mardi 14 février 2012

La Furtivité, une panacée ? Pour faire quoi et pour combien de temps ? (revu le 29 / 10 / 2024 * *** ***)

La révolution permanente


Depuis 500 000 ans (au moins), il apparaît périodiquement (tous les dix ou quinze ans) une nouvelle arme ou une nouvelle méthode de protection contre les armes. 

Ceux qui possèdent cet atout se pensent évidemment invulnérables face aux anciennes menaces.

Cela fait 30 ans que la furtivité est entrée dans l'imaginaire des gens de l'air.

En fait, cette notion est bien plus ancienne que cela. 

Pendant l'Entre-Deux-Guerres, les Caudron Simoun à moteur Renault de 220 Cv étaient inaudibles dès lors qu'ils volaient à plus de 2 000 m AGL (= Above the Ground Level).

Le radar Allemand Freya était alors loin d'être opérationnel et nos petits avions en bois avaient peu d'éléments facilitant leur détection, à part celle induite éventuellement par la couleur de leur peinture. 

Ils n'étaient visibles qu'à faible distance (de l'ordre du kilomètre). 

Les services de renseignement Français les employèrent avec succès pour photographier les travaux de fortification du IIIème Reich (West Wahl).





Caudron Simoun - l'avion n'était détectable que de très près et encore, vu qu'il était petit, "rapide" et inaudible



Le radar s'est bien développé pendant la période suivante et on a cru cette percée définitive.

Mais l'histoire se répète chaque fois, toute percée dans un domaine entraîne la recherche effrénée de son annulation.

C'est la fameuse histoire du glaive et de la cuirasse.


Je me souviens, comme si c'était hier, du choc médiatique produit quand le président US Lyndon Johnson dévoila en 1964 l'existence du Lockheed SR 71, nommé alors A12, qui volait au-dessus de nos tête à Mach 3. 

L'humiliation que son prédécesseur Eisenhower avait subi de la part de Nikita Khrouchtchev avant l'ouverture de la Conférence de Paris en 1960, après qu'un Lockheed U2 ait été abattu par un missile soviétique, était oubliée.



La première application - officielle - des concepts de furtivité

Ce nouvel avion - alias Black Bird - présentait déjà une face inférieure peu tourmentée déviant les ondes électromagnétiques vers le bas et deux dérives inclinées vers le fuselage pour dévier les ondes électromagnétiques vers le haut (Deux d'entre eux furent pourtant abattus au Vietnam).




Lockheed SR 71 - Un très bel avion



Au début des années 80, des rumeurs concernèrent des avions furtifs et leurs (fréquents) crashs aux USA. 

Un cinéma incroyable fut fait par les médias Américains lorsqu'un ministre Français qui - à ma connaissance - n'avait strictement aucune formation scientifique, avait osé passer sa main sur le revêtement  du F 117 A exposé au Salon du Bourget en 1991.

Aux USA, cette
 (dérisoire) provocation fut considérée comme un véritable sacrilège.

En Mai 2011, des internautes Américains s'interrogeaient sur les raisons de l'absence du F 22 en Libye et certains rappelaient encore cette histoire pour dire que les USA devaient à tout prix protéger leurs secrets de la curiosité de ces vilains Français.

Et dire que Descartes commence son Discours de la Méthode en disant que le bon sens est la chose du monde la mieux partagée !


Une furtivité démontrée ? Pas si sûr !


De ces expériences sont sortis des avions dits invisibles aux radars de leur époque (en bande S). 

Les bombardiers Lockheed F 117 (dont les qualités de vol semblent n'avoir jamais été parfaites, ni même simplement honorables) avaient fait leurs débuts offensifs en bombardant des cibles militaires au Panama pour aider à renverser le dictateur Noriega, ex-meilleur ami local des USA.



Lockheed F 117 - Même fabricant, mais bien moins sexy !




Loin de moi l'idée de minimiser les défenses anti-aériennes du Panama, mais elles reposaient entièrement sur une très petite force de défense.


Deux années plus tard, les mêmes  F 117 ont ébloui le Monde, pendant la première Guerre du Golf (1991), en détruisant nombre de bâtiments-clés sur lesquels reposaient la défense Irakienne.

Ces avions hyper-médiatisés (merci CNN) et annoncés invulnérables, ont pourtant été retirés du service dès la fin des années 90.

Ce retrait m'avait passablement intrigué.

Certes, au moins un de ces avions avait été abattu au Kosovo par une batterie Serbe, mais j'avais été alors convaincu par les arguments avancés par la presse spécialisée, à savoir le fait que, soir après soir, les avions furtifs US reprenaient invariablement les mêmes trajectoires.

A l'époque, j'avais gobé cette information bien stupidement. Les journalistes que je lisais n'avaient, apparemment, pas fait mieux !

Les choses sont plus claires maintenant. 

Les succès de la guerre de 1991 n'étaient que très partiellement liés à la furtivité du F 117.

On sait depuis que la première vague américaine n'était pas constituée d'avions furtifs mais de drones cibles (donc pas du tout furtifs) BQM 174 "Perdrix" - comme celui qui a attaqué le croiseur Chancelorsville en fin 2013.

Ces drones suivaient des trajectoires "agressives", ils ont donc été engagés par les radars de DCA Irakiens. Ceci a permis à des avions anti-radar de détecter et localiser ces systèmes puis de les détruire.

C'est seulement après ce moment précis que les F 117 sont intervenus.

Moralité : Si le F 117 était aussi furtif que c'était alors raconté, il n'aurait pas eu besoin d'un tel subterfuge.



Furtivité avant tout ?

Depuis, on imagine que les choses ont évolué.

