samedi 29 septembre 2012

Le Messerschmitt Bf 110 : Un ogre... pour les bombardiers de nuit (Révisé 21 / 07 / 2021)


L'Aviation, aussi, suit la mode


Les bimoteurs de chasse constituent ce que les géologues stratigraphes (ceux qui déterminent les âges relatifs des terrains) appellent "fossiles caractéristiques", ceux qui datent à coup sûr une couche de roche.

Ainsi, quand on voit un bimoteur de chasse, on sait qu'il y a de grandes chances qu'il ait été conçu entre 1934 et 1940 (les Caudron R11 de la Grande Guerre, certainement très peu maniables, devraient plutôt être vues comme des stations de DCA volantes).


Le Messerschmitt 110, comme le Potez 63 ou le Lockeed P38, sont les derniers survivants du rêve d'avions à tout faire du général Giulio Douhet. 

Ce théoricien, brillant tant qu'il n'entrait pas dans la technique, imaginait des avions d'un type unique capables de faire à volonté la reconnaissance stratégique, le bombardement et la suppression des vilains avions ennemis.

Comme ses homologues des autres pays, le bureau d'études de Messerschmitt dessina un avion fin, très bien armé, apte à tourner très serré comme à grimper rapidement. 

Une soute à bombe faisait (hélas pour ses équipages) partie de la structure de ce biplace.


Des essais prometteurs à une version... discutable 


Les premiers essais, avec les moteurs DB 600 de 960 Cv, permirent d'atteindre environ 510 km/h, soit un peu plus que la vitesse maximale officielle du prototype 5083 du Hurricane qui avait largement "fuité" dans le monde entier. 

Les concurrents Allemands étaient écrasés.


Une première petite série (version A) à moteurs de 700 Cv fut construite, mais la vitesse de l'engin, avec son armement complet - bien que très léger - tomba à 430 km/h.

En plus, l'engin était devenu mauvais grimpeur, car sa masse (4 500 kg) n'avait pas diminué dans les mêmes proportions que sa puissance. 

Soyons clair, dans cette configuration, il était vraiment très inférieur au Potez 630 ou 631. 

En conséquence, il ne fut même pas question de le tester dans la guerre d'Espagne.



Enfin mature


Le montage de moteurs DB 601 A lui donna enfin de bonnes performances. 

Alors, comme les autres engins de ce type, le Bf 110 suscita d'immenses espoirs chez les militaires.

L'avion avait 12.07 m de long, 16.28 m d'envergure et sa surface alaire était de 38.36 m².

Sa masse était de 5 090 kg à vide et de 6 940 kg au décollage, ce qui lui donnait une charge alaire de 181 kg/m².

Sa vitesse de 538 km/h à 6 000 m, ce qui semblait égaler celle de son petit frère Bf 109 E.


Il montait nettement moins vite que ce dernier mais très vite pour un multi-moteurs (6 000 m en un peu plus de 10'), même si le Potez 631 lui prenait 1 minute pleine pour monter à la même altitude. 

Son autonomie semblait idéale pour escorter les bombardiers amis loin en avant de la ligne de front (jusqu'à 350 km environ du point de départ).

L'armement frontal s'était accru de 2 canons MG FF de 20 mm placés en avant du pilote, en dessous des 4 mitrailleuses MG 17.

La masse au décollage s'était évidemment accrue de 1 500 à 2 000 kg.

S'il pouvait tourner assez serré, par contre, sa vitesse de roulis était très médiocre, rançon de sa grande surface alaire et de la masse excentrée de ses deux moteurs. 

Par ailleurs, ses capacités d'accélération étaient bien faibles (le maître-couple de l'avion était de 5 à 6 fois plus grand que celui du Bf 109 E), comme le dénonçait A.Galland dans ses mémoires de guerre.




Bf 110 (modèle tardif)


Au combat


Au début du conflit mondial en Europe, c'est à dire en Pologne du 1er au 28 Septembre 1939, il se comporta très honorablement. 

Mais, même à ce moment, il était évident que, face à des monoplaces , il paraissait insuffisamment agile. 


Le 18 Décembre 1939, 22 bombardiers Britanniques Wellington tentèrent d'attaquer Wilhelmshaven sans aucune escorte de chasse (déjà !). 

Interceptés par une unité de Messerschmitt 110, ils perdirent 12 bombardiers abattus, sans compter des avions endommagés.

