mercredi 4 janvier 2012

Le Nieuport 161, le formidable chasseur de 1936, (Clarifié le 12 / 01 / 2024 ** *** * * *)

(cick here to read this post in English)


Lorsque notre Armée de l'Air est entrée dans la guerre contre la Luftwaffe de Goering, en 1939, la victoire d'Hitler était ores et déjà quasiment actée.

Notre concours des avions de chasse de 1934 avait fixé, initialement une vitesse horizontale maximum supérieure à 400 km/h.

Voilà qui était très bizarre, puisque les meilleurs chasseurs issus du concours de 1932 atteignaient déjà cette vitesse, juste en échangeant leur moteur Hispano 12 X (690 Cv) avec un Hispano 12 Y (860 Cv).

Mais, depuis 1932, la technologie aérienne avait progressé sérieusement grace à la généralisation des trains escamotables, des dispositifs hypersustentateurs et des hélices à pas variables. 

En conséquence, les constructeurs lambda pouvaient faire voler leurs avion à au moins 450 km/h, sans que leurs avions doivent se poser à des vitesses très supérieures à celles utilisées par leurs prédécesseurs. 

On pouvait donc espérer des vitesse de 500 km/h pour les avions sortants des meilleurs bureaux d'étude.

Malgré cela, le concours de 1934 spécifiait que les nouveaux chasseurs devaient répondre aux exigences suivantes, bien en dessous de ce qui aurait été souhaitable :

  • Dépasser 450 km/h en vitesse de pointe en vol horizontal et à 4 000 m d'altitude (c'était donc une demi-mesure);
  • Monter à 4 000 m en moins de 5 minutes et à 8 000 m en moins de 15 minutes ;
  • Avoir une autonomie de plus de 2 heures et 30 minutes à la vitesse de croisière de 320 km/h, ce qui signifiait parcourir 800 km à cette vitesse de croisière. On peut plutôt voir que cela signifie pouvoir combattre jusqu'à 300 km de ses bases.{Le Messerschmitt Bf 109 et le Spitfire Mk I avaient une autonomie maximale de 650 km, à la même vitesse de croisière, ce qui limitait leur capacité de projection à moins de 200 km de leur base d'envol. }                   
  • Disposer d'un ou 2 canons de 20 mm en plus de deux mitrailleuses de 7.5 mm.

Trois concurrents commencèrent à voler à l'automne 1935 : Le Morane 405, le Loire 250 et le Nieuport 160. Un concurrent allait s'ajouter en 1936, le Bloch 150, introduisant un armement considérablement plus puissant.

Bizarrement, le Nieuport, et lui seul, dut commencer ses essais avec un moteur Hispano-Suiza 12 X de 690 Cv, alors que le Morane était équipé du moteur Hispano 12 Y de 860 Cv. 

Il y avait là une étonnante anomalie que les auteurs de la littérature constatent sans jamais oser ni l'expliquer., ni le critiquer. 

Pourquoi refuser le moteur le plus puissant à Nieuport ? 
Parce que les décideurs ne voulaient absolument pas que Nieuport gagne !

{En 1939, les 3 prototypes du pauvre Morane 450, et eux seuls, récupérèrent 3 moteurs HS 12 Y 51 de 1 000 Cv, ce qui ne les empêcha pas d'être rejetés, certainement pour performances insuffisantes. 

Ces moteurs eussent été plus intéressants sur le D 520, le CAO 200, voire le Nieuport 161, tous capables de se battre contre les plus dangereux adversaires étrangers. 

Un favoritisme éhonté avait donc joué deux fois en faveur de Morane-Saulnier, ce qui est la preuve d'une corruption.
(Mais je ne sais pas du tout qui étaient les corrupteurs ni quel était leur mobile exact.)}

Toujours est-il que, bien avant, en Juillet 1936, le gouvernement entérina la commande en série du prototype MS 405 qui était, pourtant, et de loin, le chasseur le moins performant et le plus long à fabriquer en série de tous. 

Pour l'ensemble des groupes de chasse qui en furent équipés, ce choix s'est traduit par 185 victoires payées par plus de 400 Morane 406 détruits, sans compter tous nos bombardiers et avions de reconnaissances bloqués dans leurs actions guerrières, abattus, mais aussi, des forces terrestres Françaises et alliées bombardées (parce que sans défense) par des He 111 ou des Do 17 que les Morane n'arrivaient presque jamais à rattraper. 

Le Curtiss H 75, trois fois plus cher, nous inféoda aux USA dont on nous vanta la générosité. Mais cet avion, bien plus manœuvrant et plus performant que le Morane, fut surclassé sans appel par le Messerschmitt 109.

C'était le pire choix possible. 

Certains des décideurs qui avaient le plus poussé à cette décision tentèrent de se justifier 34 ans après la défaite, en publiant, en 1974, le Docavia #3Histoire des essais en vol, signé par l'ingénieur général Louis Bonte (3 ans après sa mort accidentelle). 


Un autre choix que celui du Morane 406 était-il possible ? 

Le choix du Morane-Saulnier MS 405 comme chasseur standard de l'Armée de l'Air avait été très sérieusement envisagé après ses essais au CEMA au Printemps 1936.

Mais l'arrivée du Nieuport 161 au CEMA, au début de l’Été, après qu'il eut enfin récupéré le moteur Hispano-Suiza 12 Y 31, avait manifestement changé la donne (voir dans la section consacrée au N 161, à partir du 6 Février 1936). 

Les performances 
réalisées par le N 161 étaient très largement supérieures à celles de tous les autres prototypes Français du moment.
Elles le plaçaient largement en tête du concours Français des avions de chasse du programme lancé en 1934. 





Nieuport 161 - prototype 02 - le canon est à sa place dans le V du moteur. Le grand allongement de la voilure est très perceptible. On constate aussi que la partie supérieure avant du capot-moteur est plate comme celle du Dewoitine 520 : Elle n'épouse plus étroitement la forme des 2 bancs de cylindres comme cela se voyait  sur le LN 160.


Des performances nimbées de mystère


{Source : Les valeurs que je vais utiliser ici, sauf avis contraire, sont celles publiées dans l'étude - la plus complète, donc la meilleure à ce jour, de la première publication de l'article d'Arnaud Prudhomme sur le Nieuport 161 dans Air Magazine, n°25, Avril 2005.} 

Très curieusement, nous croyons connaître uniquement les performances du prototype 02 (maintenant publiées partout)

On voudrait faire croire que le CEMA, qui avait réceptionné le prototype Nieuport 161-01 le 9 Mai 1936, n'avait pas fait d'analyse complète des performances de cet avion avant de l'envoyer faire ses essais d'armement ! 

Ma relecture attentive de la presse aéronautique Française parue de 1936 à 1938 montre que les performances données par Arnaud Prudhomme correspondent en tous points à celles du Nieuport 161-01 (donc de 1936)


De son côté, Louis Bonte, écrivait dans son Histoire des Essais en Vol, Docavia #3, p. 165 : "Le seul autre appareil [que le MS 405] du programme 
[de 1934] à effectuer des essais complets, fut le Nieuport 161." 
Comme, juste après, Mr. Bonte s'évertue à critiquer le Nieuport 161, il m'a fallu bien du temps pour comprendre que cette phrase se voulait élogieuse, au moins relativement (en fait, elle signifie : il fut le seul autre chasseur à avoir réussi son examen! 

Les performances données dans l'article d'Arnaud Prudhomme complètent bien les valeurs publiées précédemment dans l'Album du Fanatique de l'Aviation n°22 sous la plume de Robert J. Roux puis celles données par Green et Swanborough dans The Complete Book of Fighters (1996)

Elles explicitent un peu la légende : "Nieuport 161, excellentes performances", d'une photo du prototype de cet avion publiée dans l'excellent livre l'Aviation de Chasse Française, 1918-1940, par Cuny et Danel, Docavia #2)
{Phrase sibylline qui a déclenché mon travail sur cet avion depuis le 4 Janvier 2012.}


Pourtant, le prototype 01 ayant volé dès Octobre 1935, ses performances devaient obligatoirement avoir été mesurées par le constructeur, bien sûr, et sous contrôle du CEMA

Une lettre de commande du Nieuport et portant sur 30 chasseurs attendait la signature du Ministre de l'Air Pierre Cot à la mi-Septembre 1936. 

Mais ce politicien - très loin d'être à la hauteur de la menace Hitlérienne - manqua de courage moral : Rien ne lui interdisait de disposer de deux chasseurs, quitte à fournir un moteur différent pour le Morane 406 (Lorraine Sterna de 1 000 Cv voire, pourquoi pas, Rolls-Royce Merlin de 1 030 Cv).


L'étonnant escamotage de la vitesse de pointe

Pour ce prototype, le moteur utilisé était, enfin, l'Hispano-Suiza 12 Ycrs développant 860 Cv jusqu'à 3 150 m d'altitude (ce moteur sera baptisé ensuite 12 Y 31 - j'ai modifié - ce 2 Février 2022 - cette altitude parce que c'est celle publiée par Hispano-Suiza dans sa notice technique - sur le site de Frank Devillers). 

Les vitesses maximales par tranche de 1 000 m d'altitude étaient :
  • 398 km/h au niveau de la mer, 
  • 416 km/h à   1 000 m,      (+ 18 km/h)
  • 435 km/h à   2 000 m,      (+ 17 km/h)
  • 456 km/h à   3 000 m,      (+ 21 km/h)
  • 478 km/h à   4 000 m,      (+ 22 km/h)
  • 474 km/h à   5 000 m,      (-   4 km/h, valeur bizarre)
  • 470 km/h à   6 000 m,      (-   4 km/h),
  • 458 km/h à   7 000 m,      (-  12 km/h),
  • 443 km/h à   8 000 m,      (-  13 km/h),
  • 426 km/h à   9 000 m,      (-   23 km/h),
  • 398 km/h à 10 000 m,      (-   28 km/h)
  • 360 km/h à 11 000 m,      (-   38 km/h),
  • 325 km/h à 11 250 m,      (-   35 km/h). 
A 11 000 m, l'avion montait encore à 0.5 m/s, soit environ 30 m/min ou encore 100 ft/min, ce qui est justement la définition "légale" du plafond pratique

Le plafond théorique du Nieuport 161-01 de 1936 était de 11 250 m et il y démontrait encore une vitesse de 325 km/h (1 000 m au dessus du plafond du Messerschmitt Bf 109 E de 1940, et plus de 2 000 m au dessus du plafond du Morane 406 !). 

Mais aucune de ces vitesses ne pouvait être la vitesse de pointe réelle qu'il faudrait comparer avec, par exemple, les 505 km/h du Hurricane K 5083 ou les 473 km/h du Messerschmitt 109 V1.

Vous vous demandez quand je finirai par vous livrer la vraie vitesse de pointe ? 

En fait, la vitesse obtenue en 1936 aurait 
déjà dû valoir au Nieuport d'être commandé officiellement en tant que chasseur standard Français dès cette année-là.

La presse des années 30 explicite cela clairement, je le décris dans mon article de Juin 2016 qui concerne le match MS 405 / Nieuport 161, vus par la presse de l'époque

En début 1938, ces performances-là permettaient aux observateurs de l'époque de dire que le Nieuport 161 était le chasseur Français le plus rapide.

Arnaud Prudhomme a affiché, en haut de son tableau récapitulatif des performances du Nieuport 161 et à l'intérieur du plan 3 vues (donc à la sauvetteune vitesse maximale de 496 km/h, sans mentionner à quelle altitude elle était obtenue, ni avec quel prototype, et c'est très dommage. 

J'avais, jusqu'à la fin 2015, 2 hypothèses alternatives : 
  • Soit les 496 km/h correspondaient à une vitesse mesurée au début des essais, en 1936, et, l'adjonction d'un mât anti-capotage après l'accident de Septembre 1936 avait entraîné une perte de 18 km/h en vitesse de pointe.
  • Soit ces 496 km/h avaient été obtenus tardivement, avec le prototype 03 de 1938 après avoir reçu d'importants affinement aérodynamiques.
La plus haute vitesse publiée "officiellement" après-guerre dans les publications du XXème siècle fut celle de 478 km/h obtenus à 4 000 m en 1936 (la très sérieuse Aéronautique donnait 480 km/h). 

Pourtant, de nombreux faits confirment qu'elle était plus proche de 490 km/h. 

Cette fourchette de vitesses, je l'ai aussi obtenue par raisonnement physique parce qu'elle n'apparaît pas directement, comme lorsque l'on vous livre normalement la vitesse des avions.

Voilà une grave anomalie car, vues les caractéristiques du moteur, la meilleure vitesse aurait dû être atteinte,
 au moins, 500 m plus haut.

Cette vitesse maximale publiée de 478 km/h à 4 000 m est donc obligatoirement inférieure de l'ordre de 5 à 12 km/h au maximum réellement atteint par ce chasseur.

Cela n'empêche aucun de ceux qui évoquent cet avion de recopier religieusement cette valeur de 478 km/h telle quelle dans toutes les publications (et sans aucune analyse ni explication, comme si c'était dangereux d'avoir de l'esprit critique ou, simplement, de réfléchir...). 

En la comparant aux soi-disant 486 km/h du MS 406, les innocents croyaient que le Nieuport était le plus lent des deux ! Que nenni !


La chasse à la vitesse de pointe du Nieuport 161

En effet, lorsqu'un compresseur rétablit la puissance d'un moteur jusqu'à 3 150 m, c'est environ 1 300 m plus haut, au moins, que la vitesse maximale est atteinte, et pas seulement 850 m plus haut. 

Ainsi que le montre mon diagramme vitesse / altitude pour le prototype de chasseur Dewoitine 510, de 100 km/h moins rapide, cet autre avion, équipé d'un moteur HS 12 Ycrs strictement identique, obtenait sa meilleure vitesse à 4 850 m, donc 1 700 m plus haut que l'altitude barométrique obtenue au laboratoire, que ce soit au Centre d'Essai des Propulseurs de Saclay ou chez Hispano-Suiza à Colombes. 

Le gain de vitesse 
par le D 510 par rapport aux 373 km/h obtenus à 3 150 m est de 29 km/h, soit un gain moyen supérieur à 1.7 km/h pour chaque tranche de 100 m gagnée en altitude. 
Le gain entre la vitesse de 386 km/h à 4000 m et celle de 402 km/h à 4 800 m est de 16 km/h, soit 1.6 km/h par 100 m. Il n'est  donc pas du tout négligeable.
Ceci est dû, d'abord, à la vitesse de l'avion sur sa trajectoire qui induit une compression supplémentaire dans les entrées d'air alimentant le compresseur, et, ensuite à la baisse de la température de l'air en altitude qui permet d'augmenter la quantité de gaz dans les cylindres (merci Alain Breton !). 


On doit donc situer l'altitude de meilleure vitesse (au moins) entre 4 500 m et 4 800 m, ce qui permet de penser que la vitesse de pointe réelle du Nieuport 161 était proche de 490 km/h (comprise entre 485 km/h à 4 500 m et 496 km/h à 4 900 m). 

Comme je l'ai publié dans un autre article (Morane-Saulnier 406 : le moteur est innocent votre honneur !), pour que le MS 406 approche une telle vitesse, il eut fallu qu'il soit équipé d'un moteur 12 Y 51 de 1 000 CV dont Hispano-Suiza n'a livré les prototypes qu'en Juin 1939 (en particulier pour le Morane 450).

Un avocat des maîtres du CEMA pourrait objecter que les 478 km/h, mesurés à 4 000 m seulement, devait traduire une mauvaise conception des entrées d'air du compresseur qui auraient de ce fait entraîné un déficit de puissance du moteur. 

Dans ce cas, il faudrait alors que ce même avocat (totalement imaginaire) nous explique pourquoi la meilleure vitesse de montée instantanée, notée par le pilote d'essai Pierre Nadot, coïncidait justement avec le passage des 4 000 m (13.6 m/s).

Par ailleurs, la vitesse à 6 000 m était encore de 470 km/h. 


Peut-on croire que, 2 000 m plus haut que l'altitude de la soi-disant vitesse de pointe, cet avion aurait 
seulement perdu km/h ?

Lors de l'essai du Dewoitine 520-02 en Automne 1939, équipé soi-disant du même moteur, la vitesse maximale fut obtenue à 5 200 m et, à 7 000 m, 1 800 m plus haut, elle avait chuté déjà de presque 20 km/h.


Un mécanisme de désinformation très classique

En réalité, la publication généralisée de 478 km/h à 4 000 m comme vitesse de pointe du Nieuport n'avait rien d'innocent. 

Dans l'Egypte des Pharaons, il y a 4 000 ans, on effaçait systématiquement le nom et les exploits des grands personnages tombés en disgrâce (par exemple pour le pharaon Akhénaton). 

Avant la guerre, le CEMA avait empêché le Nieuport 161 de participer à toutes les fêtes aériennes du 14 Juillet.
Après la défaite de 1940, des personnages ont voulu faire disparaître la vitesse de pointe réelle du Nieuport 161 (comme, d'ailleurs, toutes ses autres performances) pour que personne ne puisse contester le choix final du chasseur Morane-Saulnier 405 (alors devenu MS 406). 

Une fois ceci admis, l'ingénieur Bonte - personnage-clef au CEMA - pouvait se permettre de dire que les performances du Morane étaient équivalentes à celles du Nieuport. 
Mais c'était entièrement faux.
Il est à noter que le premier article qui m'a informé de l'existence du Ni 161 a été publié après la mise à la retraite d'office de Mr. Bonte par le Président Pompidou (1970).

{Parenthèse : Lorsque les Britanniques essayèrent le Dewoitine 510 qu'ils avaient acheté, ils en publièrent une vitesse de pointe de seulement 370 km/h alors que le prototype de cet avion, vernis, parfaitement au point et encore vierge des rajouts que l'état-major de l'Armée de l'Air n'allait pas manquer de lui infliger, avait démontré 402 km/h.
Les avions de série volaient, eux, entre 387 et 393 km/h, donc environ 20 km/h plus vite. 

La vitesse du D 510 Britannique avait été mesurée un peu en-dessous de 4 000 m, donc le compresseur ne fonctionnait pas normalement. 

Mais les Anglais avaient certainement un objectif commercial : Il leur était aisé, alors, de dire que leurs chasseurs biplans Hawker Fury II étaient d'une rapidité équivalente - 360 km/h - mais qu'ils 
aient été bien plus manœuvrantsC'était juste du commerce !}

L'évolution du Nieuport 161 

Les 496 km/h à 4 000 m d'altitude n'ont été obtenus, fin 1938, que par le dernier des 3 prototypes, après un affinement évident de la proue lorsque l'on observe les photos du N 161-03 :
  • Les multiples prises d'air avaient été regroupées en une seule (qui se re-divisait ensuite). Cette prise d'air, en faisant saillie en amont du fuselage, éliminait le gros de la couche limite.
  • Cette prise d'air commune située plus bas que les anciennes prises dispersées sur la proue, était dès lors alimentée par la partie la plus efficace de l'air accéléré par l'hélice (parce que dotée ici de la plus grande vitesse sur sa trajectoire), ce qui avait permis d'en limiter la surface.
  • Cette disposition était quasi-identique à celle employée sur le CAO 200.
  • Les carénages externes des blocs de cylindres du moteur Hispano-Suiza avaient fusionné à l'image de ce que l'on voit sur le Dewoitine 520.

Mais la vitesse de pointe réelle devait être nettement supérieure à 500 km/h pour les raison avancées précédemment, donc elle était très comparable à celle du prototype K5083 du Hurricane.
Dans tous les cas, le Nieuport 161 n'aurait donc éprouvé aucune difficulté à escorter les Potez 63-11 de reconnaissance ou les bombardiers LéO 451 dont tous les témoignages des acteurs de la guerre confirment qu'ils volaient bien trop vite pour les Morane !

La masse à vide du Nieuport - pour les publications antérieures à celle de l'article d'Arnaud Prudhomme de 2005 - était de 1748 kg et la masse au décollage était de 2278 kg. 

Cela assurait une charge au m² de 152 kg / m² et une charge au cheval de 2.65 kg / Ch.

Dans la publication d'Arnaud Prudhomme, la masse à vide est annoncée pour 1 915 kg et la masse au décollage est annoncée pour 2 445 kg.

C'est plus important qu'il n'y paraît pour comprendre bien des données car si l'avion est plus lourd que prévu, il va perdre de la vitesse, ceci résultant de l'obligation, pour le pilote, de maintenir l'avion à une assiette un peu plus cabrée (générant ainsi une traînée parasite) pour éviter de perdre de l'altitude. 

La masse de carburant, publiée pour 315 kg, serait correcte pour un réservoir de 420 litres mais trop élevée pour le réservoir unanimement défini comme contenant 360 litres d'essence à 85° d'octane (de masse volumique 0.75, ce qui signifie une masse d'essence de 270 kg).

Cependant, la lecture des journaux Aéronautiques Français de l'époque montre que la masse de lubrifiant était additionnée (numériquement) avec celle de l'essence. 

Le moteur Hispano 12 Y 31 avait besoin de 38 litres de lubrifiant, probablement de l'huile de ricin de masse volumique 0.95, on peut donc ajouter 36 kg au 270 kg de carburant.

Donc la masse de carburant perd 10 kg, nous ramenant la masse au décollage à 2435 kg.

Tel quel, cela donnerait une charge alaire de 162 kg /m² et une charge au cheval de 2.83 (des valeurs proches - mais inférieures - à celles du D 520 de série).

Mais la masse à vide aurait pris 200 kg, ce qui a, malgré tout, de quoi surprendre. 

J'avais oublié le fameux pylône anti-capotage que les bonnes âmes du CEMA avait imposé de monter sur le N 161. 

Un tel objet, pour jouer ce rôle, doit être particulièrement résistant et lié très solidement à la structure de l'avion. 

Sa masse était certainement très supérieure à 60 kg (la masse d'une simple crosse d'appontage).

{Je ne conteste pas du tout que ces valeurs de masse se trouvent dans les documents du CEMA, mais, à cette époque bizarre, les décideurs de ce service n'avaient aucun respect pour la Vérité. 

Jacques Lecarme avouait dans l'Histoire des Essais en Vol qu'il s'était "arrangé" pour que le bombardier de nuit LéO 208 - qu'il jugeait mal construit - ne fasse jamais ses meilleures performances. 


Bien plus récemment, la revue Avions a publié, il y a quelques années, comment le biplan de chasse SPAD 510 fut à la fois affublé, à tort, de performances inférieures de 22 km/h (6%) à sa vitesse réelle et d'une réputation d'avion dangereux qui disparurent comme par enchantement lorsque
 le général Denain, Ministre de l'air, vint en personne à Villacoublay vérifier les choses. 


Quelle pouvait donc être la masse à vide du Nieuport ?

Il existe un moyen de trancher : La masse à vide de 2 100 kg du Loire-Nieuport 401, chasseur-bombardier aéronaval (en fait, un Nieuport 161 doté d'une aile d'une surface de 24.75 m², soit une augmentation de 65% par rapport au chasseur).
[source : L'excellent ouvrage d'Arnaud Prudhomme : Les Bombardiers en Piqué Loire Nieuport, TMA, 2005]

Pour avoir une idée de la masse de l'aile, nous savons que l'aile du D.520-01, de technologie très proche de celle du Nieuport 
(monocoque intégral en duralumin à revêtement travaillant) et dont la surface était de 16 m², pesait 422 kg. 

Il paraît réaliste d'imaginer que celle du LN 401 ait pesé environ 650 kg (soit 250 kg d'excédent par rapport à celle du D 520).

Cette dernière voilure comportait en outre un système de repliage des ailes et un atterrisseur renforcé à la fois pour tenir compte d'une masse au décollage de l'avion de 600 kg plus forte, des contraintes d'appontage et de celles liées à son nouveau rôle d'aérofrein. 

Cet atterrisseur avait donc de bonnes chances d'être de l'ordre de 2 fois plus lourd que celui du Nieuport 161.

Cela devait se traduire par environ 50 kg de surpoids.

Par ailleurs, le fuselage avait forcément été renforcé pour tenir compte des efforts liés à l'accrochage des brins d'arrêt.

Cela ne pouvait qu'entrainer une augmentation de masse non négligeable.

A cela se rajoutait l'inévitable crosse d'appontage (60 kg), un radiateur supplémentaire, car  l'avion étant moins puissant et traînant plus, il volait moins vite, donc il refroidissait moins bien. 

Il faut ajouter aussi les systèmes permettant d'éviter la submersion en cas d'amerrissage forcé (de l'ordre de 50 kg).

Cela amènerait le surpoids du bombardier à ~400 kg, ce qui ramènerait la masse à vide du chasseur Nieuport 161 très près de la valeur publiée autrefois, donc près des 1750 kg.


Pour confirmer l'ordre de grandeur des différences de masse à vide, la différence entre le Spitfire Mk Vc et le Seafire Mk III était justement de 400 kg, en gardant pourtant strictement la même voilure.

Je pense donc que la valeur ancienne de 1 750 kg était vraiment la bonne.



Une vitesse ascensionnelle exceptionnelle


Par ailleurs, la vitesse de montée en altitude, si importante pour le combat aérien, était exceptionnelle, même encore en 1940. 
Les données sont théoriquement celles du prototype 02 (en fait, elles sont identiques à celles relevées dans la presse de 1937 pour le prototype 01).

Sa valeur moyenne était supérieure à 13.2 m/s du sol à 4 000 m. 

Cela donnait :
  •   1 000 m en  1' 16",         (les derniers 1 000 m à 13.2 m/s),
  •   2 000 m en  2' 30"         (les derniers 1 000 m à 13.5 m/s),
  •   3 000 m en  3' 44"         (les derniers 1 000 m à 13.5 m/s) 
  •   4 000 m en  4' 58"         (les derniers 1 000 m à 13.5 m/s mais 13.4 m/s depuis le décollage)
Le Curtiss P 40 E (1942) montait à 4 600 m en 6' 15" (soit 12,3 m/s depuis le décollage)

Le Hurricane Mk I (Mai-Juin 1940) montait à la même altitude de 6' 30"
  •   5 000 m en  6' 17"        (les derniers 1 000 m à  12.7 m/s mais 13.3 m/s depuis le décollage)
  •   6 000 m en  7' 49"        (les derniers 1 000 m à  10.9 m/s)
Le Messerschmitt 109 E (1940) montait à 6 000 m en 8' 16" (soit 12,1 m/s depuis le décollage)
  •  7 000 m en  9' 41"        (les derniers  1 000 m à    8.9 m/s),
Ce temps est meilleur que les 11' 07" du Curtiss H 75 et surtout que les 18' du MS 406 !
    •   8 000 m en 12' 03"       (les derniers 1 000 m à    7.0 m/s) 
    Ce temps est identique à celui du Spitfire Mk I bis de la Bataille d'Angleterre (hélice Rotol + moteur de 1 300 Cv pendant 5' !)
    •   9 000 m en 15' 19"       (les derniers 1 000 m à   5.1 m/s)
    • 10 000 m en 20' 32"       (les derniers 1 000 m à   3.2 m/s)
    • 11 000 m, plafond pratique, en 34'30"  (les derniers 1 000 m à 1.2 m/s).
    Ces valeurs sont parfaitement compatibles avec la charge au cheval de 2.65 kg / Cv.

    C'étaient d'excellentes valeurs, insurpassées par les avions opérationnels de toutes les puissances belligérantes jusqu'au Printemps 1941 (sortie du Bf 109 F et du MIG 3).

    En 1936, également : 
    • le tout premier prototype du Spitfire, K 5054, avec des hélices à pas fixe, et sans arme, montait à :
      • 15 000 ft (4 600 m) en   5' 42"  
      • 30 000 ft (9 100 m) en 17' 00". 
    • Le premier Spitfire "opérationnel", K.9793, avec son hélice De Havilland à 2 pas (de 32.5° et 45°, donc un angle d'ouverture de 12.5°) et ses 2 695 kg, montait à 
      • 20 000 ft ( 6 050 m) en 11' 24" 
      • 30 000 ft ( 9 100 m) en 23' 48".
             Ce Spitfire volait 366 mph, soit 590 km/h à 20 000'.I l fut la base des Cottonised Spit .
    • Seul le Macchi MC 200 montait aussi vite que le Ni 161 :
      • 6 000 m en 7' 33"... 
    mais avec un plafond inférieur à 9 000 m. Cette qualité se payait en outre par un rayon d'action très limité.

    On doit cependant considérer l'état encore très moyen de la mise au point du Nieuport en 1936, en particulier, son hélice Ratier automatique avait une ouverture de seulement 10° !  

    Du fait que le MS 406 de série montait à 7 000 m d'altitude en 18', il lui fallait nécessairement 
    entre 22 et 24 minutes pour atteindre 8 000 m que le Curtiss H 75 atteignait en 15'.

    Même sans mise au point supplémentaire, et tel qu'il était initialement en Juillet 1936, le Nieuport 161 aurait été mortel pour tous les bombardiers Allemands.

    Bien mieux, il aurait donné beaucoup de fil à retordre aux Messerschmitt 109 E, parce qu'il les aurait entièrement dominé sur le plan vertical.

    Le Nieuport 161 était vraiment le seul prototype Français de cette époque à atteindre ou dépasser nettement toutes les exigences du programme qui lui avait donné naissance.



    Les Britanniques étaient tellement persuadés de sa victoire qu'ils en commercialisèrent une maquette volante à moteur à élastique en 1938 (peu ressemblante, malheureusement, mais une meilleure version existe). 


    Plus de cinquante ans plus tard, William Green écrivait dans the complete book of fighters : "the LN 161 showed considerable promise and was the favored contender for the Armée de l’Air orders..."


    La commande de 30 exemplaires était donc intégralement justifiée.

     
    Très Mauvais Esprit 

    J'ai découvert le Nieuport 161 lorsque j'ai acheté L'Album du Fanatique de l'Aviation #22 de Mai 1971, où il trônait en page 8. Il m'avait intéressé, mais, sans plus. 
    Lorsque j'ai acheté L'Aviation De Chasse Francaise 1918 - 1940 de J. Cuny et R. Danel, Docavia 2,  sorti en 1973, je découvris les légendes de figures qui suggérait que cet avion était remarquable.  
    La série des Icare sur la Bataille de France me démontra que le Morane 406 n'avait  jamais été un chasseur digne de ce nom. 

    Bien plus tard, alors que je pouvais encore consulter les archives de Flight Global, je vis que nos alliés n'avaient jamais été abusés par le MS 406. 

    J'avais lu l'histoire des essais en vol de Louis Bonte. J'ai compris alors que ce livre avait été un plaidoyer pour justifier la commande du MS 406 (mais aussi sa commande du Lioré 451).
    Récemment, j'ai compris que la parole des acteurs d'avant-guerre s'était libérée après la mort  accidentelle de l'ingénieur Général Louis Bonte, le 1er Juin 1971.
    Cela signifie qu'il avait joué, par son autorité dictatoriale, un rôle dans ce choix et dans l'omerta qui suivit sur ces faits navrants. 
    En tant que simple citoyen, j'aurais aimé qu'il nous explique ses vraies motivations.
    Ce qui est intéressant, néanmoins, c'est que après la fin de cette guerre, il a joué un rôle plutôt positif en poussant Dassault. 
    Comprenne qui pourra.

    Un accident dramatique pour la France et tellement bienvenu pour le IIIème Reich...

    Un accident mortel a interrompu cette histoire si bien commencée. 

    Cet accident provoqua certes la mort un pilote d'essai, mais la décision qu'il a entraîné - l'abandon du Nieuport et la commande du Morane 405 - a eu des conséquences bien plus graves et a entraîné la mort de beaucoup plus de pilotes et de soldats Français et Alliés, d'autant plus que cette décision d'abandon n'était fondée sur aucun défaut de l'avion mais sur le sentiment de donneurs d'ordres de haut rang bizarrement incompétents.

    La commande prévue de 30 avions Nieuport est à comparer avec les 16 exemplaires commandés 3 mois plus tard à Morane-Saulnier. 
    Commandé à la place du MS 406 et au même moment, il en serait sorti environ 400 à l'Eté 1938. Les Allemands n'auraient eu aucun avantage sur nous.

    Si le N 161 avait tenu le front, les aviateurs Allemands auraient eu plus de problèmes :
    • Les Do 215 de reconnaissance auraient eu beaucoup de mal à revenir chez eux avec leur cargaison de photos,  Donc l'Armée Allemande n'aurait pas eu une image précise de sa propre situation tactique.
    • Leurs bombardiers standards n'auraient pratiquement jamais pu échapper à leurs poursuivants Français. Donc il n'est pas du tout ridicule d'imaginer que leurs pertes aux premiers jours de leur offensive auraient été doublés voir triplées.(en mai 1940, bien davantage à la fin 1938).
    • La Jagdwaffe aurait été incapable de s'évader vers le haut dans les combats tournoyants. Les pertes en Bf 109 auraient été insupportables, surtout si les Allemands avaient été privés de connaissance sur nos chasseurs.
    • Par conséquence de ce qui précède, nos avions espions (Potez 637) auraient ramenés plus facilement les photos de leurs reconnaissances. Nos généraux auraient eu une meilleure connaissance de la balance tactique ouverte devant eux.
    • Evidemment, nos bombardiers auraient pu attaquer les cibles dangereuses pour notre pays, les divisions blindés, par exemple !

    L'Histoire de l'Europe a donc basculé ce 22 Septembre 1936, parce que, en pleine Paix, la France avait déjà perdu la maîtrise de son ciel et que cela a facilité considérablement la percée de Guderian à Sedan, à qui ses supérieurs disaient, avec effarement : "Vos opérations tiennent toujours par des fils de soie".



    {Parenthèse pour passionnés Il y a eu 2 désignations pour cet avion - Nieuport 161 et Loire-Nieuport 161 - parce que la société qui possédait le bureau d'études Nieuport possédait également le bureau d'étude Loire, lequel avait présenté un autre chasseur, le Loire 250
    Mais un avionneur ne pouvait présenter qu'un seul prototype et le Nieuport fut choisi unanimement par la réunion des décideurs et des pilotes de Loire-Nieuport. }





    Cliquez ici pour savoir comment ce malheureux accident a été (volontairement ?) mal interprété pour favoriser le choix du Morane 406.

    Cliquez ici pour comprendre pourquoi la supériorité tactique du Nieuport 161 comme sa capacité de développement imposaient de le fabriquer en grande série dès 1936.

    Cliquez ici pour une analyse de 3 autres accidents, un pseudo-accident du Nieuport 161-02 (pilote indemne, avion réformé), deux des Morane 405-01 et 02 (tous les deux mortels).

    Cliquez ici pour l'analyse de ce que la Presse Aéronautique des années 1936 à 1938 disait à la fois du Morane-Saulnier 405 et du Nieuport 161.
    Cliquez ici pour voir les performances du dernier modèle du Nieuport 161 en fin 1938 et ce que le pilote Michel Détroyat disait de ses qualités de vol.

    ou

    Cliquez ici pour revenir à la racine du thème la Chasse Française














    [1] The complete book of fighters, 1996

    17 commentaires:

    1. Bonjour,

      si je vous suis en général dans vos analyses sur le LN-161 vs le MS-406, je suis plus réservé quant à la vitesse de pointe que vous avancez.

      Certes, vos arguments sur l'altitude de rétablissement se tiennent mais si l'on fait un diagramme vitesse/altitude, les valeurs données par vos soins montrent bien qu'une vitesse supérieure au dessus de 4.000 m induirait une bizarre inflexion de cette courbe. Ce qui me fait penser que, quelles qu'en soient les raisons, la vitesse donnée à 4.000 m est bien la vitesse maximum de l'appareil (ou peu s'en faut).

      Cordialement,

      D.

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      1. Bonjour,
        Les données dont nous disposons ne sont pas celles du CEMA, mais celles qui ont été publiées par Les Ailes en Avril 1937.
        Elles doivent correspondre à un seul vol d'essai de vitesse fait par le constructeur pour vérifier le bien fondé de son choix d'hélice.

        En conséquence, nous ne disposons pas d'assez de points pour obtenir une courbe bien lissée.

        Pendant un essai de cet ordre, il faut monter à une altitude puis accélérer à fond et ceci a dû être fait 12 fois ce qui représentait une forte dépense en carburant pour une firme dont J. Lecarme déplorait les faibles moyens financiers.

        La meilleure vitesse d'un avion de chasse de cette époque était toujours obtenue entre 1300 et 2000 m au-dessus de l'altitude critique de son moteur. C'est vérifié chez tous les belligérants de 39-45.

        Il est possible que l'augmentation de vitesse ait été un peu plus faible par tranche de 100 m. Mais comment expliquer alors que la vitesse de montée à 4000 m soit la meilleure !


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      2. Bonjour,

        il est vrai que la vitesse ascensionnelle moyenne de 3.000 m à 4.000 m est la plus forte (nota : un peu moins vrai sur le LN 161-03). Mais c'est justement à partir de cette altitude qu'elle diminue :

        Altitudes LN 161-01 LN 161-03
        0 à 1.000 m 13,2 m/s 14,3 m/s
        1.000 à 2.000 13,5 15,4
        2.000 à 3.000 13,5 14,9
        3.000 à 4.000 13,5 14,9
        4.000 à 5.000 12,7 14,1
        5.000 à 6.000 10,9 12,0
        ...

        Serait-il possible que, pour une raison ou une autre, l'altitude de rétablissement des moteurs montés sur les protos du LN 161 ait été réglée à une valeur inférieure (de l'ordre de 3.000 m) et/ou que la différence entre l'altitude de rétablissement au sol et l'altitude de rétablissement réelle soit plus faible que dans le cas du D 510 que vous évoquez ?

        Je ne connais pas suffisamment la technologie des compresseurs pour savoir si c'est techniquement possible.

        Cordialement,

        D.

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      3. Votre observation est pertinente.

        Je pense que plusieurs familles de réponses peuvent exister.

        - La première d'entre elles réside dans les tolérances industrielles qui affectaient les compresseurs et les moteurs eux-mêmes : Même si Hispano-Suiza fabriquait les moteurs les plus fiables du monde en 1936 (le Rolls-Royce Merlin avait une durée de vie de quelques dizaines d'heures au plus), la puissance variait de manière significative.

        - Le réglage de l'altitude critique (dont j'imagine qu'elle dépendait d'une capsule anéroïde) devait souffrir du même problème.
        Il faut dire que, de nos jours, nous sommes habitués à un contrôle-qualité drastique.

        - Enfin, le pilote lui-même n'est pas une machine, et il peut éprouver des difficultés pendant une montée, surtout dans un monoplace.

        Je viens de regarder ce que donnait le Curtiss H 75 que je rajoute à la droite de vos calculs :

        0 à 1.000 m 13,2 m/s 14,3 m/s 20.4 m/s
        1.000 à 2.000 13,5 15,4 17.2
        2.000 à 3.000 13,5 14,9 16.4
        3.000 à 4.000 13,5 14,9 11.0
        4.000 à 5.000 12,7 14,1 9.2
        5.000 à 6.000 10,9 12,0 7.9
        6 000 à 7 000 8.9 10.0 6.1

        On voit tout de suite que le PW 1830 du chasseur US ne donne presque plus rien au dessus de 3 000 m. Par contre, il est évident que le HS 31 du Nieuport reste actif jusqu'à 6 000 m. Mais l'analyse des données du N 161-01 montre que démarrage de la montée n'avait pas été parfait !

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      4. On peut donc supposer qu'avec un réglage barométrique plus élevé, la puissance rétablie aurait conduit à une vitesse de l'ordre de 10 à 15 km/h plus élevée mais au prix d'une perte de puissance aux altitudes inférieures, soit des vitesses et taux de montée un peu plus faibles.

        En fait, il s'agit d'un choix d'optimum entre les différentes caractéristiques, au même titre que l'hélice est choisie pour avantager l'une ou l'autre performance.

        Intercepteur pur, on privilégie le taux de montée ; chasseur polyvalent, on privilégie la vitesse max ; escorteur, on privilégie la vitesse et le taux de montée dans la moitié inférieure du domaine de vol (comme le H75 par exemple)...

        Le LN 161 semblait de toutes manières avoir un équilibre de ses caractéristiques dans tout son domaine de vol qui en faisait un appareil sans défaut, étant bon à excellent à tous points de vue.

        Cordialement,

        D.

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      5. Je partage votre point de vue !

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    2. Bon le seul moyen de savoir c'est d'en reconstruire 1.
      Des expert sous Catia v5 ? :)

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      1. Votre suggestion est très intéressante mais il faudrait reconstituer les plans de l'avion, car je doute qu'on en dispose de nos jours. De la rétro-ingénierie à partir de quelques photos et des dessins publiés par l'Aéronautique, cela doit être assez sportif.

        A ma connaissance, il n'y a que Réplic'Air qui en soit capable, mais ils ont du pain sur la planche ! J'avais rencontré un membre de l'équipe qui s'était lancé dans la reconstruction du Bloch 152, mais je n'ai rien vu de plus que depuis son premier passage à la Ferté-Alais, il y a quelques années.

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    3. Merci pour ces informations sur cette avion trop peu connu

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    4. J'ai peut-être une explication quand à la vitesse maximum par rapport à l'altitude de rétablissement.

      L'article sur les moteurs Hispano-Suiza sur le site Wikipedia en langue anglaise donne pour le 12Ycrs une altitude de rétablissement de 4.000 m et pour le 12Y31, une altitude de 3.250 m. À part cela, c'était les mêmes moteurs, la renumérotation ayant été imposée par l'administration. Il est possible que le 12Y31 ait été, en fait, légèrement différent du 12Ycrs et que ce soit avec celui-là que les mesures de vitesses et de temps de montée aient été faites, ce qui les rendraient cohérentes.

      https://en.wikipedia.org/wiki/Hispano-Suiza_12Y#Variants

      Cordialement,

      D.

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      1. Bonjour cher ami, pardonnez mon retard dû à des pb. techniques.
        J'ai expliqué le problème des différences entre les performances aux altitudes en laboratoire et celles en vol dans un vieil article sur la moteurs à compresseurs (https://aviadrix.blogspot.com/2012/01/moteurs-compresseur.html).
        Cela concerne tous les constructeurs : Ainsi, pour le Spitfire à hélice DH à 2 pas, le moteur Merlin II donnait 998 hp à 12 200 ft (soit 3 708 m).
        Cependant, la meilleure vitesse est obtenue bien plus haut, à 18 600 ft, soit 5 654 m, pratiquement 2 000 m plus haut.

        Maintenant, ces changements de désignation ne nous aident en rien. Sur le site dédié au VG 33, on voit que cet avion avait un 12 Y 47 (si ma mémoire est bonne), qui était un 12 Y 31 avec une pompe à eau différente.
        Je préfère la nomenclature Britannique qui ne nous emmêle pas...

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    5. Bonjour,
      Question naïve, j'imagine qu'il existe aujourd'hui des logiciels de conceptions d'avions. Ne serait-il pas possible d'utiliser de tels logiciels pour, à partir des plans et des données moteurs recalculer l'ensemble des performances de avions de l'époque ?

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    6. Le logiciel Catia de Dassault Aviation permet sûrement ce travail. Mais, à mon humble avis, il ne doit pas être donné et il doit être utilisé par des professionnels très compétents.

      Petit bémol, les plans ne sont pas aussi disponibles que l'on aimerait le croire.

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    7. Bonjour DRIX, pour pouvoir avoir plus de chasseurs LN-161 en Mai 1940, il aurait fallut disposer d’un nombre de moteurs Hispano-Suiza suffisant. Cela aurait il était possible ? N’y a t II pas eu un manque de moteurs ?

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    8. La menace du manque de moteurs Hispano-Suiza semble avoir été un mensonge vertueux pour éviter de commander des chasseurs Morane.
      Cela n'a pourtant pas freiné la production de Dewoitine 520 ni d'Arsenal VG 33 et suivants.
      Il n'y avait, à ma connaissance tout au moins, aucun fait tangible limitant la fabrication de moteurs Hispano.

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      1. Je vous remercie pour votre réponse.

        Savez vous si dans un scénario alternatif, auquel l’organisation de la production aéronautique aurait été mieux gérée, combien de LN-401/ 411 voire même 402 aurait pu être disponible en le 10 Mai 1940 ?

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      2. Quand on crée un scénario alternatif (= uchronie), il n'y a plus de nombre précis d'avions, de chars ou de sous-marins. Le ou les auteurs ne peuvent que tenter de donner une évaluation.
        En l'occurrence, pour les chasseurs-bombardiers en piqué Nieuport, on peut imaginer au maximum 200, parce que le facteur limitant n'est plus un nombre d'avions mais un nombre de pilotes ayant une formation très compliquée. Les Allemands avaient 300 pilotes de Stuka.
        Comme nous sommes partis deux après eux, nous ne pouvions pas aller raisonnablement plus vite.

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