Le superbe bombardier B2 puis trois chasseurs : Le Lockheed F22 Raptor, ses équivalents Russes Soukhoi T 50 (depuis, devenu Su 57) et Chinois Cheng Du 20, semblent partager des qualités vraiment intéressantes. 




Chengdu J-20 - Un avion imposant













Un avion manifestement manœuvrant et opérationnel.



Les trois chasseurs sont opérationnels mais, s'ils furent long à mettre au point, ils sont maintenant devenus dangereux pour leurs adversaires.

Bien sûr, par le biais des services de renseignement - ils sont payés pour cela - mais aussi parce que les ingénieurs ont depuis longtemps compris les principes physiques mis en cause (dont il faut quand même rappeler qu'ils avaient été découverts en URSS dans les années 60 - Source : En. Wikipedia).


Ah, c'est vrai, j'ai oublié dans cette liste le Lockheed JSF (ou F35 ou encore Lightning II).

Ses qualités de furtivité sont contestées depuis plusieurs années (voir la conclusion du think tank Air Power Australia à la fin de l'analyse des formes du prototype de chasseur chinois J 20) ainsi que nombre des autres "qualités" du F35 qu'il est possible de le lire dans cette Quick Look Review très officielle et toujours lisible à l'adresse suivante (toujours valable en Juin 2024).

Si j'étais un sénateur US, j'arrêterais cette coûteuse plaisanterie du JSF tout de suite parce qu'elle risque simplement d'affaiblir la crédibilité même des USA.


Comme toujours, lorsque une puissance détient un avantage, elle commence par le garder secret, puis elle en parle tout en voulant surtout faire croire à la persistance de son avantage. 

La furtivité doit théoriquement permettre aux avions amis de détruire des cibles prioritaires ennemies sans risque.

Cependant, bombarder une cible sans risque peut se faire de loin avec un missile de croisière porté par n'importe quel vecteur. 

Nos Mirage IV P nucléaires le faisaient déjà en 1985-86 au moyen de leur missile de croisière très supersonique ASMP. 

Oui, c'est cher si on veut une très grande précision, sinon, c'est juste un armement comme un autre. 



Tirer par delà l'horizon : Oui, mais !... Attention, bavures interdites !


Par contre, le concept mis en avant dans les forums de discussion US réside dans les capacités d'engagement d'avions ennemis qui sont situés au delà de l'horizon (Beyond Visual Range).

C'est là que je me pose pas mal de questions. 

Il n'y a pas si longtemps que cela (pour moi), en 1988, à la fin de la guerre Iran-Irak, le commandant du croiseur Américain USS Vincennes, spécialisé dans la destruction des menaces aériennes, a cru avoir affaire à un Grumman F 14 Iranien en train d'attaquer son navire. 

Il faut souligner que son état-major n'était pas du tout de son avis.

Mais ce commandant était le chef et donc le maître de l'engagement de son vaisseau.

Son interprétation des données de ses ordinateurs l'ont amené à penser que cet avion était en vol descendant et il ouvrit le feu.

Résultat : Il a descendu un Airbus A 300 d'Iran Air qui venait de quitter son aéroport et qui était donc obligatoirement en vol ascendant. 

Résultat : 290 morts, tous parfaitement civils. 

La distance entre le lieu du crash et la position du Vincennes était de 40 km, donc tout juste interne à l'horizon visuel. 

Les performances du Grumman F 14, son style de trajectoire et ceux d'un A 300 n'avaient (et n'auront jamais) rien à voir, leurs tailles (donc la puissance de l'écho radar réfléchi) non plus.

Comme les règles d'engagement ne semblent pas avoir changé significativement, donc je pense que ce système choisi après passage sur simulateur (à traduire par jeux vidéo) fera autant de dégâts chez les amis que chez les ennemis.

Cela peut donc devenir une arme à double tranchant.

Pour l'instant, ces mirifiques évaluations d'engins furtifs reposent sur bien peu de faits démontrés

Les radars se modifient chaque jour pour tenir compte de ces techniques qui rendent
 hyper-coûteux les avions de ce type. 

Et, de toute manière, cette furtivité dont on nous rebat les oreilles n'existe juste que pour un type de longueur d'onde radar donnée.


Lockheed est un constructeur d'avions souvent excellents et très beaux (Constellation, SR 71), mais parfois très mauvais comme le Starfighter (de 30 à 40% d'avions perdus hors de tout conflit, un taux de pertes en conflit ouvert très supérieur au taux de victoires, lui-même ridiculement faible). 

Cette firme est caractérisée par une capacité exceptionnelle dans le domaine de la publicité, ce que le grand Pierre Clostermann avait repéré il y a très longtemps dans la notice historico-technique qu'il avait rédigée sur le P 38 (joli et bon avion d'attaque au sol, mais chasseur très moyen dès lors que les avions attaqués pouvaient manœuvrer) dans son magnifique livre Feux du Ciel.



Le travail ne fait que commencer 


De toute manière, la furtivité n'existe pas encore sur le plan visuel, ce que l'on pallie en faisant voler ce type d'avions la nuit.

Leurs moteurs s'entendent, leurs sillages bouleversent l'atmosphère, autrement dit, il existe de nombreuses voies pour les identifier. 

Toutes ces voies seront exploités, soyez en sûrs.































Voix discordante

Une livraison d'Aviation Week & Space Technology (du 17 / 03 / 2014) est très intéressante. 

Pour dire les choses simplement, il y est expliqué que le futur Gripen E sera équipé de capteurs susceptibles de détecter spécifiquement les avions furtifs (à faible surface radar).

Si on peut discerner la signature de furtivité, cela démontre que la soi-disant furtivité actuelle n'est qu'un leurre publicitaire pour vendre des JSF inefficaces et hors de prix.








Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire