos problèmes actuels découlent du fait que nos chasseurs Messerschmitt n’arrivent pas à dominer les chasseurs Nieuport Français. C’est bien un problème de chasseurs, ne crois-tu pas ? Je crois bien que Douhet s'est complètement trompé : La maîtrise de l’Air dépend de la Chasse, les Italiens puis nous-mêmes l’avons démontré en Espagne. Les Français le font maintenant contre nous.
- Et notre Flak ?
- Elle limite heureusement les dégâts. Attention, la Flak des Français ressemble maintenant beaucoup à la nôtre. Les Japonais m’ont dit que leurs canons de 25 mm sont très dangereux. Ils en ont acheté des milliers pour leur propre Marine.
Jour 6
Île de Sylt – Côté Alliés
Du 16 au 20 Août, le porte-avions Béarn, le porte-hydravions Commandant-Teste, le Dunkerque et le Strasbourg, les croiseurs Algérie, Tourville, Suffren, Primauguet et La Galissonnière, entourés de nombreux contre-torpilleurs et d’un nombre inconnu de sous-marins modernisés, avaient réalisé des manœuvres complexes au Sud-Ouest de l’Islande.
Les porte-avions Britanniques Courageous et Furious les avaient surveillés, sous la protection amicale du Hood et du Renown.
Aux premières heures du Dimanche 21 Août, la France lança donc son attaque aéronavale sur Sylt.
Depuis la tombée de la nuit, la Flotte Française croisait à l’Ouest de la pointe du Jutland.
Bien que ses moyens aient paru faibles, l'attaque, totalement imprévue, marcha bien mieux que ce qui était attendu.
Les croiseurs de bataille Dunkerque et Strasbourg avaient arrosé les deux îles d’Helgoland d’obus de 330 mm tirés de 35 000 m. La précision de tir, initialement médiocre, s’améliora nettement lorsque chaque tourelle introduisit un délai d’un dixième de seconde entre le tir des canons centraux et celui des canons extrêmes.
L’aérodrome de la petite île fut ravagé par des explosions et, par la suite, la plus grande île connut une forte explosion liée à l’incendie d’un dépôt de munitions.
A la fin d'un autre bombardement de marine, sur Sylt, cette fois, très court mais très précis, dû aux croiseurs lourds, le régiment d’Infanterie de l’Air du colonel Geilles s'empara par surprise de l'aérodrome de Sylt.
Les chasseurs Loire 251 avaient brillamment couvert la manœuvre, aidés par les 12 hydravions de chasse portés par les navires de ligne et les croiseurs lourds.
Discrets débarquements sur l’île de Sylt - Cette carte, modifiée par moi, est issue d'un atlas du National Geographic. Les flèches bleues concernent les zones de débarquement |
Les nouveaux navires légers de débarquement déposèrent, au Nord de l'île de Sylt, des véhicules blindés constituant l'équivalent de deux puissants GRDI.
Au Sud de l’île, d'autres navires légers débarquèrent plusieurs batteries anti-aériennes et des bâches de camouflage. Le terrain était très plat, peu élevé au-dessus du niveau de la mer, très sablonneux. Le vent soufflait assez fort.
Les blindés s'emparèrent facilement de la gare locale et les hommes progressèrent discrètement le long de la voie ferrée du Hindenburg Damm en direction du continent. Ils s'arrêtèrent à mi-chemin.et se camouflèrent très soigneusement.
Le silence avait régné presque tout le temps de l'opération à cause des trois années d'entraînement accumulées par les hommes.
Les lignes téléphoniques n’étaient pas coupées avec le continent, mais les correspondants locaux ne répondaient pas : Tous avaient été faits prisonniers.
Jour 8
Île de Sylt – Côté Allemand
Un Henschell 126 d'observation venu d’Helgoland survola la zone deux jours plus tard, mais, lorsqu’il se reposa près de Hambourg, il n'avait rien découvert d'anormal.
Les photos ramenées par l’observateur n’apportaient rien de neuf pour expliquer la cessation des contacts avec cette île. On imagina, pour le moment, une panne électrique liée à un incident météorologique puissant, l'hypothèse d'une petite tornade fut évoquée.
Jour 9
Berlin – Côté Allemand
Les problèmes rencontrés depuis plus d’une semaine par l’ensemble des forces de la Wehrmacht surprenaient tous les militaires Allemands.
Le Dr Goebbels informa Adolf Hitler des inquiétudes que lui avait confié le général Kesselring.
Le Führer lui reprocha vertement de ne pas l’en avoir averti aussitôt. Mais il réunit instantanément ses meilleurs officiers généraux.
- Donc, les Français et les Tchécoslovaques sont à la manœuvre au moins depuis l’Anschluss. Nous aurions dû nous en douter, les mielleuses paroles pacifistes des Français nous ont endormis, et nous le payons de façon insensée.
- Cependant, nos industries militaires fonctionnent à fond. Nous avons joué d’une énorme malchance dans les Ardennes, nous allons donc partir, le moment venu, dans une variante du plan Schlieffen, mais sans nous hâter.
- Notre Pz III est enfin construit en série et le Pz IV a commencé des essais plus que prometteurs qui annoncent des victoires écrasantes. Le char B Français ne dominera plus rien !
- Maintenant, nos ennemis sont bien identifiés, nous connaissons les qualités inattendues de l’Aviation et de la Marine Française. Nous allons concentrer discrètement une énorme force de combat dans le Holstein pour, ensuite, traiter toute l’Europe Occidentale d’un seul coup.
- La Tchécoslovaquie va payer son insolence dans les jours qui viennent.
- Le Henschel 123, qui a démontré ses qualités exceptionnelles, comme le Ju 87, vont être nos premiers avions à lui présenter la note. Nous sortons actuellement 20 de chacun d'entre eux par jour depuis 8 jours.
Il vit alors qu’il avait négligé un détail important.
- Vous avez tous souffert de l’infériorité de nos chasseurs Messerschmitt 109 D. Ce chasseur n’est pas à incriminer, par contre, la lenteur du développement du moteur qui lui était vraiment destiné depuis le début a été à l’origine de vos problèmes.
- Ce moteur, le Daimler-Benz DB 601, est plus puissant de 350 PS que celui des Bf 109 D actuellement en service et il commence enfin à tourner correctement. Donc, le Bf 109 nouveau, le type Emile, va écraser tous les autres chasseurs de la planète !!!
- Vos bombardiers seront provisoirement protégés par des He 112 très améliorés qui sont plus rapides, virent plus serré, montent plus haut et volent nettement plus longtemps et plus loin.
- Ces chasseurs auront moins de mal à détruire les bombardiers Français et ils survivront plus facilement aux attaques des Nieuport. Mais nous n’en avons que 100 ces jours-ci.
- Nos généraux et nos amiraux m’ont donné d’excellentes raisons de croire à une victoire rapide et écrasante.
Jour 11
Île de Sylt puis Berlin – Côté Allemand
Trois jours plus tard, le prototype du Messerschmitt 109 E fut envoyé reconnaître ‘’L’île du Silence’’ avec un pilote très expérimenté, le major Werner Mölders, juste rappelé de son séjour dans la Légion Condor.
Enfin, on allait avoir une idée de ce qui se passait dans ce secteur.
Ce brillant pilote de Chasse réalisa une manœuvre sophistiquée et ramena un film à sa base de départ.
Le film fut développé dès son arrivée à Hambourg.
L'analyse du film ainsi réalisé provoqua la stupéfaction de tous. Deux heures plus tard, le maréchal Goering prévint son Führer de l'anomalie Frisonne :
- Mon Führer, nos difficultés pour communiquer avec Sylt sont expliquées : Le Français a débarqué là-bas !
- Comment se fait-il que nos hommes n'aient pas réussi à le rejeter à la mer ni, surtout, à nous prévenir ?
- Puis-je vous présenter le major Mölders qui a réussi à nous apporter cette information cruciale ?
- Ah ! Major Mölders, je vous connaissais déjà comme un chasseur de très grand talent en Espagne. Comment vous y êtes-vous pris ?
- Avec le nouveau Messerschmitt, qui est vraiment génial, je suis monté très vite à 8 000 m au-dessus du Danemark. De là, j'ai piqué à très grande vitesse, ensuite, j'ai stabilisé mon altitude vers 400 m au-dessus du sol en volant un peu à l'Ouest de la base aérienne de Sylt. A la fin de mon piqué, j'avais déclenché ma ciné-caméra Paillard de 16 mm.
- Mais qu'avez-vous vu de vos yeux ?
- J'ai vu des avions Français, des chasseurs, dont les hélices tournaient déjà.
- Voulaient-ils vous descendre ?
- Sans aucun doute. Mais aucun n'a pu me rattraper. Certes, ce sont des avions très rapides, mais l'élan donné par mon piqué me faisait voler bien trop vite pour eux, ma vitesse décroissant lentement de 850 à 600 km/h.
- Avez-vous vu d'autres choses ?
- De petits chars, quelques-uns portaient des canons ressemblant à ceux de notre Flak de 37 mm, mais je n'ai pas vu d'hommes à cette occasion. Par contre, j'ai vu des fantassins Français sur mon film. Ils ont des casques Adrian.
- Je vous félicite, General Mölders. Pensez-vous possible de les renvoyer à la mer ?
- Sûrement ! Mais cela risque de prendre un peu de temps s'ils se sont correctement renforcés, ce que, moi, j'aurais fait à leur place.
Le Führer sourit, réfléchit, puis ses ordres tombèrent :
- Pour l'instant, ces Français-là ne me gênent pas encore. On va les y laisser mariner une petite semaine tout en installant des champs de mines autour de toutes leurs sorties. Nous les bombarderons ensuite chaque nuit avec un train d'artillerie, ensuite, nous les anéantirons.
Sur tous les fronts, les combattants Allemands, très surpris par des scénarios adverses complètement inattendus, avaient cédé pas mal de terrain dans les premiers jours de combat.
Mais leur orgueil guerrier les avait amenés à se reprendre, sauf à Sylt qu'ils ne considéraient pas vraiment comme un objectif sérieux.
Île de Sylt – Côté Alliés
Un général Danois débarqua d'une petite vedette rapide sur cette île provisoirement pavoisée en bleu, blanc, rouge et s'invita au QG Français, exprimant (en Français) qu’il trouvait la situation très intéressante.
- Vous avez créé un événement international important, et je dirais même que, pour nous, cet événement est fondamental. En remerciement, nous pourrions vous aider, si vous aviez besoin d’hommes supplémentaires.
- Evidemment, nous acceptons. Accepteriez-vous de récupérer le Schleswig-Holstein ?
- La question avait été posée par plébiscite, mais certaines populations avaient décliné notre offre.
- Ah ! cette sale habitude Anglo-Américaine ! La seule vraie question à poser est : Vous aimez l'Allemagne ? Oui. Alors vous déménagez vers des territoires historiquement Allemands, sinon vous redevenez Danois.
- Vous pratiqueriez des déplacements autoritaires de populations ?
- Et comment ! C'est la seule solution. Vous récupérez vos territoires et au moins un bon tiers de la population, du moins si nous gagnons.
- Pourquoi Hitler ne cherche-t-il pas à vous attaquer à cet endroit ?
- D'abord, il est occupé sur deux autres fronts, d'autre part, notre attaque a été une surprise totale pour lui. Il doit gérer plusieurs crises, en particulier dans sa Kriegsmarine, mais aussi là où nos alliés et nous sommes aussi en train d'agir en ce moment.
- Mais, en agissant sur plusieurs fronts, vous vous dispersez. C'est très risqué.
- C'est exactement ce que Hitler doit penser.
- Mais il va machiner le terrain, déplacer ses forces vers vous, protéger Hambourg et l'estuaire de l'Elbe…
- Pour l’instant, cela ne nous gêne en rien. Il ne connaît pas notre plan.
- Acceptez-vous que nous renforcions nos défenses chez nous, voire plus au Sud ?
- Evidemment, mais soyez discrets pour que les Allemands ne vous attaquent pas avant que nous nous soyons renforcés ici.
- Vous devriez, pour cela, débarquer vos matériels lourds à Aarhus. Cela vous donnerait une plus grande facilité pour descendre vers Hambourg ou Berlin. Nous avons augmenté nos achats d’essence Américaine, voyez-vous.
- C’est très bien vu, merci !
Jour 12
Berlin – Côté Allemand
Le lendemain, Dimanche 28 Août, à 0200, Adolphe Hitler fut réveillé brutalement dans son bunker de la Chancellerie.
- Mein Führer, le Russe nous attaque !
- Hein ! Où ça ?
- En Prusse Orientale. Ils semblent vouloir prendre Königsberg !
- Ce n’est pas possible. Et par quels moyens ?
- Pour l’instant, avec des cuirassés vraiment très imposants qui bombardent nos forts côtiers.
- Jodl, tous les moyens militaires que nous avions postés en Schleswig-Holstein doivent partir pour la Poméranie.
- Sieg Heil.
- Keitel ?
- Mein Führer ?
- Vous envoyez tout ce que nous avons comme chars vers Königsberg à travers la Pologne.
- Grand Amiral Reader, le cuirassé Schleswig-Holstein peut-il foncer sur Königsberg ?
- Il y va déjà, mais il n'a aucune chance.
- Pourquoi ?
- Les cuirassés Russes qui nous attaquent sont des Gangut et ils sont nettement plus puissants que notre très vieux cuirassé. Leurs canons sont bien plus puissants que les nôtres et son blindage ne leur résistera pas.
- Est-ce que les Russes disposent de systèmes de localisation Hertzienne ?
- Pas à ma connaissance, mais il est possible que cela change rapidement.
- Quand est-ce que votre navire arrivera à portée des cuirassés Russes ?
- Dans 4 heures à sa vitesse actuelle.
- Actuellement, ces combats sont nocturnes. Donc vous allez profiter de ces dernières heures d’obscurité pour que les points haut du navire soient peint en noir-mat.
- Bonne idée !
- Vous enjoignez à son commandant de se déporter de quelques kilomètres plus à l’Ouest, et quand il aura les navires ennemis sur l’horizon, il leur foncera dessus pour en percer au moins un, avec tous ses canons tirant en même temps, quitte, ensuite, à se réfugier en Suède, puisque les Suédois détestent les Russes.
- Je ne suis pas sûr que cela marche, mon Führer.
- Moi non plus. Mais, quitte à perdre un navire, autant le faire brillamment.
- Ribbentrop, demandez à la Pologne, à la Finlande et à la Suède de nous fournir des volontaires antirusses. Nous les payerons, nous les habillerons et leur donnerons des papiers. J’ai besoin de quelques divisions. Nous vivons un vrai cauchemar !!!
- Manstein, vous, l'homme des surprises tactiques, vous devez là-bas à Königsberg. Notre Reich et notre très chère Prusse doivent être sauvés.
- Bitte, mein Führer !
- Un problème, General Udet ?
- J'attire votre attention sur le risque d’envoyer nos hommes-clé par avion : Nos ennemis Français – comme aussi, maintenant, les Russes - patrouillent sans arrêt notre ciel. Nos avions de transport risquent d'être abattus. Ce serait dramatique.
- Effectivement… Que préconisez-vous ?
- De faire les trajets par la route. Les avions ennemis volent très rarement en-dessous de 3 000 m au-dessus du sol. Tous respectent réellement notre Flak de 20 mm.
- Je vous remercie, General Udet. Manstein, vous avez entendu, vous partez tout de suite par la route.
- Mein Führer, pourriez-vous m'affecter le général Guderian, qui est né là-bas et qui met parfaitement en œuvre toutes les tactiques modernes utilisables avec des Panzers.
- Il vous rejoindra à votre prochaine halte. Vous partez là-bas avec ma Mercedes personnelle jusqu'à Schneidemühl, tout près de ce soi-disant corridor Polonais et vous déterminerez alors les moyens nécessaires pour traverser la Pologne.
- Nous allons peut-être nous faire tirer dessus.
- Allons, Manstein, voilà qui m’étonnerait beaucoup ! Le corridor est peuplé aux trois-quarts d’authentiques Prussiens. Si vous expliquez aux Polonais rencontrés que, en plus, vous allez combattre les communistes Russes qui nous attaquent, je doute qu’ils vous ennuient, bien au contraire. Croyez-vous qu’ils accepteront facilement de voir des athées Russes enragés devenir leurs plus proches et plus puissants voisins ?
- Alleluia !
Varsovie – Pologne - Côté Neutre
Le Maréchal Rydz-Smigly, dictateur de la Pologne, fut réveillé à 0245 par un coup de téléphone qui venait du Général Bulak-Balachovitz.
- Bonjour, Monsieur le Maréchal. Etes-vous au courant de l’attaque Russe contre Königsberg ?
- Première nouvelle. Cela doit être en lien avec cette guerre lancée par les Français et les Tchécoslovaques ?
- Sans aucun doute. Militairement, c’est assez bien joué, tellement même que je n’aurais jamais imaginé que Gamelin puisse lancer une guerre et surtout d’y intégrer les communistes Russes !
- Si tu me téléphones en ce très petit matin, c’est que tu as quelque chose à me demander.
- Tu as raison. Si les Russes prennent la Prusse Orientale, ils deviendront nos voisins. J’imagine que tu vois tout ce que cela va entraîner comme conséquences ?
- En quelque sorte, tu paries que les Russes sont forts contre nous et faibles contre Hitler. Que veux-tu faire ?
- Tu m’as parfaitement compris. Tu me laisses partir avec tout ce que nous avons comme tanks 7TP et environ 2 000 fantassins confirmés dans la lutte antichars et je vais donner un coup de main aux Allemands.
- Tu t’es donc converti aux blindés Je ne peux certainement pas te donner tous les tanks que tu demandes. Je t’en confie déjà 50. Si tu réussis aussi bien avec ceux-là que tu l’as fait avec tes cavaliers, et si les Russes plient, je te donnerai plus de moyens. Essaye de ne pas tirer sur des Français !
- Je ne te garantis rien sur ce dernier point. Ils veulent sauver les Tchèques, je les comprends, mais les Tchèques ont des fortifications, pas nous. Leur aviation est réellement forte, tandis que la nôtre est maintenant assez faible.
- Tu vas donc agir en franc-tireur.
- Tu sais bien que c’est ainsi que je combats le mieux !
- Essaye de ne pas te faire tuer au service de l’Allemagne !
- Mon pays, c’est la Pologne, même si Pilsudski pensait que je changeais de patrie comme de chemise !
- Attends un peu... mmm… Ah ! voilà des nouvelles qui devraient te concerner : Le colonel Beck m’informe qu’Hitler demande à 3 pays, dont le nôtre, de lui fournir des volontaires pour lutter contre les troupes bolchéviques. Le point de ralliement est Schneidemühl.
- J’irai à ce point avec un équipage léger, envoie là-bas ce que tu acceptes de me prêter vers Bydgoszcz.
- Que Dieu et la Vierge te gardent, tu vas en avoir sacrément besoin !
Moscou – Côté Alliés
Dans une (relativement) petite salle du Kremlin, Joseph Staline, Lazare Kaganovitch et Viatcheslav Molotov discutaient avec le Commissaire Nikita Sergueïevitch Khrouchtchev après un exposé qu’il venait de faire à leur demande.
- Camarades, nous savons que les Polonais ne nous aiment pas. Le Maréchal Pilsudski a, pendant, toute sa vie politique développé sa fameuse politique Prométhéenne pour tenter de nous détruire, en particulier en Ukraine. Il n’y a pas réussi, mais nous avons eu besoin d’une puissante organisation pour garder les choses en main. Dans quelques heures, nous allons entrer en guerre contre les nazis. Il est très probable que certains Polonais essayent de saisir cette occasion pour grossir les rangs de nos ennemis. Logiquement, nous allons alors être amenés à exercer contre eux une répression féroce. Je propose pourtant d’appliquer une nouvelle politique vis-à-vis de la Pologne et de ses habitants.
- Vas-y, camarade, nous sommes suspendus à tes lèvres.
- Quand notre chère Armée Rouge a combattu les Polonais en 1920, ceux-ci ont cru que nous étions en fait des tsaristes Russes…
- Qu’est-ce qui te fait dire cela ?
- Les gens que nous exécutions criaient quelque chose avant de mourir. Il m’a fallu du temps pour me poser cette sacrée question : Que crient-ils ?
- Et alors ?
- J’ai posé la question à l’un des condamnés et il m’a dit qu’une partie d’entre eux parlaient à Dieu ou à la vierge Marie, mais les autres criaient "à bas le Tsar" !
- Quoi ! Mais ce n’est pas normal !
- C'étaient des paysans. Le gars que j’interrogeais m’a dit que, chez eux, l’on ne regarde pas les uniformes mais l’action des hommes. Ils n’ont pas vu que nous étions des révolutionnaires, ils ont vus des soldats Russes parce que nous parlions Russe et que nous étions très féroces, en particulier à cause de notre lutte contre les Russes Blancs de Denikine.
- Tu l’as libéré ?
- Sûrement pas, je l’ai abattu moi-même. Il aurait raconté que nous étions capables de pitié, donc faibles !
- Bonne réaction, Nikita. Mais tu suggères que nous envisagions une politique entièrement nouvelle.
- Je vais vous paraître complètement fou : Notre pays est définitivement plus puissant que la Pologne. Je ne vois pas tellement d’avantages à leur supprimer leur souveraineté. Cyniquement, on peut constater qu’ils ont montré, de tout temps, une bizarre tendance à s’entretuer. Cela réduit les risques pour notre fédération. Une Pologne indépendante peut jouer un rôle important, voire utile.
- Lequel, Camarade ?
- Celui de tampon avec la future Allemagne, si celle-ci gardait une part de son esprit Prussien, ce qui me paraît plus qu’évident.
- Mais, là, aujourd’hui, ou demain, si nos camarades sont attaqués par des Polonais associés aux Allemands, que ferais-tu ?
- Si nous sommes attaqués par des soldats Polonais, nous devons les traiter comme nos ennemis Allemands. Par contre, nous rappelons au gouvernement Polonais que nous ne sommes pas en guerre contre la Pologne, mais contre l’Allemagne nazie. En conséquence, nous respecterons scrupuleusement les civils.
- Tu crois que cela suffira à les dissuader ?
- Lazare, toi, tu as une idée derrière la tête. Dis-moi laquelle !
- Camarade Staline, si nous voulons dissuader des gens apeurés de nous agresser, mieux vaut les amadouer en leur offrant un cadeau.
- Tu es riche, toi !
- Tu sais bien que je suis pauvre, Joseph. Mais l’Allemand est riche, lui : Il possède Dantzig. Nous suggérons aux Polonais de prendre cette ville et nous la leur laissons !
- Nikita, Lazare, à vous deux, vous m’avez convaincu. Personne d’entre nous n’avait vu que nous nous comportions à la manière des tsaristes ! Molotov, tu pars aussi rapidement que possible à Varsovie et tu parles sérieusement à ce fameux salopard de colonel Beck.
Washington – Maison Blanche – Côté Neutre
Le Secrétaire d’Etat entra dans le Bureau Ovale.
- J’ai toujours grand plaisir à vous voir dans ces murs, Cordell. Mais vous n’y venez pas très souvent. Vos dépêches sont-elles si mauvaises que vous deviez me les annoncer en personne ?
- A vous de juger, Franklin : Les Français ont débarqué sans difficulté dans le Nord du Schleswig…
- Était-ce une opération amphibie, je veux dire par mer, avec des soldats des autres armes ?
- Je n’ai pas de nouvelle très précises sur ce point. Les Français, notamment l’amiral Darlan, semblent plutôt satisfaits. Un DC 3 Suédois a survolé les îles d’Helgoland il y a deux jours à 3 000 m d’altitude et des fumées noires et blanches s’élevaient de partout. Les Allemands sont furieux. Mais ce n’est pas tout !
- Que peut-il se passer d’autre ?
- Staline s’est joint au combat Franco-Tchécoslovaque, ce Dimanche, évidemment !
- Décidément, ces Français font tout pour m’emmerder !
- Tu crois vraiment qu’ils ont une responsabilité dans ce ralliement ?
- De toute manière, les Français sont des révolutionnaires, donc ils adorent foutre le bordel !
- Tu n’oublies pas l’origine de notre pays ?
- Cordell, tu as raison et, en cela, tu m'emmerdes ! Sais-tu où les Russes attaquent ?
- Oui, ils pilonnent Heidelberg avec deux cuirassés de type Gangut !
- Et qu’ont fait les Allemands ?
- Ils ont lancé leur très vieux Schleswig-Holstein contre eux.
- Il n’a aucune chance. Bon, ce n’est pas demain que Staline va disparaître…
Prusse puis Prusse Orientale – Côté Allemand
Le convoi von Manstein fonçait à très vive allure vers le Nord-Est. Le jour serait levé dans 4 heures et 30 minutes. Sur d'autres routes choisies par l'OKH, depuis Flensburg, Schleswig, Rendsburg, Neumünster et Lübeck, un millier de chars, autant d'engins blindés et 230 batteries de canons s'étaient ébranlés. C’était bien une armée formidable.
Bien plus à l’Est, sur la côte de la Baltique, de part et d'autre de la forteresse pentagonale de Pillau, à la même heure, l'artillerie côtière Allemande tentait bien de riposter aux navires soviétiques. Pourtant, ses excellentes pièces de 305 mm L50 ne pouvaient évidemment rien contre le brouillard épais qui aveuglait ceux des hommes qui définissaient les paramètres de tir. Et, en plus, ce brouillard sentait l’odeur écœurante du mazout...
En face, le cuirassé soviétique Marat écrasait de ses 12 canons de 305 mm les fortifications littorales qui tentaient vainement de situer avec précision leur ennemi du moment.
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Il était évident que le coup avait été prémédité depuis longtemps et que les positions des pièces Allemandes avaient été parfaitement repérées. Le tir de nuit et en plein brouillard, défavorisait fortement les batteries côtières Allemandes.
L'agresseur soviétique jouait sur du velours. Une trentaine d'artilleurs Allemands avaient déjà été tués et plus de cent étaient gravement blessés. Ce qui restait de nuit serait très long pour les défenseurs.
A 0430, après 2 heures de canonnade, un Henschel 126 venu d’Insterburg s'installa à 2 000 m au-dessus de la mer pour guider les artilleurs Prussiens.
Le cuirassé Marat fut touché après 10 minutes de réglage et s'éloigna rapidement hors de portée.
Venant d'une position plus occidentale, le cuirassé-frère Oktyabrskaya Revolutsiya reprit les tirs sur des objectifs de même nature. En plus, il avait aussi descendu le Hs 126 avec ses 4 canons de 76 mm.
A 0610, le cuirassé Schleswig-Holstein était arrivé exactement là où Hitler avait voulu qu’il soit.
Le commandant du navire avait adoré ce plan fou.
La très faible lumière de l’aube naissante interdisait aux navires ennemis de voir quelque partie que ce soit de la structure de l’archaïque navire Allemand. Lorsqu’il ouvrit le feu, à 4 000 m seulement de distance, ses deux tourelles de 280 mm tirèrent en même temps que ses tourelles de 170 mm.
Les cuirassés soviétiques ne disposaient d’aucune espèce de Freya pour surveiller les alentours : Tout allait donc pour le mieux ! Le cuirassé soviétique Marat fut instantanément touché et une de ses 4 grandes tourelles s’envola littéralement, un incendie grondait furieusement en-dessous.
Le commandant Allemand, particulièrement fier de son Führer et de sa propre réussite dans l'exécution du plan, mit le cap vers Karlskrona.
Le choix était risqué, car les atterrages y étaient particulièrement complexes. Les machines maintenaient 17 kts, juste 2 nœuds en dessous de sa vitesse maximale.
A la moitié de la route en cours, une formation de petits avions se montra, venant du Sud-Est. Il s’agissait de bombardiers en piqué Français. Les trente avions se lancèrent dans des manœuvres assez étonnantes.
La voix du préposé à la veille anti-torpille sortit soudain du haut-parleur de la passerelle :
- Huit torpilles à moins de 500 m !
Personne n’entendit plus jamais parler du vieux cuirassé Prussien jusqu’au retour de la Paix.
Par contre, le Marat réussit à éteindre son incendie et à rentrer à Kronstadt.
Schleswig-Holstein – Côté Alliés
Également à 0430, les troupes Françaises, qui venaient de passer presque une semaine sur l’île de Sylt, s’ébranlèrent vers le continent. Nombre de blindés et de canons légers avaient été débarqués depuis le premier débarquement, en particulier des Renault R 35. De l’artillerie de 75 mm avait suivi. Le premier moyen de transport avait bien été le chemin de fer de la digue Hindenburg.
Quelques centaines de Somua S 35 avaient débarqués l’avant-veille au port d’Aarhus et venaient de franchir la frontière Allemande.
Leur trajet avait été agréable aux soldats Français, car ils avaient été applaudis dans toutes les agglomérations Danoises traversées !
A 1200, cinq cents chars Français avaient enfin roulé sur la terre du Schleswig.
Actions des armées Franco-Danoises (bleue) et Allemandes (rouge) - Carte modifiée par moi depuis un atlas du National Geographic |
Le général Charles De Gaulle, chef de la 3ème armée blindée Française, fut accueilli par le général Danois Ragnar Knutsen qui allait l’aider à capturer Flensburg.
L’armée Danoise avait attribué à ce dernier 30 000 soldats bien formés et bien équipés pour cette opération.
Les postes frontières avaient été occupés très silencieusement dans la nuit par ses commandos en employant de très efficaces arbalètes de chasse !
Les deux généraux s’accordèrent facilement et les éclaireurs cyclistes Danois partirent pour Flensburg, suivis par une dizaine de R 35 et une batterie de 75 mm.
La ville était silencieuse et les éclaireurs occupèrent le Rathaus sans avoir eu à tirer un seul coup de feu.
Les premiers habitants rencontrés, effarés, mais dépourvus d’hostilité envers les arrivants, expliquèrent que les tous premiers éléments de l’armée promise à Guderian - qui, apparemment, se préparait jusque-là à reprendre Sylt - avaient disparus quasiment sans bruit vers 0300.
Posnanie – Côté Allemand
A Schneidemühl, le petit convoi de von Manstein trouva toutes les zones de stationnement possibles envahies par des véhicules fortement armés.
C'était la première partie de l'armée Guderian, qui, auparavant, se concentrait au Sud de Lübeck. Plusieurs autres unités blindées allaient les rejoindre.
A 1000, les deux généraux commençaient à discuter lorsqu'une voiture militaire Polonaise arriva.
Le général qui en sortit était en uniforme de uhlan et fut admis dans la pièce où ses deux homologues Allemands analysaient leurs cartes.
Cet officier était très souriant.
- Messieurs, je suis le général Polonais Stanisław Bulak-Balachowicz. Notre chef suprême, qui connaît bien mes capacités militaires, m'a demandé de vous aider à regagner rapidement et très discrètement votre territoire oriental. Nous vous précéderons d’abord jusqu'à Allenstein. Ensuite, ma brigade et moi serions très honorés de massacrer des communistes Russes à vos côtés.
- Nous vous remercions vraiment. Ceux que vous n’aimez pas, ce sont les Russes ou les communistes ?
- Je ne supporte pas les communistes, ils ne respectent rien, pas même leurs frères d’armes ! J’aime beaucoup me battre, certes, mais je les ai vu à l’œuvre de très près, ou plutôt, de beaucoup trop près : Je suis là pour les en punir !
- Vous avez quelle expérience ?
- Je suis un uhlan, donc je viens de la cavalerie, je crois être assez efficace dans les manœuvres rapides. J’ai tenu une bonne partie de la Biélorussie avec une faible brigade – que j’avais intitulée division – de cavalerie…
- Pourquoi passer par Allenstein ?
- Parce que nous y serons en zone boisée, très humide. Personne n'imaginera que vous passiez par là avec des voitures, des camions et, surtout, des tanks. Il est exact que l’on pourrait passer plus à l'Est, mais, alors il serait bien difficile d’éviter l'énorme quantité de lacs et de cours d'eau de la Mazurie, voire, aussi, des Polonais plus… strictement Polonais que nous. Je vous propose donc de traverser la Vistule à Graudenz, parce que je suis sûr que le pont de chemin de fer créé par Bismarck est très solide et, de là, on s'orientera alors un peu plus vers l'Est jusqu'à Insterburg.
- Erich, si on traverse à Graudenz, il me semblerait prudent d’occuper la forteresse située au Nord de la vieille ville. Est-elle en bon état, général Bułak-Bałachowicz ?
- Bien sûr, mais la défense anti-aérienne doit y être un peu faible par rapport à vos standards. Cependant, votre suggestion correspond exactement à ce plan de route que j’avais déjà préparé pour vous.
- En tout cas, Insterburg est une bonne position tactique. Nous y avons un petit aérodrome en herbe là-bas et, si les Russes passent par la Lituanie, logiquement, ils resteront plus au Nord. Nous avons donc un trajet total d’environ 200 km à vol d'oiseau, distance qu'il faut tripler pour rester aussi inaperçus que possible et paralléliser nos déplacements. Soit 600 km, donc 4 jours plus une journée de réparation et d'entretien à la fin. Nous ne devons pas être vus du tout !
- D'après ce que nous savons, seuls les avions Russes viennent de l'Est, en particulier les gros quadrimoteurs TB3. Leur matériel lourd va venir par bateau et va débarquer sur les plages, à mon avis.
- Heinz, vous me paraissez septique. D’où vient votre inquiétude ?
- Mm... Je ne suis pas vraiment sûr de ce scénario. D’abord, il nous faut aller extrêmement vite à Graudenz pour passer la Vistule de façon sûre. Nos chars les plus puissants sont, pour l’instant, ceux de nos amis Polonais, avec leur 37 mm longs. Par contre, ils sont moins rapides que les Pz II.
- Pour cinq kilomètres/heures, tu exagères, Heinz. Et ton second point ?
- Je pense que nous devrions nous garder face à l'Est. Les bombardements maritimes peuvent cacher une attaque terrestre, voire aérienne.
- Comment cela ?
- Les Russes ont des troupes parachutistes, au moins une division ! Je ne sais pas ce que valent ces troupes mais, si elles sont simplement correctes, elles peuvent nous poser des problèmes difficiles.
- Heinz, je ne vois pas comment ces archaïques trapanelles pourraient amener du matériel lourd chez nous.
- Erich, si mes souvenirs sont exacts, les quadrimoteurs TB3 peuvent emmener 5 tonnes de passagers ou de matériels. Ils devraient pouvoir emmener des canons de 75 mm, voire de petits chenillés.
- Vraiment ? C'est la barbe !
- Donc, que désirez-vous faire, vous, les Polonais ?
- Tuer le plus possible de communistes Russes et le plus violement du monde.
- Qu'avez-vous, comme armes ?
- 50 tanks 7TP, nos meilleurs blindés, 160 canons Français de 75 mm mle 1897 dont 100 sont transformés pour détruire des chars, 5 250 fantassins de très bon niveau dont 200 mettent en œuvre des fusils antitanks que nous pensons efficaces face aux chars soviétiques.
- Très bien. Pensez-vous recevoir des renforts ?
- Notre président m'a promis que nous pourrions monter peu à peu vers 12 000 hommes. Mais notre industrie a du mal à fournir des quantités suffisantes de 7TP : Il m’en faudrait 250. Nous allons recevoir plus d'hommes et de canons dans une dizaine de jours, l'équivalent d'une brigade.
- Je vais avoir besoin de votre force à l'Ouest de Königsberg. Inutile, pour l’instant, d'essayer de passer par le Frisches Haff, les Russes vous canarderaient trop facilement, même de nuit. Donc vous passerez par l'Est de la ville et vous irez vous positionner plus au Nord, pas trop loin de la Lituanie, en vous faisant oublier jusqu'à ce que je vous contacte, lorsque nous serons prêts à les encercler.
- Donc il nous faudra un signal et un objectif.
- L'objectif, c'est évidemment la ville de Königsberg. Notre offensive n'a évidemment pas commencé. Nos camarades sur place sont dominés, certes, mais ils donnent encore pas mal de fil à retordre à l'ennemi, en particulier au fort de Pillau ! La Russie est quand même loin. Vous avez des radios ?
- Oui, des appareils comme celui-ci, que nous avons acheté aux USA.
- Le moment venu, nous vous enverrons un signal musical, de la musique Française, le "Boléro" de Maurice Ravel.
- Pourquoi ?
- Parce que les Russes, alliés aux Français, mais très musiciens, imagineront difficilement que nous utilisions cette musique de danse Française pour lancer notre futur assaut contre eux.
- C'est plutôt subtil ! Bravo.
- En route, on s'arrêtera un peu après avoir passé la Vistule à Graudenz. Ce ne doit pas être très loin de Kulm. Tout cela te rappellera ton enfance, Schneller Heinz !
Lituanie (Province d’Alytus) – Neutre – Prusse Orientale – Côté Alliés
A 1100, les paysans Lituaniens furent très surpris de prendre conscience qu’ils entendaient une sorte de ronronnement à la fois grave et puissant qui semblait venir du ciel et de partout à la fois.
Un véritable fleuve d’avions, large de près de 3 kilomètres, survolait la région à bonne hauteur et à une allure majestueuse. Tous volaient vers la Prusse Orientale, en suivant un axe Est-Ouest. Ces avions étaient frappés de la redoutable Etoile Rouge soviétique
Un gendarme de la petite ville de Varena, au Sud-Est de la Lituanie, téléphona à Alytus pour donner l’alerte à son autorité supérieure, disant que ces avions énormes semblaient venir de Radoun, en Biélorussie.
Il estima leur nombre à plus de 300 !
Comme ces avions ne manifestaient pas la moindre attitude hostile envers la Lituanie, et aussi, peut-être, parce que, pour les chasser, ce pays ne disposait que d’une douzaine de Dewoitine 501 en tout et pour tout, rien ne fut tenté contre eux.
Sur son flanc Nord, la formation de bombardiers Russes était escortée par 172 chasseurs Polikarpov I-16 organisés en une chaine de triplets qui volaient à 100 m d’eux.
Le flanc Sud de cette formation était protégé par une centaine de Caudron 710, qui volaient par couple à 600 m au-dessus du niveau des chasseurs Russes, mais à un kilomètre au Sud des bombardiers.
Une autre ligne de défense était constituée par 70 monoplaces Hanriot 221 qui volaient en tête du cortège. Aucun d’entre eux n’occupait plus de quelques secondes la même place parce qu'ils effectuaient un décalage vers leur droite, sauf quand ils arrivaient à la limite droite des bombardiers. Là, ils descendaient de 100 mètres et se décalaient ensuite vers leur gauche jusqu'à la limite gauche du dispositif.
Tous ces avions Français avaient décollé du Nord de la Bohème.
Après 30 minutes de vol, le dispositif Franco-Russe entra en Prusse Orientale, non loin de Gumbinnen.
L’atmosphère changea instantanément : La formation y était attendue par toutes les forces ennemies. La Flak de petit calibre crachait tout ce qu’elle pouvait, sans conséquence, d’ailleurs, parce que tout le monde volait au-dessus de 3 500 m du sol, bien au-dessus du plafond des 20 mm de la Flak.
Lorsque les premiers TB3 se trouvèrent au-dessus d’Insterburg, ils larguèrent chacun leurs 40 parachutistes, imités par leurs successeurs.
Ensuite, tous effectuèrent le long virage qui les ramenait vers leur zone de confort.
Une soixantaine d’avions de chasse Allemands venaient maintenant à la rencontre des bombardiers, après avoir, eux-mêmes, effectué un long virage à l’intérieur de l’espace aérien Lituanien.
Comme d'habitude, ces avions étaient des Bf 109 D, dont le 600ème exemplaire venait de sortir des chaînes le soir précédent.
Les 20 premiers descendaient en léger piqué pour détruire les TB3 de tête. Les deux autres groupes se lancèrent contre les deux escortes latérales.
Les pilotes de TB3 imaginèrent à cet instant même que les chasseurs Allemands voulaient provoquer une collision mortelle. Ce n’était heureusement pas le cas.
Cinq des chasseurs I-16 avaient décollé de trop loin à cause d’un stupide problème administratif, et leurs réserve de carburant devenant trop faible, ils durent rentrer au plus vite à leur base en coupant au plus court.
Ainsi, et involontairement, ils avaient frustré ceux des pilotes de Bf 109 qui voulaient les attaquer et qui avaient également perdu l’essentiel de leur carburant à les poursuivre inutilement.
Eux aussi devaient rentrer à leur base le plus vite possible.
Parmi les chasseurs Allemands qui avaient échappé à ce stupide problème logistique, les quatre premiers Messerschmitt attaquèrent le premier bombardier qui retournait à sa base.
Les deux TB 3 les plus au centre du dispositif Allemand volaient 10 m au-dessus des autres qui, décalés de 20 m vers l’extérieur, étaient aussi 50 m plus loin du bombardier attaqué.
Arrivé à environ 300 m de l'avion soviétique, chacun des pilotes ennemis tira une longue rafale sur le moteur qui lui faisait face.
Cette manœuvre réussit au-delà de leurs espérances. Les quatre moteurs prirent feu quasiment en même temps.
L’avion commença à piquer, puis commença à perdre des éléments de structure ; Personne ne put sortir de l’épave en feu…
Il explosa en arrivant au sol, preuve que ses réservoirs étaient encore bien remplis.
Les dix chasseurs I 16 les plus proches avaient déjà très fortement endommagé les autres assaillants, qui, à l’exception d’un seul, durent se parachuter.
Alors, plus d’une centaine de chasseurs français se regroupèrent pour attaquer les Messerschmitt restants.
Les Caudron 710 étaient aussi rapides que les Messerschmitt 109 D, mais la puissance de feu des deux mitrailleuses FN de 12.7 mm, très inattendue pour leurs ennemis, leur donna un avantage immédiat face à ceux des pilotes Allemands qui voulaient les attaquer frontalement.
Dès que 11 Bf 109 eurent été ainsi descendus, l’agilité des Caudron, devenue proverbiale dans l'Armée de l'Air, leur permit d’obtenir 8 victoires supplémentaires.
Les Hanriot 221, monoplaces bimoteurs à moteurs Renault de 450 Cv, nettement plus rapides que les chasseurs Allemands, gagnaient 1 200 m par minute sur eux pendant la poursuite. Eux aussi portaient un armement très puissant.
Chaque pilote de Hanriot choisit son Bf 109 D, à environ 600 m de sa cible, en commençant un piqué très léger, qui les faisait disparaître dans le vert sombre des forêts survolées. Alors chacun remonta vers son ennemi le plus proche sans avoir été vu. A quelque 50 m, ils ouvrirent le feu.
Les 20 Messerschmitt qui avaient voulu détruire l’avant-garde Russe se retrouvèrent presque tous dans des situations désespérées et 14 d’entre eux furent détruits. Les autres rentrèrent à leur base, souvent en mauvais état et avec leur pilote blessé.
En un unique combat, la Jagdwaffe de Prusse Orientale venait de perdre l’essentiel de sa force opérationnelle.
Insterburg – Prusse Orientale – Côté Alliés
Au sol, les parachutistes Russes, très silencieux, découvraient avec satisfaction que leur opération avait été parfaitement menée.
Les pertes par accident ou du fait de l’ennemi avaient été très inférieures aux prévisions les plus optimistes, ce qui était excellent pour le moral.
Ils capturèrent tout de suite l’aérodrome d’Insterburg et le mirent en état de défense avec les PAK 36 et dix-huit canons de Flak de 20 mm qu’ils avaient trouvés sur place.
Dans cette affaire, ils avaient, en plus, récupéré la dizaine de Bf 109 qui avaient survécu au combat mais qui étaient encore en relativement bon état et douze Henschel 123 flambant neufs, tout ce matériel les intéressant puissamment.
Une dizaine de pilotes Russes, dont les chasseurs I 16 avaient été descendus par les Bf 109, vinrent les rejoindre trois heures plus tard. Ils s’approprièrent les Henschel 123 dont ils comprirent instantanément la destination de nettoyeurs de champ de bataille.
A 1200, un premier TB3 vint déposer un blindé léger T 27, puis redécolla aussitôt. Deux parachutistes montèrent à bord de ce petit blindé qu’ils conduisirent immédiatement à l’extérieur de l’aérodrome. Puis, à peu près toutes les 4 minutes, un nouveau TB3 en faisait autant, ceci continuant jusqu’à ce que 60 de ces blindés aient été livrés.
A 1900, ces engins se formèrent en deux colonnes.
La plus petite des deux formations prit un cap directement au Sud, vers la Mazurie, située à environ 2 heures de route, où elle devrait aider les troupes de cavalerie à organiser une défense contre les Allemands s’ils décidaient de passer par là.
L’autre colonne partait au Sud-Ouest, vers la Vistule, histoire d’empêcher les renforts Hitlériens d’arriver à Königsberg. Elle avait environ 250 kilomètres de trajet devant elle, donc plus d’une quinzaine d’heures de route. Quelques dizaines de camions de prise s’étaient ajoutés aux deux colonnes.
Chacun trainait un canon de Flak de 20 mm ou un canon PAK de 37 mm et portait les munitions adéquates ainsi que l’essence indispensable dans des bidons Allemands parfaitement adaptés à cet usage.
Jour 13
Mazurie – Côté Alliés
A 0100, les douze T 27 venus d’Insterburg venaient de faire leur jonction avec les 8 000 cavaliers soviétiques discrètement entrés en Mazurie après un passage complexe en territoire Polonais. Ces hommes disposaient de pièces d’artillerie légères tout à fait utiles dans les zones à faible visibilité.
Vers 0700, près de 2 000 chars rapides BT 7 firent leur apparition : L’Armée commandée par le général Ivan Stepanovitch Koniev était là. Elle avait manifestement roulé toute la nuit à grande vitesse.
Par ailleurs, les renseignements aériens Français confirmaient le déplacement d’une puissante armée blindée Allemande depuis le Nord-Ouest de l’Allemagne vers la Vistule et l’avance de cette armée ne rencontrait, pour l’instant, aucune résistance venant des Polonais.
Il fallait localiser précisément cette puissante force et trouver comment l’empêcher de traverser la Vistule qui, à cette saison, était, malheureusement, à son plus faible étiage.
Cela signifiait qu’il devait être possible que les chars de cette armée traversent ce fleuve à gué, moyennant des précautions relativement faciles à obtenir.
Le cours de ce fleuve allait bien devoir être traversé à un moment ou à un autre !
En conséquence, des avions de reconnaissance Bréguet 694 R, volant à 480 km/h de croisière et à 6 000 m de haut, le survolaient très fréquemment.
L’attention des observateurs était maximale aux alentours des ponts.
Corridor Polonais - Côté Allemand
Ayant dépassé Bromberg, l’armée Guderian-von Manstein ravitaillait discrètement.
Le général Guderian était un peu surpris : Ses nouvelles troupes avaient réussi à quitter le Schleswig sans voir aucun avion où que ce soit.
Dès qu’ils s’étaient revus, il avait souligné cette anomalie à son collègue Erich von Manstein, qui avait haussé les épaules.
Ce général - manifestement très bien considéré par ses pairs - pensait que les Français n’étaient pas des adversaires de son niveau.
Guderian pensa, in petto, qu’une telle attitude n’était en rien raisonnable : L’Armée de l’Air Française avait joué un rôle-clé contre ses chars au moment où il tentait de surprendre les Français en passant par les Ardennes Belges, hypothèse que tous, à Berlin, savaient violemment rejetée par les militaires Français du plus haut rang. Du coup, toute future tentative de pénétration en France allait imposer d’énormes dépenses en homme et en matériel !
Cette même aviation était encore intervenue contre les troupes de von Bock en Rhénanie, et là aussi, de manière écrasante tout en réussissant à ne souffrir que de pertes bien trop modérées à son goût.
Certes, la France ne disposait pas de base aérienne sur la Baltique, mais le Danemark, maintenant ouvertement en guerre aux côtés de la France, n’en manquait sûrement pas.
Au minimum, les avions Français déjà installés à Sylt pouvaient aller jusqu’à Copenhague voire, pourquoi pas, sur la petite île de Bornholm, bien plus près.
Depuis ce matin, cette satanée Armée de l’Air Française faisait à nouveau parler d’elle !
Guderian voyait parfaitement bien les longues traînées blanches que les avions-espions Français tissaient dans le ciel, sans qu’aucun avion Allemand ne puisse y faire quoique ce soit.
Il fit arrêter le convoi, chaque véhicule se garant sous un arbre, comme il l’avait ordonné dès le début de ce mouvement.
Une fois le dernier Bréguet 694 passé, il ordonna que deux régiments de chars traversent la Vistule à gué avec leurs systèmes de prise d’air bien en place et leur tuyau d’échappement, lui aussi très rehaussé, mais courbé vers le centre de la Terre. Chaque char prêt à traverser disposait, en plus, d’un câble de remorquage long de plus de 300 m pour pouvoir revenir à la berge en cas de grosse difficulté, grâce à des treuils très puissants.
Ce câble serait largué uniquement lorsque son porteur serait arrivé sur l’autre rive et ce décrochage serait assuré par des fantassins venant de traverser le fleuve à la nage.
Ainsi libéré, ce câble pouvait servir à un autre char.
Le premier régiment, équipé de 75 Panzer I, n’éprouva aucune difficulté.
Le second régiment, équipé du même nombre de Panzer II, plus lourds, traversa un peu moins facilement, mais la relativement faible hauteur de l’eau évita les gros ennuis.
Ces 150 chars furent laissés à peu près là où ils avaient touché terre.
Une heure plus tard, les 7TP Polonais arrivèrent devant le premier des 11 arcs de soutènement du majestueux pont de Graudenz.
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Amoureux de sa propre geste. Il voulait qu’une fois le pont atteint, seule une moitié de ses chars y pénètrent, restent à l’arrêt jusqu’au moment de l’attaque, pour, au moment voulu, foncer comme des fous sur l’ennemi.
Guderian, de son côté, aurait préféré les voir entrer tout de suite sur le terrain de combat en se déployant à toute vitesse car leur canon de 37 mm Bofors, comparable à celui du Panzer III, était certainement capable de venir à bout des légers chars soviétiques de reconnaissance.
Mais Erich von Manstein était le chef désigné par Adolf Hitler pour cette expédition et il préférait laisser le général Bułak-Bałachowicz faire comme il l’entendait.
Guderian ne cacha pas son inquiétude : Pour lui, toute perte de temps était un prodigieux cadeau fait à l'ennemi, et ce n'était pas le moment !
Bavière Orientale – Côté Alliés
Bien loin de là, l’aviation de bombardement Française avait commencé la journée, à 0800, en faisant décoller 286 bombardiers Bréguet 462 et 231 Amiot 340 à 0500 de plusieurs bases de l’Est de la France pour attaquer les usines Messerschmitt à Augsbourg et à Ratisbonne.
Cette fois, la surprise avait moins bien jouée parce que la pratique de la guerre aérienne était maintenant devenue quotidienne.
Les très nombreux canons de Flak de 88 mm avaient donc été servis quasi instantanément.
En outre, l’altitude de bombardement avait été réduite à 3 000 m barométriques et surtout, malheureusement, aucun Bloch 151 n’avait pu participer à ces actions pour museler la Flak (parce qu’ils n’avaient pas encore les jambes assez longues).
Aucun Potez 633-B n’y avait participé non plus parce que tous étaient en train de se déplacer vers le Danemark, ceci venant d'ordres contradictoires.
En conséquence, plus d’une vingtaine de bombardiers avaient été abattus et plus de 30 autres avaient subi des dégâts très sérieux, dont certains avaient entraîné des morts au sein des équipages.
Une majorité des équipages descendus réussirent cependant à échapper aux recherches Allemandes et à se réfugier dans les forêts Tchécoslovaques : L’entraînement de fantassin avait bien servi ces équipages.
Des soldats Tchécoslovaques appartenant aux troupes de couverture des ouvrages de fortification réussirent à les ramener en sécurité.
Île de Bornholm – Côté Alliés
A 0800, à l’annexe du service photographique de l’Armée de l’Air placé sur l’île de Bornholm, André Damestrilliac, ancien analyste de la maison, maintenant retraité, avait emmené sa fille pour rendre visite au colonel Fernand Marcadeau, un de ses amis et ancien compagnon d’armes de la Grande Guerre, notamment sur le fleuve Piave, en Italie.
Tous les trois admiraient les bonnes conditions de travail des analystes militaires rendues possibles par l’amélioration des objectifs des caméras photographiques et aussi par l’amélioration des pellicules employées.
A un moment, Viviane, jeune fille de 21 ans, s’arrêta devant la projection d’une photo sur un mur parfaitement blanc. L’image avait deux mètres de large. Elle demanda :
- Excusez-moi, monsieur, puis-je vous demander ce que vous recherchez sur ce cliché ?
Le sergent Abitbol lui répondit :
- On me demande de trouver des chars de combat qui pourraient passer cette rivière. Mais, ici, il n’y a rien.
- A quoi ressemblent vos chars ?
- Regardez ce dessin, je ne vois rien qui y ressemble où que ce soit.
- Et s’ils avaient déjà traversé la rivière ?
- On ne fait pas traverser une rivière à plusieurs dizaines de tanks en 5 minutes.
- Ne pourraient-ils pas passer à moitié sous l’eau ?
- Euh, je n’en sais rien. Pourquoi ?
- Vous voyez là, là et là, les formes de ces arbres ne se ressemblent en rien, par contre leurs ombres sont identiques.
- Mais… Oh ! Ça alors ! Mon Colonel, la demoiselle a trouvé l’armée blindée du général Guderian !
- André, ta fille est aussi terriblement douée que toi. Sergent, la photo est sortie depuis combien de temps ?
- 14 minutes. Je viens de regarder : Sur la photo de l’heure précédente, il n’y avait encore rien de tel à cet endroit.
- Merde alors ! oh ! pardonnez-moi, Mademoiselle !... Allô, Martin-Pêcheur, ici Rufian. Nous avons la position de l’armée Guderian, à mi-distance entre Bromberg et Graudenz, notre photo date de 14 minutes. Le Bréguet l’a prise il y a tout juste une heure. Je pense qu’il faut envoyer les gars, mais attention à la Flak !
- De Martin-Pêcheur : Ils y seront dans les temps… Merci .
- Mademoiselle, accepteriez-vous de nous donner un coup de main pour le temps de la guerre ?
- Je veux bien le faire, depuis la mort de Maman, je n’ai plus envie de rester à Paris.
- Tu me laisses rentrer seul ?
- Je connais au moins une femme que tu trouves très jolie et qui s’intéresse beaucoup à toi. Je préfère ne pas être la spectatrice de vos manœuvres. Profites-en autant que tu peux. Ensuite, de toute façon, j’irais ailleurs.
Sur le front de la Vistule, à 1000, les T 27 soviétiques, ‘’décorés’’ depuis l’aube avec des branches riches de feuillage, approchaient de plusieurs des points où une traversée de la Vistule était classiquement vue comme facile.
Les bancs de sable étaient très nombreux mais, parmi les parachutistes russes, personne ne savait si ces bancs de sables étaient dangereux ou pas.
On pouvait évidemment imaginer aussi que la Vistule basse serait traversable par un gué à moitié submergé, ou par des ponts de bateau. Mais ce dernier mode de traversée pouvait ralentir fortement le transfert des véhicules chenillés.
On aurait aussi pu imaginer que les Allemands la traversent nettement plus en amont, ce qui aurait pu réduire certaines de leurs difficultés.
Graudenz – Côté Alliés
Carte de la Bataille de Graudenz : Flèches rouges : Forces Allemandes – Flèches bleues : Forces Alliées. |
Son grand avantage était sa résistance face à des chars de 20 à 24 tonnes dont les services de renseignement évoquaient la possible présence très bientôt dans la Wehrmacht.
Ce pont assurait à la fois le passage du chemin de fer et d’une route. Les trains pouvaient s’arrêter dans la gare de la rive droite, en amont de la vieille ville, peu après avoir traversé la Vistule.
On ne voyait aucune fumée dans cette zone…
Le temps était un peu brumeux mais une belle journée s’annonçait.
En face, sur la rive gauche, nettement plus basse, et où le pont continuait de s’étendre assez profondément, on ne voyait apparemment personne.
Ce qui frappait les soldats soviétiques, c’était que, jusque-là, ils n’avaient guère rencontré d’opposition pendant leur voyage.
Certes, ils avaient roulé essentiellement de nuit, mais, malgré tout, les choses n’auraient pas dû être aussi tranquilles.
Char T 27 - |
Le capitaine Dimitri Nikolaïevitch Orlov, qui commandait ces quarante-huit T 27, commanda brusquement un mouvement d’éclatement en étoile qui, du fait de l’entraînement très intense qu’il avait imposé à ses parachutistes, fut instantanément réalisé.
Une douzaine de secondes plus tard, un obus de 150 mm tomba presque à l’endroit qu’occupait initialement son propre véhicule !
Orlov lança manuellement un intense fumigène rouge pour cacher son char, puis recula de cent mètres, à l’abri d’une grosse bâtisse située à quelques centaines de mètres en amont.
Le bombardement reprit une quinzaine de secondes plus tard, un peu plus près de la Vistule.
Ces tirs ravageaient les arbres centenaires de la rive droite en amont de la géométrie complexe des murs rouges de la vieille ville qui tranchaient sur un paysage bien vert et apparemment paisible.
Orlov utilisa sa radio pour prévenir ses chefs qu’il avait établi le contact avec l’ennemi.
Tous les petits blindés soviétiques refluèrent vers l’Est, laissant juste une batterie antichar de 45 mm parfaitement dissimulée pour souhaiter la bienvenue aux blindés Allemands dès qu’ils sortiraient du pont.
Après un quart d’heure d’attente très silencieuse, les parachutistes russes décelèrent des mouvements discrets. Des soldats ennemis avançaient très rapidement en file indienne. Ils semblaient vouloir investir la ville ancienne.
Plusieurs fusils Russes tirèrent sur eux avec une belle précision. Quelques fantassins ennemis survivants reculèrent sur le pont.
Orlov restait vigilant et fit évoluer la moitié de ses chars vers le Sud. A cet instant, il eut une grande émotion car il vit des chars très rapides qui venaient l’entourer de toutes parts. Il reconnut la structure caractéristique des chars BT 7 avec leur suspension Christie. Ouf, comme c’était rassurant !
Le colonel Igor Nesterov lui donna l’ordre d’attaquer vers le pont et il eut l’impression que les 80 chars BT avançaient comme pour prendre la vieille ville de Graudenz. Un mitrailleur de T 27 se mit à tirer plusieurs rafales de sa mitrailleuse vers des silhouettes humaines qu’il voyait sur le pont. Ce faisant, il déclencha en retour un véritable ouragan de feu.
En réponse, une dizaine de 7TP Polonais installés sur le pont avaient ouvert le feu avec leurs 37mm, chacun sur l’un des T 27 qu’il avait la capacité de voir. Le grand nombre de coups au but entraîna un drame pour les petits blindés soviétiques les plus proches du pont. Six d’entre eux explosèrent littéralement.
Char BT 7 soviétique – Les grosses roues qui soutiennent les chenilles sont caractéristiques du système Christie |
En retour, les BT 7, qui disposaient d’une plus large fenêtre de tir, firent feu de leur 45 mm à travers le couloir de circulation du pont et la plupart des tankettes Polonaises stationnées là partirent, elles aussi, en fumée.
Là-dessus, un nouveau tir de barrage d’artillerie Allemande de 150 mm créa une ligne de destruction à 200 m à l’est de la sortie du pont, épargnant de justesse la gare.
Cela coûta encore quelques T 27 et même 5 chars BT 7. La batterie antichar n’avait pas résisté, elle non plus, à ce bombardement.
Orlov était effaré d’avoir perdu entre 100 et 200 hommes tués en un temps aussi réduit.
De l’autre côté de la Vistule, Heinz Guderian avait assisté à ce fait d’arme navrant pour le Reich : Ce pont si précieux, si vital pour la Prusse, était désormais inutilisable pour ses hommes, tout cela rien que pour satisfaire une vaine image de gloriole !
Il allait falloir débarrasser le tablier des carcasses brûlées et renforcer son assise.
Il donna l’ordre aux deux régiments qui avaient traversé à gué de venir sur Graudenz pour liquider les T 27 restants et pour prendre la forteresse. Ils étaient encore, malheureusement, à une heure de marche. Il pouvait encore se passer bien des choses en une heure !
Le général Polonais comprenait son erreur et plaça ses trente 7TP survivants en serre-file au Nord-Ouest des éléments de l’armée Guderian.
Oui, Guderian avait eu raison.
S’il l’avait écouté, les 7TP auraient débouché depuis une heure en balayant les modestes T 27 dès leur arrivée.
L’artillerie anti-char et la Flak seraient déjà sur la rive droite pour tenir à distance d’éventuels renforts soviétiques. Les deux régiments qui avaient passé la Vistule à gué seraient dans la forteresse et les renforts soviétiques seraient en crise !
Il envoya un message à von Manstein et à Guderian pour reconnaître la meilleure vision de ce dernier et s’excuser de son opposition stérile.
Espace aérien du Corridor Polonais – Côté Alliés
A 1040, le commandant de Laubier, qui avait entraîné avec passion ses hommes sur les nouveaux Amiot 340, beaux, rapides et faciles à piloter, avait fixé l’altitude de vol de ses bombardiers à 4 000 m. La manœuvre était relativement simple : Suivre la rive gauche de la Vistule depuis Bromberg et trouver l’armée Allemande.
Dans le viseur de bombardement, il décela une colonne de véhicules colorés en un gris typiquement militaire. Graudenz devait être encore à 20 kilomètres, le vent soufflait de l’Ouest vers l‘Est.
Quelle belle cible pour les bombes de 100 kg !
La Flak commença à tirer des centaines de fils d’or.
De Laubier commanda :
- A Midi trente, 2 bombes par seconde. Eventail largeur 5. Ne pas tomber de plus de 4. Montjoie !
- Saint-Denis !
Il vit avec satisfaction ses bombes tomber sur une colonne de gros canons. Il constata moins d’une minute plus tard que l’avion avait regagné presque d’un coup les 400 m de léger piqué qui avaient permis de lancer les bombes à 500 km/h.
Son mitrailleur l’informa deux minutes plus tard que de nombreuses fumées noires et des explosions importantes leur créaient une sorte de traîne de mariée et qu’il serait peut-être temps de rassembler sur la maison.
C’était évident : La Flak de 20 mm n’avait pas réussi à les démolir et, curieusement, pour le moment, les 88 mm semblaient aux abonnés absents.
La mission était accomplie, il était temps de revenir à la base pour recommencer en début d’après-midi.
A 1045, le colonel Murtin et les 80 Nieuport 161 de son escadre de Chasse avaient quitté l’île Danoise de Bornholm depuis 45 minutes à destination de la rive gauche de la Vistule, quelque part dans les 60 kilomètres séparant Bromberg de Graudenz.
Ils suivaient, à 5 minutes d’intervalle, les Amiot 340 de la 1ère escadre de bombardement, elle-même précédée par les Hanriot 221 de chasse qui commençaient tout juste à ouvrir leur propre bal contre des Messerschmitt 109 D.
Volant à 4 000 m d’altitude et à peu près au cap 150, ses chasseurs ouvraient la voie aux avions qui allaient mener l’assaut près du sol.
Murtin était trop loin des Amiot 340 pour voir leurs bombes tomber, mais les explosions et les incendies se succédaient devant lui, sur ces terres qui paraissaient idéales pour l’agriculture mais dont l’histoire montrait qu’elles l’étaient tout autant (voire davantage) pour favoriser l’éclosion de guerres sanglantes.
Il vit enfin le superbe virage de la Vistule qui brillait comme une lame d’acier au soleil de cette fin de matinée et commanda le largage des réservoirs en contre-plaqué, opération réalisée sans histoire.
Un Nieuport se porta en avant, celui du lieutenant Jean Accart, secondé par le sous-lieutenant Edmond Marin-la-Meslé :
- Chasseurs Boches à 11 heures. Niveau 35.
- Ici Ange-Gardien, serpillère acceptée, conservez Pierre et François, ensuite rassemblez vers moi pour protection BA.
- Accepté.
Murtin, lui aussi, avait eu le nez creux : Il distinguait parfaitement les 8 Messerschmitt 109 qui montaient pour attaquer les avions d’assaut qu’il protégeait avec ses hommes.
Ses N 161 firent un virage en U très serré et se retrouvèrent en descente dans le dos des Messers. Les six Français ouvrirent le feu simultanément à moins de 200 m. Cinq Allemands tombèrent.
Un seul des Allemands avait réussi une manœuvre d’esquive, et, bien que légèrement touché, après un piqué spectaculaire, il fuyait à tire d’aile vers l’Ouest.
Deux Allemands restaient : L’un revint à Morel, l’autre à Le Gloan.
De leur côté, Accard et ses trois acolytes remontaient avec cinq victoires.
Le Gloan signala :
- Nos deux Messers étaient plus rapides que tous ceux rencontrés précédemment, j’ai trouvé. Pas vous ?
- Je confirme.
- Moi aussi. Mais nous les tenons toujours à notre main, pour l’instant. Je venais de dégager vers l’arrière quand ce salopard est parti en piqué. Il avait trop d’avance quand je suis arrivé à le localiser de nouveau.
- Si tu avais piqué à sa suite, la Flak t’aurait eu. Point final !
Les 40 premiers Bloch 151 piquaient vers les objectifs qu’ils venaient d’identifier. La trajectoire variait d’un pilote à l’autre, pour dérouter la Flak. Leur formation était très largement étalée.
La puissance cumulée de leurs deux canons, augmentée par la vitesse du piqué, se révéla très efficace, quelle que soit la cible visée.
Les 40 autres avions de la formation complétèrent l’attaque et eurent la chance de faire sauter simultanément un dépôt d’essence et un dépôt de munitions. Un énorme champignon noir monta jusqu’à 800 m d’altitude.
Juste après, les 10 escadrilles de Potez 633 commencèrent la chasse aux blindés Allemands en volant à un peu plus de 2 mètres du sol. Les soldats Allemands assistaient à ce spectacle pour la première fois de leur vie. Rien ne les y avait préparé, et des scènes de débandades furent nombreuses, ce qui amena le colonel commandant les Hanriot 221 à inviter ses collègues encore riche d’essence à participer à la chasse.
Murtin comptabilisa, pour la totalité de son groupe, un total de 69 victoires aériennes.
Les 30 Hanriot 221 en totalisaient 32. Les 80 Bloch 151 avaient détruit 42 chars légers, 64 semi-chenillés, 24 postes de Flak et 32 canons PAK 36.
Les 150 Potez 633 avaient anéanti au moins 112 chars légers et 14 chars bien plus gros que tout ceux qu’ils avaient vu jusqu’ici.
Le passage des 80 Amiot 340 avait été fatal à un peu plus de 70 canons lourds et à un nombre indéterminé (mais bien plus important) de camions de toutes catégories.
Les pertes Françaises totalisaient 17 avions abattus et une trentaine d’autres avaient été touchés, en particulier au sein des bombardiers.
Un deuxième passage allait se faire dans les 20 minutes à venir avec une puissance du même ordre en employant pour la première fois 94 Potez B5N quadrimoteurs.
Graudenz – Rive droite de la Vistule – Côté Alliés
Tous les yeux étaient encore braqués sur la sortie du pont quand une explosion retentit derrière Orlov, un BT 7 semblait maintenant en flammes. Le jeune capitaine hurla :
- Attaque venue du Levant !
- Commandant Orlov, ici Nesterov. Vous commandez très bien, vous allez me succéder. Prenez mon BT 7, c’est bien meilleur que le T 27. Moi je pars à l’hôpital… Allez vers la vieille ville, au Nord. Et que Dieu vous garde, camarade.
A ce moment-là, Orlov vit la réalité de la menace : Au moins deux unités de panzers soulevaient un nuage de poussière à environ 800 mètres derrière lui. Il accéléra vers la vieille ville aux murs de briques.
C’est alors qu’il vit que la ligne des panzers se compliquait de flammes et de fumées. Une cinquantaine d’avions soviétiques I 153, étaient en train de bombarder les chars Allemands !
Il s’arrêta pour laisser passer ses petits chars vers la rampe d’accès à la ville et vit que d’autres avions attaquaient identiquement des cibles localisées sur la rive Ouest.
Il prit ses jumelles et vit les cocardes tricolores Françaises. Il sentit un gros soulagement l’envahir. Les Alliances, c’est quand même drôlement agréable quand ça marche aussi bien.
Il quitta son T 27 et s’installa dans le BT 7 abimé qui venait de s'arrêter à côté de son petit char. C’était celui qu’avait occupé Nestérov jusqu’à son évacuation. Le conducteur de ce blindé lui fit signe de monter à bord.
- Je suis Edvard Timochenko, je suis le commissaire politique de cette unité. Le Général Koniev veut vous parler… A vous, camarade Koniev
- Colonel Orlov, vous avez vraiment bien mené vos affaires depuis votre saut sur Insterburg. Vos hommes et vous, vous vous en êtes très bien sortis avec vos très faibles T 27. Maintenant, en plus, vous commandez toute la brigade. Vous verrez : Les BT 7 sont bien meilleurs, mais ils ne sont pas aussi blindés qu’il le faudrait. Vous allez devoir passer la Vistule, évidemment par ce pont. Vous allez avoir du soutien aérien de notre part d’ici 30 minutes.
- J’ai deux inquiétudes : Il reste beaucoup de carcasses de chars nazis sur le pont, donc il faudrait que j’ai le temps de les en extraire vers ma rive. D’autre part, je ne suis pas vraiment sûr de la résistance du pont après les grosses explosions qu’il a connues.
- Vos BT 7 vont vous servir pour résoudre la première question, ils ont tous des points d’attache vraiment très costauds. Timochenko va vous montrer. Faîtes-lui confiance, il est excellent. Pour le second point, vous devrez visiter le pont à pied pendant qu’un de vos anciens T 27 le traversera. Vous sentirez bien s’il y a des anomalies. Mais je pense que cela va aller. Avant tout, c'est quand même un pont de chemin de fer ! Les trains sont lourds, vous savez. Rappelez-vous, nous allons tous devoir passer sur l’autre rive de la Vistule, et, la meilleure des solutions consiste à employer ce foutu pont. Nos hommes du Génie arriveront dans une heure pour d’éventuelles réparations
- A vos ordres !
Le Commissaire du Peuple Timochenko plaça son BT 7 près de la sortie du pont. Sortant du char, il demanda à deux parachutistes de l’aider puis déroula une lourde chaîne d’acier que les trois hommes attachèrent à l’essieu avant du plus proche 7TP calciné (toujours orné de la swastika du IIIèmr Reich) qui était coincé sur le pont.
Il prit une photo du char Polonais avec un Leica, mit ses deux aides en sécurité et reprit sa place de conducteur.
Une fois le moteur du BT 7 en route, il mit progressivement les gaz en reculant. Orlov admira la puissance des 450 Cv du moteur de ‘’son BT’’ à l’œuvre.
Après un concert de grincements épouvantables, le 7TP Polonais désemparé fut abandonnée à 100 m à l’Est du pont.
Une partie des autres BT 7 répétèrent les mêmes manœuvres, libérant ainsi le tablier du pont en une petite demi-heure.
Orlov procéda à l’inspection demandée un quart d’heure plus tard.
Le tablier avait réellement beaucoup souffert… Ensuite, il fit avancer son BT 7 sur le tablier du pont.
Eprouvant des sensations bizarres, il fit baisser la vitesse à 10 km/h, ce qui améliora son ressenti. Il exigea que ses chars passent en respectant strictement un intervalle de 100 m les uns des autres et ne dépassant en aucun cas les 10 km/h.
Il en avertit le maréchal Koniev.
Vingt minutes plus tard, une centaine de BT 7 et une cinquantaine de canons de 76 mm antichars s’étaient répartis sur la rive Nord de la Vistule.
Maintenant, il avait une vue plus précise de l’ancienne ville de Graudenz dont la haute muraille devait rutiler à chaque coucher de soleil.
Graudenz - Vue de la vieille ville depuis la rive Ouest |
Un petit avion biplan monomoteur vert siglé de l’étoile rouge passa au-dessus de lui puis se posa sur la route.
L’homme qui en descendit, un lieutenant, se dirigea vers lui et lui demanda :
- Voulez-vous voir le champ de bataille, colonel ?
- Il ne reste donc pas de Chasse nazie, lieutenant ?
- Elle a été très bien balayée par les Nieuport et d’autres chasseurs Français il y a une heure, juste avant que les Potez et les Bloch ne fassent le ménage des chars de Guderian et de Manstein.
- Elle ne peut pas revenir ?
- C’est vraiment très peu probable, elle a tellement perdu d’avions…
Orlov faisait son vrai baptême de l’Air en pleine bataille. Il fut étonné lorsqu’il s’aperçut que l’avion volait en crabe peu après le décollage.
Puis il comprit que c’était une forme d’illusion.
Le spectacle qui s’offrait à lui le captiva bien davantage. Cela commença par d’innombrables canons de 150 mm qui semblaient avoir brûlé… Mais, bon Dieu ! Ils étaient en acier ! Comment était-ce possible ?
Puis il vit, sur des kilomètres, des centaines de chars dans toutes les positions possibles. Il y avait aussi beaucoup de corps humains. Ces hommes avaient beau avoir été de féroces ennemis, il ressenti en lui une pitié dont il n’avait jamais imaginé l’existence jusque-là.
Pas mal de maisons paysannes semblaient avoir aussi été détruites. On ne fait pas d’omelette sans casser des œufs, dit-on…
Le lieutenant le ramena près de ses chars.
- Est-ce que des chars Allemands survivants ont pu aller vers Dantzig ?
- Je ne le pense pas, en tout cas je n’ai vu aucune trace qui pourrait le laisser penser.
- Il y a sûrement des survivants, pourtant !
- Sans aucun doute. Mais j’aurais tendance à penser qu’ils doivent plutôt rouler vers Berlin.
- Berlin !?
- Oui, il y a plusieurs armées Alliées qui, d’après ce que j’ai cru comprendre, convergeraient vers Berlin :
o Deux armées Françaises, dont l’une accueille plusieurs divisions Danoises,
o Une armée Belge avec une protection aérienne Britannique,
o Une armée Tchécoslovaque.
- Et notre armée, alors ?
- Je ne sais pas.
- En tout cas, merci, lieutenant, cette balade était remarquable !
Le, désormais, colonel Orlov réintégra son BT 7 et demanda à Edvard Timochenko de le mettre en relation avec le quartier général de l’Armée.
- Quelle question voulez-vous poser, camarade colonel ?
- La première est : Comment avez-vous pu amener les chars BT 7 ici ?
- Oh, vous avez raison. Je vous signale que nous sommes en guerre, en fait, depuis plus de temps que les gens le croient. Nous avons utilisé deux méthodes différentes.
o L’une a consisté à amener des chars par péniches fluviales apparemment commerciales qui, bien avant que nous n’entrions en guerre, avaient remonté le Niémen jusqu’à la frontière Germano-Lituanienne sur la rive gauche.
o La seconde a consisté à faire venir les chars de Biélorussie, terre qui est assez proche de la Prusse Orientale au point des 3 frontières entre Pologne, Lituanie et Biélorussie. Le passage, d'environ 70 kilomètres, passe parfois à travers la Lituanie, parfois à travers la Pologne. Cela a demandé une nuit complète, au prix d’une dépense importante en alcools divers apporté par des ‘’amis’’ pour endormir les populations locales. Cela vous convient ?
- Parfaitement, Ivan Stepanovitch !
- Autre question ?
- Oui ! Celle de notre destination. Il me semble que nous avons au moins trois choix.
- Là encore, Dimitri Nikolaïevitch, vous posez une excellente question. La première destination possible serait d’aller à Dantzig. Mais le Maréchal Staline laisse cela aux Polonais. Ces derniers ont arrêté d’aider Hitler en douce et, nous leur offrons – en échange – de prendre cette ville aux Prussiens, ce qu’ils ont accepté. Mais ils ont quelques difficultés…
- Mais, les 7TP que nous avons extraits du pont combattaient bien pour les Allemands, je peux vous le certifier, ils m’ont tué pas mal de gars !
- Vous avez totalement raison. Mais, justement, nous avons intérêt à les avoir de notre côté maintenant que leur chef est mort grâce à nos amis Français. Ce sont les Polonais qui vont devoir régler la question de Dantzig. Donc je relance les possibilités :
o Une seconde destination pourrait être de soulager Prague. Mais nos Alliés Tchécoslovaques ne sont plus vraiment en danger. Les Sudètes commencent à quitter spontanément ce pays, après la mort du général von Reichenau à la fin de la bataille de Teplice.
o La dernière destination est Berlin, et nous allons y aller pour finir cette guerre !
- J’ai cru entendre que plusieurs armées amies étaient déjà en route !
- Ce n’est pas encore opérationnellement vrai, mais cela a toutes les chances de le devenir d’ici environ trois jours. Et nous, nous avons une petite formalité avant : En finir avec l’armée Guderian.
- Est-ce qu’elle ne risque pas d’aller dans la forêt de Tuchola ?
- C’est effectivement un endroit que les Allemand, et en particulier Guderian, connaissent parfaitement bien. Pour autant, je ne les voie pas se perdre par là-bas tant que la capitale du Reich n’est pas solidement défendue.
- Guderian a déjà bien failli surprendre les Français avec ses divisions blindées. Sans le hasard qui a permis aux Français de repérer les chars ennemis dans les Ardennes, nos Alliés auraient été pris à revers…
Carte modifiée par l’auteur d’après la topographique de Wikipedia - Lignes rouges : Retraite Allemande |
- N’ayez crainte. Nous avons traité la zone de Tuchola et je vous assure qu’il n’y a personne de dangereux là-bas. Vous avez passé le pont. Vous allez être un peu seul le temps que l’on répare votre pont. Vous avez eu sacrément raison d’être prudent. Votre façon de combattre vous a paru coûteuse lorsque vous avez compris que vous aviez perdu 187 hommes, mais vous avez su éviter les pertes inutiles, même avec vos si fragiles T 27 !
- Mais je ne sais même pas de quoi Guderian dispose contre nous.
- Il dispose encore d'environ 80 000 hommes, 500 chars et 400 canons. Et, en plus, il semble être génial. Votre chance, justement, c’est qu’il va vous sous-estimer : Il y a moins d’une heure, vous étiez seulement capitaine. Là, et sur suggestion expresse du Maréchal Staline, je vous accorde 600 nouveaux chars et autant de canons, dont quatre cents de 76 mm antichars, le reste étant nos nouveaux canons de 152 mm. Avec ceux-là, vous pourrez arroser l’ennemi à 17 km, 4 000 m de plus que lui.
- Vous avez une idée de là où ils sont ?
- Ce n’est pas compliqué si on a une carte incluant à la fois Berlin et Graudenz, ou, plutôt, Bromberg, à environ 60 km au Sud-Ouest de vous. Vous voyez ces villes ?
- Parfaitement. Ah ! oui ! Mon doigt suit l’affluent, qui commence par le Noteć, lequel se jette dans la Warta et qui finit à Küstrin dans l’Oder. Donc, si Berlin est l’objectif de Guderian, il va foncer sur Berlin et me laisser quelques perles d’artillerie et d’infanterie dans les forêts rien que pour me ralentir !
- Exact, excellente vision tactique.
- Donc, je fonce en priant le Ciel et Staline de me conserver une solide défense aérienne.
Un rire énorme secoua les 3 hommes. Koniev écouta sa radio un instant. Il leur répéta les nouvelles :
- Le Maréchal Staline communique : La Bataille de la Vistule est une très grande victoire où le courage et la ténacité des soldats Soviétiques soutenus brillamment par les superbes actions destructrices et la protection sans faille des aviateurs Français et Soviétiques. Ensemble, nos deux nations ont bloqué l’avance des armées nazies en Pologne, puis ont provoqué leur déroute vers le cœur de l’Allemagne Hitlérienne. L’ennemi a connu des pertes très fortes en hommes - évaluées à près de 100 000 hommes - et en matériel.
o Le général Koniev reçoit la distinction de héros de l’Union soviétique.
o Le colonel Orlov, qui a bloqué l’armée Guderian avec moins de 50 chars très légers T 27 est élevé au grade de général !
- Quoi ?!
- C’est mérité.
- Pas vraiment !
- Que ce soit Guderian ou ses hommes, ils n’ont pas compris le danger que tu représentais réellement. C’est cela, l’art de la guerre. Lui ne te voyait pas bien, ses hommes ne comprenaient pas mieux la situation, en particulier les Polonais avec lesquels Guderian ne discutait certainement pas aussi bien qu’il le pensait, le pont compliquait leurs vues et surtout, son aviation de renseignement et d’observation était totalement inexistante. C’était, et de très loin, son plus grave problème. Il avait perdu très tôt tous ses Henschel 126.
- Il m’a surestimé de beaucoup.
- Oui, c’est vrai, Ah ! Orlov le terrible ! Cependant, à ta place, bien des capitaines eussent foncé à l’intérieur du pont et seraient tombés comme des enfants de chœur sur les batteries antichars qui t’attendaient avec gourmandise et que mon artillerie ou l’Aviation Française ont détruites un peu plus tard. Tous nos hommes seraient morts. Au lieu de cela, tu l’attendais bien en arrière, mais suffisamment près pour le coincer. S’il avait avancé ses 7TP, ta petite batterie de 47 mm les aurait tous détruits. Il était bloqué. A la place de ce schéma qui nous aurait conduit à la défaite, maintenant, c’est l’Armée de Guderian qui fuit. Maintenant, tu vas pouvoir compter sur tes chars BT 7. Attention, parce que s’ils sont mieux blindés, beaucoup mieux armés et bien plus rapides, par contre, étant plus gros, ils constituent de sacrées cibles. Donc tes hommes vont devoir bricoler un supplément de blindage à placer sur la tourelle avec des patins de chenille.
- De quelle épaisseur ?
- 2 centimètres devraient suffire.
- Dis-moi, comment peut-on annoncer que l’ennemi a perdu 100 000 hommes ?
- Ah, c’est vrai, tu n’as jamais appris cela. Toi, tu as progressé sur le terrain, par ta brillante conduite au combat. L’évaluation des pertes ennemies fait partie de ce que l’on apprend pour être officier-général en passant par l’école supérieure de guerre. C’est très utile, comme quand tu joues aux cartes : Bien connaître les pertes de l’ennemi participe à son affaiblissement.
- Donc ?
- En gros, cette évaluation se fait à partir des vestiges laissés par les troupes de l’ennemi en retraite. Un char détruit, c’est de 3 à 5 hommes perdus. Un canon, c’est de 7 à 12 hommes. Un camion, cela peut représenter 12 à 18 hommes, etc. Cette évaluation donne une idée des pertes ennemies. 100 000 hommes hors de combat te paraissent une évaluation exagérée ?
- Je ne sais pas, mais, oui, c’est un peu ce que je pense.
- Guderian n’a certainement pas perdu moins de 50 000 soldats. Pour avoir fait le même vol que toi, pendant que tu inspectais ton pont, j’ai évalué les pertes Allemandes à 80 000 hommes. Mais les évaluateurs disposent des photos prises dès la fin de la bataille et développées quasi instantanément après le posé de l'avion.
- Ce sont donc des pertes considérables !
- C’est exact, camarade. Tu sais, mes artilleurs de 152 mm l’ont bombardé très sérieusement, mais l’essentiel des pertes Allemandes sont dues aux avions Français. Ils sont passés 3 fois.
- Mais, où étaient tes gros canons à toi ?
- A 30 kilomètres au Sud-Sud-Est de ta position, d’autres étaient également à 15 kilomètres au Nord de ta position, avec également tous mes gros chars T 28 qui ne partiront plus d’ici, vu qu’ils sont trop peu fiables. Ils vont rester dans la forteresse de Graudenz., avec ta T 27.
- Donc, de toute manière, je ne risquais pas de me rendre compte de ce qui arrivait.
- A la guerre, un soldat ne voit que peu de choses, le capitaine que tu étais ce matin doit voir au moins ce que ses jumelles voient et le général doit chercher à voir ce que l’ennemi peut voir de nos position et, en plus, il doit savoir tout sur lui. A ce jeu, quand tu perds, tu perds tout… Ah ! Silence, les jeunes !
Timochenko et Orlov s’arrêtèrent de parler instantanément. Ils entendirent la voix de Koniev refléter tour à tour l’étonnement, l’incrédulité puis une joie intense : Königsberg venait de rendre les armes.
L’armée du Maréchal Toukhatchevsky était en train d’y entrer…
- Tu vois, camarade Orlov, en bloquant l’armée Guderian sur la rive gauche, tu as favorisé amplement l’efficacité des attaques aériennes Alliées contre elle et tu les a forcés à se retirer à pleine vitesse. C’est vraiment très loin d’être rien.
- Merci, camarade Timochenko !
- J’ajouterais aussi que la retraite rapide de Guderian condamnait automatiquement Königsberg.
Jour 15
Haguenau – France – Côté Alliés
Au Nord-Est de la France, le général Jean de Lattre de Tassigny avait participé aux incessants mouvements et aux tirs d’artillerie qui obligeaient les Allemands à reculer sur un front, initialement large de 20 km, mais qui s’était bien élargi et approfondi depuis deux semaines.
Dans un premier temps, le feu de ses 155 mm avait placé de l’ordre de trente coups par kilomètre linéaire, sur 5 lignes de profondeur (une tous les 60 m), ce qui rendait les soldats ennemis nettement moins brillants. Après, les 75 mm et les mitrailleuses prenaient la suite.
Ensuite, l’infanterie Française avait avancé très vite, utilisant, quand ils existaient, les entonnoirs créés par l’artillerie lourde pour se garer des tirs ennemis.
Les localités conquises étaient largement en ruine. Les soldats ennemis prisonniers semblaient extrêmement fatigués et très démoralisés. Des dizaines de milliers de prisonniers avaient été faits.
En ce Mercredi 31 Août 1938 à 0700, de Lattre recevait le général Ortant.
Désireux de limiter ses pertes en hommes au strict minimum, il avait demandé un fort complément en chars et en canons automoteurs de 105 mm, pour renforcer son armée qui avançait très sagement en Rhénanie. Cette lenteur, qui lui avait été imposée, l’exaspérait.
Ortant venait cependant de lui accorder deux DLM commandées par l’organisateur même de ce type d’unité, le général Lafontaine.
Un complément d’une vingtaine de canons automoteurs de 194 mm GPF rénovés épaulait ses troupes.
- Vous placez maintenant vos unités sur la défensive, c’est tout l’intérêt d’avoir cette forte artillerie ; Par contre, vous aidez Lafontaine à passer le Rhin et à prendre Heidelberg. Votre rôle, jusqu’ici, était d’immobiliser une forte portion de la Wehrmacht pour qu’elle pense que votre but était la Ruhr, poumon de l’industrie Allemande. Vous avez joué ce rôle à la perfection. Maintenant, vous allez transmettre ce rôle à Giraud pendant que vous allez vous orienter vers le Tiergarten de Berlin !
- Mais, quand même, je reste en carafe !
- Jean, vous êtes un attaquant excellent. Mais Lafontaine dit que j’ai passé tous ses caprices au général De Gaulle. Je lui donne les moyens de montrer ce que valent ses DLM.
- Vous n’avez pas l’air d’y croire vraiment
- Je crois que, si il vous est possible de le protéger, vous pouvez le mener à faire de grandes choses. Pour De Gaulle, par contre, nul besoin d’aiguillon, il avancera tout seul.
- Et il va où, De Gaulle ?
- A Berlin, évidemment, et il avance bien, entre autres parce que, en vous donnant Lafontaine et deux DLM, je fais croire à Hitler que vous allez directement à Berlin. Du coup, Hitler va chercher à vous ralentir. Mais, si tout va comme je le veux, toutes les armées Alliées arriveront à Berlin en même temps. N’oubliez pas que vous êtes déjà plus près de Berlin que De Gaulle.
Ceci, qui s’ajoutait aux bonnes nouvelles venues du front de la Vistule, puis de Königsberg, avait conforté le moral des hommes qui se battaient.
A 0900, Ortant reçut une invitation à aller incessamment au château Royal de Laeken.
Son chasseur personnel étant en révision, il s’y rendit avec un Nieuport 161 qui avait déjà 450 heures de vol, dont 200 de combats, et qui appartenait à une escadrille locale. Cet avion donnait vraiment l’impression d’être un vieux guerrier.