Ce fait d'arme impressionnant est pudiquement occulté par les Britanniques, ce qui ne laisse pas de me choquer, car les équipages de ces Wellington s'étaient montrés héroïques et que, à mon avis, ils méritaient largement un hommage appuyé pour leur courage.

Bien sûr, celui qui les a envoyé sans escorte n'avait pas démontré une grande connaissance de la Luftwaffe ni de ses excellents moyens d'alerte, mais, pendant une guerre, ce genre de chose arrive : Les Britanniques avaient essayé, cela n'avait pas fonctionné, mais, au moins la leçon avait servi pour la suite et le Wellington fut relégué aux opérations nocturnes et à la surveillance anti-sous-marine !


Cette leçon, qui est aussi celle d'une bonne adaptation des Britanniques, ne méritait certainement pas d'être oubliée.



Pendant le début de la Campagne de France, le Messerschmitt 110 obtint encore quelques succès, lors d'actions de groupes et aux mains de pilotes remarquables, et, en particulier, face à des Morane-Saulnier 406... comme par hasard. 


Par contre, ses pertes augmentèrent fortement par rapport à la Campagne de Pologne, atteignant 1/3 des effectifs engagés.



La leçon ne fut pourtant pas tirée par le Commandement Allemand qui les envoya quand même escorter des bombardiers pendant la Bataille d'Angleterre.


Livrés à des chasseurs purs, leur sort fut vite réglés et leur maintien dans ce rôle fut un des éléments clés de la victoire Britannique dans cette bataille.



On se souvint alors de l'existence d'une soute à bombe dans ces avions et on les employa comme bombardiers rapides.

Cependant, un indiscutable très grand succès du chasseur Bf 110 fut obtenu le 20 Avril 1941 à Athènes, lorsque un pilote Allemand abattit le grand as Britannique Marmaduke Pat Pattle, à ce jour le plus grand as Allié.



La voie d'excellence


Mais, comme chasseur de nuit, cet avion démontra son excellence car il pouvait : 

  • emporter de quoi détecter les bombardiers ennemis (projecteur d'infra-rouge, radar Lichtenstein, etc), 
  • rattraper tous les bombardiers Alliés (sa vitesse de pointe ayant augmenté significativement grâce à des moteurs plus puissants) ; 
  • les détruire avec son armement puissant et particulier ;
  • de plus, son autonomie était devenue remarquable (2090 km).

Certains ont pu dire qu'il constitua le meilleur chasseur de nuit de cette guerre, ce que les 121 victoires (!) de HW Schnaufer démontrent brillamment.




On peut comparer le Bf 110 à d'autres chasseurs bimoteurs : Le Lockheed P 38 Lightning, le Westland Whirlwind, dont les concepteurs avaient choisi l'option monoplace

Ces avions étaient plus rapides et mieux armés. Tous deux étaient plus manoeuvrants (mais surtout le dernier cité). 

Mais ses créateurs, poussés par l'évolution de la guerre, ont choisi de faire jouer au Messerschmitt 110
 un rôle fondamental la nuit, ce qui joua un rôle trajque sur les forces de bombardiers de nuit Britanniques.







3 commentaires:

  1. Merci pour ces intéressants articles...

    Le fana de l'aviation a sorti au cours de l'année une série d'articles sur le Bf-110 et l'inaptitude de l'Allemagne de le remplacer. On connait les échecs des Me-210 et 410.
    Le Bf-110 a trouvé une "niche" dans le combat de jour et peut être surtout de nuit contre les bombardiers car le concept de bimoteur permet de mieux absorber l'augmentation de masse entrainé par le besoins d'armement léthale pour les bombardiers. Les Bf-109 par exemple ont été complètement dénaturé par leurs mission anti bombardiers.

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  2. "des avions d'un type unique capables de faire à volonté la reconnaissance stratégique, le bombardement et la suppression des avions ennemis gênants."
    C'est plus ou mopins le programme du Rafale, non ;-)
    Blague à part merci pour ce blog que je me lasse pas de découvrir.

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    1. Vous avez raison.
      C'est là où l'on touche du doigt l'ampleur des avancées dans le domaine des moteurs, des matériaux, de la conception des cellules et dans l'informatisation hyper-intelligente des commandes de vol.
      Merci pour votre appréciation...

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