Ortant se posa à l’aéroport de Bruxelles-Evère et l’atterrissage de son avion ne manqua pas de déclencher de la curiosité, vu qu’aucun Nieuport 161 n’avait jamais posé ses roues en Belgique jusque-là. Les photographes de presse mitraillaient le chasseur Français avec leurs Leica munis de téléobjectifs.
Un volumineux taxi l’attendait et vint se garer au pied de son avion.
En fait, cette voiture n’était pas un taxi, mais une somptueuse Bentley astucieusement camouflée.
A l’arrière se trouvait déjà le général de la RAF que Modeste Ortant connaissait maintenant très bien.
- Alors, mon ami, vos affaires semblent marcher magnifiquement !
- Oui, pour l’instant. En fait, nous avons eu pas mal de chance.
- Et comment se comportent les Russes ?
- Pour le moment, il n’y a aucun problème. Ils sentent très bien le combat, se battent comme des lions et prennent d’excellentes initiatives. Ce qui m’inquiète concerne en fait la suite, c’est-à-dire la future Paix !
- Pourquoi ?
- Pour éviter de futurs conflits.
- Où en prévoyez-vous ?
- Entre le Japon et les USA puis entre les Sionistes et tout le Moyen Orient.
- Pour le risque de conflit USA – Japon, nous sommes d’accord. Mais entre Juifs et Arabes, quel est le problème ?
- En réalité, les 2 risques sont connexes. Les USA tirent richesse et puissance du pétrole. Ils le refusent aux Japonais, pas aux Sionistes. C’est le vieux truc du diviser pour régner.
- Alors je vais vous faire part d’une nouvelle qui va vous soulager : Neville Chamberlain est mort. C’est Antony Eden qui le remplace, et cet homme est réellement Francophile.
A ce moment, Ortant se rendit compte que la Bentley était armoriée. Il regarda son ami avec un œil neuf, la vérité lui sauta aux yeux. Son hôte le comprit instantanément.
- Alors, général Ortant, vous venez de m’identifier pour de bon !
- Majesté…
- Non, mon ami, nous sommes des amis depuis bientôt trois longues années car nous avons combattu ensemble la bureaucratie et les lieux communs. L’étiquette Britannique n’a aucune raison d’exister pour vous. Je resterais toujours Albert, pour vous.
- Vous venez de me démontrer qu’un roi Anglais a vraiment du pouvoir sur son gouvernement !
- C’est très juste. J’en ai moins que mon père parce que je succède à un frère très bizarre. Mais nos soldats sont sur le chemin de Berlin comme ceux des autres Alliés. Je pense que nous avons encore bien du travail à faire pour achever notre travail.
- Je ne comprends pas pourquoi je ne vous ai pas reconnu plus tôt.
- Sigmund Freud explique que parfois, notre inconscient refuse de voir ce qui nous gêne…
- Je ne l’ai pas lu !
- Vous avez eu d’autre préoccupations ! Bon, maintenant, je vous annonce la preuve internationale de votre succès.
- Ah ?
- Le président Roosevelt veut engager ses troupes, 20 000 marines, contre Hitler et l’Allemagne nazie.
- Il est sacrément gonflé !
- Je vous l’accorde, mais il va compter sur ses moyens financiers pour que vos politiciens lui accordent ce qu’il veut.
- En fait, il veut faire croire au monde entier qu’il nous sauve !
- Cela expliquerait sa volonté de les débarquer en France.
- C’est hors de question. Si mes politiciens jouent à ce jeu, je vais leur offrir deux ans de vacances aux Kerguelen ! Roosevelt peut les débarquer au Nord des Pays-Bas, si les Néerlandais l’acceptent, pour consolider le Sud de notre emprise sur Hambourg. Ou, alors, il peut débarquer dans un port Allemand qu’il lui faudra, dans ce cas, conquérir tout seul. Notre trafic a énormément augmenté, je ne peux rien lui donner.
- Je partage votre vision. Bon, c’est réglé. Allons voir Léopold III, il veut vous remercier.
- Allons-y.
L’accueil du roi des Belges fut très chaleureux.
- Général Ortant, je vous remercie de m’avoir associé à la lutte contre Hitler et l’Allemagne Prussienne. Mes soldats sont très heureux de fouler enfin le sol Allemand. Ils savent qu’ils doivent leurs succès à votre soutien alors même que j’étais encore neutre. Prenez place, je vous en prie.
- Comment cela se passe au Luxembourg ?
- Nous l’avons libéré et mon cousin possède maintenant sa propre aviation de chasse, il nous a acheté 80 Renard 38 et leurs soldats d’élite ont récupéré de la Flak ! Nos armées vont coopérer désormais et j’ai 2 000 luxembourgeois dans notre armée qui marche sur Berlin.
L’ambiance était agréable et reposait à la fois sur le grand Roi Georges VI et son ami Français qui passèrent la nuit sur place.
Au petit matin, ils se séparèrent et Ortant repartit vers Strasbourg.
Jour 16
Strasbourg – Côté Alliés
Ce matin-là, Ortant, qui avait passé la nuit à Strasbourg, reçut le général Gamelin suivi par un journaliste Américain dont les émissions radiophoniques impressionnaient très fortement les journalistes et les hommes politiques Français.
- Ortant, ce journaliste, Mr. William Lawrence Shirer, est très important pour l’image de la France outre-Atlantique. Pourriez-vous lui expliquer un peu notre guerre aérienne ?
- Je vais essayer, mon général.
- A bientôt, Ortant… et merci !
- Alors, que voulez-vous savoir, Mr Shirer ?
- Après le succès Allemand au Meeting de Zurich, l’an dernier, tout le monde avait enterré l’Armée de l’Air Française. Or, dans cette guerre, la France domine tous les compartiments militaires, et en particulier celui de la maîtrise du ciel, du moins d’après ce que nous entendons.
- J’en conviens. Et quelle question vous posez-vous ?
- Tous les pays du monde aimeraient comprendre la recette que vous avez employée !
- La recette est simple, et tout le monde la connaît : Du travail, encore du travail et toujours du travail !
- Le Président Roosevelt a proposé que la France achète des avions US. Mais vous les avez refusés.
- Chaque avion nous était proposé pour trois fois le prix d'un seul Nieuport. C’était bien au-dessus de nos moyens et, en outre, nos avions sont nettement plus efficaces.
- Nos pilotes disent que nos Curtiss tournent plus serrés que vos Nieuport.
- A ma connaissance, vos pilotes n’ont piloté aucun de nos avions. Leur avis n’a donc strictement aucune valeur. Quelle valeur ont-ils accordée aux Messerschmitt 109 D et E ?
- Une très haute valeur.
- Vous voyez, les faits sont têtus : A ce jour, dans les combats livrés depuis le début de nos actions, nous avons abattus bien plus de Bf 109 que nous n’avons perdu d’avions. Cela ne se compare pas du tout.
- Pouvez-vous me donner une approximation du nombre de victoires de votre aviation de Chasse ?
- Je ne dirais rien là-dessus : Les Allemands pourraient s’en servir contre nous !
- Et les chasseurs Britanniques ?
- Ils ne partagent pas le même espace aérien que les nôtres, donc je n’ai pas d’information précise à leur sujet. Un pilote Allemand blessé m’a dit que le Hurricane souffrait beaucoup en Belgique, mais ce n’est qu’un avis isolé.
- Vous n’attendez pas l’arrivée des troupes US en France pour prendre Berlin ?
- Primo, le Président Roosevelt n’a jamais évoqué une quelconque intervention militaire US sur la terre Européenne. Secundo, à mon avis, Berlin sera prise dans une ou deux semaines, donc bien avant qu’une troupe US de taille et de compétence significative ait eu le temps de mettre le pied sur le sol Européen. Je pense que Mr Roosevelt devrait garder les jeunes Américains en dehors de cette guerre. Je pense qu’il a très envie de faire la guerre mais nous n’avons pas l’usage de ses hommes.
- Hitler a annoncé qu’il disposait d’une arme ultra-moderne terrifiante et qu’il détruirait Paris et Moscou avant d’être pris.
- En Mars 1918, Hindenburg avait employé son Paris-Geschütz, une saleté qui a tué moins de trois cents personnes, grâce au plus grand des hasards. Ce type d’armes, de même que les gaz dits de combat, servent en général aux lâches. Voilà qui n’aidera pas l’Allemagne future !
- Même s’il tue un million de Parisiens ?
- Ce serait encore pire, nos hommes sont actuellement un peu partout en Allemagne, imaginez leur rage si Paris était détruite ! Mais, heureusement, dans le cas présent, Hitler est très, très loin de disposer de ce type d’arme.
- Vous savez vraiment de quelle arme il s’agit ?
- Oui, il s’agit d’une bombe dont l’énergie destructrice est créée par la fission atomique.
- Je crois que notre président veut, lui aussi, fabriquer une arme de ce genre.
- Il vous l’a dit ?
- Oui.
- Alors, vous venez donc de m’annoncer que votre président est devenu complètement fou.
- Pourquoi serait-il fou ?
- Parce que l’arme dont vous parlez permet de détruire toute Vie sur cette planète.
- Vous en êtes sûr ?
- Absolument.
Jour 17
Fort de Palaiseau – Côté Alliés
Ortant, très préoccupé, convoqua le professeur Joliot-Curie en Vallée de Chevreuse
- Frédéric, pardonnez-moi, est-ce que vous pouvez me dire la puissance d’explosion par fission nucléaire d’une masse critique minimale en admettant un rendement très faible.
- J’ai calculé que quelque chose de ce genre donnerait l’équivalent de plus de 10 000 tonnes de dynamite.
- Cela fait beaucoup d’énergie, non ?
- Sacrément. Cela pourrait même détruire en un milliardième de seconde une vraie ville, comme Grenoble, par exemple.
- Êtes-vous sûr que la poussière radioactive issue de ces destructions ne deviendra pas un danger mortel pour les survivants, voire pour les conquérants ?
- C’est possible, mais je n’y ai jamais pensé, il est vrai que l’on m’avait dit que vous aviez une certaine culture biologique. Je vais travailler dessus.
- Le cancer vient souvent d’une exposition aux radioéléments, comme par exemple, en Bretagne, dont le socle rocheux est plutôt radioactif. Mais il faudrait aussi expérimenter systématiquement pour voir à quel seuil il apparait dans la moitié d’un effectif témoin.
- Je vais demander à mon camarade Tessier, qui travaille en Biologie, de se débrouiller pour faire cela, en liaison avec des médecins.
- Il faut absolument commencer par faire cela sur des rats et non sur des êtres humains. Il lui faudra des observations très précises et très nombreuses. Quoiqu’en pense Tessier, qui est un généticien des populations, il faudra aussi faire intervenir le Dr. Pierre-Paul Grassé, qui a une étonnante capacité d’observation, et beaucoup d’élèves. Faites aussi intervenir le Dr. Lacassagne, le seul qui ait une compréhension réellement médicale des cancers.
...
A ce stade, je pense raisonnable de mettre un terme à cette petite uchronie.
La mener plus loin mènerait probablement des divergences ingérables pour moi.
CONSTAT
La prise de Berlin n’est pas absolument certaine, mais elle est possible.
Si tel était le cas, la guerre pourrait se terminer dans un délai variant entre un et plusieurs mois.
Ce succès Franco-Belgo-Dano-Tchécoslovaco-Russe n’aurait rien d’artificiel.
Il est le fruit d’un réarmement Français très profond (rien à voir avec les activités de 1936 à 1940, d’une ouverture vers nos Alliés naturels, d’une préparation intense - mais non ébruitée - et d’une campagne militaire menée impétueusement, avec le souci permanent de garder l’initiative.
Le moral des Alliés, simplement correct au début, devient excellent à cause des succès initiaux.
L’échec de Guderian et de Rommel, déjà tout à fait possible dans le fil historique réel (le 12 Mai 1940) si les généraux de l’Armée de l’Air avaient eu confiance dans les informations que leurs aviateurs leur rapportaient et s’ils avaient lancé instantanément les actions nécessaires sans demander l’accord des généraux de l’Armée de Terre.
Pour cela, évidemment, il aurait fallu être prêts mentalement et physiquement !
Face à cette occasion en or, nos généraux de 1940 n’ont même pas fait leur devoir !
Certes, ils ne disposaient pas d’autant de bombardiers que le général Ortant en a dans ce récit.
Mais ils pouvaient commencer le travail avec le matériel existant et rien ne les empêchait d’informer les Britanniques du problème, ce qui aurait au moins permis à ces derniers de prendre la relève dès le petit matin (si, du moins un tel cas avait été prévu entre les deux nations).
Les Panzer Division auraient donc été impactées, fortement ralenties, nos troupes auraient pu se réorganiser à temps et la guerre Allemande n’aurait pas pu se déployer aussi facilement.
La prise de Sylt me paraît plausible, du moins dans les conditions ici décrites, parce que Hitler ne peut pas comprendre que c’est juste un jeu de bonneteau pour que son attention soit distraite avant que les Russes n’interviennent.
Rameuter le Danemark avec les Alliés aurait peut-être été possible, encore eut-il fallu accepter de détruire officiellement les traités obtenus par Bismarck, qui, tout comme son lointain élève Hitler, n’en respectait aucun.
Vu les méthodes de raisonnement de nos politiciens et de nos diplomates, je reconnais que la probabilité d’un tel évènement était vraiment très faible.
Certes, dans le présent scénario, les Allemands pourraient améliorer leur résistance en employant des chasseurs différents, plus manœuvrants, plus rapides ou montant plus haut, mais aussi en modifiant l’emploi de leur aviation et en créant bien plus de soldats.
Les attaques surprises initiales modifient leur perception de la guerre. Même au mieux, les Allemands peuvent difficilement conserver à la fois la Prusse Orientale ET le Schleswig-Holstein.
Le Royaume Uni et l’Italie sortent presque intacts de cette guerre et ne perdent aucune de leurs capacités commerciales.
Dans cette fiction, si la Russie soviétique perd une quantité significative d’hommes, ses pertes sont très inférieures aux pertes Allemandes données dans ce récit.
On est loin les 26 600 000 hommes et femmes soviétiques perdus dans la réalité historique (et dont le nombre a peut-être même été sous-estimé).
Staline peut sortir renforcé de cette guerre, à moins que ce ne soient les chefs de l'Armée Rouge.
L’amélioration du moral peut en outre entraîner une baisse de la tension dans la société soviétique comme dans les têtes de ses dirigeants.
Les Etats-Unis n’ont pas pu profiter de cette guerre. Ils en sont donc les grands perdants.
Aucun grand programme d’armement n’aura pu être lancé chez eux et très peu de renseignements technologique fiables sont sortis à leur profit.
On peut dire que leur situation reste inchangée, du moins en apparence.
Si la victoire Alliée se concrétisait suffisamment vite, les USA auraient bien du mal à devenir une puissance nucléaire.
Donc l'URSS ne le deviendrait pas non plus.
Pour la France, la victoire dans une nouvelle guerre de premier plan tend à souder la population.
Cette victoire améliore puissamment les ventes de l’industrie Française, qui, sur tous les plans, donne le La de la technologie.
La décolonisation peut et doit s’aborder calmement.
La paix revenue relance des poussées commerciales fortes dont le Japon peut aussi bénéficier.
Quid, alors, de la Shoah ?
Historiquement, la solution finale de la soi-disant question Juive a été préparée en 1941 et appliquée aussitôt jusqu’à Mai 1945.
Pour ma part, je ne suis pas persuadé qu’une Allemagne stressée à l’intérieur même de ses frontières s’occuperait d’organiser des massacres de juifs alors que des armées ennemies seraient en train de pénétrer au cœur le plus intime de sa puissance.
Mais, peut-être, suis-je un peu naïf…
Post Face
Certains de mes lecteurs pourraient penser que je tire un trait sur l'Entente Cordiale.
C'est que l'Entente Cordiale avait été mise en sommeil juste après la Grande Guerre par les Britanniques eux-mêmes sous l'action déterminée de l'Air Marshall Sir Hugh Trenchard au début des années 20.
Les raisons invoquées tenaient uniquement à la soi-disant supériorité aérienne Française et à l'existence de soi-disant trop nombreux sous-marins Français.
Cette soi-disant supériorité Française n'existait qu'en apparence, et uniquement parce que les matériels existants en France à l'époque venaient des commandes de guerre passées en 1918.
Ces commandes étaient uniquement destinées à nous prémunir contre une éventuelle retour agressif de l'Allemagne.
Plus simplement, les Anglo-Saxons, en fait, se sont dit que l'empire colonial Français devait leur revenir, à eux. Ils y ont d'ailleurs plutôt bien réussi.
Mais mon scénario uchronique ne leur enlève rien.
Dans mon scénario, la Russie est seulement réintégrée au concert des nations dont elle n'aurait jamais dû être exclue.
En réfléchissant un peu, on voit que le scénario historique Américano-Britannique de 1938-1939 a, sans doute - mais involontairement - créé le Rideau de Fer, les pays de l'Est et le pacte de Varsovie !
J'ai accordé, il est vrai, un rôle relativement effacé à la Grande Bretagne.
Il faut quand même dire que, historiquement, dans la vraie vie, les Britanniques dont les opinions avaient le plus d'influence sur les actions gouvernementales étaient très favorables aux thèses Allemandes définies par Adolphe Hitler : Si vous en doutez, lisez les romans d'Agatha Christie de l'époque, qui, elle, en était atterrée !
Par ailleurs, les moyens militaires Britanniques en 1938 étaient particulièrement médiocres.
Il en allait encore de même en 1940 :
- La Royal Navy se reposait essentiellement sur ses vieux cuirassés Jutlandiens,
- Son Armée de Terre ne disposait pas plus d'une poignée de chars modernes,
- Sa RAF était faible,
- Seule la Chain Home était un outil militaire sérieux.
J'ai donc choisi de donner un rôle important à un Anglais plutôt bien placé mais cet homme avait nécessairement beaucoup de pain sur la planche.
Il devait moderniser les Armées de son pays de manière quasi furtive.
Au Printemps de 1936, la Grande Bretagne était placée face au problème de son réarmement.
Mais, pendant 2 ans, elle n'a rien fait de ses prototypes d'avions de chasse et elle a éliminé probablement le meilleur d’entre eux au profit du Japon.
En 1939, elle a traîné longtemps à valider l’excellent Whirlwind qui, lui, permettait d’entrer dans le territoire ennemi.
Au niveau des bimoteurs, elle a complètement émasculé le très extraordinaire Britain First pour en faire le très médiocre Blenheim.
La Royal Navy avait gardé la bizarre structure à 2 ponts superposés sur ses anciens porte-avions (type Furious). J’ai une pensée émue pour leurs aviateurs lorsqu’ils décollaient par gros temps du pont supérieur, voire encore plus pour ceux qui essayaient de décoller du pont inférieur.
Ses nouveaux cuirassés de la classe King George V étaient lents (28 kts, soit 4.6 kts de moins que le Richelieu de 1940), leurs canons exigeaient de s'approcher de très près de l'ennemi pour le percer, ce qui semble incompréhensible.
Les chars Vickers étaient médiocres et cela ne changea, et de façon très lente, qu'à partir de 1939. Hitler devait en rire à gorge déployée !
Dans cette uchronie, la Chasse aérienne joue un rôle fondamental, donc la Chasse Française doit disposer en quantité du matériel le plus performant.
Pour cela, j'ai conféré le rôle principal au Nieuport 161 que nos ‘’experts’’ n'ont, bizarrement, pas choisi !
Ces experts auto-proclamés n'en étaient, à l’évidence, vraiment pas du tout.
Pour qu'ils l'aient été, ils eussent dû, au moins, savoir lire et comparer les performances mesurées des avions.
Par ailleurs, lorsque le Nieuport 161 fut comparé au Bloch 151, Michel Détroyat, reconnu unanimement comme le plus brillant pilote de France, déclara le Nieuport 161 bien meilleur chasseur des deux à tous les points de vue.
Par contre, ma vision du Morane 406 reflète exactement ce qu'ont écrit, à son propos, dans la série des Icare des années 1970, les vrais pilotes de chasse qui avaient survécu à la Campagne de France.
A ce sujet, il existe un évènement particulièrement troublant : Le plus brillant pilote du MS 406 fut, parait-il, Constantin Rozanoff.
Lorsque la guerre fut déclaré, ce pilote voulut réintégrer l'Armée de l'Air, mais, loin de continuer à voler sur MS 406 qu’il démontrait dans les grands meetings, il choisit d'intégrer un groupe de Curtiss P 36 !!!
Cela montre bien son évaluation réelle des qualités du "meilleur chasseur du Monde" au combat ! Il m'a donc donné raison avec 90 ans d’avance sur moi !
René Mouchotte avait livré une vision similaire du MS 406 dans ses Carnets dès Juillet 1940 !
Certains, de nos jours, disent que le fait que le Nieuport 161 ait été plus rapide que le MS 406 ne saute pas aux yeux.
Il suffit pourtant de regarder ces deux avions pour voir que le Nieuport est bien plus rapide que le Morane : Plus effilé sur tous les plans, plus léger d'environ 250 kg, son état de surface était bien meilleur.
Il disposait d'emblée un avantage de l'ordre de 50 à 60 km/h sur le Morane, du moins à moteur égal.
En 1938, il avait une domination absolue sur le Bf 109 D.
Les pertes de la Jagdwaffe aurait été de l'ordre de 1 à 10.
Historiquement, il n'y a eu, hélas (évidemment), aucun Nieuport 161 au combat, mais seulement des Morane 406, des Curtiss H 75 et de Bloch 151/152.
Tardivement, il y a eu des Dewoitine 520.
Tous nos avions furent commandés en petit nombre, puisque, tous ensemble, ils totalisaient de 500 à 600 chasseurs au total, contre plus 1 200 chasseurs Bf 109 E et 300 Messerschmitt 110.
Si nous appliquons la théorie de Lanchester (1916) qui stipule qu’une armée très bien préparée gagne moins souvent qu’une armée plus nombreuse moins bien formée, nous constatons un sacré déficit en chasseurs de notre côté.
Ce déficit découle, pour partie des 5 milliards de Francs 1938 , investis dans les cuirassés Richelieu et Jean-Bart, dans leurs 2 successeurs, et aussi de l’argent investi dans les entreprises aéronautiques US, en particulier Curtiss (P 36 et P 40).
Un seul P 36 valait-il vraiment plus d’argent que 2.5 Nieuport 161 ? Certainement pas !
Une autre partie du déficit en avion de Chasse découle du choix du MS 406, si long à fabriquer (nettement plus de 20 000 heures de travail).
Dans le même domaine, on a souvent posé la question du nombre de sorties quotidiennes par avion et par pilote, puisque la moyenne des sorties par avion était proche de 4 par jour du côté Allemand, et très inférieur à 2 par jour chez nous (sauf pour le groupe I/5 du commandant Murtin).
Ces moyennes ne sont pas contestables, mais les Curtiss comme les Dewoitine avaient une autonomie double de celle du Bf 109 E. Cela réduit largement la différence de temps de vol des pilotes de chasse.
La discussion peut aller plus loin, si on fait état de la plus grande rapidité du Bf 109, qui implique un accès plus rapide à ses victimes.
Maintenant, quant à définir l'efficacité des chasseurs en combat les uns contre les autres, on peut partir d'une certitude : Le Dewoitine 520 était plus efficace, à pilotes comparables, que le Bf 109 E.
Pourquoi je juge cette appréciation optimiste ? Parce que les pilotes Allemands démontraient, depuis le début de la Guerre d'Espagne, une étonnante incapacité d'identification des avions ennemis.
Pendant la Guerre d'Espagne, ils confondaient les Polikarpov I 16 (à train rétractable - 450 km/h) avec les P 26 Américains (à train fixe épais – 365 km/h) !
Werner Mölders lui-même avait confondu le D 520 avec un MS 406, ce qui lui avait valu d’être descendu.
Cependant, cette possible confusion ne peut jouer qu’un très court moment. Les pilotes Allemands restaient des professionnels très bien préparés et entraînés.
Il est facile de démontrer que le Nieuport 161-03 du dernier semestre de 1938 était plus performant (496 km/h à 4 000 m) que le Dewoitine 520 de Décembre 1938 (480 km/h).
Plus rapide d’environ 15 km/h, il montait beaucoup mieux, tournait certainement plus serré, le tout malgré un moteur moins puissant de 60 Cv.
L'échappement propulsif aurait amélioré le chasseurs Nieuport en lui donnant 9% de puissance en plus (ce qu’il a donné, historiquement, au D 520 en Janvier 1939).
A partir d’une vitesse de 500 km/h, cela correspond à un gain de vitesse de 15 km/h (qui donnerait une vitesse comprise entre 515 et 520 km/h).
Par les données publiées (in L'Aéronautique) sur le refroidissement du N 161, on sait qu'il pouvait voler plein gaz dans n'importe quelle condition.
Par ailleurs, ses pilotes voyaient sur 360°, ce qui aurait été une vraie première mondiale. Donc un pilote de Nieuport aurait été particulièrement difficile à surprendre dans ses 6 heures.
La conscience de l’environnement tactique du pilote était obligatoirement bien supérieure à celle de tous les pilotes qu’il risquait de rencontrer qui ne voyaient rien dans un champ de 80° en arrière d’eux (c’était un avantage partagé par les pilotes de Loire 250 ou 251).
Vu que je lance la guerre au moment où le Bf 109 D est le chasseur opérationnel du Reich, on passe de 83 % victoires à très près de 100%.
De l'Eté 1937 au Printemps 1939, ce Messerschmitt est le meilleur chasseur Allemand disponible.
Il est alors plus lent de 30 km/h que notre Nieuport 161 type 1936, ne tourne pas plus serré, et perd même 3 minutes pleines pour monter à 6 000 m. Donc le Bf 109 D ne peut s’échapper que si le pilote du Nieuport n’a plus de munition.
Quid du Nieuport 161 face au Bf 109 E, alors ?
Il faudra encore attendre un an (1939) pour que le Bf 109 E sorte des chaînes.
Cependant, le Ni 161 de 1936 reste encore le meilleur des 2 en montée, en armement, en autonomie et il est bien supérieur en terme maniabilité.
Pour la vitesse de pointe et avec le même moteur de 860 Cv, fin 1938, la vitesse de pointe du Ni 161 est de 525 à 535 km/h (excursion angulaire du pas de l'hélice passant de 10° à 25 voire 30° et montage des échappements propulsifs).
Le Bf 109 E1 atteignait certes les 560 km/h, mais pour juste 5 minutes, après quoi il devait impérativement réduire sa vitesse à 520 km/h pendant 15 minutes pour éviter la surchauffe (historiquement, cela explique pourquoi le D 520 ne souffrait pas face au chasseur Allemand de 1940).
Donc le taux de victoires des N 161 face aux Bf 109 E aurait été supérieur à celui des Dewoitine 520.
Le passage au moteur HS 12Y 29 permettait de gagner encore 20 km/h, ce qui le menait alors à près de 540 km/h à plus de 5 000 m d’altitude.
Drix
Très intéressant et très très documenté, bravo !
RépondreSupprimerConnaissez-vous de jacques Sapir "Et si la France avait continué la guerre" ?
https://fr.wikipedia.org/wiki/Et_si_la_France_avait_continu%C3%A9_la_guerre
Bonjour cher ami (et merci pour votre indulgence). Oui, ce livre m'a été offert l'année de sa parution par mon épouse. C'est un livre bien écrit, vivant donc agréable à lire.
SupprimerPar contre, les hypothèses retenues, à mon avis, sont fragiles. En 1939, il n'y avait pas de base industrielles du tout en AFN : C'est toute la différence avec ce que les soviétiques ont fait puisqu'ils ont transféré leurs usines d'armement au-delà de l'Oural après le pacte de Munich.
Par ailleurs, biologiquement, la thèse d'une crise cardiaque de Pétain en 1940 qui soutient le point de divergence ne me paraît pas crédible : Historiquement, il est mort 11 années plus tard, ce qui n'est pas un vulgaire détail.
Par contre, ce livre montre que la France ne doit jamais céder, même dans les pires conditions.
Bravo pour ce bel article. Je suis assez admiratif des qualités du Gal Ortant (dont les vues ressemblent un peu aux vôtres :) ). Je l'aurais peut-être remplacé par un jeune homme politique à l'ascension fulgurante (cela s'est vu récemment), qui aurait pu à la fois dicter ses instructions aux militaires (Gamelin & Co se seraient effacés, vu qu'ils avaient été sélectionnés sur leur qualité de docilité au personnel politique) et participer aux pourparlers diplomatiques.
RépondreSupprimerEn tous cas, votre uchronie illustre parfaitement le rôle qu'aurait dû tenir notre aviation en 1940, et son impact sur le déroulement des événements (l'embouteillage des Ardennes, le franchissement de la Meuse, l'anéantissement des Stukas notamment). Une supériorité aérienne acquise dès 1938 aurait pu renverser la vapeur sur quelques points chauds et l'histoire aurait été bien différente!
Bravo encore pour cette belle histoire au style chevaleresque et à l'issue si heureuse!
Merci pour votre très grande mansuétude.
SupprimerLe général Ortant, dans mon esprit, remplace une équipe militaire.
Comme je suis né en Mars 1945, il m'est, chaque jour qui passe, plus difficile de lui donner une personnalité de jeune homme (:-)).
Par contre, l'histoire pourrait avoir une issue désagréable pour nous. Peut être, un jour, j'essaierai de voir les capacités que le Reich a de s'en sortir, juste pour montrer que l'histoire a le chic de pouvoir se retourner en très peu de temps.